Hubert Bonneau, directeur général de la Gendarmerie nationale, est l’invité d’Apolline de Malherbe dans le Face-à-face sur BFMTV/RMC, jeudi 30 janvier. Il est revenu sur un possible "conflit armé" en France.
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00:00Pauline de Malherbe.
00:02Bonjour Général, Général Hubert Bonneau, merci d'avoir accepté de répondre à mes questions sur RMC et BFM TV.
00:10Vous êtes le Directeur Général de la Gendarmerie Nationale,
00:14et dans une note interne, vous avez adressé à tous vos services le message suivant, je cite,
00:20la possibilité d'un conflit armé et une agression du sanctuaire national doit être sérieusement envisagée.
00:28J'aimerais qu'on prenne le temps, ce matin, avec vous Général, de comprendre. Qu'est-ce que vous voulez dire ?
00:34Bonjour Madame, merci de me recevoir. Alors, je voudrais d'abord remettre cette phrase dans un contexte.
00:39Il s'agit d'une lettre interne, effectivement, adressée au Grand Commandeur de la Gendarmerie.
00:45Moi, je suis un chef militaire, et il me paraît important de pouvoir expliquer, de donner des lignes,
00:51ce qu'on appelle des lignes d'opération, à mes grands subordonnés pour être prêts face aux diverses éventualités.
00:58Alors, ce que j'ai voulu dans cette lettre, c'est d'abord poser aussi un cadre, le contexte dans lequel nous sommes aujourd'hui.
01:04Cette phrase n'est finalement qu'une toute petite partie du contexte dans lequel nous sommes.
01:09Nous sommes dans une société violente, j'y reviendrai, mais nous sommes aussi dans un contexte international troublé.
01:15Nous avons depuis trois ans une guerre aux portes de l'Europe, en Ukraine, qui produit d'ailleurs déjà des effets sur le territoire national.
01:23J'y reviendrai si vous le souhaitez. Mais le contexte international est important dans le cadre d'une préparation d'une force armée comme la gendarmerie,
01:31car dans nos missions, nous avons des missions de police au quotidien, police de la sécurité du quotidien,
01:36mais la gendarmerie en tant que force armée doit pouvoir se préparer à toutes les éventualités, y compris d'agressions sur le territoire national.
01:43Qu'est-ce que ça veut dire un conflit armé et qu'est-ce que ça veut dire agression du sanctuaire national ?
01:49Un conflit armé, c'est la possibilité pour nos armées d'être engagées dans le cadre d'une guerre, soit à l'extérieur, dans le cadre d'une coalition,
01:59mais une éventualité d'une agression armée sur le territoire national n'est pas à exclure.
02:05D'ailleurs, ce n'est pas moi qui le dis, ce sont les évaluations, les analyses des armées, de la défense, de nos autorités.
02:13Je crois que cette éventualité ne peut pas totalement être exclue.
02:17Et ça fait combien de temps que vous vous dites ça ? C'est-à-dire, est-ce que les choses ont évolué ?
02:21Est-ce que vous vous dites que cette menace, elle est plus grande aujourd'hui, que vous ne l'auriez dit il y a six mois, il y a un an, il y a dix ans ?
02:27En fait, il y a un facteur, si vous voulez, il y a un facteur de conjonction.
02:30Regardez ce qui s'est passé pendant les Jeux Olympiques, même dans la préparation des Jeux Olympiques.
02:35Vous avez sur le territoire national et dans nos Outre-mer, territoire métropolitain des Outre-mer, des actions de déstabilisation régulière.
02:44Rappelez-vous les cercueils qui ont été mis sous la tour Eiffel, par exemple, les agressions sur les lignes TGV.
02:51Derrière, il y a des gens qui manifestement veulent déstabiliser.
02:55Ennemis internes ou ennemis externes ?
02:57C'est ce qu'on appelle des proxys. Vous regardez qui est à l'origine de ces affaires et vous voyez que ce sont des personnels étrangers en liaison avec des puissances étrangères.
