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Depuis la crise du Covid, l'essor de l'agriculture biologique a été freiné, et certains professionnels du secteur agricole ont fait marche arrière. En cause : un chemin long et fastidieux pour obtenir l’appellation label biologique. Pourtant, cette filière se présente toujours comme une avancée considérable aussi bien pour le respect de la Terre, de l’environnement et de la santé des êtres humains.

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Transcription
00:00Générique
00:06Le débat de ce Smart Impact, on parle de la filière de l'agriculture bio, des moyens de la soutenir avec Jean-Luc Allais.
00:14Bonjour, bienvenue, vous êtes le maire d'Hamel et vice-président de l'agglomération du Douaisy, on est dans le nord évidemment.
00:20Philippe Camburet, bonjour.
00:21Bonjour.
00:22Bienvenue à vous aussi, céréalier bio dans Lyon et président de la Fédération Nationale de l'Agriculture Biologique.
00:29Je commence par peut-être quelques mots sur ce territoire, on est évidemment dans l'ancien bassin minier, ça pèse quoi l'agriculture aujourd'hui ?
00:36Au-delà du bio, l'agriculture en général ?
00:38Sur notre territoire de Wésiaglo, c'est encore quand même 50% de la surface agricole, de la surface du territoire.
00:46La SAU c'est la moitié, on a un territoire de 22 000 hectares, on a encore 11 000 hectares quand même d'agriculture.
00:52Agriculture de grandes plaines, blé, betterave, céréales classiques, très peu malheureusement de bio malgré tous les efforts qu'on mène depuis maintenant une vingtaine d'années.
01:04Même si on a réussi à multiplier par 10 la surface en bio, on est à peine à 5% de surface en bio sur le territoire.
01:12Philippe Camburet, c'est vrai que la filière de l'agriculture bio, elle souffre, on ne va pas faire semblant, depuis quoi, 2-3 ans ?
01:21Depuis un petit peu avant le confinement, on a vu une érosion de la demande, la consommation a commencé à diminuer et aujourd'hui on a beaucoup de fermes qui sont en difficulté
01:32parce qu'on n'a plus de débouchés et alors qu'on avait connu un changement d'échelle très intéressant pendant plusieurs années,
01:39donc aujourd'hui on se pose la question justement d'agir pour relancer cette demande et relancer la consommation.
01:45Ça veut dire qu'il y a des agriculteurs, des agricultrices qui font marche arrière ?
01:50Oui, quelques-uns par-ci par-là.
01:53Ce n'est pas beaucoup ou ça commence à être un phénomène ?
01:55Alors, moi ce que je regarde c'est les surfaces au niveau national, donc on a perdu des surfaces bio l'année dernière, on va probablement en perdre encore cette année,
02:05alors que l'agriculture biologique, elle est au rendez-vous de la protection de la biodiversité, la protection de l'eau, on va en parler tout à l'heure,
02:12avec toujours une alimentation de qualité et donc aujourd'hui la question se pose pour les pouvoirs publics de relancer cette filière-là,
02:19enfin une bonne fois pour toutes et durablement.
02:21Les objectifs sont très hauts, on devrait doubler les surfaces d'ici 2030 mais je crois que là on n'y arrivera pas, on n'y arrivera pas malheureusement.
02:30Alors on va rentrer un peu dans le détail parce que soyons positifs, il y a des leviers à activer et c'est ce que vous faites dans un territoire comme le vôtre,
02:37Jean-Luc Ali, d'abord quel intérêt, pourquoi développer la bio, au-delà des intérêts environnementaux qui sont évidents, mais qu'est-ce que ça représente pour un territoire ?
02:45Des intérêts environnementaux et ça a des conséquences sur la santé des habitants, moi je suis élu pour que mes habitants vivent mieux,
02:51et vivre mieux c'est d'abord vivre en bonne santé et là on en a besoin pour notre alimentation.
02:56Puis c'est aussi des conséquences sociales puisque le nombre d'emplois créés par la culture biologique c'est trois fois plus que l'agriculture traditionnelle.
03:04Dans les Hauts-de-France on crée un emploi tous les 8 hectares en bio et un emploi tous les 22 hectares en traditionnel, en conventionnel, on va pas dire en traditionnel on va dire en conventionnel.
03:15Et c'est de l'emploi par définition non délocalisable ?
03:18Exactement, c'est tout bon pour un élu, il a tout intérêt à le faire, en dehors de la qualité de l'eau, de la qualité de l'air et tout ce qu'on veut, et la qualité des sols aussi.
03:29Les sols on va les transmettre aux futures générations.
03:32Donc il y a des moyens, pour avoir public on peut intervenir en sachant que lorsque l'agriculteur se lance dans une conversion c'est une aventure pour lui quand même,
03:46parce qu'il n'a pas sa boîte à pharmacie pour aller résoudre le problème.
