Le brigadier-chef à Lons-le-Saulnier, parle de la souffrance dans la police : «Dans la police, il y a énormément de souffrance».
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00:00En fait, on est seul.
00:02En fait, dans la police,
00:04quand on croit rentrer dans la police
00:06en étant entouré d'une hiérarchie, d'une structure quelconque,
00:10c'est faux, en fait.
00:11Pour moi, aujourd'hui, mon sentiment, c'est qu'on est seul.
00:14Moi, j'ai fait beaucoup de refus d'obtempérer,
00:16en tout cas, j'ai été victime de beaucoup de refus d'obtempérer
00:19dans ma vie, puisque j'étais dans les services d'anticriminalité
00:22en région parisienne, dans le Jura,
00:25et je m'aperçois qu'en fait, on se retrouve,
00:29quand on se présente à la barre, par exemple, on est seul.
00:31On est seul, mais on sent, la hiérarchie n'est pas présente.
00:35Jamais. Jamais.
00:37J'ai eu également d'autres affaires
00:39où la hiérarchie, des affaires plus graves...
00:43Alors, on a une petite rupture de faisceau
00:47qui va sans doute s'arranger avec Gérald Jacquemin,
00:49qu'on a retrouvé, je crois. Allez-y, pardon, excusez-moi.
00:52Oui, je vous entends de nouveau, je vous disais
00:54qu'on se sent seul physiquement,
00:55mais également, dans l'esprit, on est seul, quoi.
00:58Voilà, on comprend qu'on est seul.
00:59À force d'être confronté à des histoires pareilles,
01:04et surtout si on se déplace au tribunal, encore une fois,
01:07là, on voit, à la fin du film,
01:09on voit comment est gérée notre histoire,
01:10comment on est considéré, et on voit qu'en fait, on est seul.
01:13Voilà.
01:14– Je précise que vous étiez au tribunal pour témoigner
01:17dans une affaire de refus d'obtempérer, justement,
01:20et vous étiez là pour témoigner, pour raconter
01:22comment les choses se sont passées.
01:24Au final, par exemple, dans ce refus d'obtempérer,
01:26c'est une personne qui avait foncé sur les policiers,
01:28en plus, je crois.
01:30Quel a été le verdict pour la personne ?
01:34– La personne prend du sursis.
01:36Voilà, alors c'était une personne avec un profil particulier,
01:39je ne vais pas rentrer dans les détails,
01:41mais j'étais surpris quand je l'ai interpellé,
01:43puisque c'est une personne qui ne ressemble pas à un délinquant,
01:46comme on pourrait l'imaginer.
01:48Voilà, lui, il est en train de se faire contrôler,
01:53ça ne lui plaît pas,
01:54donc comme ça ne lui plaît pas, il s'en va,
01:56et puis moi, je lui sors les stopsticks,
01:58je lui place sous le pneu avant, ça crève le pneu,
02:01mais pour autant, il me fonce dessus, quoi.
02:03Et au tribunal, il dit, j'avais la place, j'avais la place de passer.
02:06Bon, là, tant d'inconsciences font très, très peur quand on entend ça,
02:10puisque, encore une fois, c'est un profil qui ne ressemble pas
02:13à un délinquant qu'on a habituellement face de nous,
02:16mais il va nous foncer dessus quand même,
02:18mais il va nous rouler dessus quand même.
02:19En fait, on a beaucoup de gens qui, potentiellement,
02:22peuvent nous rouler dessus aujourd'hui, voilà.
02:24Vous êtes en train de me dire quand même
02:26que cette personne vous a foncé dessus,
02:29c'est-à-dire que c'est un chauffard, vous lui demandez de s'arrêter,
02:31vous le contrôlez, ça ne lui plaît pas,
02:33vous mettez sous la voiture parce qu'il démarre,
02:36vous lancez ces fameuses barrières qui servent à crever les pneus
02:38et à les arrêter, il contomne ces barrières,
02:40il vous fonce dessus et il a du sursis.
02:43Oui, tout à fait.
02:44Alors lui, il ne le reconnaît pas,
02:46ça ne lui est pas reproché et retenu à la fin au tribunal.
02:49Là, je vous donne mon avis, parce que moi, j'y étais.