03:07Ça peut arriver. Et d'ailleurs, permettez-moi de le rajouter, ce qui existe dans le domaine physique existe aussi dans le domaine immatériel, c'est-à-dire dans le numérique.
03:16Les actions contre la France, nos entreprises, nos ministères, elles sont tout à fait régulières et fréquentes.
03:23Nos hôpitaux ?
03:24Nos hôpitaux, par exemple, sur des cyberattaques. Je veux dire, c'est un contexte de déstabilisation dans lequel nous pouvons être.
03:31Vous avez parlé de deux choses, général Hubert Bonneau. Vous avez parlé effectivement du contexte international troublé.
03:36Je reprends vos mots, mais vous avez parlé aussi d'une société de plus en plus violente.
03:40Là, pour le coup, vous parlez d'une menace endogène, c'est-à-dire d'une menace qui viendrait du territoire français mené par des Français.
03:48Oui. Permettez-moi juste de rappeler une chose qui me paraît importante.
03:53C'est-à-dire que ce qui se passe en dehors du territoire national, y compris la guerre en Ukraine, produit déjà des effets sur le territoire national.
04:01L'Ukraine, c'est d'abord une augmentation du coût de la vie, augmentation du prix du carburant.
04:06Donc immédiatement, nous avons vu sur le territoire national une multiplication des vols de carburant.
04:12On sait que beaucoup de camions, par exemple, se font siphonner leurs litres, leurs dizaines de litres de carburant.
04:18Des entreprises de transport, des entreprises agricoles, venaient voler les carburants dans les cuves.
04:24C'est aussi, par exemple, une dérégulation sur les composantes électroniques.
04:28Donc, vous avez des structures organisées, souvent qui viennent de pays de l'Est,
04:33et qui pratiquent des razzias par des vols sériels sur le matériel des GPS agricoles, sur des téléphones, sur les matériaux, les cuivres, etc.
04:45Ça a déjà des impacts importants dans le cadre du quotidien.
04:49Alors, on ne le relie pas forcément à l'Ukraine, mais c'est une réalité.
04:53Chaque crise produit des effets. Encore un autre exemple.
04:57Vous voyez la crise du Covid, qui est une crise sanitaire.
05:00On pourrait se dire qu'il n'y a pas d'effet sécuritaire. Eh bien, si.
05:03C'est-à-dire que les gens restent chez eux, donc le vecteur d'attaque, c'est le domicile des gens.
05:08Vous avez une multiplication des attaques cyber pendant la crise Covid, où finalement, on vient, entre guillemets, voler les gens chez eux.
05:14Et quand je dis qu'on a des violences qui s'exercent, pendant cette crise Covid, une fois de plus sanitaire,
05:19vous avez une explosion des violences dans le cadre intrafamilial.
05:23Donc, vous voyez, les crises sont liées entre elles, et il faut faire la corrélation entre une crise et ses effets.
05:29Et on l'entend bien, Général Hubert Bonneau, et c'est pourquoi je vous remercie, une fois de plus, d'avoir accepté de répondre à mes questions.
05:34Votre parole, elle est extrêmement rare. Vous êtes aux avant-postes de toutes ces violences.
05:38Les violences du quotidien, la question du maintien de l'ordre, mais aussi la question du terrorisme, et aujourd'hui, du trafic de drogue.
05:43Quand vous dites, encore une fois, une société de plus en plus violente, à quoi faites-vous référence, en particulier ?
05:50Moi, je suis frappé. Je suis frappé, depuis quelques années déjà, par la montée des radicalités.
05:56De tous bords. Et je suis frappé aussi par la montée des violences entre les personnes.
06:02Alors, c'est le quotidien. Moi, je rends hommage aux gendarmes, aux femmes et aux hommes qui servent en gendarmerie,
06:09aussi aux policiers qui sont, au quotidien, confrontés à ces problèmes.
