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00:00Moi, Sabrina Ouazani, enfant d'immigré, d'origine algérienne, française,
00:04que vous le vouliez ou non, banlieue Zarde, de confession musulmane,
00:07et bien j'interprète Atos d'Alexandre Dumas dans Toute pour Une d'Ouda Benyamina.
00:12Je vous emmerde, ça m'a émue.
00:14Féminiser les trois mousquetaires et Une d'Artagnan, mot risque,
00:17c'est le pari de la réalisatrice Ouda Benyamina pour Toute pour Une.
00:21Un film poétique, un récit de sororité, une réflexion sur la masculinité, l'identité, le genre,
00:26mais aussi une proposition de liberté pour ses actrices sur un tournage comme dans Le Quotidien.
00:31Dites pardon.
00:34Pardon.
00:35J'entends rien.
00:36Pardon.
00:37Dans les références qu'on a dans le cinéma, les rôles masculins ont été mille fois plus intéressants.
00:42Ouda, elle disait qu'une des raisons pour lesquelles elle a fait ce film,
00:45c'est qu'elle a grandi avec Cartouche, avec Sergio Leone,
00:48et elle était limite jalouse des rôles que les hommes avaient dans les westerns,
00:55des rôles de badass, des rôles masculins qui se battent.
00:59Dans ces œuvres-là, quand il y a eu la décence d'en attribuer à des femmes,
01:04c'est très souvent pour servir la soue, pour éponger la blessure sur le front.
01:08Évidemment qu'on savait qu'on reprenait un classique, Alexandre Dumas, classique français,
01:14qu'on est des femmes, qu'on est des enfants d'immigrés,
01:20et donc qu'on n'attend pas ça de nous.
01:21Et en fait, pourquoi eux et pourquoi pas nous ?
01:23C'est question de gens qui n'aiment pas qu'on touche le répertoire.
01:27Bref, ce racisme, on va aller à l'évidence.
01:30C'est attendu, forcément, mais en fait, à un moment, il faut casser l'école,
01:35il faut provoquer des débats.
01:37Dumas, il a écrit les œuvres, elles appartiennent à tout le monde.
01:41Quand c'était à notre tour d'être interprète, on s'est mis à se gratter la tête
01:45et à chercher quelles références on avait qui se rapprochaient le plus de nous.
01:49Donc voilà, zéro.
01:50Et puis même, je vais te dire, la manière dont les choses se sont passées pour nous,
01:54je vais parler de Divine, tu vois,
01:56et le fait, le truc un peu exceptionnel de se dire,
01:58putain, ce sont ces meufs-là qui ont ému et qui ont ces récompenses
02:02et qui sont à la tête de films, tu vois.
02:03Le fait qu'ils en aient fait un truc inédit, ça veut dire que ça n'arrive pas d'habitude.
02:08Ça veut dire que c'est exceptionnel.
02:10Donc le jour où des présences comme les nôtres,
02:13donc on pense aux petites qui sont derrière nous,
02:16seront plus des effets de surprise, que ce sera juste la norme,
02:19que des films décapés d'épées soient faits avec encore plus de diversité,
02:24mais pas forcément de profil, mais diversité d'écriture, diversité d'adaptation,
02:28là, oui.
02:31Allez, on y va.
02:31Ouda, elle nous répétait, prenez votre place dans le monde.
02:33Et d'un coup, que ce soit dans notre corps, dans notre façon de parler,
02:39on s'autorisait beaucoup de choses.
02:40En tant qu'homme, je me sentais tellement beau,
02:43je me sentais tellement confiant.
02:45J'étais très triste de constater ça.
02:47Mais pourquoi je suis aussi stricte avec moi-même en tant que femme ?
02:52Pourquoi j'ai autant d'attentes ?
02:53Pourquoi j'ai pas la même liberté ?
02:55Est-ce que je ressens cette même puissance quand je suis une femme ?
02:58Ça m'a renvoyée finalement à mon insécurité, à ma fébrilité.
03:02Réinterpréter ces personnages et les reféminiser,
03:04c'est se réapproprier certains codes et sortir de certaines injonctions.
03:08Pour nous, en tant que femmes, mais aussi sur la masculinité, la virilité toxique,
03:12ce qu'on attend d'être un homme, d'être fort, de ne pas pleurer.
03:16Beaucoup se sont dit, voilà, les femmes qui tapent sur les hommes,
03:19les hommes vont en prendre plein la face,
03:21alors qu'il y a une telle plaidoirie pour les hommes qui est présente dans ce film-là.
03:26C'est pas un film pour les femmes, c'est pas un film anti-homme.
03:29C'est un film, effectivement, de capes et d'épées, d'aventure.
03:32C'est un film qui parle de transmission,
03:35c'est un film qui parle d'identité, de se définir.
03:39Et en fait, pourquoi on doit se définir ?
03:40Qu'est-ce qu'on doit définir, en fait, dans le genre ?
03:42Est-ce que je suis une femme ? Est-ce que je suis un homme ?