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Le film d’Inoxtag, Kaizen ne peut manquer d’interroger par son succès, inédit pour un film de montagne. Plus de 18 millions de vue, plus de 100 000 commentaires le plus souvent élogieux et plus de 1,5 millions de « like » sur YouTube, 340 000 spectateurs en salle en deux jours, une diffusion sur TF1 début octobre sont des signes qui obligent à chercher à comprendre ce que ce film révèle du monde où nous vivons. [...]

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00:00Le film d'Inok Stagg, Kaizen, ne peut manquer d'interroger par son succès, inédit pour
00:15un film de montagne.
00:16Plus de 18 millions de vues, plus de 100 000 commentaires, le plus souvent élogieux, et
00:22plus de 1,5 million de likes sur YouTube.
00:26340 000 spectateurs en salle en deux jours, une diffusion sur TF1 début octobre, sont
00:31des signes qui obligent à chercher à comprendre ce que ce film nous révèle du monde où
00:36nous vivons.
00:37Documentaire et spectacle, Kaizen s'inscrit dans le secteur des loisirs, un secteur rentable
00:43pour le capital qui consiste à mettre l'accent sur la consommation en transformant tout être
00:49humain en consommateur, quelle que soit l'utilité sociale de ce qu'il consomme.
00:53Car ce que l'on voit, c'est bien la voie normale de l'Everest transformée en objet
00:58de consommation où se pressent 200 personnes qui se suivent en tirant sur des cordes fixes
01:03qu'ils n'ont pas posées pour atteindre un sommet qu'ils seraient incapables de
01:07gravir par leurs propres moyens.
01:08Ce produit commercial qui est devenu la voie normale de l'Everest ne peut se vendre que
01:14si on offre au client une sécurité maximum.
01:17D'où les cordes fixes, l'oxygène, le soutien technique, voire l'hélicoptère.
01:22C'est pourquoi ce qu'achète fort cher le client, ce n'est pas seulement un sommet,
01:29mais une forte garantie d'en revenir en vie.
01:31Pour l'instant, la garantie de sécurité minimale et élevée est tenue.
01:35Selon les données de l'Himalaya Database, plus de 300 personnes ont trouvé la mort
01:41à l'Everest, soit 1,2% de ceux qui ont tenté de le gravir.
01:45Mais ce pourcentage était de 4,3% pour la période entre 1922, date de la première
01:51tentative, et 2000, soit 219 morts, alors que le nombre total de clients a explosé
01:57après 2000.
01:58Ce qui prouve que la sécurité s'est fortement accrue, mais qui réduit d'autant le caractère
02:03d'exploit de l'ascension.
02:04Mais le film, loin de mettre l'accent sur la nature commerciale de ce qu'il nous fait
02:10voir, sacralise les notions de réussite et d'effort, avec Enoch Stagg qui personnifie
02:16ce système dans lequel le dépassement de soi est érigé en valeur suprême.
02:20Il s'inscrit ainsi pleinement dans cette transformation anthropologique qui fait des
02:25individus des consommateurs automates.
02:27Et là, quand il exhorte ses followers à limiter selon leurs moyens, il ne s'agit
02:32pas que tout le monde puisse gravir l'Everest, mais que chacun se fixe l'Everest qui lui
02:37permettrait de développer la philosophie Kaizen, visant à l'amélioration individuelle
02:42à partir de petits changements progressifs.
02:44On est dans l'idéologie de l'individu face à lui-même qui décide en plein libre-arbitre
02:50de gravir son Everest.
02:52Et si votre Everest vous semble rikiki par rapport au sien, c'est que votre nature
02:57ne vous permet pas d'en avoir un autre.
02:59Finalement, le film ne fait que dévider le refrain méritocratique qui justifie son
03:04statut social par ce que l'on a décidé librement de faire.
03:08Car c'est simple, et Inoctag nous l'explique à la fin en peu de mots.
03:13Il suffit de prendre tout ce temps, celui passé sur le téléphone, pour poser ton téléphone
03:20et te dire « moi aussi je vais faire ». Mais est-ce si simple ? Il ne se pose pas la
03:25question de la raison qui fait que, dès le plus jeune âge, les enfants réclament
03:29leur téléphone pour ensuite y passer captivés plusieurs heures par jour, ou que des parents
03:33justifient que leurs enfants en aient un par le souci qu'ils ont de savoir si tout
03:37se passe bien, un souci qui n'existait pas à cette échelle avant l'apparition de
03:42ces appareils.
03:43L'accaparement du temps de cerveau disponible tourne à plein régime.
03:47Et ce n'est pas une évolution naturelle de l'être humain, guidée par sa nature,
03:52mais bien l'effet de politique commerciale menée par les grandes firmes du numérique.
03:57Avec son film, et le message méritocratique qui les graine tout du long, Inoctag s'inscrit
04:03parfaitement dans la transformation des personnalités dont le capitalisme a besoin
04:08pour continuer à survivre.

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