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L'ancien Premier ministre Dominique de Villepin, le 20 janvier 2025 sur franceinfo.

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00:00Comment vous qualifiez, Dominique de Villeprin, le moment que nous allons vivre tout à l'heure, ce retour de Donald Trump à la Maison-Blanche ?
00:06C'est quoi, c'est une révolution ce qui va se passer là tout à l'heure ?
00:09Alors c'est tout le paradoxe du trompisme, c'est à la fois une contre-révolution, puisque nous le voyons bien, le trompisme c'est un révisionnisme international.
00:20On est contre le multilatéralisme, contre l'ordre tel qu'il est organisé, et en même temps c'est un illibéralisme.
00:28Donc il s'agit bien d'une contre-révolution, on n'est pas pour la démocratie libérale, on est dans la contestation de l'état de droit.
00:37Et on est pour la défense du protectionnisme, donc on n'est pas pour le libre-échange, donc c'est une contre-révolution.
00:43Mais c'est aussi une révolution, et c'est en ça que cette aventure de l'élection de Donald Trump est si singulière.
00:49Parce qu'il arrive avec tous les grands techno-entrepreneurs des Etats-Unis, à commencer par Elon Musk, et que là il y a une révolution technologique qui est en marche.
01:00Donc tous les éléments de la puissance sont là, et on voit la puissance de l'onde de choc qui se produit sur le monde,
01:08parce que l'impact n'est pas seulement au Proche-Orient, il est dans le monde entier.
01:12Et à quoi tient cette onde de choc ? D'abord à la formidable brutalisation que représente le trompisme de cette Nouvelle-Amérique.
01:21C'est un productivisme sans limites, sans règles, c'est un extractivisme, il le dit bien, forêt, forêt, on va produire du ventre de la terre tous les gaz de schiste et tous les pétroles possibles.
01:33Vous parlez de brutalisation, mais lui il parle de dynamisme, de mouvement en avant.
01:38Mais nous, nous connaissons les sociétés et nous avons l'expérience de ce type de politique.
01:42Il ne les connaît pas. Il a gagné quand même, ce qui prouve une certaine connaissance de la société américaine.
01:48Mais ça ne l'intéresse pas, ce n'est pas son sujet. Son sujet, il n'y en a qu'un seul, c'est la grandeur de l'Amérique ou l'idée qu'il se fait de la grandeur de l'Amérique.
01:56Et donc il y a brutalisation, mais il y a derrière aussi une révolution identitaire, et qui se fait avec l'idée du pouvoir de l'homme sur la femme, du pouvoir de l'homme blanc sur les minorités.
02:07Il y a un logiciel du trompisme qui se moque des règles et qui n'accepte aucune limite.
02:14Et puis, il y a un impérialisme du trompisme.
02:19On le voit avec les déclarations sur le Groenland qu'il faut malgré tout prendre au sérieux le Canada, le Panama.
02:24Tout ça montre une voracité, un appétit qui bouscule l'ordre international.
02:29Alors on le voit bien, il est contre la mondialisation, il est contre la globalisation culturelle.
02:36Et c'est en ça qu'il attend de soutien en Europe et ailleurs, parce que c'est un nouveau modèle de valeur.
02:42Et il est par ailleurs contre la désoccidentalisation, c'est-à-dire qu'il reprend en main cette idée d'un Occident fier et qui tient tête au reste du monde.
02:52Et le paradoxe dans tout ça, c'est qu'il y a deux types de traitements.
02:56Le premier, c'est vis-à-vis des pays autoritaires, les hommes forts.
02:59Il aime les hommes forts.
03:00Et les hommes forts ont droit à la possibilité d'un deal.
03:04Ceux-là, oui, seront au cœur du deal.
03:06On ne sait pas très bien ce qu'il va proposer à Vladimir Poutine.
03:08On ne peut pas exclure qu'il ait même l'ambition un jour de décrocher la Russie de la Chine, de faire peut-être même un jour un deal avec l'Iran.
03:18Il a le goût de traiter avec les gens forts.
03:20Mais par contre, les alliés, alors là, c'est...
03:23On l'est encore, nous, les alliés, ce matin.
03:26Est-ce qu'on est encore des alliés ?
03:26Et il faut arranger le mot.
03:28Alliés, amis, nous sommes nous à l'heure de la soumission.
03:31Nous sommes nous à l'heure du diktat.
03:34Nous sommes nous à l'heure de la vassalisation.
03:36Et on nous fixe des objectifs, 5% en matière de défense.
