Dans une lettre interne à son personnel, le directeur de la gendarmerie nationale, Hubert Bonneau, affirme que "la possibilité d'n conflit armé" en France "doit être sérieusement envisagée" depuis l'invasion russe en Ukraine et rappelle aux gendarmes leur "devoir de s'y préparer", en tant que force militaire.
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00:00J'aimerais qu'on voit avec vous, Guillaume Ancel, l'état des forces.
00:03Si, effectivement, il y avait une agression de la France,
00:07est-ce qu'on aurait les capacités à se défendre ?
00:10Je voyais, selon le Global Firepower, la France est la septième puissance militaire au monde,
00:16la première en Europe, en tout cas, sur le papier à ce qu'on nous dit,
00:19donc on n'est pas si mal lotis que ça.
00:21Mais dans les faits, qu'est-ce que ça donne ?
00:23Si un conflit armé venait à survenir demain, est-ce qu'on serait prêts ?
00:29En fait, on a des capacités qui sont importantes,
00:32mais ça dépend face à quelles menaces.
00:34Si c'était l'armée russe, clairement, la France n'a pas la taille critique,
00:39d'autant que son armée de 200 000 personnes, elle est surtout…
00:43Vous pouvez avancer, vous pouvez vous approcher.
00:45Elle est absolument modélisée pour des interventions légères extérieures.
00:52Donc, elle est essentiellement équipée de matériels légers
00:55qui sont transportables dans des avions.
00:57Elle manque aujourd'hui beaucoup de matériels lourds.
00:59Avec 200 000 personnes, il faut préciser que c'est d'abord une armée qui est expérimentée.
01:04Pourquoi ? Parce que comme elle est régulièrement engagée sur des théâtres extérieurs,
01:08ce sont des militaires qui ont une bonne expérience opérationnelle.
01:11On voit 120 000 dans l'armée de terre, 40 000 dans la marine,
01:14une armée de l'air autour de 40 000.
01:16Les 40 000 réservistes, je les laisse de côté
01:18parce que souvent, c'est des gens qui ont un métier spécifique.
01:21Mais ça veut dire que c'est une armée qui compte.
01:22On l'a rappelé tout à l'heure, c'est la première armée en Europe.
01:25Mais c'est une armée qui, si elle devait intervenir seule,
01:27ne fait pas la taille critique.
01:29Après, en termes d'armement, c'est très intéressant de voir
01:32qu'elle a voulu garder des armements dans tous les domaines.
01:35Vous voyez, par exemple, quand j'étais jeune officier,
01:37on avait un corps blindé mécanisé.
01:39Il devait y avoir 500 canons dans l'armée française.
01:41Aujourd'hui, il en reste moins de 80.
01:43On voulait commander un millier de chars.
01:44Il en reste 200.
01:45Avec ça, l'armée ukrainienne pourrait tenir 50 km de front.
01:50Sauf qu'il y en a 1100 km.
01:51Donc, on voit bien que cette force a été dégarnie
01:54parce qu'on a voulu faire de tout, des sous-marins nucléaires,
01:56des porte-avions, des avions de chasse, etc.
01:59On a tout dans des quantités qui sont relativement réduites.
02:02Par contre, c'est du matériel qui est performant
02:04et qui est servi par des militaires dont tout le monde reconnaît
02:07qu'ils sont à très haut niveau d'entraînement et de formation.
02:09Alors, sur la dissuasion nucléaire dont parlait tout à l'heure Ulysse,
02:15est-ce qu'elle est crédible ?
02:16Oui, elle est crédible parce que ce qui compte, en fait,
02:19ce n'est pas d'avoir des milliers d'armes nucléaires.
02:22La France en a 300.
02:24Si on les compare à la Russie qui en a 6000
02:26ou les États-Unis qui en ont autour de 3000,
02:28on peut dire que ce n'est pas beaucoup.
02:29Sauf qu'avec ces armes nucléaires-là,
02:31en fait, on pourrait radier de la surface
02:35pratiquement toute l'Europe de l'Est
02:36et en particulier l'intégralité de la Russie.
02:39Donc, elle a un niveau nécessaire, suffisant pour pouvoir dire
02:43si quelqu'un voulait m'agresser avec une arme nucléaire,
02:46en fait, ce serait un suicide collectif.
02:48Et donc, c'est pour ça qu'on parle d'un armement dissuasif.
02:51Le but est de ne pas l'utiliser.
02:53L'expérience qu'on a acquis dans les opérations extérieures,
02:57est-ce que demain, ça pourrait nous servir
02:58en cas de guerre de haute intensité ?
03:01Oui. Alors, c'est une expérience qui a été très intéressante.
03:04On le voit par rapport à l'armée polonaise, par exemple,
03:06qui achète beaucoup de matériel extérieur
03:08mais qui ne s'en est jamais servi en opération.
03:11Les Français, eux, ont fait beaucoup,
03:12beaucoup trop presque d'interventions.
03:15Mais par contre, dans ces interventions,
03:17très souvent, effectivement,
03:19ils ont fait face à des oppositions relativement limitées.
03:22On ne s'est jamais battu contre des armées
03:24qui avaient une armée de l'air,
03:25des hélicoptères de combat ou des drones.
03:27Et ça, c'est une des faiblesses de l'armée française,
03:30c'est qu'elle est calibrée sur des opérations légères,
03:32à l'extérieur, qui durent,
03:34qui n'ont jamais été de haute intensité,
03:37dans lesquelles on ne consomme pas des stocks de munitions,
03:39comme l'a rappelé Guillaume tout à l'heure.
03:41J'ai une dernière question.
03:42J'ai entendu parler de l'armée française
03:44comme d'une armée Banzai,
03:46où, en fait, on dispose de tout en petites quantités.
03:48C'est vrai ou pas ?
03:49Alors oui, c'est un problème pour l'armée française,
03:51c'est qu'elle n'a jamais voulu faire de choix
03:54d'abandonner certains types d'armements ou d'équipements.
03:57Et par exemple, on est très démuni en termes d'artillerie,
04:00on est très démuni en termes de chars de combat.
04:02Ce n'est pas avec 200 chars de combat
04:04qu'on peut s'aligner dans une guerre moderne.
04:06On a peu de munitions,
04:08on est assez faible en guerre électronique.
04:09On n'a pas développé, par exemple,
04:11de moyens de lutte contre les drones,
04:13dont on voit en Ukraine
04:14que c'est une composante clé aujourd'hui.
04:17Donc, l'armée française seule, à mon avis, n'est pas suffisante.
04:21Quand on regroupe toutes les armées
04:23des 27 pays de l'Union européenne
04:24ou des 32 pays de l'OTAN,
04:26alors là, c'est une armée qui serait de nature
04:28à dissuader n'importe quel empire menaçant.