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00:00Mohamed Sifaoui, bonsoir, merci d'être avec nous, journaliste, politologue, auteur de l'ouvrage Hamas, plongé au cœur du groupe terroriste.
00:06Vous aussi vous êtes sous protection policière, tiens, Mohamed Sifaoui.
00:10Oui, bonsoir.
00:12Vous aussi, je disais, le travail des journalistes qui devient de plus en plus difficile.
00:16J'étais en train de parler, je ne sais pas si vous avez écouté ça, Mohamed Sifaoui.
00:19Oui, j'ai écouté, ça s'est malheureusement banalisé, plus personne ne sont au Fusk.
00:27Vous avez raison de lancer un coup de gueule, vous savez, moi, ça fait 22 ans maintenant que je suis sous protection policière.
00:3422 ans, vous écoutez, c'est incroyable.
00:37Les Français, de façon générale, considèrent que c'est mon problème.
00:40En fait, ils ne voient pas que c'est le symptôme de quelque chose.
00:45Et je dirais, je le suis dans l'indifférence générale, y compris l'indifférence de celle des médias et des journalistes.
00:53Et donc, en vérité, tout le monde recueille aujourd'hui ce qu'on a laissé faire pendant plusieurs années.
01:02C'est un pays qui, malheureusement, connaît un effondrement de la pensée stratégique à tous les niveaux.
01:11Pas seulement au niveau politique, même au niveau des médias.
01:15Parce que, lorsqu'il y a quelques années, je trouvais anormal, par exemple,
01:18que des journalistes, en allant dans des quartiers, prennent des fixeurs.
01:23Vous savez, moi, des fixeurs, j'en prenais les premières années, quand j'allais au Pakistan, dans les zones privales.
01:28C'est dans les zones privales pakistanaises que je prenais un fixeur, pas pour aller à Hounessouba.
01:34Et donc, si vous voulez, c'est ça le symptôme de quelque chose qui est terriblement profond et qui est vécu avec une certaine indifférence.
01:46Alors, il y a parfois, quand il y a des drames, alors heureusement, moi j'apprends à travers votre antenne ce qu'il s'est passé pour ces deux consoeurs.
01:54Et évidemment, il faut encore une fois s'en offusquer.
01:58Mais je me pose la question, en France, en attendant que les drames surviennent, pour qu'on s'indigne.
02:05Moi, j'ai une indignation quotidienne sur beaucoup de choses.
02:09Pas seulement sur ça, mais sur le fait qu'on laisse faire, on laisse dire un certain nombre d'idioties, on laisse se banaliser un certain comportement.
02:19Pour ne pas faire de vagues.
02:21Oui, justement, je pense que c'est sur votre antenne que je l'ai dit la dernière fois, il faut lutter contre l'idéologie du pas de vaguisme,
02:29qui s'est propagée de façon inquiétante en France depuis maintenant au moins une vingtaine d'années.
02:37Au moins une vingtaine d'années.
02:39Mohamed Sifaoui, je voudrais qu'on revienne un instant, et c'est pour cette raison aussi qu'on voulait vous entendre ce soir.
02:43Vous avez évidemment lu le communiqué des autorités algériennes, qui donc répondent à la France, et expliquent pourquoi elles n'ont pas accepté sur leur sol l'influenceur qui avait été expulsé.
02:55Pas de réponse pour l'instant du Quai d'Orsay, qui se fait extrêmement discret après la publication de ce communiqué.
03:02Vous l'avez lu, ce communiqué, Mohamed Sifaoui, qu'est-ce que vous en pensez ? Comment faut-il le traduire ce communiqué ?
03:08Ce communiqué est dans la suite logique de la position exprimée par le régime algérien depuis maintenant plusieurs mois.
03:20Donc, je ne pense pas qu'il faille systématiquement, enfin c'est un point de vue personnel, répondre.
03:26Il faut éviter d'aller vers une bataille de chiffonniers, et il faut arrêter ce triste spectacle, parce qu'il y a deux choses à distinguer.
