Baux commerciaux : droit de préemption loi Pinel avec Louise Duvernois, Associée, Veil Jourde.
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00:00On poursuit l'émission, on va parler du droit de préemption dans le cadre de la loi Pinel en
00:16matière de beaux commerciaux avec mon invité Louise Duvernoy, associée chez Veille Jourde.
00:21Louise Duvernoy, bonjour. Bonjour Arnaud. Nous allons voir ensemble les conditions
00:26du droit de préemption de la loi Pinel en matière de beaux commerciaux. Tout d'abord,
00:32qu'est-ce que le droit de préemption prévu par la loi Pinel en matière de beaux commerciaux ?
00:37Donc c'est un droit de préemption dont va bénéficier le locataire d'un bail commercial
00:41dans certaines conditions. Ce droit de préemption a été instauré par la loi Pinel il y a une dizaine
00:46d'années. Donc que prévoit ce texte ? L'obligation pour le propriétaire d'un local à usage commercial
00:52ou à usage artisanal, lorsqu'il envisage de vendre ce local, de notifier au locataire le prix et les
00:58conditions de la vente projetées. Et ça vaut offre de vente au profit du locataire. Et le locataire
01:03a alors un mois pour se prononcer et s'il accepte, à ce moment-là la vente doit se réaliser dans un
01:09délai entre deux et quatre mois si le locataire a recours à l'emprunt bancaire. Donc c'est un
01:14dispositif qui est lourd et qui peut impacter de manière significative les délais d'une
01:20transaction. Alors ce qu'il faut savoir c'est que la cour de cassation a reconnu le caractère
01:25d'ordre public de ce droit, c'est-à-dire qu'on ne peut pas y déroger contractuellement. Et la
01:30sanction attachée à ce droit est lourde puisque toute vente conclue en violation de ce droit est
01:35entachée de nuité. Et pour que ce droit s'applique, il faut que la vente porte sur un local à usage
01:41commercial ou à usage artisanal et ce critère suscite quelques interrogations. D'accord,
01:47on a bien vu les contours du droit de préemption, sa définition, les sanctions. Est-ce que le droit
01:53de préemption prévu par la loi Pinel s'applique aux locaux de bureaux et aux entrepôts ? Alors
01:58justement Arnaud, c'est un point qui en l'état du droit actuel n'est pas tranché avec certitude.
02:02D'accord. Pourquoi ? Parce que la loi ne définit pas ce qu'est un local à usage commercial ou à
02:07usage artisanal. Ensuite la doctrine est assez divisée sur le sujet, que ce soit pour les locaux
02:13de bureaux ou les entrepôts. Vous avez une partie de la doctrine qui va considérer qu'il convient
02:19d'exclure systématiquement les bureaux et les entrepôts du champ d'application du droit de
02:23préemption Pinel. D'accord. Une autre partie de la doctrine qui au contraire va considérer à partir
02:27du moment où les bureaux et les entrepôts sont loués dans le cadre d'un bail commercial, on va
02:32devoir appliquer ce droit de préemption. Et vous allez avoir une dernière partie de la doctrine
02:35qui elle va être plus mesurée, plus nuancée. Par exemple en matière de bureaux, selon cette
02:41partie de la doctrine, on va devoir distinguer si les actes de commerce sont accomplis à l'intérieur
02:45des locaux. Et est-ce qu'on se trouve dans un local où une clientèle est accueillie, type vous savez
02:52les bureaux boutiques, agences bancaires, agences immobilières, qu'on retrouve en pied d'immeuble.
02:56Et c'est uniquement dans ce cas-là, pour cette partie de la doctrine, qu'on doit appliquer le
02:59droit de préemption Pinel. Et vous avez eu une réponse ministérielle en avril 2021 qui elle a
03:05indiqué qu'il convenait de ne pas appliquer le droit de préemption Pinel aux bureaux et aux
03:11entrepôts. Et cette réponse ministérielle était en ligne avec la pratique majoritaire à l'époque.
03:17Et au niveau de la jurisprudence, on n'a pas tellement de jurisprudence en matière d'entrepôts.
