• il y a 9 heures
À 9h20, l'actrice Valeria Bruni-Tedeschi est l'invitée de Léa Salamé. Elle sera à l 'affiche du nouveau long-métrage de Carine Tardieu, "L'attachement", en salle le mercredi 19 février prochain. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-interview-de-9h20/l-itw-de-9h20-du-lundi-10-fevrier-2025-1061923

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Transcription
00:00Ce matin, vous recevez une actrice et réalisatrice.
00:04Bonjour Valéria Bruni-Tedeschi.
00:06Merci d'être avec nous ce matin.
00:08Je commence par mes questions rituelles.
00:10Si vous étiez un chanteur italien, un écrivain français et un gros mot,
00:14vous seriez qui ? Vous seriez quoi ?
00:16Un chanteur italien ou une chanteuse d'ailleurs.
00:18Vous avez le droit de féminiser.
00:19Fabrizio D'André.
00:21C'est un chanteur qui pourrait être un peu le correspondant de Georges Brassens en Italie.
00:27Qui est un grand poète, un grand homme anarchiste, un homme magnifique
00:33et qui a écrit des textes vraiment que j'adore
00:37et que j'ai toujours chanté aussi à mes enfants pour les endormir.
00:41Si vous étiez un écrivain français ?
00:45Ce qui me vient, c'est Maudiano.
00:48Parce que j'aime son écriture, j'aime sa précision,
00:54j'aime ses enquêtes intimes.
00:58C'est vraiment des enquêtes, ses livres.
01:01Et puis j'aime sa mélancolie, la brume de ses livres.
01:04Et puis j'aime aussi la personne, les rares fois où je l'ai vue à la télé,
01:08la façon dont il impose son rythme de parole, ses silences.
01:13Et il gagne sur le rythme conventionnel en imposant son propre rythme poétique.
01:20Et un gros mot ?
01:22Bah merde ! J'aime beaucoup l'idée que la merde devient une chose belle.
01:28Comme dans le carnaval, que les choses qui sont considérées en bas deviennent en haut
01:33et ce qui est en haut va en bas.
01:35Oui, le grand retournement.
01:37Valéria Bruniteschi, quelle est votre définition de l'attachement ?
01:41La définition, pas la mienne, mais celle du dictionnaire,
01:47c'est un attachement, une affection durable avec des gens ou des choses.
01:57Et je mettrais en plus le mot « tendresse »,
02:01qui est un mot qu'on n'utilise pas beaucoup et qui me semble très important dans les rapports humains.
02:07Il y a beaucoup de tendresse et beaucoup d'affection dans « L'attachement »,
02:10le titre du nouveau film où vous partagez l'affiche avec Pio Marmaille et Raphaël Kenard,
02:14qui sort le 19 février prochain.
02:16C'est le nouveau film de Karine Tardieu.
02:18C'est celle qui avait réalisé il y a trois ans « Les jeunes amants ».
02:21On l'avait reçue, qui racontait cette folle histoire d'amour entre Fanny Ardant et Melville Poupeau,
02:25qui avait 30 ans de moins qu'elle.
02:27C'était déjà un film magnifique, dont on avait beaucoup parlé.
02:30Mais « L'attachement », votre film, ce film qui sort,
02:33qui est d'ailleurs inspiré du roman « L'intimité »,
02:36qui a été écrit par Alice Ferney en 2020,
02:40mais Karine Tardieu s'est éloignée assez librement de ce texte.
02:44Quel beau film !
02:45Voilà, je vais vous le dire simplement.
02:47Quel beau film !
02:48Vous avez fait mon week-end tendre, délicat, intelligent, maîtrisé.
02:53Je ne voulais pas que le film s'arrête.
02:55Et dans l'équipe de La Matinale, tous ceux qui l'ont vu ont été profondément touchés.
03:00Et je ne sais pas comment vous dire, c'est un film magnifique.
03:04Et surtout très intelligent sur les rapports humains,
03:08sur les liens qu'on a, sur l'attachement qu'on peut avoir.
03:11Vous êtes Sandra, une quinquagénaire indépendante, sans enfant,
03:15qui a ses amis, ses plans cul, qui est plutôt bien dans sa vie.