03:36Il y a effectivement aujourd'hui un régime autoritaire incarné par un président qui est en train de devenir complètement fou, en l'occurrence Abdelmajid Tebboune,
03:47et de l'autre côté la France, qui est une démocratie, et avec laquelle normalement l'Algérie a tout intérêt à avoir, de toute façon c'est un intérêt réciproque,
03:57d'avoir des relations à la fois apaisées et sérieuses.
04:01Il se trouve que les relations se sont considérablement détériorées, je ne vais pas revenir sur les raisons de cette détérioration,
04:10qui ne sont pas liées uniquement à la déclaration française, mais qui sont liées aussi au manque de sérieux du pouvoir algérien encore une fois.
04:19Mais il y a là aussi quelque chose qu'il faut regarder en profondeur.
04:24Moi je souris gentiment en regardant toute la presse faire de ces histoires de petites frappes qu'on appelle gentiment influenceurs,
04:35qui sont sur les réseaux sociaux, une affaire d'Etat.
04:38Il ne faudrait pas en parler sur vous, Mohamed Sifahi ?
04:41Il faut aller au fond du sujet.
04:44D'abord, premièrement, ça fait des années que ces voyous insultent la France, les Français, disent-ils la haine, l'islamisme, l'antisémitisme sur les réseaux sociaux.
04:54Ce n'est pas nouveau, ça n'a pas commencé la semaine dernière.
04:56Je suis donc étonné qu'on découvre ça depuis quelques jours.
05:01Je regarde les réseaux sociaux, je suis présent, je publie sur certains de ces réseaux sociaux.
05:07Je suis moi-même un jurier insulté, menacé.
05:1180% des menaces que je reçois, je les reçois des réseaux sociaux.
05:16Si vous voulez, les réseaux sociaux, on sait très bien qu'il y a une camarilla qui les utilise, des gens frustrés.
05:24Il y a de tout, il y a Toto et Jojo qui, évidemment, n'ont absolument rien dans leur vie et qui passent leur temps à insulter.
05:33Alors oui, c'est grave, il faut sévir.
05:35Mais encore une fois, il y a plus que ça.
05:38Les influenceurs, comme les médias les appellent aujourd'hui, sont à Barbès.
05:41Ils ont pris en otage tout un quartier où il est impossible pour des gens comme moi d'aller se balader.
05:48Allez envoyer une équipe de télévision ou de radio ou des journalistes à Barbès et vous allez voir.
05:53Et là, vous avez ce qu'on appelle les influenceurs algériens aussi.
05:57Vous avez un certain nombre de lieux où ces gens peuvent se retrouver quand on veut les arrêter.
06:05Mais il ne faut pas laisser faire le régime algérien.
06:10Il y a une camaraderie et une connivence de la France à l'égard du régime algérien qui dure depuis plusieurs années.
06:18Et au lieu de faire de ces influenceurs qu'il faut régler par des décisions de justice,
06:24c'est-à-dire des décisions de justice en bonne ou due forme, soit de l'emprisonnement,
06:29soit effectivement en ficelant des dossiers solides, des mesures d'expulsion,
06:34il faut trouver des solutions à cela.
06:37Mais il faut aller attraper le problème à l'origine.
06:41A l'origine, vous avez une connivence malsaine entre une démocratie, la France en l'occurrence,
06:48et un régime autoritaire qui crée les conditions du désespoir de sa propre population,
06:53qui la fait rentrer dans une logique schizophrénique, qui l'amène à quitter l'Algérie.
06:58C'est-à-dire à quitter l'Algérie.
07:00Tous ces gens qui insultent la France et qui disent aimer l'Algérie ne préfèrent pas pour autant vivre en Algérie.
07:07Donc il faut se poser la question, pourquoi ?
07:09Parce que vous avez un pouvoir autoritaire illégitime qui a pris en otage ce pays,
07:15qui s'est octroyé les attributs de la souveraineté et qui ont fait ce qu'il veut
07:20dans une logique mafieuse et dans une logique corruptrice.