06:13Aujourd'hui, quand vous avez une problématique entre personnes, le premier réflexe, ce n'est pas de traiter ça entre soi,
06:19c'est d'appeler les gendarmes ou les policiers, systématiquement, partout.
06:23Quand je dis que la société est de plus en plus violente, je vais vous donner un chiffre.
06:26Alors, ce n'est pas de la criminalité organisée, c'est ce qui se passe au quotidien.
06:30Le tiers de toutes les gardes à vue, prises par les gendarmes aujourd'hui, concerne les violences intrafamiliales.
06:37C'est la réalité. Vous voyez que la bande passante des gendarmes, notamment sur le judiciaire,
06:42est déjà prise par un tiers sur les violences intrafamiliales. Qu'il faut traiter, c'est un impératif.
06:48Qu'est-ce qui vous reste ensuite, quand vous dites monter des violences et montiez des radicalités ?
06:53Je voudrais qu'on prenne un instant pour comprendre ce qu'il y a derrière ce mot.
06:55Quand vous dites radicalité, c'est le fait que chacun devient plus radical dans son expression de la violence.
07:00On pense notamment à la violence des mineurs, dont régulièrement, vous, force de l'ordre, mais aussi les chiffres judiciaires le démontrent.
07:09Est-ce que vous pensez à une radicalité terroriste, voire à une radicalité religieuse ? À quoi pensez-vous ?
07:16Mais c'est tout ce que vous venez de dire. Les radicalités, vous voyez, par exemple les oppositions.
07:23Je vais faire référence à ce que j'ai connu il y a quelques temps quand je commandais la zone Grand Ouest.
07:30Vous avez des décisions qui sont prises à un niveau local, par exemple de la création d'un centre d'accueil pour des demandeurs d'asile.
07:37Vous avez derrière, quand je parle de monter des radicalités, des oppositions fortes entre de l'ultra-droite et de l'ultra-gauche.
07:45Donc il y a aussi une violence politique ?
07:47C'est assez inédit, mais on la retrouve déclinée à tous les niveaux.
07:51Regardez ce qui vient de se passer tout à fait récemment, où un enfant perd la vie pour un téléphone.
08:0014 ans. Les agresseurs avaient 16 et 17 ans.
08:03C'est ça que je veux dire aujourd'hui, c'est qu'il y a une espèce de libération de la violence, en quelque sorte, auquel nous, nous sommes confrontés.
08:13Parce que ça impacte aussi les gendarmes dans leur quotidien. Il faut bien mesurer ça, peut-être qu'on parlera tout à l'heure.
08:18Avez-vous les moyens de lutter ? On va y revenir avec la question des moyens de la gendarmerie.
08:21Mais quand on fait ce constat des différents scénarios, des différentes menaces, je voudrais préciser pour ceux qui nous écoutent,
08:28Général Hubert Bonneau, que vous avez également été à la tête du GIGN au moment des attentats de 2015,
08:33que c'est sous votre commandement qu'ont été traqués puis abattus les frères Kouachi, Adamartin, Anjoel.
08:39Est-ce que, Général, sur le front du terrorisme, vous estimez que la menace aujourd'hui est, comme l'a dit le ministre de l'Intérieur, à son plus haut niveau ?
08:48Il y a des services spécialisés, évidemment, la DGSI notamment, dont c'est le combat du quotidien.
08:54Et nous, sur les territoires, évidemment, on participe à cette détection.
08:58Je crois effectivement que la menace est là aussi tout à fait réelle.
09:04Et il faut se référer là aussi au contexte international.
09:07Ce qui se passe aujourd'hui en Afghanistan, ce qui se passe en Syrie, peut être effectivement générateur d'un retour du terrorisme sur le territoire national,
09:18avec des effets locaux, enfin au Moyen-Orient, déportés chez nous.
09:22Ça, c'est une réalité. Je pense qu'il faut en permanence avoir une posture de vigilance renforcée.