03:41Et on voit bien que ça marche.
03:43Quand on entend la présidente de la Commission dire oui, il faut acheter...
03:47Christine Lagarde aussi.
03:48Christine Lagarde.
03:49Il faut acheter plus de pétrole et de gaz.
03:52Il faut faire plus de dépenses militaires.
03:55Ça marche.
03:56Et c'est ça qui est si sidérant dans l'arrivée de Donald Trump.
04:00Parce que Donald Trump, on le connaît, il a exercé pendant 4 ans.
04:03On sait qu'il y aura des surprises.
04:05Mais il y aura aussi beaucoup de déconvenus.
04:07Il va se heurter au réel.
04:09Mais en attendant, cette dynamique, et beaucoup,
04:13parce qu'il y a cette révolution technologique qui l'accompagne,
04:16donne le sentiment que rien ne peut l'arrêter.
04:19Vous dites, comme François Hollande qui disait hier chez nos confrères de la tribune,
04:22il faut se préparer à une confrontation,
04:24une confrontation en tout domaine avec les États-Unis.
04:28Alors, confrontation, je laisse à François Hollande le choix des mots.
04:35Non mais vous parlez de voracité.
04:36Est-ce qu'on va se faire dévorer ?
04:38Qu'est-ce qu'on fait face à ça ?
04:38La règle pour les Européens, c'est d'être capable de défendre ce qu'ils sont.
04:44Le modèle de l'Europe.
04:45Nous, nous sommes le modèle du droit.
04:49Nous sommes le modèle d'un certain universalisme, d'un certain respect de l'autre.
04:56Nous ne sommes pas le modèle de la force.
04:58Et il faut assumer ce que nous sommes.
05:01Et on peut le faire avec sérénité.
05:03On peut le dire à Donald Trump gentiment.
05:05On n'est pas obligé de rentrer dans un bras de fer absolu.
05:09Par contre, il faudra avec beaucoup de fermeté marquer le respect de nos principes,
05:13le respect de nos règles.
05:15Mais ce n'est pas là l'essentiel.
05:17Et c'est pour ça que le terme de confrontation n'est peut-être pas forcément le meilleur.
05:22Il faut surtout faire notre travail.
05:25Et ça, ça exige un sursaut.
05:27Nous avons engagé une révolution dans l'ordre de la sécurité,
05:32dans l'ordre militaire pour acquérir notre souveraineté.
05:34Nous avons engagé, c'est-à-dire nous doter,
05:37entre Européens, des moyens de nous défendre sans avoir à appeler Washington.
05:41Donc quand Emmanuel Macron parle d'une Europe de la défense, vous êtes aligné ?
05:44Il a parfaitement raison de ce point de vue.
05:47Mais il faut maintenant le faire très sérieusement.
05:49Tous les Européens ont ouvert les yeux et ont vu que la sécurité,
05:53et c'est l'arbitrage difficile qui va être celui des Européens,
05:56ils ont d'un côté le sentiment qu'ils doivent toute leur sécurité à Washington,
06:00et de l'autre côté qu'ils doivent une grande partie de leur prospérité à Washington.
06:03Ils sont donc totalement soumis à la règle américaine.
06:06Et bien si on veut, et pour les Français, vous savez à quel point c'est important,
06:09mais aussi pour les Européens, si on veut être indépendants,
06:12indépendants, souverains,
06:15si on veut que notre destin ne se joue pas à Washington,
06:19et on voit bien avec quel type de dinguerie cela peut aller,
06:23et bien il faut donc être indépendants sur le plan de notre sécurité,
06:27et sur le plan militaire, être indépendants sur le plan technologique.
06:31Il ne s'agit pas seulement de se battre pour la régulation et la réglementation.
06:36Il faut se doter en matière d'intelligence artificielle.
06:39On n'a pas de réseaux sociaux.
06:41Et qu'est-ce qui nous empêche ?
06:42Parce qu'on a les moyens en fait.
06:43Les Européens ne sauraient-ils pas ?
06:45On a un marché de 450 millions de personnes.
06:49On voit bien à quel point l'oligarchie technologique aux Etats-Unis
06:52attache de l'importance au marché européen.
06:54M. Zuckerberg, M. Elon Musk, dotons-nous d'un réseau social ?
06:59Dotons-nous d'un véritable cloud européen ?
07:02Dotons-nous d'un modèle de langage ?
07:06Cela fait partie des attributs indispensables de la puissance
07:10et de l'indépendance au XXIe siècle.
07:12Et donc, il faut ouvrir les yeux.

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