Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Jeudi 16 janvier 2025 : l'humoriste et actrice Caroline Vigneaux. Elle jouera son spectacle au Grand Rex, à Paris du 20 au 22 mars avant de partir en tournée dans toutes la France.
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00:00Bonjour Caroline Vignault, vous êtes humoriste et actrice, vous vous situez, pour reprendre
00:04vos termes, entre les jeunes et les vieux, donc à la moitié de votre vie.
00:07Il faut s'être constaté que vous aviez bien l'intention d'en profiter un maximum.
00:11L'avantage au regard de votre parcours, qui a débuté en robe d'avocate, c'est que vous
00:16avez su plaider pour mettre en avant votre passion.
00:18Pour le coup, la scène, les one-man show, vous ont fait prêter serment du barreau de
00:22Paris au Cours Florent.
00:23Il y a eu une lettre de démission et un spectacle, un premier one-woman show.
00:27Il était une fée déjantée, précisons-le.
00:29Tout ça pour quitter votre robe, robe que vous portez pourtant sur l'affiche de votre
00:34dernier one-woman show in Vignault Veritas, que vous jouez sur scène au Théâtre Édouard VII.
00:38On va en parler, parce que vous l'auto-produisez.
00:40Ce spectacle, pour dire la vérité, rien que la vérité, toute la vérité ?
00:43Mais pas que ! Non, je dis la vérité, mais je préviens au départ les spectateurs quand
00:49même que j'utilise beaucoup le second degré, comme j'ai vu que c'était un art qui se perdait.
00:53Et donc, avec humour, j'explique à mes spectateurs tous les soirs ce qu'est la différence entre
00:57le premier et le second degré.
00:58À quel moment vous décidez effectivement de passer de la plaidoirie à la vanne ?
01:02Déjà quand mon grand-père décède, je me rends compte que je vais mourir.
01:07En plus, il s'appelle Robert Schneider, c'est quelqu'un qui est important dans ma vie.
01:10Mais la planète continue de tourner comme si Robert Schneider n'était pas mort.
01:13Et du coup, je me dis, mais quand Caroline Vignault va mourir, ça sera pareil.
01:17Donc arrêtons de donner autant d'importance à la vie des gens et fais ce que tu veux,
01:21parce que de toute façon, une fois que tu seras morte, je le dis souvent, mais en deux
01:24générations, on nous oublie.
01:25Je ne connais pas les noms de mes grands-parents.
01:28Ça m'a donné une liberté, la mort en fait, le fait de s'avoir vivante et qu'il y avait
01:32une mort derrière.
01:33Grosse liberté.
01:34C'est là que je me suis dit, mais il y a un truc qui est là au fond, comme un énuphar
01:38qui pousse.
01:39C'est la comédie que j'avais découverte avec des avocats, on faisait des sketches
01:42entre amis.
01:43Et je me suis dit, mais c'est ça que je veux faire professionnellement.
01:45La plus grosse difficulté quand vous avez décidé effectivement de rendre les clés
01:51du barreau de Paris, parce que ce n'est pas simple, et de positionner cette robe-là,
01:55en tout cas la robe noire sur le cintre, c'était de l'annoncer à vos parents.
01:59Papa ingénieur, maman orthophoniste, ils ne l'ont pas forcément bien pris au départ.
02:04Ça a été même très cinglant, très difficile.
02:06Votre maman n'a jamais cessé de vous demander si vous aviez d'autres projets.
02:11Ce spectacle, il est pour votre père, Caroline.
02:14Vous en rigolez, mais il est décédé à 68 ans et ça a été un impact énorme.
02:18Vous dites, il était le moteur de ma vie.
02:20C'est vrai.
02:21Papa et moi, on était toujours l'un contre l'autre, comme on dit, en confrontation.
02:31Et j'essayais à chaque fois d'obtenir quelque chose.
02:33Ça ne marchait jamais et ça se terminait toujours de la même façon.
02:35Je prenais une gifle et j'étais enfermée dans ma chambre.
02:37Et je me rends compte, quand il est parti, c'est que tout ce que je faisais,
02:41c'était pour lui prouver, lui montrer que j'étais capable.
02:44Je lui disais, regarde, j'y arrive malgré ceci, malgré cela, t'as dit qu'il regarde.
02:47Et quand il est parti, c'est comme si je n'avais plus de contre-pouvoir ou de force.
02:54Et mon corps entier s'est effondré.
02:55J'ai dû être hospitalisée en urgence.
02:57Ça a été un drame.
02:59Ma sœur a vraiment paniqué parce qu'elle voulait perdre son père.
03:02Elle a cru qu'elle allait perdre sa sœur.
03:03Et d'ailleurs, c'est ma sœur qui, à l'hôpital, est venue me remettre la gourmette de mon père que je porte.
03:07En me disant, tu ne vas pas mourir, il va te protéger et tu vas rester avec moi.
03:10Et donc, depuis, je la porte.
03:11Le fait de monter sur scène, ça vous permet justement, Caroline, de dire des choses.
03:14Vous appelez une chatte une chatte.
03:16Vous assumez pleinement, vous donnez des chiffres improbables.
03:19Vous dites qu'un homme a déterminé que le pH du vagin de la femme était égal à celui de la bière.
03:28J'aimerais savoir qui a comparé ces mesures.
03:31D'être féministe, justement, de défendre la cause féministe.
03:34Vous avouez également sur scène que vous avez subi des agressions sexuelles.
03:39Non seulement j'en ai subi et pas qu'une, parce qu'on est quand même sur deux agressions sexuelles.