09:28Une posture de vigilance renforcée. La question aussi d'une éventuelle radicalisation interne de jeunes.
09:34On pense à ce qui s'est passé avec Dominique Bernard, on pense à ce qui s'est passé avec Samuel Paty, évidemment.
09:38Est-ce que cette menace-là, vous l'observez ? Est-ce qu'elle est sous vos radars ou est-ce qu'elle est dans vos radars ?
09:46Non, elle est dans les radars de toutes les autorités.
09:49Sous la direction des préfets, vous avez des groupes d'évaluation de la radicalité qui sont mis en place dans tous les départements,
09:56auxquels participent tous les services, et c'est quelque chose qui est suivi, croyez-moi, au quotidien.
10:02On va parler de la drogue dans un instant. Comment vous, aujourd'hui, vous estimez protéger les Français ?
10:07Est-ce que vous pouvez dire à ceux qui nous écoutent, général, qu'ils sont bien protégés ?
10:13Je voudrais vous dire que c'est justement le fond de ce courrier.
10:18Moi, ce qui m'importe, c'est de fixer, j'y reviens, un cadre pour dire à mes gendarmes comment il faut se préparer.
10:25Qu'est-ce qu'il faut qu'on fasse ?
10:27Je crois d'abord que tout n'est pas question de moyens.
10:31Il faut effectivement des moyens, mais ce qui est important pour nous, c'est de trouver aussi les modalités d'exécution des missions
10:38pour qu'on soit le plus efficace possible.
10:41Dans cette lettre, j'ai parlé, par exemple, de la création d'une unité de poli judiciaire nationale.
10:46Nous avons, aujourd'hui, des unités très performantes.
10:50On l'a vu il y a 15 jours, où nous avons fait 2 tonnes de cocaïne sur le Havre, avec la section de recherche de Rouen.
10:56L'affaire, M. Balland, l'enlèvement...
10:59L'enlèvement du spécialiste des crypto-monnaies.
11:01Vous avez réussi à mettre fin à cet enlèvement, à le libérer.
11:04Nous avons des unités qui sont spécialisées, mais je pense qu'on peut être encore plus efficace par un regroupement de ces unités
11:10au sein d'une grande structure nationale.
11:13Avec la police ?
11:14Avec la police, en liaison avec la police.
11:16Police, gendarmerie ?
11:17Tout ça, ça fait partie de l'organisation des forces de l'ordre face à la criminité organisée.
11:22M. le ministre a voulu, d'ailleurs, en la matière, restructurer une partie des unités de police judiciaire du ministère
11:29sous l'égide d'un état-major de criminité organisée qui est commun à la police nationale, à la gendarmerie nationale.
11:36Et vous saluez cette décision ?
11:37Bien sûr, on va dans le sens de l'efficacité.
11:40Donc ça, c'est très important au quotidien.
11:42La question de l'efficacité, Général Hubert Bonneau.
11:45Le narcotrafic, comme on dit, est considéré comme partout.
11:49Le trafic de drogue, petites villes, villages, grandes villes,
11:53ça n'est plus du tout l'apanage d'une ville comme Marseille dont on parlait pendant longtemps.
11:57Le ministre de l'Intérieur a parlé d'un risque de mexicanisation.
12:02Est-ce que vous le constatez ?
12:04Alors moi, ce que je voudrais vous dire, c'est ce que nous constatons, nous déjà, sur le terrain.
12:07De toute façon, tout part du terrain.
12:10Aujourd'hui, vous voyez, les zones de trafic de stupéfiants,
12:14vous avez une totale porosité entre la zone de police nationale et la zone gendarmerie nationale.
12:19En gros, entre les grandes villes, les zones périurbaines et les zones rurales.
12:23Il y a une totale porosité.
12:25Et donc, ce qu'on constate aussi, c'est une explosion des trafics.
12:29Explosion des violences, explosion des trafics, le constat est assez pessimiste tout de même.
