Succession : devenir des titres d’une société avec Victor Champey, Associé, Bérénice Avocats.
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00:00On commence tout de suite ce Lex Inside et on va parler du devenir des titres d'une société
00:15dans le cadre d'une succession avec mon invité Victor Champais, associé au sein du cabinet
00:20Berenice Avocat. Victor Champais, bonjour. Bonjour Arnaud. La transmission des titres
00:25d'une société soulève de nombreuses questions juridiques dans le cadre d'une succession.
00:30On va tout d'abord aborder les aspects du droit des sociétés. Pour commencer, quelles
00:35sont les problématiques relevant du droit des sociétés que l'on retrouve le plus
00:40souvent dans le cadre de l'ouverture d'une succession ? Alors Arnaud, en fait ce qui
00:45frappe d'emblée c'est un paradoxe. Il y a 1,6 millions de SAS en France, il y a 1,6
00:52millions de SARL, le nombre de SAI a doublé en l'espace de dix ans et de manière assez
00:57étonnante au moment de l'ouverture d'une succession, la problématique du droit des
01:02sociétés est souvent absente. Et elle pose naturellement des problématiques qui sont
01:07extrêmement prégnantes pour les associés, ceux existants et ceux à venir, les héritiers,
01:13et donc assez régulièrement quand on passe la porte de Berenice, on se retrouve avec
01:18des problématiques qui sont essentiellement liées d'abord à la première étape qui
01:23est celle de l'agrément, c'est-à-dire que la personne est décédée, vous êtes
01:28son ou ses héritiers, et se pose le problème de savoir est-ce que vous êtes ou pas associé
01:35dans la structure dans laquelle le décujus était lui-même associé. Et là, d'emblée
01:41il faut prendre connaissance des statuts, regarder ce qui était prévu par les statuts,
01:45est-ce que les héritiers en ligne directe sont associés ou pas, automatiquement c'est
01:48possible, ou alors est-ce que rien n'est prévu. Et c'est là où les difficultés
01:54s'amoncèlent assez rapidement puisque vous vous retrouvez dans une situation où vous
01:58êtes dans une situation étrange quand vous êtes héritier de quelqu'un qui était
02:04porteur de parts ou actionnaire, puisque vous n'avez droit à rien tout en étant
02:09héritier de ses parts.
02:10Alors comment fait-on ?
02:11Avant de faire, il faut observer qu'on n'a pas le droit de voter et on n'a pas
02:19le droit aux dividendes. Donc comment fait-on ? On va solliciter son agrément auprès des
02:24associés existants. Et donc c'est souvent un processus qui est prévu par les statuts,
02:29et donc on va solliciter auprès des associés existants le fait d'être agréé ou pas.
02:34Donc de deux choses l'une, soit les choses se passent bien, vous êtes agréé, et vous
02:39vous retrouvez dans les chaussures de celui auquel vous héritez, et vous reprenez le
02:43cours normal de la vie de la société. Mais, et ça arrive relativement souvent, vous n'êtes
02:49pas agréé. Et là va se poser toute une série de problèmes qui vont être entraînés
02:55par l'absence d'agrément, et notamment…
02:57Quels sont les principaux problèmes ?
02:59Alors notamment le fait que… celui de la valorisation en fait. C'est le premier problème
03:04qui apparaît. Vous n'êtes pas agréé, et donc du coup les associés existants ou
03:10la société doivent vous racheter. Mais à quelle valeur ? Et là on arrive très rapidement
03:16à des problématiques qui sont récurrentes, qui sont notamment celles par exemple de l'écart
03:21entre la déclaration de succession, où on va avoir tendance à déclarer la valeur
03:26des parts au nominal par exemple, et puis la valeur réelle de cette société qui n'a
03:31pas vraiment été analysée dans l'espace de six mois qui s'écoule entre le décès
03:36et le dépôt de la déclaration de succession. Or souvent, la problématique de l'agrément
03:41est totalement oubliée, et on peut se retrouver après des années, et après avoir déposé
03:45la déclaration de succession, avec des problématiques de valorisation des parts qui doivent être
03:51rachetées à ceux qui ne sont pas agréés.
03:53Alors comment se détermine la valorisation des parts ?
03:55Alors le mieux c'est évidemment l'amiable, souvent en impliquant l'expert comptable
04:02de la société qui la connaît bien, et il y a une discussion qui va s'engager sur
04:06la valorisation. Si on est bloqué et si on n'y arrive pas, vous avez le recours à
04:11des procédures qui sont spécifiques, qui permettent de désigner un expert en premier
04:16et dernier ressort, qui va valoriser les titres de la société.
04:20Alors on va s'intéresser à un autre aspect, comment peut-on anticiper au mieux les effets
04:26du décès sur la vie sociale ? Est-ce qu'il y a certains points de vigilance à avoir
04:30en tête ?