03:18Et elle vit sur le palais de l'appartement, habite une famille.
03:21La mère perd les os, elle est enceinte,
03:24et elle vous demande en catastrophe de garder son gamin de 5 ans
03:28pour qu'elle aille avec son mari à l'hôpital pour accoucher.
03:32Elle dit « Je n'arrive pas à joindre la nounou, est-ce que vous pouvez me garder mon gamin ? »
03:35Parce que vous, les gamins, ce n'est pas trop votre truc.
03:37Vous voyez ce môme-là, et vous dites oui.
03:40Elle vous dit « Appelez la nounou et elle va venir dans une heure. »
03:43Et vous appelez la nounou, la nounou ne répond pas.
03:45Et finalement, vous gardez ce môme pendant une heure, deux heures, trois heures, toute la journée.
03:48Personne ne répond.
03:50Et finalement, le père revient.
03:52Je ne spoil pas, attention, c'est le début du film.
03:55Le père revient, vous dit « Le bébé est né, mais la mère est morte. »
03:58Et à partir de ce drame familial de la famille qui habite en face de vous,
04:01vont se tisser des liens, des affinités électives.
04:07Et ce film raconte tous les liens qu'on peut avoir.
04:10Tous les liens qu'on peut avoir, qu'ils soient amoureux, qu'ils soient amicaux, qu'ils soient familiaux.
04:14Mais qui sont les liens qu'on choisit, qui ne sont pas les liens biologiques.
04:17Qui sont les familles qu'on se choisit.
04:20Et qui sont parfois bien plus fortes que les liens de sang.
04:23C'est ça.
04:24Oui, c'est ça.
04:25Un peu comme vous parliez des jeunes amants, un peu comme le film d'avant,
04:29qui éclataient les conventions.
04:33Par exemple, là, c'était de la différence d'âge entre une femme plus âgée et un homme plus jeune.
04:38Et ça redistribuait les cartes sur tout ça.
04:42Et ça enlevait les habitudes, les conventions, les préjugés.
04:47Ce film-là, de la même façon, donne beaucoup d'oxygène.
04:51Je crois que c'est ça qui fait du bien.
04:53Parce que ça éclate.
04:55Par exemple, on n'est plus obligé d'avoir un label dans le film.
05:01Il n'y a pas de label dans les rapports entre les gens.
05:04C'est mon amoureux, c'est mon ami, c'est mon voisin.
05:08C'est beaucoup de choses en même temps.
05:10C'est ça qui est très fort.
05:11Il y a le lien avec l'enfant, on va en parler.
05:13Mais il y a le lien aussi avec Pio Marmaï qui est éblouissant dans le film.
05:17Vous dites que c'est un cheval fougueux.
05:19Franchement, elle vous a donné à l'un et à l'autre peut-être vos plus beaux rôles.
05:24Vous êtes vous et lui qui jouent le père de famille qui est endeuillé,
05:28qui se retrouve avec ce bébé et son beau-fils, le gamin de 5 ans.
05:32Et ce qui est très fort, par exemple, sur ce lien-là, entre vous et lui,
05:37c'est pas de l'amour, c'est pas de l'amitié non plus.
05:40C'est plus que de l'amitié, mais c'est pas de l'amour.
05:43Et c'est à un moment, vous choisissez d'être essentiel dans la vie l'un de l'autre.
05:48C'est ça, c'est vraiment ça le film.
05:53C'est d'avoir des liens d'affection avec les autres qui n'ont pas obligatoirement une étiquette.
06:01Et qui peuvent se modifier aussi dans le temps.
06:03Parce que vous dites, j'aurais aimé que le film ne s'arrête pas.
06:06Le film ne s'arrête pas vraiment.
06:08Parce que le film finit très très suspendu.
06:12Et le futur de ce rapport entre Pio et moi dans le film, on ne sait pas ce que ça va être.
06:17Effectivement, ça dure deux ans, le temps entre le drame de la mort de la maman
06:23et les deux premières années de ce bébé qui va grandir et de ce gamin.
06:27Ce gamin, et là aussi, ce lien avec l'enfant qui est magnifique, qui s'appelle César Botti.