12:34Vous avez parlé d'une libération des violences, et là vous parlez d'une explosion des trafics.
12:38Je suis désolé de ce constat, mais j'essaie d'être lucide par rapport à ce qui se passe.
12:43Donc, on doit s'organiser par rapport à ça.
12:45On doit vraiment s'organiser.
12:47C'est-à-dire que traiter les points de deal, c'est une nécessité.
12:50Traiter les trafics, uber cheat, c'est une nécessité.
12:53Mais je crois qu'aujourd'hui, l'élan qui est donné, c'est un élan pour casser les organisations.
12:58Et notamment, sur le blanchiment.
13:01Les petits ruisseaux font les grandes rivières.
13:03Les petits trafics alimentent la criminalité organisée.
13:06Est-ce que vraiment vous avez les moyens de vous pencher sur chaque petit trafic ?
13:11Je voudrais vous emmener à Ganges, Général.
13:13Ganges, c'est une petite commune de l'Hérault, de moins de 4000 habitants.
13:16Notre reporter pour RMC, Anna Jojar, a été y passer 48 heures.
13:20Et en quelques heures seulement, elle a rencontré des dealers,
13:23parce qu'ils sont là quasiment à ciel ouvert, librement exposés, comme lui a dit une des habitantes,
13:27aux heures de pointe, entre Carrefour et Auchan.
13:30Elle a notamment rencontré un jeune homme, il a 25 ans, et il deal de cannabis depuis 5 ans.
13:35Il m'est tombé dessus, c'est un collègue qui m'a proposé, de base 10 grammes, 20 grammes.
13:39Et ça a commencé comme ça.
13:40Je ne me vois pas arrêter.
13:41Je me dis même si je travaille, je ferai ça.
13:44Je ne suis pas très inquiet, pour le plus.
13:45Normalement, ils ne te contrôlent pas.
13:47Genre, même s'ils passent en voiture, jamais ils ne te contrôleront.
13:50On ne te contrôle pas, ils passent en voiture, mais jamais ils ne te contrôleront.
13:54Ils touchent jusqu'à 500 euros par mois grâce à la drogue.
13:58Un sentiment d'impunité, tout de même.
14:00Il peut y avoir un sentiment d'impunité.
14:02Une fois de plus, ces trafics sont connus.
14:05Vous avez sur des points de deal, vous avez des guetteurs, vous avez des vendeurs.
14:10Parfois, ils ne connaissent même pas leur commanditaire.
14:13Enfin, on leur fournit de la drogue.
14:15Ils doivent rendre des comptes sur ce qu'ils ont vendu.
14:19Il faut s'attaquer à ces personnes.
14:21Bien évidemment, il faut les interpeller.
14:23Je pense que là-dessus, le plus important, c'est d'essayer de remonter les filières
14:27sur les N1, les N2, ceux qui organisent les trafics.
14:32Il faut essayer de faire le maximum pour les prendre sur les structures,
14:36sur le blanchiment des produits, de la vente de produits stupéfiants.
14:40C'est un effort constant sur lequel nous devons aller.
14:44– Le général Kant Bruno Retailleau parle d'un risque de mexicanisation.
14:47Est-ce qu'on n'entend pas aussi la question du risque de corruption ?
14:50Corruption a pas bruit.
14:52Est-ce que vous êtes confronté à cette question-là ?
14:54– Bien sûr, tout le monde est confronté à cette question.
14:56Vous voyez, si vous prenez des exemples au niveau européen,
14:59la Belgique, vous prenez les Pays-Bas,
15:03ils sont confrontés à ces problématiques sur des grands ports,
15:06Rotterdam, Anvers, etc.
15:08Nous avons les mêmes problèmes.
15:10C'est-à-dire qu'aujourd'hui, la demande est telle
15:13qu'il y a en permanence des apports en grand nombre, de quantité.
15:17– Mais est-ce que ça peut dire aussi que vos hommes, général,
15:19sont confrontés à une forme d'intimidation, de violence, voire de corruption ?