03:50Et donc ça veut dire quoi ? C'est de l'argent tout simplement ? C'est des subventions ? C'est de l'incitation en termes de consommation ?
03:57C'est tout ça. C'est un accompagnement technique, parce qu'il faut qu'ils apprennent, qu'ils se remettent dans des nouvelles techniques.
04:04Ils échangent entre eux, donc c'est notre rôle à nous de servir de les mettre en contact.
04:09C'est assurer des débouchés, donc le travail avec les consommateurs, le travail dans la restauration collective.
04:15Il y a un champ énorme à faire qu'on a pénétré depuis maintenant encore une fois une quinzaine d'années, mais c'est aussi effectivement des incitations financières.
04:25Lorsqu'un agriculteur se lance dans la conversion, pendant deux ans il va être en conversion, il ne va pas pouvoir vendre au prix du bio,
04:34il va vendre au prix du traditionnel, donc il perd de l'argent.
04:37Donc à ce moment-là, il faut que la collectivité compense.
04:41Et nous on a mis en place une aide à la conversion qui s'ajoute aux autres aides à la conversion,
04:46qui est quand même substantielle puisqu'on va de 3000 euros le premier hectare, jusqu'à 1000 euros par hectare, jusqu'à 15 hectares.
04:53Ça veut dire, Philippe Cambure, vous avez cette semaine publié un communiqué de presse, vous demandez une stratégie nationale pour la viticulture bio.
05:03Alors ce qui est fait là à la dimension d'un territoire, vous voulez que cette logique soit la plus vaste possible, qu'est-ce que vous réclamez en fait ?
05:12Ce qu'on constate dans des années au climat plus qu'atypique.
05:18On n'a jamais connu une année comme on en a eu en 2024 avec des difficultés dans toutes les cultures, que l'on soit en bio ou que l'on soit en conventionnel.
05:27Aujourd'hui, ce qu'on demande pour les viticultrices et les viticulteurs bio, justement, c'est parce qu'ils sont plus respectueux de la nature,
05:35ils n'utilisent pas tout un tas de produits qui vont polluer l'eau, l'air, le sol, et bien ils vont récolter moins.
05:41Ils ont récolté moins cette année, par endroits, ils n'ont même rien récolté.
05:45La viticulture bio, c'est peut-être celle qui a le plus souffert pendant vos interrompes, mais en 2024, c'est vraiment la filière sinistrée de l'année.
05:52Absolument, parce que les conditions d'humidité ont favorisé le mildiou, que ce soit pour les pommes de terre ou les tomates aussi,
05:59mais en tout cas la viticulture a été très touchée.
06:01Donc on veut simplement des mécanismes qui permettent de durer dans le temps, c'est-à-dire que quand on a des bonnes récoltes,
06:08qu'on puisse justement faire de la précaution, du stockage de précaution, peut-être des aides fiscales aussi, mais en tout cas qu'on puisse durer dans le temps.
06:18Et si on n'apporte pas ça, les viticultrices et les viticulteurs vont se détourner progressivement de l'agriculture biologique,
06:24et on va se retrouver avec des territoires où on va encore baisser de surface.
06:28Moi ce que je voudrais souligner aujourd'hui, c'est qu'on est devant des élus qui veulent rentrer dans le gagnant-gagnant,
06:34développer de l'agriculture biologique, mettre un euro dans l'agriculture biologique, c'est dépenser beaucoup d'euros en moins sur l'eau potable.
06:44Aujourd'hui il y a un tiers de l'eau potable du robinet qui a encore des résidus de pesticides.
06:51Donc ça nécessite des sommes colossales pour dépolluer.
06:55Donc c'est du gagnant-gagnant que ces élus-là mettent en place sur leur territoire.
06:59Nous, dans notre fédération, on en accompagne plus de 400 sur le pays en entier,
07:04pour justement les aider sur la restauration collective, à mettre plus de bio dans leur cantine,
07:08mais aussi pour protéger leur zone de captage.
07:11Et on a justement un réseau d'une trentaine de territoires biopilotes qui forment une équipe.
07:17Chacun partage son expérience sur un sujet ou sur un autre, et enfin on voit arriver des solutions.
07:23Il y a beaucoup de territoires aujourd'hui qui sont bien plus loin que ces 10% de surface au niveau national,
07:28ou que ces 10% de bio à la cantine. Ils vont beaucoup plus loin parce qu'ils travaillent en équipe.
07:34Vous parlez de l'eau, on est dans ce qu'on appelle le bien commun, Jean-Luc Allais, finalement.
07:39C'est un bien commun qu'on doit protéger.
07:44Est-ce que ça veut dire qu'il faut valoriser, d'une certaine façon, les services rendus par l'agriculture bio ?
07:51Voilà ce que je veux dire.
07:52Quand on a un agriculteur bio, une agricultrice, l'eau va être de meilleure qualité.
