La culture du bambou en France se développe pour compléter nos besoins en bois. Cette plante séquestre le carbone, produit de la biomasse et constitue une option alternative pour les agriculteurs. De nombreux avantages pour faire face à une demande en bois de plus en plus importante. Christophe Downey, cofondateur d’Horizom, nous explique l'importance du bambou et détaille sa place au cœur de la bioéconomie.
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00:00L'invité de Smart Impact, c'est Christophe Donnet. Bonjour.
00:09Bonjour.
00:10Bienvenue. Vous êtes le cofondateur d'Horizome, créé en 2022 avec Dimitri Guyot et Stéphane Halsey.
00:15Alors, votre métier, c'est le bambou, d'une certaine façon. Pourquoi vous avez décidé d'en cultiver en France ?
00:22Bien, le bambou existe partout dans le monde, mais en fait, il pousse très bien sous nos latitudes.
00:28Et donc, Horizome a été créé en 2022 et a vocation de développer cette filière en France avec un triple objectif,
00:36c'est qu'il serait du carbone, produire de la biomasse qui est une matière première intéressante pour l'industrie
00:42et également proposer une diversification résiliente et rentable pour les agriculteurs.
00:47Oui, ça permet aussi une augmentation de leur revenu. On va reprendre ces trois thématiques.
00:51D'abord, pour savoir, vous nous dites que ça pousse bien. Alors, vous produisez où et dans quelles dimensions, en quelque sorte ?
00:57Alors, on produit aujourd'hui essentiellement sur le gros quart sud-ouest de la France, donc de la Vendée.
01:05On a des gros projets dans l'Inde où on est en train de développer un projet sur 350 hectares.
01:09Et on a aussi des projets qui descendent, on va dire, jusqu'aux Pyrénées-Atlantiques avec des projets dans les Landes, dans le Gers, en Dordogne.
01:15C'est adapté à toutes les régions ? Ça pourrait pousser dans toutes les régions françaises ?
01:18Ou alors dans le nord, il fait un peu trop froid ? Enfin, je ne sais pas, je pose vraiment des questions basiques.
01:23Ça pourrait pousser dans différentes régions. Il faut éviter quand même les climats trop froids, il faut éviter les climats trop secs.
01:32Et il y a un enjeu aussi de créer des gisements au niveau territorial pour optimiser les filières et éviter une logistique trop complexe avec un transport.
01:46Si on fait faire 3000 kilomètres au bambou après leur produit, ce n'est pas très cohérent en termes environnementaux.
01:51En tout cas, vous êtes venu avec, j'imagine, des éléments qui sont produits à base de bambou. C'est quoi et à quoi ça sert ?
02:04Absolument. En fait, le bambou, c'est comme du bois. Dans sa composition chimique, ça ressemble beaucoup au bois.
02:11On vient récolter des plaquettes de bambou qui ressemblent aux plaquettes forestières qui viennent de nos forêts.
02:18Ensuite, on va pouvoir le défibrer pour en faire différents matériaux et on va aller sur les mêmes marchés que le bois industrie.
02:28Concrètement, on va pouvoir en faire des biomatériaux. On peut par exemple faire des biomatériaux qu'on va utiliser dans la construction.
02:35On a des panneaux de fibre, des panneaux de particules. On peut faire des panneaux d'isolant. On peut en faire également du papier.
02:43Bien entendu, on peut en faire de la bioénergie. On peut en faire des granulés qu'on va ensuite utiliser sous forme de combustible.
02:51Ensuite, on a aussi tout l'univers, ce qu'on appelle la chimie du végétal, où on va venir récupérer les composants de la biomasse
02:58pour en faire des résines, des polymères, des bioplastiques ou encore des biocarburants.
03:03C'est pour ça qu'on parle de mine verte souvent à propos du bambou ?
03:07On parle de mine verte parce qu'effectivement, c'est une ressource qui est très intéressante, qui a un fort taux de renouvellement
03:13et qui va pouvoir venir complémenter la ressource en bois disponible.
03:18C'est complémentaire. Ce n'est pas forcément destiné à remplacer. Parce qu'on ne manque pas de bois en France à ma connaissance.
03:24On manque de bois.
03:26En tout cas, on va manquer de bois. Quand on regarde aujourd'hui les équilibres entre l'offre et la demande,
03:33on voit un déséquilibre croissant avec une demande de plus en plus importante.