06:33Ce petit garçon de 5 ans, c'est vraiment un petit avec qui vous jouez.
06:37Et qui arrive chez vous et qui vous dit plein d'horreurs au début.
06:40C'est moche chez toi, et ces tabloues sont moches.
06:42Et d'ailleurs, t'es une sorcière parce que t'as pas d'enfant.
06:45Moi aussi, je ne suis pas très gentille.
06:47Je ne lui parle pas du tout comme on parle aux enfants.
06:50Je lui parle d'adulte à adulte.
06:52Je pensais à Doltho comme Doltho.
06:54C'est-à-dire que je cherche les mots, juste, mais il est sur le même plan que moi.
06:59Et c'est grâce à ce rapport, disons, d'amitié que j'instaure avec lui.
07:05En tout cas, un rapport sur le même plan.
07:08C'est-à-dire que vous ne le maternez pas et surtout, vous n'essayez pas de vous substituer à sa mère.
07:11Vous ne jouez pas la maman.
07:12C'est grâce à ça qu'il peut venir vers moi.
07:15Et il vous choisit.
07:16Parce qu'il n'a pas l'impression de trahir, d'être déloyale envers sa mère.
07:21Est-ce que vous pensez qu'on peut, comme votre personnage Sandra dans le film,
07:25qu'on peut faire exploser sa vie ?
07:28Même passer 50 ans, tout ce qu'on avait.
07:32Parce qu'elle est là, elle est bien dans sa vie.
07:33C'est pas qu'elle est malheureuse.
07:34Elle est heureuse, dans une forme de solitude, avec plein d'amis, sans enfants.
07:38Tout était bien réglé et puis tout va exploser.
07:41Est-ce que vous pensez qu'on peut changer de vie d'une certaine manière ?
07:44Que toutes les cartes de notre galaxie peuvent exploser à un moment ?
07:48Oui, peut-être pas de façon impressionnante, volontariste.
07:53Parce que ça se passe petit à petit.
07:55C'est comme une carapace qui se fissure petit à petit.
07:58Mais oui, je pense que nos carapaces peuvent se fissurer avec la chaleur de la rencontre avec l'autre.
08:07C'est la chaleur qui fissure.
08:09C'est ce que dit aussi Boris Cyrulnik quand il parle de l'attachement.
08:13La définition de l'attachement, ce mot très particulier.
08:15L'attachement, c'est ce qui donne un goût au monde.
08:19Et c'est ce qui s'acquiert au cours de la petite enfance, spontanément.
08:24Et qu'on peut plus tard travailler.
08:26Ça sera plus difficile à faire, mais c'est possible si on ne l'a pas acquis facilement au cours de notre petite enfance.
08:34Si à personne, il n'y a pas d'attachement.
08:37Nous, êtres humains, on a besoin d'un autre pour devenir soi-même.
08:43On a besoin des autres, c'est ça que raconte le film.
08:45Et on peut les choisir.
08:47Et ça peut arriver à tout moment.
08:49C'est ça.
08:50Et Sandra s'était faite d'une solitude tranquille.
08:53Et cette solitude est remise en question.
08:59Il y a plein de liens.
09:01Elle brosse toutes les formes des liens humains.
09:05Il y a le lien entre Pio Marmaille et son beau-fils.
09:08Et ce gamin qui se retrouve sans mère.
09:11Mais qui est entre Pio Marmaille, son beau-père, et son vrai père biologique, Raphaël Kenard.
09:17Et il est tiraillé entre les deux.
09:19Et la relation entre les deux perd.
09:21Tout peut s'écrire différemment.
09:24Et tout se modifie pendant le film.
09:26Franchement, c'est très fort.
09:28C'est cette chose que les rapports ne sont pas figés.
09:30Et ça peut évoluer.
09:32Sandra n'a pas d'enfant, elle est seule.
09:34Elle a toute la figure moderne de la sorcière.
09:37Mona Cholet dit que la femme seule sans enfant est la sorcière moderne.
09:41C'est un des derniers tabous ?
09:43La femme seule sans enfant ?
09:45Que la société n'a pas encore brisé ?
09:47Ou si vous pensez que ça évolue ?
09:48Je pense que c'est fini.
09:49A mon époque, oui.
