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Le nombre de permis de construire a de nouveau chuté en 2024, malgré un léger rebond au dernier trimestre. Sur l'ensemble de l'année 2024, 330.400 logements ont été autorisés à la construction, en baisse de 12,3% par rapport à 2023. La France est-elle face à une crise du logement ? Marc-Philippe Daubresse, sénateur LR du Nord, ancien ministre du Logement, est l'invité pour tout comprendre dans RTL Soir.
Regardez L'invité pour tout comprendre avec Yves Calvi du 29 janvier 2025.

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00:00Il est 18h44, bonsoir, Marc-Philippe Dobresse, vous êtes sénateur Les Républicains du Nord,
00:08ancien ministre du logement, je le rappelle. C'est une crise qui n'en finit pas, celle du logement
00:13neuf, les constructions continuent leur dégringolade, seulement 330 000 logements autorisés
00:18à la construction en 2024, c'est moins 12,3% par rapport à 2023. Pourquoi, comment l'expliquez-vous ?
00:25Écoutez, ça fait moi trois ans que je tire la sonnette d'alarme, j'ai même eu une discussion
00:32d'une bonne demi-heure en tête à tête avec le président de la République pour lui expliquer
00:37qu'on allait dans le mur à l'été 2021 et qu'on avait à la fois une crise de l'offre, ce qui nous
00:44arrive de temps en temps, j'ai connu ça quand j'étais au gouvernement, on connaît les remèdes
00:50pour y arriver, mais on a eu en même temps, si j'ose dire, et de la faute du gouverneur de la
00:56Banque de France, donc du ministre des Finances Bruno Le Maire, une crise de la demande, c'est-à-dire
01:01qu'on a complètement étouffé, notamment les primo-accédants à la propriété, avec une montée
01:07des taux d'intérêt qui s'est conjuguée avec des restrictions d'accès aux crédits, on a quasiment
01:13divisé par deux les prêts pour accéder à la propriété, et à côté de ça vous aviez une
01:18crise du logement social, en gros les deux tiers de la crise, c'est les accédants à la propriété,
01:25donc plus assez de neufs qui est construit d'une part, et puis plus de demandes parce qu'on peut
01:30plus obtenir de prêts, et d'autre part ce sont les logements sociaux, parce que l'État a racketté
01:37les organismes de logements sociaux, et qu'à un moment donné, il n'y a plus suffisamment d'argent
01:42pour construire, donc nous avons cette double crise qui est sans précédent, même du temps de l'appel
01:47de l'abbé Pierre, on n'avait pas connu ça. Parce que c'est quand même 30% de moins qu'avant la crise
01:53sanitaire, c'est dire, si cette crise est dure, si le mal est profond, Marc-Philippe Dobresse, pourquoi
01:59est-ce qu'on ne voit pas le bout du tunnel, pourquoi ça ne remonte pas ? Parce que quand vous avez une
02:04crise de ce type, je l'ai connu, je vous dis, moi quand je prends le logement il y a une vingtaine
02:09d'années, excusez du peu, on construit 230 000 constructions neufs par an, quand je finis le
02:15plan Borloo, on en construit 486 000, nous sommes redescendus à 250 000 à peu près à la fin 2024,
02:22ça veut dire qu'on construit deux fois moins que ce qu'il faut pour pouvoir répondre à l'essentiel
02:28des besoins, tant en logements sociaux, sur tous les segments, qu'en locatif intermédiaire ou en
02:34accession à la propriété. Et donc nous avons, moi j'ai chaque année à la tribune du Sénat, alerté
02:41les ministres du logement successifs en disant, attention on va directement vers l'iceberg et vous
02:46continuez à jouer du violon, et non seulement ils n'ont pas pris la mesure de la crise, mais en plus
02:52ils ont pris des contre-mesures qui ont accéléré la crise. Mais Marc-Philippe Dobresse, que vous a
02:57répondu le Président de la République quand vous avez justement tenté de le sensibiliser sur ces
03:01questions centrales ? Vous trouverez ça dans un livre de Nathalie Schub qui s'appelle les naufrageurs de la
03:06république où elle le raconte sur trois, quatre pages. Il m'a écouté posément et à la fin il m'a
03:11dit vous n'avez rien compris, on dépense trop d'argent pour le logement, ce qu'on va faire, vous
03:16allez voir, on va faire baisser les prix. Les prix n'ont pas baissé du tout. Et la crise s'est installée
03:21encore plus forte. Et la crise s'est installée encore plus forte puisque les mesures qui ont été
03:25prises notamment sur le financement du logement l'ont accéléré. Et maintenant vous savez le
03:30logement c'est de la fiscalité, c'est-à-dire de la TVA 5-5, des aides fiscales comme les investissements
03:36Pinel, c'est du foncier et c'est du financement. Le financement, les taux d'intérêt vont baisser
03:42légèrement à la fin de cette année et ils vont remonter derrière à cause de ce qui se passe aux
03:47Etats-Unis. Donc le financement ça ne va pas se résoudre. La fiscalité, quelques mesures vont dans
03:52le bon sens dans le budget qui est en train de se discuter entre députés et sénateurs, mais ce n'est
03:57pas suffisant. Et donc il nous reste le foncier, c'est-à-dire d'essayer de reconvertir soit des
04:02zones commerciales, soit des bureaux en logement. Mais ça va durer quatre ans cette crise, je vous
04:06l'annonce à coup sûr, je suis sûr de moi. Et malheureusement ça va provoquer au moins 150 000
04:14emplois de moins dans le bâtiment cette année et ça continuera en 2026. Donc il est déjà trop tard.