03:38Pourquoi ? Parce qu'on va demander de plus en plus de biomasse notamment ? C'est pour ça que vous dites qu'à l'avenir, on va manquer de bois ?
03:43C'est ça. Si on prend juste un petit peu de recul et qu'on regarde comment est-ce qu'on va décarboner notre économie jusqu'en 2050.
03:52On a deux leviers. Il faut qu'on double les puits de carbone et en même temps, il faut qu'on réduise par 5 les émissions.
03:59Les puits de carbone, c'est nos forêts et les émissions, c'est diviser par 5 les émissions.
04:07On va le faire avec plus de sobriété et également en changeant notre façon de se nourrir, notre façon de vivre, notre façon de produire.
04:15Ça, ça va se faire via le développement de ce qu'on appelle la bioéconomie.
04:19Aujourd'hui, le bambou a tous les atouts pour être au cœur de cette révolution de bioéconomie.
04:24Est-ce que c'est plus respectueux de l'environnement de cultiver du bambou que le bois par exemple ?
04:31Si on essaie de comparer si on produit de la biomasse venue du bambou ou les autres ?
04:37Ce n'est pas complètement comparable en termes de culture.
04:41La forêt, c'est une exploitation forestière sur les terres forestières.
04:45Là où nous, on vient remplacer ou en tout cas diversifier des surfaces agricoles.
04:51Quand on s'intéresse concrètement à la culture, on a une culture qui est intéressante parce que c'est une culture pérenne qui ne demande pas de travail du sol.
04:59C'est une culture qui demande peu d'intrants. C'est une culture qui ne demande pas de pesticides.
05:04C'est une culture qui a un taux de croissance très rapide et qui va venir séquestrer du carbone naturellement, rapidement.
05:11Est-ce qu'elle a besoin de beaucoup d'eau, la culture de bambou ?
05:14Ça n'a pas besoin de beaucoup d'eau, mais ça a besoin d'eau parce que c'est une culture à vocation productive.
05:21Pour avoir de la production, on a besoin d'eau.
05:24Nous, on travaille beaucoup sur les impacts environnementaux de la culture et on a des impacts qui sont très positifs.
05:31On a des impacts sur le sol parce qu'on a un taux de renouvellement racinaire, une chute des feuilles, ça crée de la biomasse.
05:38C'est très bon, ça crée de la matière organique pour les sols et ça vient rétablir la fonctionnalité des sols.
05:45On a des impacts positifs sur le cycle de l'eau parce qu'on vient structurer le sol, limiter l'érosion.
05:50Ça permet également, au même titre que la forêt, de recréer de l'évapo-transpiration.
05:56Ça vient régénérer les sols et on a des impacts positifs en termes de biodiversité.
06:00On nous pose souvent la question.
06:02Quand on prend soin du sol, on vient aussi développer toute la vie microbienne dans le sol.
06:07Mais une bambouzette, c'est aussi un habitat adapté pour des oiseaux, des insectes.
06:12C'est une culture persistante, ça crée des corridors écologiques sur les territoires, entre des zones de biodiversité.
06:18Globalement, c'est une culture qui va pouvoir créer et générer des services qu'on appelle des services écologiques ou écosystémiques.
06:27Vous l'avez évoqué, la France doit multiplier par deux ses puits de carbone pour tenir les objectifs de neutralité de 2050.
06:36Là, on va parler de séquestration de carbone.
06:38Une exploitation de bambou, à quel point ça participe à la séquestration du carbone ?
06:45La séquestration de carbone est complètement fonction de la quantité de biomasse aérienne et souterraine sur un projet.
06:55C'est le même mécanisme que la forêt.
06:59C'est de la photosynthèse avec du CO2 qui est séquestré dans la plante.
07:04C'est une séquestration qui est absolument nécessaire.
07:07Ce qui est intéressant quand on réfléchit à la forêt, c'est qu'aujourd'hui, nos forêts sont victimes du dérèglement climatique.
07:13On a des sécheresses, on a du stress hydrique, on a des incendies, on a des maladies.
07:19Aujourd'hui, on demande à la forêt d'avoir ce rôle de puits de carbone et en même temps, on la sollicite pour sa ressource.
07:25Ce sont des objectifs qui sont contradictoires.