09:51Quand j'avais moins de 40 ans, j'étais regardée comme si je n'avais pas encore mes enfants.
09:56Et j'étais regardée vraiment de travers.
09:59Mais je pense qu'aujourd'hui, de plus en plus de jeunes n'ont pas envie d'avoir d'enfant.
10:04A cause de l'angoisse de l'écologie.
10:08Ou à cause d'autre chose, je ne sais pas.
10:11Mais en tout cas, je ressens vraiment une différence dans le désir d'enfant des jeunes aujourd'hui.
10:17Et je pense que c'est très différent.
10:19Je pense qu'il n'y a plus du tout de tabou dans le fait de ne pas avoir d'enfant.
10:23Vous dites dans le Figaro, Madame, j'ai eu ma fille à 45 ans.
10:25Je connais le regard sur les femmes célibataires sans enfant.
10:27C'est un regard culpabilisateur.
10:29Et je me souviens du film que vous avez réalisé, Valérie Poleski.
10:33Que ce soit actrice ou chaton en Italie, vous étiez obsédée par tomber enceinte.
10:37Vous étiez en train de prier la Vierge Marie tout le temps pour tomber enceinte.
10:40Ou vous mettre de l'eau bénite sur le ventre pour que ça marche.
10:42Quel regard vous aviez sur la femme que vous étiez au début de votre quarantaine ?
10:48Oui, mais moi ce n'était pas seulement le regard des autres sur moi.
10:52C'était vraiment, je ressentais, pour moi personnellement, c'était pas une règle pour les autres.
10:58C'était pour moi, je sentais vraiment le besoin d'avoir des enfants pour avoir du sens à ma vie.
11:06Et je pressentais que la vie serait plus gaie.
11:10Et j'avais raison, j'avais raison.
11:12Donc voilà, j'ai beaucoup de gratitude parce que j'ai eu deux enfants.
11:16Mais voilà, je les ai eus à ma façon.
11:21Par l'adoption.
11:23Voilà, c'est ce qui nous a aussi reliés avec Karine.
11:25Avec Karine Tardul, la réalisatrice qui elle aussi a adopté.
11:28Et là aussi, c'est la question du lien qui n'est pas le lien biologique, qui n'est pas le lien du sang,
11:34mais qui est un lien parfois qui peut être plus fort, parfois plus complexe aussi.
11:39Enfin, il y a mille manières d'écrire les liens et ce que raconte aussi en filigrane ce film.
11:45Je voudrais qu'on écoute Simone de Beauvoir sur toutes ces questions sur les femmes.
11:49On dit toujours que la solitude pour les femmes c'est si triste
11:52et que le soir une femme seule pleure sur ses petits oeufs sur le plat.
11:55Mais je crois qu'elle est beaucoup plus contente quand elle a un maman pour se recueillir,
11:59pour se reprendre après une journée de travail,
12:01que c'est obligé de servir quatre mômes et un mari,
12:04et qui ne lui laisse même pas le temps presque de manger.
12:08Par conséquent, je crois que c'est une option qu'il faut proposer à toutes les femmes.
12:13Je ne dis pas de ne pas se marier, de ne pas avoir d'enfants,
12:15mais de réserver toujours une certaine zone de liberté, de solitude.
12:20Que ce soit pour rêver, pour lire, pour écouter de la musique, pour penser, pour n'importe quoi.
12:25Mais enfin, une zone de solitude et de liberté.
12:29Et ça, est-ce que c'est possible, quand on a des enfants,
12:32d'avoir sa chambre à soi, comme disait Virginia Woolf ?
12:35Ce n'est pas facile.
12:36Ce n'est pas facile, on ne va pas se martyr.
12:38Ce n'est pas facile.
12:39Ce n'est pas facile.
12:40Et puis, il faut avoir un peu d'argent.
12:41Vous avez raison.
12:42Karine Tardieu filme magnifiquement les femmes.
12:44Que ce soit Fanny Ardent, 70 ans, qui tombe amoureuse.
12:47Elle était magnifique dans le film.
12:48Elle n'a jamais été aussi belle dans ce film-là.
12:50Là, il faut parler aussi de Vime à la Ponce, qui est magnifique dans le film de Karine.
