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00:00Il est 7h11 sur Europe 1, Dimitri Pavlenko, vous recevez ce matin l'ancien préfet Michel Auboin.
00:06Bonjour Michel Auboin.
00:08Bonjour Dimitri.
00:09Bienvenue sur Europe 1, ancien préfet on vient de le dire, ancien directeur également du ministère de l'Intérieur en charge de l'intégration des étrangers et des naturalisations.
00:18Vous avez écrit récemment le défi d'être français, c'est paru aux presses de la cité.
00:23Comment réduire l'immigration clandestine qui déstabilise Mayotte ?
00:27Mardi, dans sa déclaration de politique générale, François Bayrou a ouvert la voie à une nouvelle réforme du droit du sol dans l'archipel de leur côté.
00:35Les républicains vont proposer début février une loi pour durcir les règles d'obtention de cette nationalité française
00:42qui est convoitée par les clandestins qui débarquent à Mayotte, notamment pour y faire naître leurs enfants.
00:47Parce qu'un enfant qui naît sur le sol de France est un enfant de France.
00:52C'est bien ça le principe du droit du sol Michel Auboin ?
00:55Oui, alors ça, ça serait le principe théorique si c'était ça la loi française.
00:59Mais ce n'est pas du tout ça la loi française.
01:01C'est-à-dire qu'un enfant qui naît en France ne devient pas français parce qu'il est né en France.
01:06C'est un débat qui pour moi est un peu anachronique parce que je l'entends en permanence, on parle du droit du sol.
01:15En fait en France, on a un droit du sang, c'est-à-dire qu'on est français, on devient français.
01:21Selon le verbe naître, on est français dès lors qu'on a un parent français.
01:27Ou bien on est français dès lors qu'on a un parent qui est né en France.
01:33Et ça c'est ce qu'on appelle le premier, c'est le droit du sang.
01:40En résumé, vous dites Michel Auboin que la seule naissance ne suffit jamais à être français, ça c'est bien clair.
01:47Mais quand on passe un certain temps sur le sol français, malgré tout on peut le devenir.
01:51C'est le sens de toutes les réformes et le durcissement qui sont envisagées.
01:55Tout à fait, mais ce n'est pas un droit du sol.
01:59En termes de droit, c'est le droit lié à la naissance et à la résidence.
02:04C'est-à-dire qu'il faut avoir résidé.
02:06Et d'ailleurs la loi, tout ça est une loi ancienne, c'est 1889 le début de l'acquisition de la nationalité française et des naturalisations.
02:14Le droit français dit que ne devient français qu'un adulte de 18 ans qui aurait passé 5 ans en France à partir de l'âge de 11 ans.
02:31Et il faut remettre ça dans le contexte de la Troisième République, c'est-à-dire quelqu'un qui a été scolarisé.
02:37Parce qu'on estime, et ça c'est justifié, qu'un enfant qui a été scolarisé pendant 5 années minimum en France de façon continue est appelé à devenir français.
02:47On comprend bien la logique, il a été scolarisé donc il a appris à être français et donc il devient français.
02:52Bon, ça c'est vraiment le fondement.
02:54Alors ensuite, cette nationalité s'obtient de façon automatique, par déclaration, à 16 ans ou à 13 ans depuis.
03:04Parce que malheureusement, ou non, on a beaucoup assoupli ces règles.
03:09Pardonnez-moi, mais en fait le débat il est le suivant.
03:12On entend dire qu'il faudrait rendre plus difficile l'entrée dans la communauté nationale.
03:18Mais en réalité le sujet est le suivant.
03:20C'est-à-dire que certes vous n'êtes pas français si vous posez le pied en France,
03:25ou si votre papa, enfin si votre maman vous fait accouche sur le sol de France.
03:31Mais comme on n'expulse pas, comme on expulse si mal, avec la force du temps, on finit par le devenir.
03:37C'est un petit peu ça l'enjeu du sujet, Michel Auboin ?
03:39Oui, peut-être, mais la vraie question c'est surtout la reconduite.
03:44C'est ça.
03:45La reconduite à la frontière, c'est pas tellement le fait de faire devenir français.