02:51J'étais dans un petit couloir, sur la voie publique,
02:54mais un petit couloir d'un mètre cinquante,
02:56où si je ne m'en vais pas, en fait, si je ne me pousse pas,
02:59lui, il me roule dessus.
03:00Je n'invente pas, je n'extrapole pas,
03:04si je ne m'en vais pas, il me roule dessus.
03:06Preuve en est que le collègue en manœuvrant la voiture,
03:09moi, j'étais à l'extérieur du véhicule,
03:10me tape à l'arrière légèrement, vous voyez,
03:12il m'a poussé légèrement avec un autre véhicule administratif.
03:15Je me suis retrouvé vraiment coincé
03:16et j'ai pu m'extraire au dernier moment avec un geste désespéré,
03:20sinon il me roulait dessus.
03:21Voilà, ça, c'est la vérité.
03:23C'est la vérité de ce que vivent les policiers.
03:26Et ça, c'est à peine retenu, on ne le sait pas forcément,
03:29c'est pas relayé tel quel par les médias,
03:33parce qu'il y a tellement d'affaires aujourd'hui en France,
03:36on ne pourrait pas tout relayer les informations.
03:39Mais les mises en danger de collègues, il y en a énormément.
03:41Moi, je tire mon chapeau au collègue, je suis en partance.
03:44Je vais m'en aller.
03:46Je suis très soulagé d'avoir dit que j'allais m'en aller,
03:48ça me fait beaucoup de mal.
03:50Donc je suis vraiment en train de penser à mes collègues actuellement
03:55et à tous mes collègues qui souffrent.
03:56Dans la police, il y a énormément de souffrance.
03:58Je vois beaucoup de gens qui sont vraiment à la limite de la dépression.
04:03Je vous dis, il y a des choses comme l'alcool qui reviennent.
04:05Moi, j'ai vécu l'ancienne police un petit peu.
04:08Maintenant, dans la police, il y a des gens qui sont mal en point
04:11et la hiérarchie ne fait absolument rien pour que ça s'arrange.
04:16Il n'y a rien n'est fait pour que ça s'arrange.
04:17Donc je vous le dis, on est seul.
04:19Il faut avoir la force de tenir quand on est seul.
04:21Moi, je l'ai, je suis un peu fou.
04:23Je suis impliqué, je suis dedans, j'ai la tête dans le guidon.
04:27Donc j'y vais, je vais y aller jusqu'au dernier jour de mon travail.
04:30Je vais faire mon travail, je vais le faire.
04:33Mais j'ai beaucoup de collègues qui n'ont peut-être pas cette force mentale.
04:36Je les comprends, ils ont toutes les raisons de ne pas le faire.
04:39Ils ont raison, c'est eux qui ont raison.
04:41S'ils me disent qu'il ne faut pas y aller, c'est eux qui ont raison.
04:44Jacques, j'ai une question peut-être un peu plus personnelle.
04:47Votre famille, vous avez une femme,
04:48vous nous avez dit des petits-enfants également.
04:51Qu'est-ce qu'ils disent de votre choix ?
04:53Ils applaudissent, ça les rassure ?
04:55Alors, je n'ai pas qu'une femme, j'ai une femme exceptionnelle
04:58et j'ai cinq enfants exceptionnels, exactement.
05:01Alors eux, ils sont avec moi, ils croient en moi.
05:04Ils savent que je suis impliqué, tout ça, ils le savent.
05:06Ils savent que je ne pourrais même pas faire autrement, c'est ma nature.
05:09Mais ils sont quand même heureux à l'idée
05:12que je fasse valoir mes droits à la retraite.
05:14Ils sont très heureux de ça.
05:15Ils pensent qu'avant qu'il y ait un drame,
05:18parce qu'ils me voient aller au tribunal régulièrement,
05:21je dis encore, j'ai d'autres affaires récentes,
05:24des fois où je ne me déplace pas au tribunal, par exemple,
05:28mais ils savent que je vais faire mon travail.
05:32Moi, j'étais chez les compagnons du devoir avant de rentrer dans la police.
05:35Je faisais mon travail de façon impliquée, à 100 %,
05:37et je le fais de la même manière depuis que je suis dans la police.
05:41Et je pense qu'on ne peut pas se changer.