12:53Oui.
12:55On ne va pas déflorer tout, mais effectivement, elle filme magnifiquement les femmes.
12:58Vous, la cinquantaine qui voit sa vie changer, vous dites que c'est ça, pour moi, être féministe.
13:02Karine Tardieu s'intéresse au cinéma et aux femmes qu'on ne filme pas forcément en général.
13:08Alors, ce n'est pas tout à fait vrai.
13:10Puisque là, il y a une tendance sur les femmes de plus de 50, de plus de 60 ans.
13:15Même quand vous voyez Nicole Kidman ou Demi Moore qui est en train de tout rafler à 66 ans.
13:21Est-ce que la date de péremption de l'actrice est vraiment terminée ou ce sont des exceptions ?
13:26Non, je pense que ça aussi.
13:28Comme le regard sur les femmes qui n'ont pas d'enfants.
13:30Je trouve qu'il y a une énorme différence avec même il y a 10 ans.
13:34Moi, par exemple, on propose des rôles magnifiques.
13:39Après, moi, je n'ai pas de soucis à me vieillir aussi.
13:42Même au contraire, je mets un peu les pieds dans le plat.
13:44Donc, j'ai fait en Italie plusieurs films.
13:46Je fais un film avec mon amie Valérie Agolino qui a adapté l'art de la joie.
13:52Vous avez quel âge ? 70 ans ?
13:55Non, j'ai mon âge, mais à l'époque.
13:57Et mon âge à l'époque, c'est comme si j'avais 70 ans maintenant.
14:00C'est-à-dire que c'est l'époque de...
14:03Donc, ce que je veux dire, c'est que j'ai un amusement à jouer avec l'âge
14:08qui fait que je me sens libre, beaucoup plus libre.
14:10Ce n'est pas quelque chose qui vous a angoissé dans la vie ?
14:13C'est quelqu'un qui m'a angoissé avant et qui m'angoisse moins.
14:16Qui vous a angoissé à quand ? Dans la quarantaine ?
14:19Non, à 50 ans.
14:20À 50 ans, j'ai eu un mauvais passage.
14:22Mais là, grâce aussi à des rencontres, à des gens qui m'ont rassurée.
14:28Voilà, à quelqu'un qui m'a rassurée, je me sens très libre.
14:36C'est-à-dire qu'après, je vous dis la vérité, je ne me regarde pas trop dans le miroir.
14:40Donc du coup, j'ai l'âge que je ressens.
14:43Et je me sens, des jours j'ai 20 ans, des jours j'ai 10 ans, des jours j'ai 100 ans.
14:48Mais je n'ai pas l'âge que je vois.
14:51Il y a 30 ans, à Libération, quand vous aviez 30 ans, vous racontiez que vous aviez peur de tout.
14:55Du noir, de la mort, des catastrophes.
14:57Ça va mieux ?
14:58Non, des catastrophes, j'ai très peur.
15:00Et de la mort des autres.
15:02Et de mes chairs.
15:04Ça ne passe pas, ça a peur.
15:06Non, non, non.
15:07Vous êtes une angoissée.
15:08Très.
15:09Très.
15:10Je vais vous passer un extrait de Patrice Chéreau que vous adorez, qui est le mort le plus vivant de votre vie, comme vous dites parfois.
15:16Comme dit Marthe Keller.
15:17Marthe Keller, que vous avez repris, qui a été votre prof, qui a été une figure hyper importante pour vous, et qui parle de l'angoisse.
15:23Lui, il dit « je ne suis pas angoissée ».
15:26Je suis inquiet, je suis nerveux, je ne suis pas un angoissé.
15:29C'est ça ma grande force, je ne suis pas un angoissé.
15:32Vous croyez ?
15:33Je suis tout à fait persuadé, je sais ce que c'est que quelqu'un d'angoissé.
15:36Je sais que je ne le suis pas.
15:38Et quand, par exemple, vous mettez…
15:39Je ne connais pas la dépression, je ne connais pas l'angoisse, je ne connais pas la paralysie devant l'action.
15:43Je suis quelqu'un qui dort, et plus il y a de problèmes, plus je dors.
