L'écrivaine Marie-Hélène Lafon est la présidente de l'édition 2025 du prix du Livre Inter. L'an passé, la franco-américaine Phœbe Hadjimarkos Clarke avait reçu le prix, sélectionné par un jury composé de lecteurs. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-7h50/l-invite-de-7h50-du-mardi-28-janvier-2025-6724524
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00:00Sonia Devillers, 7h49, lancement ce matin du Prix du Livre Inter 2025.
00:07Oh yé, oh yé ! Avec la grande ordonnatrice de ce prix littéraire, celle qui va lire
00:12vos lettres de candidature, alors pas toute seule, on vous rassure, il y a un petit comité
00:17qui l'aide, et qui va sélectionner les membres du jury parmi le bon millier de courriers
00:21qu'elle reçoit chaque année, bonjour, combien ? 2500 ! Bonjour Eva Bettencourt ! 2500 ? Bon
00:28de toute façon tout le monde a son courrier parce que c'est le début de vos candidatures,
00:33c'est aujourd'hui même, c'est le grand jour, nouveau prix, nouveau jury, nouvelle
00:38présidente du jury, vous nous dévoilez Eva ce matin le nom magnifique qui va faire,
00:44j'en suis sûre, exploser le nombre de candidatures.
00:47C'est Marie-Hélène Lafon, c'est notre seul pouvoir discrétionnaire parce que dans
00:52le Livre Inter on se prive de tout pouvoir, c'est pas nous qui choisissons les livres,
00:56il y a un jury qui change chaque année et nous ne votons pas, mais on a cette joie-là
00:59de choisir notre président, donc on est très heureux que ce soit Marie-Hélène Lafon pour
01:04ses livres, mais je dirais, on connaît un écrivain à travers ses livres, on l'imagine,
01:10on le fantasme, mais au fond on le connaît très bien, je dirais qu'il y a une croyance
01:14dans l'écriture qui traduit une croyance dans le lecteur, cette manière d'écrire
01:18sans surplomb, sans un mot de trop jus, sans pathos, c'est-à-dire c'est penser que
01:23le lecteur, il ne veut pas la simplification, il ne veut pas le binaire, il ne veut pas
01:27le oui-non, et ça, ça laisse une place formidable au lecteur, donc j'ai hâte de voir la rencontrer
01:32les jurés qui sont des très grands lecteurs, bravo Marie-Hélène Lafon, merci d'avoir
01:36accepté.
01:37Et bonjour Madame la Présidente, soyez-là bienvenue sur France Inter.
01:41Bonjour Sonia De Villers, merci, parce que c'est une joie, c'est un honneur, il va
01:49falloir être à la hauteur de… c'est pas le mot défi qui convient, c'est pas
01:57un défi, c'est un travail autour des textes, de la lecture de la littérature.
02:02Exactement, Marie-Hélène Lafon qui a écrit « Les sources » l'année dernière, « L'histoire
02:07du fils » pris Renaudot 2020, « Les pays » en 2012 qui était un texte très fortement
02:12autobiographique qui avait beaucoup marqué les lecteurs, Marie-Hélène Lafon qui est
02:16professeur de français, de latin, de grec en collège qui a cours d'ailleurs à 11h30
02:22avec ses quatrièmes tout à l'heure.
02:24Vous avez formé des dizaines de classes à la langue, à l'écriture, à la lecture,
02:28Eva Betten le dit toujours, le prix du livre inter c'est un prix de lecteur.
02:32Votre goût pour la lecture, vous l'avez forgé où Marie-Hélène Lafon ? Vous ?
02:38À l'école.
02:39À l'école.
02:40Le goût pour Flaubert, il est venu à l'école.
02:42Oui, oui, tout est venu par l'école en fait.
02:45Le CP, l'éblouissement de l'apprentissage de la lecture, de la découverte de la lecture,
02:51de la découverte du fait qu'il existe des histoires dans des livres et que ces histoires
02:56peuvent vous aider à trouver votre place dans le monde et donner forme au monde.
03:00Et le goût pour Flaubert, CP ou un petit peu plus tard ?
03:03Oh non, c'est plus tard.
03:04C'est plus tard.
03:05Première lecture de Madame Bovary, plongée dans le grand bain sans savoir nager, première
03:09lecture quatrième.
03:10Et ensuite, un cœur simple, quand j'ai 19 ans, l'avènement, l'assomption, l'irruption
03:17dans ma vie d'un cœur simple.
03:18Et vous continuez de faire dire du Flaubert aux élèves d'aujourd'hui ?
03:21Oui, mais pas de cette façon-là, pas en les jetant dans le grand bain comme on l'avait
03:28fait quand j'étais en quatrième.
03:30On ne peut plus faire ça.
03:31Et est-ce que vous allez asperger les membres du jury du prix du livre inter de Flaubert ?
03:36Parce que moi je vous ai lus, Marie-Hélène Laffont écrivant « Mangez du Flaubert,
03:41de courtes rasades, solides, des jets, une poignée de jets têtus, des ronces, en assénés,
03:47en dévidés, à ses amis, à ses amants, à ses élèves, sans réciter à l'intérieur.
03:52»
03:53Oui, mais je pense que si j'ai bien compris ce qu'Eva Béthan m'a expliqué, avec les
04:0124 membres du jury, nous aurons d'autres grains à moudre que les textes de Flaubert.
04:08Mais Flaubert, il est là tout le temps, je vis un peu avec lui, mais je pense que nombre
04:14de lecteurs, chacun a son expérience, parfois une expérience d'ailleurs très déceptive
04:20avec lui.
04:21Parfois on se construit contre, mais c'est quand même le patron.
