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Ce matin Patrick Cohen nous parle de Jean-François Kahn, une vie entière à raconter l’Histoire en train de se faire.

Retrouvez « L'édito politique de Patrick Cohen » sur France Inter et sur : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-edito-politique

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00:00Le 6-9, sur France Inter.
00:04L'heure de l'édito politique avec vous, bonjour Patrick Cohen.
00:07Bonjour Marion.
00:08Jean-François Kahn vient de nous quitter, une vie entière à raconter l'histoire en
00:11train de se faire.
00:12Et à donner à réfléchir, je crois qu'il aurait aimé qu'on dise cela, ces articles,
00:15ces livres, ces éditos nous ont rendus plus curieux, plus intelligents, d'où ce bref
00:20hommage, bref car résumer Jean-François Kahn en trois minutes revient à faire entrer
00:25une encyclopédie de 20 volumes dans un attaché caisse.
00:27Allons-y quand même.
00:28Encyclopédie, qu'était sa culture, histoire, littérature, Victor Hugo, mot passant, la
00:34Révolution, la chanson française dont il s'est servi comme matériau historique pour
00:38animer avec tambour et trompette le samedi matin sur France Inter, il a pourfendu la
00:43pensée unique, combattu les extrêmes, défendu le centrisme révolutionnaire, écrit des
00:48livres savants, de vrais traités de philosophie dont une esquisse de phénoménologie d'altérité
00:54ou une théorie du changement par recomposition des invariances, encore plus fou, ce dictionnaire
01:00personnel de 600 pages, seulement centré sur la lettre M, on ouvre M la maudite, on
01:05tombe sur Machiavel et la palme du machiavélisme, décerné à Vladimir Poutine, je cite « il
01:10a considéré que la façon la plus intelligente d'affaiblir les Etats-Unis était de contribuer,
01:15de manière occulte, à faire élire à leur tête un instable intellectuellement déstructuré
01:20». Vous avez reconnu, Trump.
01:22Essayiste, patron de presse, fondateur de l'événement du jeudi et de Marianne, Jean-François
01:26Cohen a d'abord été un grand reporter.
01:27« Il disait que sa timidité maladive l'avait empêché d'être un grand journaliste.
01:32Mais ses mémoires d'outre-vie nous racontent un homme au cœur des grands fracas du monde.
01:37Le 17 octobre 61 à Paris, il voit les cadavres d'Algériens qui gisent devant le Grand Rex.
01:42Printemps 62, il est à Alger, dans le chaos sanglant des attentats de l'OAS.
01:46Pour Paris Presse puis Le Monde, il couvre les premiers pas de l'Algérie indépendante.
01:51Il reste deux ans, rencontre Nasser, Chouenlaï, Che Guevara, Ben Barka.
01:55En 66, à la Une de l'Express, il signe avec Jacques de Rougy l'enquête la plus retentissante
02:00de la décennie.
02:01« J'ai vu tuer Ben Barka », l'opposant marocain enlevé en plein Paris.
02:05Il y aura ensuite le Vietnam, la guerre des six jours, mai 68, où il est blessé par
02:09un éclat de grenade.
02:10Jean-François Cohen apprend à se méfier des apparences, il n'adhère pas au mythe
02:14de l'objectivité journalistique mais veut tendre, ou tenter de tendre, à l'honnêteté.
02:19Je le cite, « Il faut refuser obstinément le faux, qui est un absolu comme le mensonge,
02:25tout en reconnaissant la relativité évolutive du vrai ».
02:28On dit qu'il est capable de démontrer une chose et son contraire.
02:31Oui, dans un grand rire sonore.
02:33Mais il n'y a rien de mieux pour apprendre à penser.
02:35Un mot encore sur ses éditos, dont il en a écrit des milliers pour la radio et dans
02:40ses journaux.
02:41Il se disait obsédé par cette question.
02:43« Ce que je fais, ce que j'ai le privilège de pouvoir dire, est-il utile ? Rien ne m'a
02:49autant systématiquement obnubilé que cette question de l'utilité, ai-je contribué
02:54non seulement à faire découvrir, connaître, comprendre, réfléchir, mais également douter.
03:00»
03:01C'était Jean-François Canne.

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