07:24Donc, par conséquent, la France a des dossiers, la France a les leviers,
07:29la France peut dès demain actionner, par exemple, ses différentes juridictions sur les biens mal acquis.
07:35Il y a des cartes de séjour qui ont été octroyées à des enfants, des fils, des caciques du régime.
07:42Il y a des produits de la rapine algérienne qui sont dans les banques françaises.
07:51Il y a pourtant des lois dans ce pays.
07:53Quand vous allez déposer 2000 euros en espèces, on vous demande de les avoir.
07:57Pourquoi la France ne bouge pas ? C'est ça qu'on n'arrive pas à comprendre.
08:01La France ne bouge pas.
08:04Pascal, prenez votre téléphone et appelez l'Elysée,
08:08ou appelez le deuxième étage du quai d'Orsay qui s'occupe du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord
08:13et dites-leur pourquoi, depuis tant d'années, il y a cette connivence,
08:17pourquoi on donne des visas à des gens dont on sait...
08:20Mais vous avez une idée, vous avez un début d'explication, vous Mohamed.
08:22Mais parce qu'il y a la raison d'Etat.
08:24Depuis des années, il y a des intérêts partagés, il y a des amitiés.
08:28C'est pour ça que je dis qu'il faut faire attention.
08:30C'est-à-dire, encore une fois, il faut séparer deux choses.
08:33Il y a aujourd'hui deux pouvoirs qui sont en train de se chamailler,
08:36et je ne les mets pas sur un pied d'égalité,
08:39et il ne faut surtout pas insulter l'avenir et entraîner les peuples dans cette dispute
08:49qui est en fait une dispute liée à une relation passionnelle
08:55qui était à l'origine une relation amicale entre deux hommes,
08:58Emmanuel Macron et Abdelmajid Tebboune.
09:00Abdelmajid Tebboune réagit avec passion et avec folie
09:03parce qu'il se sent floué ou trahi par Emmanuel Macron.
09:06L'histoire, il faut aussi la réduire à son expression humaine.
09:11Et donc, si vous voulez, jusqu'à il y a quelques mois,
09:13la France était dans une connivence totale avec ce régime.
09:16La France s'est toujours empressée, y compris quand Bouteflika était là,
09:20d'être le premier pays qui félicitait le président algérien
09:23après chaque mascarade électorale.
09:25Alors qu'on sait très bien que le peuple algérien est volé de son pays.
09:31La France a toujours été un soutien total de cette dictature algérienne.
09:36Il faut donc arrêter l'hypocrisie.
09:38Ce n'est pas parce qu'aujourd'hui Emmanuel Macron a envie de se disputer
09:42avec Abdelmajid Tebboune que toute la France et toute l'Algérie doivent rentrer en guerre.
09:46Moi, je refuse cette logique-là.
09:49Et encore une fois, comme je refuse l'idée de finalement regarder
09:53que cette partie immergée de l'iceberg, dans l'occurrence,
09:56ces petites frappes, ces petits voyous qui sont sur les réseaux sociaux,
09:59qui doivent être traités, encore une fois, je ne dis pas qu'il ne faille rien faire,
10:03mais le sujet, le problème, le fond du problème n'est pas à ce niveau-là.
10:07Encore une fois, le fond du problème, il est dans la redéfinition
10:11des relations algéro-françaises ou franco-algériennes sur une base saine.
10:17Parce que jusque-là, les relations franco-algériennes ont évolué sur une base malsaine.
10:23Faites de connivences malsaines, faites de copinages et faites de passe-droits
10:28qui ont été octroyés à des gens qui ne sont rien d'autre que des corrompus
10:32et des corrupteurs et sur lesquels on a fermé les yeux.
10:35Merci beaucoup, mais c'est extrêmement intéressant.
10:38Merci beaucoup d'avoir été en direct avec nous sur Europe 1.
10:42Merci journaliste, politologue, auteur de l'ouvrage,
10:45Thomas, plongé au cœur du groupe terroriste. Il est 20h29 sur Europe 1.