08:00Donc il faut aussi lui dire merci, mais merci d'une façon sonante et trébuchante.
08:05Je suis tout à fait d'accord avec vous.
08:07C'est pour ça que je disais tout à l'heure qu'on ne va pas encore assez loin,
08:09même si on a des incitations financières variées et diverses que je n'ai pas le temps d'expliquer.
08:14Là on travaille, il va falloir 2 ans, il y a 2 ans de boulot derrière, ça coûte une fortune,
08:19sur ce qu'on appelle un PSE, un paiement pour services environnementaux.
08:23Et nous on va aller plus loin, ça s'appelle paiement pour services environnementaux et de santé publique.
08:28Parce qu'il s'agit bien de ça, il s'agit bien de santé publique de nos habitants.
08:32Ça veut dire quoi ?
08:33Ça veut dire qu'on met de l'argent pour payer le travail qui est fait par les agriculteurs,
08:37pour protéger la qualité de l'eau, la qualité de l'air et la qualité de l'alimentation.
08:43On estime qu'un agriculteur bio, il a besoin et les services rendus autour de 450 euros l'hectare.
08:49Donc on est parti là-dessus, ça coûte cher.
08:52C'est 1 million d'euros par an et on s'est engagé pour 5 ans sur 2 agglos.
08:57Le président Christian Poiret nous a donné son accord là-dessus pour trouver 5 millions d'euros sur 5 ans.
09:03Ça représente quoi sur le budget d'une agglo comme la vôtre ?
09:06C'est pas énorme, on a un budget à 130 millions d'euros, mais c'est quand même une somme.
09:10C'est 1 million par an, mais ça ne veut pas dire qu'on va mettre le million d'euros nous.
09:14On va les chercher ailleurs.
09:15On va les chercher où ? L'agence de l'eau qui protège les nappes phreatiques.
09:20On va les chercher à l'État, à l'Europe.
09:24On va les chercher partout où il y a des soucis, pas des soucis mais des envies de protéger la nature.
09:30Et puis il y a aussi les entreprises.
09:32Les entreprises, elles ont un outil qui s'appelle le RSE, la RSE.
09:36Oui, on en parle toujours ici.
09:38Et donc nous, sur notre territoire, on dit aux entreprises, rejoignez-nous.
09:42On a ce qu'on appelle un PAT, projet alimentaire territorial,
09:46qui a tout simplement l'ambition d'avoir un nouveau système alimentaire sur le territoire
09:51et où on agrège tous ceux qui veulent travailler.
09:54On a des fondations qui nous financent par exemple, et on a les entreprises.
09:58Et encore une fois, ça c'est un levier énorme.
10:00On a des gros groupes comme Renault, les usines de batterie,
10:03qui pourraient nous rejoindre pour financer ce travail-là.
10:07Si on parle d'entreprise, il y a quand même la loi EGalim.
10:09Il y a un pourcentage imposé de bio en restauration collective.
10:14Vous en voyez les effets de cette loi ou pas encore ?
10:18Aujourd'hui, malheureusement, c'est un fiasco.
10:20C'est vrai ?
10:21C'est un fiasco. On n'est pas encore à 10%.
10:23On devrait être à 20% depuis 2022.
10:25Oui, c'est ça. La loi, c'est 20%.
10:26Oui, 20% minimum de produits bio.
10:28Très peu d'entreprises le respectent.
10:29Très peu. On a quelques territoires qui sont très en avance.
10:32Mais c'est un fiasco aujourd'hui.
10:34Pourquoi ? Parce qu'il n'y a pas de sanctions ?
10:36Non.
10:37Pas de sanctions et pas de contrôle.
10:38C'est un vœu pieux. Pas de sanctions.
10:41Les collectivités font ce qu'elles peuvent et ce qu'elles veulent.
10:44Par moment, on va prioriser sur d'autres actions.
10:49Mais aujourd'hui, c'est ça le sujet.
10:51On a à notre portée quasiment 10 à 20% du marché global bio qu'on n'actionne pas.
10:58Alors que moi, je suis agriculteur et j'ai des collègues en difficulté sur toute leur filière.
11:04Aujourd'hui, on a ce problème-là.
11:07Et vous voyez qu'on a des collectivités qui viennent suppléer ce que la politique agricole commune ne fait pas.
11:14Aujourd'hui, on devrait avoir une PAC qui est là au rendez-vous pour rémunérer les services environnementaux.
11:19Malheureusement, à budget constant, ça veut dire qu'il faut donner un peu moins d'argent à une agriculture qui coûte cher par ailleurs.
11:27Le vrai prix de l'alimentation, ça devrait prendre aussi le prix de la dépollution, le prix de la santé publique.
11:31Et tout ça, ce n'est pas encore le bon calcul qui est fait.
11:34Merci beaucoup à tous les deux et à bientôt sur Bsmart.
11:37For Change, on passe à notre rubrique Startup tout de suite.

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