15:47Vous me posez un problème insoluble, je commence à somnoler, trois problèmes, et le décor s'écroule, je dors 24 heures.
15:52Je ne suis pas un angoissé.
15:55Il a de la chance Patrice Chéreau, c'est-à-dire que plus il y a un problème, plus il dort.
15:58Vous, vous dormez, moi je ne dors pas.
16:00Non, je dors très mal, très très mal. Je me réveille beaucoup de fois dans la nuit.
16:03Vous dites « Chéreau est resté le repère, le père ». Chaque fois que je travaille, je me demande ce qu'il va en penser.
16:08Qu'est-ce qu'il penserait de l'attachement de ce film, s'il le voyait ? Et de vous dans ce film ?
16:13Parce qu'elle vous a contraint, la réalisatrice.
16:15Je pense qu'il aimerait le fait de me voir différente.
16:19On ne vous a jamais vu comme ça, je précise.
16:21Il avait un grand goût pour le contre-emploi.
16:24Quand il prenait des actrices, des acteurs complètement au contre-emploi.
16:28Il avait pris, je ne me souviens plus, dans le Coltès, une grande actrice comique.
16:34Voilà, donc il avait un grand goût de ça.
16:36Et Karine Tardieu, elle vous impose et vous dites que le tournage n'a pas été facile.
16:40C'est-à-dire que la Valéria Bronteschi qu'on connaît, qui est exubérante, qui est italienne, qui est chaleureuse.
16:44Pas du tout. Elle vous voulait bretonne, maîtrisée, en distance, au froid.
16:49Avec des lunettes.
16:50Avec des lunettes, un peu dures.
16:52Et bien, elle vous a offert votre plus beau rôle.
16:54Après, je n'étais pas contente.
16:57Oui, ça a été dur. Elle a eu raison à la fin.
17:00Complètement raison.
17:01Les impromptus, pour terminer, vous répondez rapidement sans trop réfléchir.
17:04Turin ou Paris ?
17:06Paris.
17:07La plus belle ville d'Italie ?
17:09Turin.
17:11Ça, c'est vraiment parce que vous êtes de l'Europe.
17:16Non, ce n'est pas vrai. C'est une très belle ville. Vous ne connaissez pas.
17:18Non, je ne connais pas.
17:19Il y a des places magnifiques.
17:21Par rapport à Rome et Florence ?
17:22Non, c'est magnifique.
17:23Par rapport à Venise ?
17:24Non, c'est Turin.
17:25Votre quartier préféré à Paris ?
17:27D'ailleurs, je voudrais filmer Turin.
17:29Mon quartier préféré à Paris ? Le 7ème.
17:32Wellbeck ou Des Pentes ?
17:35Wellbeck.
17:36Monica Vitti ou Gina Rollands ?
17:38Gina Rollands.
17:39La chanson que vous écoutez quand vous êtes triste ?
17:46Je suis tombée amoureuse de toi parce que je n'avais rien à faire.
17:53La psychanalyse, ça aide ?
17:56Ça accompagne.
17:58Ça change quoi d'avoir un César ?
18:01Sur le moment, ça fait quelques propositions en plus, c'est tout.
18:06Qu'est-ce qui vous indigne ?
18:08Moi, ce qui m'indigne, c'est la lâcheté et le politiquement correct.
18:15Vous votez ?
18:17Oui.
18:18Alcool, sexe, drogue, quels sont vos vices ?
18:23Aucun.
18:25Très bien.
18:26Liberté, égalité, fraternité, vous choisissez quoi ?
18:33Fraternité.
18:35Et Dieu dans tout ça ?
18:38Je lui parle beaucoup en espérant qu'il est là.
18:44Le film s'appelle « L'attachement », il sort le 19 février.
18:47La dernière fois que j'ai dit je m'engage à rembourser si vous n'aimez pas le film,
18:51c'était sur « Vingt dieux », le film qui est sorti il y a deux mois, « Vingt dieux »,
18:55qui a cartonné.
18:56Je suis très contente et bravo.
18:57Merci.
18:58Je m'engage à rembourser si vous n'aimez pas « L'attachement » de Karine Tardieu.
19:01Merci.
19:02Merci à vous.
19:03Très belle journée.

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