04:25Alors justement, c'est le patron, quelle est la place des romanciers et des romancières
04:31qui sont bien vivantes et bien vivants dans votre panthéon ? A vous Marie-Hélène Laffont,
04:36puisque comme vous dites, vous allez avoir du grain à moudre.
04:38La place des écrivains, de ce que j'appelle les travailleurs du verbe, dans ma vie elle
04:48a été décisive, c'est parce que j'ai commencé à lire des écrivains vivants,
04:52à découvrir tard dans ma vie qu'il existait des écrivains vivants et des oeuvres en train
04:56de se faire, que j'ai enfin osé moi commencer à écrire.
04:58Pierre Michon, Pierre Bergognou, Richard Millet, grâce leur soie rendue.
05:03Et ensuite, Laurent Mauvignier, pour citer des gens qui ont mon âge, voire plus jeune,
05:11et qui sont dans l'aventure de la langue, du récit, de la narration, donc la littérature
05:20en train de se faire, elle est là tout le temps dans ma vie, mais elle y est arrivée tard.
05:23Et ce que j'essaie de faire dans mon métier de professeur, et ce qui m'apporte beaucoup de joie
05:31dans les rencontres avec les lecteurs, c'est que je pense qu'aujourd'hui, la littérature en train
05:36de se faire, on peut y accéder peut-être plus tôt, plus aisément, que lorsque j'étais étudiante
05:43ou élève par exemple, jamais on ne rencontrait ou on n'étudiait d'écrivains vivants dans le
05:48système scolaire, et très très peu ensuite à l'université. Et aujourd'hui, ça a totalement
05:53changé ça. Et ça, c'est bien.
05:55Éva, beaucoup de vos livres, la plupart même de vos livres sont ancrés dans le Cantal,
06:01dans le monde paysan. Vous venez de ce monde-là. Est-ce que vous êtes aussi une forme, je mets le
06:07mot entre guillemets, d'exemple de ce qu'apporte l'école ? Est-ce que l'école républicaine dont
06:12vous êtes le prof, mais qui vous a apporté de venir de votre ferme et d'aller à l'école et
06:17de découvrir les mots ? Est-ce que vous vous situez dans cette histoire-là, républicaine ?
06:22En tout cas, le mot école pour moi résonne totalement comme vous venez de le dire. C'est
06:29évident que l'invention de soi, elle passe par là. Elle passe parce que l'école, donc la petite
06:37école, l'école primaire et ensuite ce cheminement, m'a permis et permet, et permet encore, je suis
06:46bien placée pour le savoir, puisque je tente de faire en sorte que ça existe encore, ce cheminement-là,
06:51que ce soit encore possible. Il me semble que c'est plus ardu aujourd'hui. Pourquoi plus ardu ?
06:58Parce que l'école est beaucoup plus, me semble-t-il aujourd'hui, traversée, travaillée, secouée,
07:07empoignée par des tensions, notamment d'ordre économique, par exemple, qui font que la pente
07:17est plus âpre, est plus difficile, très honnêtement. Pour aujourd'hui, par exemple, mener un
07:26cursus d'études supérieures, quand on n'est pas adossé du tout à une famille, je ne parle
07:33même pas du substrat culturel, je parle tout simplement du cadre matériel. C'est beaucoup
07:38plus acrobatique que ça ne l'était quand j'avais 20 ans. Et ça, c'est un recul, c'est vraiment un
07:43recul. Et je le perçois avec acuté et tristesse, une grande tristesse. Alors, c'est le jour, justement,
07:53où les auditrices et les auditeurs vont prendre leurs meilleures plumes et leurs plus beaux
08:00papiers à lettres, vont adresser leur courrier à Eva. Donc, les adresses, on les redonne, c'est très important.
08:07– Pas à moi, personnellement. Mais ça m'arrivera, ne vous inquiétez pas.
08:11À France Inter, Livre Inter, 116 avenues du Président Kennedy, 75-220 Paris Zedex 16.
08:19Vous avez un moyen encore plus facile, c'est que vous allez sur notre site internet franceinter.fr
08:25et vous vous laissez guider. Donc, c'est-à-dire que vous pouvez taper dès maintenant votre lettre,
08:29vous avez jusqu'au 3 mars à lire minuit. Et il faut que vous sachiez que toutes les lettres sont lues, bien sûr,
08:35il n'y a pas de tirage au soir. – Et n'attendez pas les derniers jours pour écrire, ça serait vraiment dommage.
08:39– Par bonté pour nous, qui les lisons. – L'année dernière, 12 hommes, 12 femmes,
08:44ils avaient entre 18 et 72 ans. Ils étaient autour d'Isabelle Huppert qui était la présidente exceptionnelle
08:50de la 50e édition. – Comme c'est un prix de docteur, on voulait une grande lectrice, elle a été formidable.
08:54– Et est-ce qu'il y a quand même une récompense pour la persévérance ? Car il y a des gens qui écrivent
08:59parfois depuis plusieurs dizaines d'années. – Oui, il y a eu une fois, je crois que c'était la 43e édition,
09:04quelqu'un qui écrivait depuis la première fois. On se dit « c'est pas vrai, il se moque de nous ».
09:07Et c'était vrai. Donc, c'est terrible. Mais je veux dire, persévérez, parce que chaque fois, on lit toutes les lettres
09:14et chaque fois, on s'entretue pour les lettres, le comité de lecture. Mais regarde, celle-là est formidable, etc.
09:19On les lit avec passion. Sachez que nous vous attendons.
09:23– Marie-Hélène Laffont, merci de nous avoir rejoints. – Merci.
09:26– On vous retrouve très bientôt pour le dévoilement des membres du jury et de la liste de la sélection
09:31et évidemment pour l'annonce du lauréat. – Merci Sonia, à 7h58.