07:27Avoir une ressource avec un taux de renouvellement qui est beaucoup plus rapide que celui de la forêt,
07:32parce que nous, on récolte le bambou annuellement une fois qu'il est à maturité,
07:35par rapport à une forêt où on vient récolter tous les 30, 40, 50 ans, c'est très intéressant.
07:40On va réussir à apporter une ressource complémentaire et on va réussir à baisser la pression qui existe sur la forêt.
07:46Ça veut dire que pour les agriculteurs qui intègrent cette culture, c'est des crédits carbone qui vont pouvoir monétiser d'une certaine façon ?
07:55Aujourd'hui, notre objectif, c'est de développer cette culture-là.
07:58Pour développer cette culture-là, il faut que la culture soit rentable pour les agriculteurs.
08:02Effectivement, nous, on utilise tous les mécanismes à notre disposition pour que cette culture soit le plus rentable.
08:09On certifie nos projets pour générer des crédits carbone et des certificats carbone, mais derrière, il y a d'autres possibilités.
08:18Il existe des paiements pour services écosystémiques, par exemple,
08:21pour valoriser le fait que cette culture apporte beaucoup de co-bénéfices et de services écosystémiques.
08:28Ça, ça a une valeur en soi.
08:30Production de biomasse. Vous avez commencé à l'évoquer, mais il y a toujours cette question quand on parle de biomasse.
08:38À quoi on utilise nos terres agricoles ? À produire pour que nous, on soit nourris et aussi éventuellement un peu les animaux
08:46ou alors pour produire de la biomasse pour faire de l'énergie ? Vous voyez ce que je veux dire ?
08:49Absolument.
08:50Donc là, ça va venir dans une rotation ? Ça va remplacer des cultures alimentaires ?
08:54Alors, ça ne va pas venir dans une rotation parce que c'est une culture pérenne.
08:57On plante du bambou, on en plante pour 30, 40, 50 ans.
09:01En revanche, on assiste aujourd'hui à une mutation du monde agricole avec une modification des assolements.
09:09Et aujourd'hui, le modèle agricole, pour devenir plus résilient, il a besoin d'évoluer et on a besoin d'aller vers plus d'assolements.
09:16Donc, l'exploitation résiliente et rentable de demain, elle permet de produire de la nourriture pour notre souveraineté alimentaire,
09:26mais elle permet aussi de produire des matières premières qui sont essentielles pour décarboner tous les autres acteurs.
09:33Mais on ne peut pas faire les deux en même temps sur la même terre ?
09:35Non, on ne peut pas faire les deux en même temps, mais aujourd'hui, il y a une modification qui est nécessaire.
09:40Et quand on regarde aujourd'hui les surfaces agricoles en France, on a deux tiers des surfaces agricoles qui sont utilisées,
09:46ou 64% exactement, pour l'alimentation animale.
09:49Et on sait qu'on va devoir baisser la part de l'alimentation protéine animale.
09:55Donc ça, ça va libérer aussi des millions d'hectares. Et ces millions d'hectares, il va falloir faire un choix de dire qu'est-ce qu'on en fait.
10:01Et notre choix, c'est de se dire qu'il y a une partie de ces hectares qui va aller vers des cultures non alimentaires, pas seulement le bambou.
10:08Le bambou, c'est une ressource qui est très intéressante, mais il y en a d'autres. On a le lin, on a le chanvre.
10:12Toutes ces ressources sont des ressources qui vont être des bio-ressources pour cette nouvelle bioéconomie qui va peu à peu remplacer des produits d'origine fossile.
10:23Dernière question sur les perspectives. Là, vous nous dites que vous êtes mono-bambou en quelque sorte, ou alors vous commencez à réfléchir à d'autres cultures ?
10:30Pour l'instant, on est focalisé sur le bambou parce que nous, on travaille sur toute la filière.
10:36Donc on a notre pépinière où on développe nos propres plants dans les landes.
10:40Ensuite, on développe en partenariat avec des agriculteurs et sur nos propres projets des plantations pour cultiver le bambou et produire de la biomasse.
10:50Et ensuite, il y a tout l'aval de la chaîne de valeur avec toute la transformation à optimiser.
10:57Donc on a déjà largement suffisamment de travail.
11:00Merci beaucoup Christophe Donnet et à bientôt sur Be Smart for Change.
11:05On passe tout de suite à notre Zoom. On va parler du WWF et de ses actions.
11:11Ça rejoint un peu ce dont vous nous parliez de lutte contre la déforestation.