04:31Alors, il faut voir qu'on est dans une problématique très particulière qui est
04:35celle du temps long. Souvent, en droit, quand on fait du corporate, on est dans un temps
04:41immédiat. Là, on est sur la vie, la vie comme elle va, avec ses évolutions. Si on
04:48prend l'exemple typique d'une SCI, dans laquelle on va loger un bien immeuble, ce
04:53qui est quand même la classique structuration en droit français, vous pouvez vous retrouver
04:59avec une situation où, quand vous avez fondé la SCI, il y avait beaucoup de dettes, vous
05:05avez remboursé l'immeuble avec les loyers, et puis, 20 ans plus tard, il n'y a plus
05:08de dettes. Et donc, la manière dont les statuts ont été rédigés il y a 20 ans, et si vous
05:13entendez faire une donation à vos enfants, la valorisation a changé, vous avez peut-être
05:18un conjoint que vous désignez avec un démembrement. Et donc, il faut constamment se reposer la
05:24question de la modification des statuts au regard du changement de situation. C'est
05:28essentiel d'avoir en tête ce temps long, et c'est là où, par exemple, le rôle
05:31du notaire est extrêmement important, qui suit la famille, qui suit le mouvement, et
05:36qui attire l'attention sur ces problématiques spécifiques.
05:41Bon, il n'en reste pas moins que l'outil le plus efficace, c'est les statuts, dans
05:46lesquels il faut prévoir et se projeter au maximum, pour couvrir le maximum d'hypothèses,
05:52hypothèses qui correspondent à votre vie telle qu'elle est, au nombre d'enfants,
05:56à votre conjoint, etc. Donc, anticiper au maximum.
05:59Anticiper et se souvenir. Alors, une autre question importante, c'est
06:05l'émergence d'un contentieux et le recours au juge, qui sont souvent vécus comme un
06:10échec. Est-ce que vous partagez cette vision ?
06:12Alors, pas du tout. Pas du tout, d'abord parce qu'en réalité, le contentieux, c'est
06:18souvent la manière de cristalliser le différent. C'est-à-dire que souvent, vous avez beaucoup
06:24d'engueulades, beaucoup d'incompréhensions, qui vont durer très longtemps, avec la création
06:29de fantasmes, autour des droits de chacun, de la manière dont on se souvient des choses,
06:35et donc, l'avantage d'assigner, c'est de cristalliser les problématiques qui
06:41nous opposent. Et c'est l'avantage aussi du contentieux, c'est que vous avez des actions
06:47qui sont extrêmement circonscrites, qui sont rapides, qui permettent de purger des problématiques
06:52sur lesquelles on n'arrive pas à s'entendre. Typiquement, ce dont on parlait tout à l'heure,
06:56la valorisation des titres, vous avez une procédure spécifique qui est prévue par
07:01le code civil, qui vous permet de désigner un expert, qui sera désigné par le tribunal,
07:06qui est donc un tiers indépendant des partis, et qui va appliquer des méthodes de valorisation
07:11pour dire combien valent ces titres sur lesquels on s'écharpe. Et donc, une fois que sa décision
07:16est rendue, vous avez souvent réglé 80% du problème, qui est celui de la valorisation des titres.
07:21En d'autres termes, on va pouvoir trouver des solutions, là où on avait des questionnements
07:27pendant de nombreuses années. C'est exactement ça, et avec en plus cet effet bénéfique
07:32du contentieux, qui est relativement nouveau, qui est celui de la médiation. Aujourd'hui,
07:38de manière quasi-systématique, en matière successorale, mais dans d'autres matières également,
07:43le juge va inviter les partis à médier. Et donc, vous avez la désignation d'un tiers,
07:49qui va entendre la totalité des intervenants, et commencer à tuer les fantasmes, et à
07:57permettre de reprendre une parole qui souvent est très perturbée par les acrimonies des
08:03uns et des autres. Et donc, ce nouvel outil, qui est utilisé de plus en plus devant les
08:09juridictions, permet d'apaiser la situation. Alors, elle ne va peut-être pas fonctionner
08:13la première fois, et vous allez reprendre votre contentieux, mais vous aurez déjà
08:17avancé sur beaucoup de points. On se sera reparlé, ce qui souvent dans les successions,
08:23et en plus sur les problématiques sociétales, est absolument majeur. Et on pourra commencer
08:29à sortir par le haut d'une situation enquistée. Et souvent, c'est une solution qui est privilégiée
08:36par rapport au contentieux, j'imagine ? Ah mais bien sûr. Si, évidemment, si on peut
08:40sortir d'une situation en discutant, en médiant avec l'aide d'un tiers, on la préférera
08:46toujours à un contentieux long et pénible. On va conclure là-dessus. Merci Victor Champais.
08:51Je rappelle que vous êtes associé au sein du cabinet Bérenice Avocat. Merci Arnaud.
08:55Tout de suite, l'émission continue, on va parler de la justice selon Kafka.