03:23En matière de bureaux, la cour de cassation ne s'est pas prononcée sur le sujet. Mais on a deux
03:29arrêts de cour d'appel en 2021 et 2022, qui ont été rendus par la cour d'appel de Paris et la
03:35cour d'appel de Rennes, et qui ont reconnu aux locataires commerciales de bureaux un droit de
03:41préemption. Alors ce qu'il faut savoir, c'est que ce locataire, Arnaud, exerçait dans ses locaux
03:47une activité commerciale. C'était une activité d'administration de biens. Donc ces arrêts ont
03:52entraîné une confusion sur le marché, parce que certains y ont vu l'affirmation selon laquelle
03:58il fallait purger le droit de préemption pinelle en matière de bureaux, et d'autres ont considéré
04:03qu'il ne fallait pas donner une portée aussi large à ces arrêts. Parce que ces arrêts, finalement,
04:07avaient été rendus dans ce sens-là, parce que le locataire exerçait une activité d'administration
04:12de biens. Donc on était précisément, selon eux, dans le cadre d'un bureau boutique. Et c'est pour
04:16ça que ça avait été statué en ce sens. Quelles sont les conséquences pratiques, du coup ? Alors
04:20les conséquences pratiques, comme je vous l'ai dit, la sanction est assez lourde. C'est la nullité
04:23de la vente. Donc compte tenu des incertitudes qui pèsent dans la matière, on assiste de plus en
04:29plus à ce qu'on appelle des notifications par prudence. Ça veut dire quoi ? C'est-à-dire que
04:33dans le cadre d'une transaction, dans le doute, on va préférer notifier au locataire les conditions
04:42et le prix de la vente, pour lui proposer d'exercer son droit de préemption, alors même qu'il n'est
04:47pas certain qu'il en bénéficie. D'accord, mais on préfère agir avec prudence, du coup, et plutôt
04:53prévenir que guérir, comme on dit. C'est un peu la situation à laquelle on se retrouve aujourd'hui.
04:57Mais ce qu'il faut savoir, c'est que bien souvent, dans le cadre d'une transaction, il y a un dialogue
05:01qui va être instauré entre un vendeur, un acquéreur et les conseils respectifs des parties,
05:06pour savoir si, oui ou non, il convient de purger le droit. Et en fonction de là ou du côté dans
05:10lequel on se place, si on se place du côté du vendeur ou du côté de l'acquéreur, les impacts
05:13ne sont pas les mêmes. Vous voyez, quand on est côté du vendeur, on peut se dire qu'il a tout
05:18intérêt à purger de manière prudente le droit de préemption, parce qu'il évite ainsi l'inuité de
05:23la vente. Et puis, si le locataire accepte, tant mieux, son livre sera vendu. Alors que quand on
05:28se place du côté de l'acquéreur, c'est un peu différent, parce que l'acquéreur risque de lui,
05:32de se retrouver évincé d'une transaction pour laquelle il a bien souvent engagé des frais.
05:37Alors, le projet de loi simplification de la vie économique entend clarifier cette situation. Quelles
05:43sont les clarifications apportées par ce projet de loi ? Alors, ce projet de loi qui a été adopté
05:48par le Sénat en octobre dernier, et qui doit encore faire l'objet d'un examen par l'Assemblée
05:53nationale, prend justement soin de définir ce qu'il faut entendre par local à usage commercial et
05:58local à usage artisanal. Donc, selon ce projet de loi, un local à usage commercial c'est un
06:05local qui est aménagé à titre principal pour la réception de la clientèle et en vue de la
06:10réalisation sur place d'actes de vente ou de prestations de services. Et un local à usage
06:15artisanal, ce serait un local aménagé à titre principal pour la réalisation sur place d'actes
06:21de production, de transformation, ainsi que pour la vente résultant de ces activités, et dans
06:28laquelle la clientèle serait reçue à titre habituel. Ainsi, ce projet de loi, s'il était
06:35adopté en l'état, il permettrait d'exclure la plupart des entrepôts et des bureaux du
06:41champ d'application droits de préemption Pinel, parce qu'effectivement les bureaux classiques type
06:46administration ainsi que les entrepôts de stockage, par exemple, n'ont pas pour fonction principale
06:52d'accueillir de la clientèle ou de réaliser sur place des prestations d'actes de vente ou de
06:57production. D'accord. En définitif, quel est l'impact attendu par cette clarification ? L'impact
07:03attendu, c'est évidemment d'exclure, comme je l'ai dit, la plupart des entrepôts et des bureaux du
07:10champ d'application du droit de préemption Pinel, éviter du coup la multiplication des
07:15notifications par prudence, harmoniser les pratiques en la matière et apporter une meilleure sécurité
07:20juridique aux opérations immobilières portant sur ces actifs. Et pour vous, c'est une bonne chose ?
07:25Oui, c'est une très bonne chose. Merci pour cet éclairage. Louise Duvernoy, je rappelle que vous
07:31êtes associée au sein du cabinet veille-journe. Tout de suite, l'émission continue, on va parler
07:36critique d'une marque par un influenceur.