15:24– Permettez-moi juste de revenir là-dessus parce que c'est important.
15:27Vous avez des zones sur lesquelles on va, par facilité,
15:31parce que quand vous avez des milliers de containers,
15:33c'est assez facile de dissimuler dans ces containers des produits stupéfiants.
15:36Ce qui est intéressant de noter, c'est la diversification des modes d'opération.
15:40Aujourd'hui, vous avez de l'arrivée de produits stupéfiants
15:42par des bateaux de moindre tonnage dans des ports secondaires.
15:46Vous avez de l'arrivée de produits stupéfiants par des voiliers.
15:49Donc d'abord, nous ce qu'on doit faire, c'est augmenter le contrôle
15:52et la surveillance du trait de côte, ça c'est un premier point.
15:55Deuxièmement, on doit lutter contre les phénomènes de corruption.
15:58Parce que pour sortir de la drogue d'un port, ça ne se fait pas comme ça.
16:03– Donc il y a forcément une complicité, sans dire corruption.
16:07– Il peut y avoir une complicité et il y a souvent de la corruption.
16:10Il peut y en avoir, c'est quelque chose qu'on regarde de très près
16:13parce que la puissance de l'argent en face est considérable.
16:17– Général, avez-vous les moyens de lutter aujourd'hui ?
16:20Est-ce que vous estimez, vous avez dit, tout n'est pas une question de moyens,
16:23mais tout de même, il y a 135 gendarmes en tout.
16:26On sait que vous avez du mal, y compris à recruter.
16:29Vous devez renouveler 15% de vos effectifs chaque année.
16:32Vous faites face à des difficultés parfois de fidélisation.
16:35J'imagine, après le constat que vous venez de faire, qu'en effet,
16:38il faut être quand même motivé et extrêmement courageux pour faire ce métier.
16:41Il y a la question quand même du revenu, il y a la question aussi du logement.
16:45Les brigades dorment dans des logements qui sont parfois vétustes.
16:50Avez-vous les moyens face à cette menace que vous venez de nous décrire ?
16:53– Ce que vous venez de dire, c'est beaucoup de choses.
16:56Moi, je vais vous dire mon ressenti,
16:58et qui est un ressenti d'homme de terrain, d'opérationnel.
17:01Je reviens à cette lettre.
17:03Moi, dans cette lettre, je demande aux gendarmes de travailler leur rusticité,
17:07d'être robustes, parce que j'ai besoin d'hommes et de femmes sur le terrain.
17:11– Mais ça se travaille comment, la rusticité, la robustesse ?
17:13– Au quotidien, nos gendarmes, comme nos policiers d'ailleurs,
17:16sont confrontés à toute la misère de la société.
17:18Il faut imaginer ça, c'est-à-dire qu'un gendarme, au quotidien,
17:21sur un accident de la route, il voit des morts.
17:23Il arrive dans des fermes où il y a des gens qui se sont pendus.
17:26Il arrive sur des homicides.
17:28Il est confronté en permanence, violence intrafamiliale, violence sur les mineurs.
17:32On a besoin d'hommes et de femmes résilients, forts.
17:36Moi, j'ai besoin d'avoir des gendarmes qui représentent un pilier pour la société.
17:39C'est impératif.
17:41Donc, dans la formation des gendarmes aujourd'hui,
17:43nous mettons beaucoup, beaucoup, beaucoup de rusticité.
17:47– Pour s'accompagner.
17:49– Bien sûr, bien sûr.
17:50On fait un gros effort aussi sur l'accompagnement des gendarmes.
17:53Mais ça, c'est essentiel.
17:54Moi, je commande une armée.
17:56Je veux des gens qui soient capables de faire face en permanence.
17:59Et de ce point de vue-là, madame, nous sommes prêts.
18:01Moi, je n'ai aucun problème, contrairement à ce qui a pu être dit,
18:04de recrutement dans la gendarmerie.