03:49Parce qu'après tout, si un enfant né en France,
03:52et a passé en France de sa naissance jusqu'à 16 ans,
03:58a été scolarisé dans une école française,
04:00il n'y a pas tellement de raisons qu'il ne devienne pas français.
04:03D'ailleurs ces principes qui valent à Mayotte, avec un petit modulo d'application,
04:09sont les mêmes que ceux qui valent en métropole et partout sur les territoires de la France.
04:13Ce qui pose d'ailleurs un autre problème,
04:15qui est pourquoi on ferait une exception à Mayotte,
04:18qu'on ne ferait pas en Nouvelle-Calédonie, aux Antilles ou dans le nord de la France.
04:23Donc on a quand même une difficulté.
04:25Moi je pense que c'est un faux problème.
04:27Parce que vous voyez bien que des mères de famille accouchent à Mayotte.
04:32Elles accouchent à Mayotte d'abord parce que c'est la maternité de toute la zone.
04:35Mais bon, elles accouchent à Mayotte et souhaitent que leur enfant devienne français.
04:41Et par conséquent, elles pourraient le devenir aussi.
04:44Oui, après il faut quand même attendre.
04:47Vous voyez bien qu'il faut attendre très longtemps.
04:50Ça veut dire que cette personne qui est venue accoucher en France en situation irrégulière
04:57n'a jamais été reconduite chez elle pendant plus de dix ans.
05:00Et c'est ça le fond du problème.
05:02C'est-à-dire que si évidemment tout le monde s'installe et personne n'est jamais reconduit,
05:05c'est sûr qu'à la fin tout le monde devient français.
05:07Mais je ne pense pas que ce soit un préalable de la nationalité française à cette question.
05:13Quelles seraient les conséquences concrètement de la suppression du droit du sol ?
05:17Parce que c'est bien cela qui est envisagé par le Rassemblement national.
05:20Restriction du droit du sol, disent de leur côté les Républicains
05:24qui vont déposer une proposition de loi le mois prochain.
05:27On a déjà modifié en 2018 cette possibilité de faire naître la nationalité française
05:38en obligeant les femmes qui accouchent en France à avoir au moins trois mois de séjour avant la naissance.
05:47C'est-à-dire qu'en fait ce n'est pas les femmes qui arrivent, qui accouchent et qui aussitôt génèrent ce droit.
05:52Bon, c'est la seule distorsion qu'on a apportée au droit.
05:55C'est difficile de faire mieux.
05:57Le fond du problème des fraudes, ce n'était pas celui-là.
06:00Et c'est pour ça que ça m'étonne toujours que les parlementaires restent sur ce sujet.
06:03Le fond du problème des fraudes, c'est que ces femmes trouvent à Mayotte des hommes compatissants ou rémunérés
06:13qui déclarent la paternité de ces enfants, alors qu'ils n'en sont pas les pères.
06:18À ce moment-là, l'enfant est de père français, donc il est français.
06:22Vous voyez ? Et ça, c'est une fraude.
06:24La question, c'est comment on lutte.
06:26Alors, c'est déjà fait en partie, mais comment on lutte mieux contre cette fraude ?
06:29Et d'ailleurs, ce qui vaut à Mayotte vaut aussi en métropole.
06:32Parce que vous avez exactement le même phénomène.
06:34Il faut lutter contre les fraudes, c'est-à-dire ne pas autoriser des Français à se déclarer père d'enfants dont ils ne sont pas les pères.
06:43Alors, il y a une disposition pour Mayotte, c'est de vérifier quand même qu'ils ont bien payé les frais, par exemple, d'accouchement.
06:48Mais visiblement, ça ne suffit pas à endiguer le phénomène.
06:52Je suis un peu en porte-à-faux avec tous les hommes politiques sur ce sujet,
06:57mais cette question du droit du sol est une fausse question, à mon avis.
07:01Et en tout cas, une fausse réponse.
07:03Le vrai sujet, c'est de vérifier que les enfants ont bien été scolarisés en France.
07:08Ça semble être le B.A.B.A. Vous avez raison de le rappeler, Michel, au point fort de votre expérience préfectorale.
07:13Merci d'être venu nous en parler ce matin sur Europe 1.
07:16Bonne journée à vous. Je rappelle le titre de votre dernier livre,
07:18Le défi d'être français, aux presses de la cité.
07:21Bonne journée.

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