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Xerfi Canal a reçu Pierre Veltz, ancien Président-Directeur Général de l'Etablissement public Paris-Saclay, pour parler de la globalisation marchande à l'hyperindustrialisation locale.
Une interview menée par Jean-Philippe Denis.

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00:00Bonjour Pierre Vels. Bonjour. Pierre Vels, ingénieur, Xpond. Changer de monde, on va
00:15parler du monde ancien. C'était celui d'une forme de globalisation marchande. C'était le
00:21grand marché, des marchés partout. Et ce qu'on n'a pas vu, c'est qu'en fait c'était un monde de
00:27plus en plus hyper industriel. Et vous nous dites dans Bifurcation, il nous faut maintenant une
00:33hyper industrialisation locale. C'est-à-dire toute la question de la relocalisation, il ne faut pas
00:39le penser en ces termes-là. Il faut le penser, on est dans un monde hyper industriel et il faut
00:43penser la question des territoires et du local pour prendre les bonnes décisions. Il y a aujourd'hui
00:49une image, comme souvent un peu manichéenne, qui existe chez beaucoup de gens, qui consiste à dire
01:00bon ben la mondialisation c'est fini, maintenant on va tout faire localement. La fragmentation du
01:06monde. La fragmentation du monde et puis un retour très fort du local, de la proximité. C'est la star
01:11de toutes les enquêtes, tous les sondages. Le local, il faut manger local, il faut produire local.
01:16Une fois de plus, le rôle ingrat des chercheurs c'est d'expliquer que les choses sont un peu plus
01:23compliquées. Alors premièrement, est-ce qu'il y a des mondialisations ? Pas vraiment. On nous a
01:29beaucoup expliqué ça. Alors la mondialisation va changer de forme. A l'inverse, le local en
01:36tant qu'espace de production hyper industriel, comme vous dites, c'est-à-dire mixant l'industrie,
01:42les services numériques, etc. parce que l'idée c'est ça, c'est aujourd'hui la même chose. Je
01:48pense qu'il a de beaux jours devant lui. On peut faire énormément de choses aujourd'hui au niveau
01:53local qu'on n'était pas capable de faire, mais il ne prendra pas non plus tout l'espace. On a
01:58aujourd'hui toujours des interdépendances considérables. On ne va pas se mettre de main à
02:03fabriquer des puces électroniques, alors soit au niveau local. Il y a des interdépendances et les
02:09puces, vous savez, aujourd'hui c'est un système extraordinairement intégré, d'ailleurs fragile du
02:13coup, au niveau mondial avec des enjeux géopolitiques considérables. Donc on va voir un mélange des
02:20deux. Et alors le message que je voudrais aussi faire passer, c'est qu'on change aussi, on sort
02:29d'une image de la mondialisation qui est très ancrée dans beaucoup d'esprits, qui est celle
02:33d'une division du travail qui est basée fondamentalement sur la recherche du bas-coût
02:38du travail. Le Bangladesh et le textile, pour simplifier. On est en train de sortir de ça,
02:47et c'est peu compris et dit. Pourquoi on en sort ? Parce qu'aujourd'hui, l'automatisation et puis
02:58aussi ce qu'on appelle les jumeaux numériques, c'est-à-dire qu'au lieu de faire circuler des
03:01produits, on va faire circuler des logiciels qui permettent de fabriquer des produits n'importe
03:05où. C'est ça l'idée du jumeau numérique. Ils font que ça devient économiquement et technologiquement
03:12possible, les deux, économiquement et technologiquement possible de produire aujourd'hui
03:17la plupart des produits courants à proximité immédiate des marchés. Et où sont les marchés ?
03:23Essentiellement dans les pays riches. Et donc la robotisation et les jumeaux numériques, c'est
03:27une très mauvaise nouvelle pour le Bangladesh, c'est une très bonne nouvelle pour nous. Sauf
03:32qu'évidemment, ça va créer des inégalités. Votre thèse finalement, c'est qu'on va vers une
03:36coexistence de modèles. Et alors du coup, voilà, c'est ce que j'allais dire. Ça, ce qui sert,
03:40on va garder des grands réseaux comme ça. Moi, je pense qu'on va garder des grandes firmes. Ils vont
03:46garder des réseaux, ils vont, par la propriété intellectuelle, customiser la production à
03:53proximité des clients. Mais ça peut servir aussi à, rappelle-moi parfois, un néo artisanat, à toutes
04:02sortes de formes industrielles locales, où effectivement, on va pouvoir fabriquer localement
04:06des choses beaucoup plus compliquées que ce qu'on a su faire jusqu'ici, grâce à un peu aux mêmes
04:10outils, le numérique, et puis toutes sortes de services. Alors, dans un autre champ, toutes sortes
04:16de services de ce que j'appelle l'économie humainocentrée, qui pourraient vraiment développer
04:24toutes sortes de nouvelles activités qu'on ne connaît pas encore. Néo artisanal,
04:32des néo artisanaux, vous dites. Je pense qu'on va garder une forme de mondialisation, et je pense
04:38c'est heureux, parce qu'il faut garder les liens entre les différentes parties du monde, c'est
04:43quand même essentiel. Et en même temps, on va pouvoir faire des choses locales, mais ce ne sera
04:47pas l'un ou l'autre. Et en particulier, il faut un peu renoncer à cette utopie sympathique du local
04:55absolu, de la proximité. On va tout faire localement, on mangera nos propres yaourts,
05:01on aura nos propres puces, on fera nos propres voitures, ça, je ne vois pas.
05:05Entre nous, c'est assez stimulant, c'est assez désirable, une hyper-industrialisation locale,
05:10parce que ça crée quand même un avenir.
05:11Oui, ça crée un avenir, bien sûr.
05:13Merci à vous, Pierre Wels.
05:14Merci.

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