03:43Complètement aléatoires dans la rue.
03:45Donc là, c'est random et un viol par quelqu'un que je connaissais et je n'ai jamais porté plainte.
03:50Et je suis avocate et je suis une femme forte et je n'ai pas trouvé le courage d'affronter ce que affrontent les femmes qui vont porter plainte.
03:59La justice, le pourquoi, les questions.
04:01Qu'est ce qui t'est arrivé? Moi, j'avais qu'une seule envie de prendre une douche, oublier et surtout gérer la honte de façon très simple.
04:06Si vous n'en parlez à personne, vous n'avez pas honte puisque personne n'est au courant.
04:09C'est vous avec vous même et je me sentais mieux comme ça.
04:13Grâce à la vague MeToo, j'ai vu le courage de ces femmes.
04:15Il ne faut pas oublier que MeToo, ça veut dire moi aussi.
04:17Je me suis rendu compte, c'est fou, mais jusqu'à MeToo, je pensais que j'étais responsable,
04:22que je n'avais pas respecté telle ou telle règle de ne pas m'habiller comme ci, de ne pas ceci, de ne pas cela.
04:26Grâce à MeToo, je me suis dit en fait, ce n'est pas moi le problème.
04:28C'est un problème bien plus gros, plus endémique.
04:30Et elles m'ont fait du bien. Et après, je me sentais lâche en me disant, mais elles, elles y vont.
04:34Pourquoi tu ne vas pas? Parce que j'avais peur d'assumer ce que j'ai dû subir depuis.
04:38Elle fait ça pour vendre des places. Ce n'est pas vrai. C'est la mode.
04:41Je ne sais même pas des horreurs. Et au bout d'un moment, je dis ça suffit.
04:44Maintenant, je vais moi aussi y aller. Je dis que je suis féministe.
04:46Il n'y a pas de raison, mais je vais pouvoir le faire dans un lieu qui est mon lieu,
04:50mon spectacle et je vais aller plus loin.
04:52Je vais en faire rire pour laisser un message fort qui est ça ne nous détermine pas.
04:57Et laisser un message aux agresseurs. Malgré ça, on va continuer à rire.
05:00On va continuer. Vous n'avez pas à foutre complètement notre vie en l'air.
05:03Au fil du temps, vous avez décidé de continuer à garder cette indépendance
05:07qui est très, très importante à vos yeux, parce que ça a toujours été des paris.
05:10Vous avez réussi à planter un métier incroyable pour monter sur scène et jouer l'instabilité.
05:16Vous autres produisez ce spectacle.
05:18Caroline, c'est difficile aujourd'hui de monter sur scène, d'être, de se faire produire.
05:24C'est pas ça. Je pense que oui, c'est difficile de faire un choix personnel.
05:27Mais c'est surtout difficile d'entendre non.
05:29Quand vous avez une vision, dis moi, j'aimerais bien faire ça.
05:31Oui, mais non, c'est trop risqué. Non, plutôt fait ça.
05:34C'est mieux comme si. Et puis, et je n'ai pas trouvé de femme productrice.
05:39J'ai toujours été produite par des hommes. Et à un moment donné, j'ai dit ça suffit.
05:42Maintenant, j'en ai marre. Mon papa est décédé.
05:45Il se trouve que ma soeur et moi avons hérité de sa maison, ce qui faisait un petit pécule.
05:49Et j'ai décidé de prendre le risque de perdre la maison et de tout mettre.
05:54J'ai fait tapis sur Edouard Sept. C'est un gros théâtre, plus de 700 places.
05:58Et je ne pense pas qu'un producteur aurait voulu me produire à Edouard Sept.
06:01Ça, c'est sûr. Alors maintenant, puisque ça a bien marché,
06:04on a fait plus de 40 000 spectateurs. Le spectacle a été complet tous les soirs
06:07parce que le bouche à oreille, ça a été magique.
06:10Mais j'en parle aujourd'hui avec beaucoup de bonheur et de la fierté.
06:13Je n'ai vraiment pas peur de le dire. Je suis hyper fière.
06:16Et puis, je suis fière parce que je me suis bien entourée de gens qui m'aiment,
06:19qui m'aident, que des gens avec qui c'est chouette de travailler.
06:21Qui croient en vous. Qui croient en moi.
06:23Moi, je ne vais pas vous cacher qu'on m'a appelée, je ne sais pas combien de fois,
06:25en me disant tu n'as pas fait Caroline Vigneault. Ça ne va pas du tout.
06:27Mais on peut donner son nom. Elle s'appelle Cyndra Cornevaux.
06:29Non, il n'y a pas qu'elle, je peux vous assurer.
06:30Il n'y a pas qu'elle, mais notamment, des artistes, des gens.
06:34Et vous savez, la chance quand on a cette chance-là de se dire
06:38OK, je ne veux plus travailler avec des gens, je ne vais pas dire de gros mots,
06:42avec des gens qui ne m'apportent pas de bonnes ondes.
06:46Voilà. Et ça, ça libère aussi.
06:48Pour terminer, vous avez troqué vos talons pour des baskets.
06:51Est-ce que vous êtes bien dans ces baskets Caroline Vigneault aujourd'hui ?
06:53Je suis hyper bien dans mes baskets, comme je l'ai rarement été.
06:57Je crois qu'on peut dire, le mot qui me parle beaucoup, je me sens alignée.
07:00Vous voyez l'alignement des planètes.
07:02Je suis vraiment très heureuse, comme quoi on peut vieillir et être super bien.