18:06C'est faux.
18:08Je représente une grande institution qui réalise son schéma d'emploi.
18:13Regardez ailleurs.
18:14Moi, je n'ai aucun problème.
18:15Cette année, nous avons recruté plus de 12 000 hommes et femmes
18:19sans aucune difficulté.
18:21Nous avons des ETP supplémentaires dans le cadre de la LUPMI.
18:24– Des ETP ?
18:25– Des effectifs temps plein, pardon.
18:26– Merci.
18:27– Qui ont été accordés.
18:29Donc, nos écoles tournent à plein régime.
18:32Moi, je vois des jeunes aujourd'hui, et ça, c'est très rassurant.
18:35J'ai peut-être un discours un peu pessimiste,
18:37mais donnons une note d'espoir.
18:38J'ai beaucoup, beaucoup, beaucoup de jeunes qui veulent rentrer
18:41dans la gendarmerie.
18:42Je n'ai aucune difficulté de recrutement.
18:44Et je rajouterais, c'est la même chose pour les réservistes.
18:47Aujourd'hui, j'ai 35 000 réservistes dans la gendarmerie.
18:51Je compte monter à 50 000.
18:53La majorité d'entre eux, ce sont des jeunes
18:55qui font des préparations militaires gendarmerie,
18:58qui aujourd'hui sont pleines.
18:59Donc, ça veut dire quoi ?
19:01Ça veut dire qu'on a aussi des concitoyens qui veulent servir,
19:05mais véritablement, qui veulent être utiles à notre société.
19:09L'avantage pour eux, quand ils rentrent dans la réserve gendarmerie,
19:12c'est qu'ils sont employés là où ils habitent,
19:14comme les gendarmes, et ils intègrent une unité.
19:16Et de ce point de vue-là, je le répète, je n'ai aucune difficulté.
19:18– Vous parlez des jeunes.
19:19Une dernière question.
19:20Il y a eu ces émeutes en juillet 2023, après la mort de Naël,
19:23qui, pour la première fois, ont eu lieu sur tout le territoire
19:26et sur des villes de toute taille.
19:28Est-ce que vous vous dites aujourd'hui que ces émeutes
19:30pourraient encore être possibles ?
19:32– Tout est possible.
19:34Je crois qu'en permanence, si vous voulez, nous, on est…
19:37Celui qui commande la gendarmerie, d'abord, c'est l'événement.
19:41Nous, on doit faire face aux événements.
19:43On doit être prêt, en permanence, à y faire face.
19:46C'est ça la condition de notre engagement.
19:48Ce qui s'est passé en 2023 pourrait se reproduire.
19:52Moi, ce que je demande aux hommes et aux femmes
19:54qui servent en gendarmerie, à mes militaires,
19:56c'est d'être capables immédiatement de monter en puissance, de réagir.
19:59C'est ce que nous avons fait à l'époque.
20:01– Quand vous dites sanctuaire nationale,
20:02juste une dernière question parce que vous n'avez pas expliqué ce mot,
20:04sanctuaire nationale, est-ce qu'on doit entendre éventuellement
20:07des lieux de pouvoir, l'Elysée, l'Assemblée ?
20:10– Non. Moi, ce que j'appelle le sanctuaire national,
20:12c'est le territoire métropolitain de nos Outre-mer.
20:14C'est vraiment ça.
20:15C'est-à-dire que ce serait gravissime qu'on ait une attaque
20:19organisée sur le territoire national.
20:22C'est ça que je veux dire.
20:23Mais nous avons, j'insiste, des zones de fragilité,
20:25notamment les Outre-mer.
20:27Les Outre-mer, parce que ce qui se passe dans nos Outre-mer,
20:30avec une montée très importante de la population,
20:33des frontières parfois un peu poreuses,
20:35par exemple avec ce qui se passe en Guyane,
20:37ce sont des sujets de préoccupation quotidien.