04:22Vous dites 150 000 emplois de moins concernant justement tout le bâtiment.
04:29Le président de la fédération du bâtiment Olivier Salron est d'accord avec mes chiffres. Comme les
04:39promoteurs ne construisent plus parce qu'ils n'ont plus de trésorerie, comme les bailleurs
04:43sociaux ont été ponctionnés l'année dernière notamment et l'année d'avant pour combler la
04:49réforme des aides au logement, et bien ils n'investissent plus. Donc non seulement la demande
04:55a été restreinte, mais en plus l'offre ne va pas arriver tout de suite. Et donc ça se traduit
05:00dans le bâtiment, dans le gros oeuvre comme dans la sous-traitance, par des pertes d'emplois. Et je
05:07vous assure qu'on aura à peu près 150 000 emplois de moins dans le bâtiment pour cette année 2025.
05:13On évoque aussi des agences qui ferment et même des notaires qui ferment aussi.
05:21Absolument.
05:21Vous pouvez nous le confirmer ?
05:22Oui parce que...
05:24La crise n'est pas seulement dans le neuf, elle est dans l'ancien. Parce que dans l'ancien vous
05:31avez les mesures sur la transition écologique qui vont retirer à peu près un million de biens
05:36qui peuvent être mis en location, qui ne pourront plus être loués avec des bailleurs qui n'ont plus
05:41les moyens de rénover leurs appartements vétus. Et donc vous avez une crise dans l'ancien qui
05:48s'ajoute à la crise du neuf. Donc en gros une agence immobilière sur trois est en train de
05:52se casser la figure. Un promoteur sur deux aussi, ce qui est quand même assez rare. Et on va avoir
05:59des études notariales qui sont obligées de licencier une partie de leur clair de notaire.
06:04Tout ça on l'a dit depuis trois ans.
06:06Concrètement comment aider les entreprises du bâtiment ?
06:09Concrètement il faut évidemment un plan de relance. Ce plan de relance va mettre un petit
06:15peu de temps. Il y a des mesures fiscales qui vont dans le bon sens. Le prêt à taux zéro
06:20étendu sur l'ensemble de la France, ça va faire sortir du logement. Il y a une mesure sur les
06:27donations qu'on peut faire à ces enfants exonérés de droits de succession et qui vont permettre de
06:33la construction. J'ajoute que quand vous construisez, vous rentrez de la TVA, on a perdu depuis deux ans
06:3812 milliards d'euros de TVA faute des constructions habituelles. Donc il y a des mesures de relance.
06:45A mon avis il faudra un plan de la même puissance que le plan Borloo qui a été lancé sous Chirac.
06:52Sauf que pour ça il faut de l'argent, sachant que ça en rapporte aussi. C'est de l'argent qui coûte
06:57au début, mais ça rapporte de l'argent puisque ça rapporte notamment des recettes de TVA.
07:03Si on n'a pas de plan de relance suffisant, eh bien malheureusement la crise va durer quatre ans.
07:08Merci infiniment Marc-Philippe Dobress. Quatre ans de crise annoncée par l'ancien ministre du
07:12logement du gouvernement Raffarin. Merci infiniment d'avoir pris la parole. Dans un instant, un homme
07:17très bien construit. Chez lui le confort est intérieur, même si un rafraîchissement s'impose.
07:21Marc-Antoine Lebrun.

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