Les épiceries solidaires sont fragilisées, c’est le constat principal de l’Observatoire des épiceries solidaires du réseau Andès. L’organisme tire la sonnette d’alarme face aux baisses de dons et de subventions et à la hausse de la précarité.
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00:00Générique
00:06Les épiceries solidaires au programme de notre débat avec Yann Ogé, bonjour.
00:11Bonjour.
00:12Bienvenue, vous êtes le directeur général d'Andès, Thierry Barrou, bonjour.
00:16Enchanté.
00:16Trésorier de Solidaria épicerie solidaire qui est membre de ce réseau.
00:20Vous nous le présentez en quelques mots, Andès, réseau d'épicerie solidaire.
00:25Bien sûr, donc en quelques mots, Andès, c'est un réseau d'épicerie solidaire.
00:29Vous l'avez dit, qu'il fédère 625 structures de ce type qu'on va vous présenter,
00:35présentes dans toute la France, dans toutes les régions, en Outre-mer,
00:40et qui développent donc un concept tout à fait spécifique d'aide alimentaire participative.
00:46Donc ce sont des épiceries qui sont dédiées à des personnes en situation de précarité,
00:51mais qui se présentent comme des commerces ordinaires avec des rayons garnis,
00:57un grand choix de produits, et les personnes, orientées par des travailleurs sociaux qui accèdent à l'épicerie,
01:03viennent y faire leurs courses, choisissent leurs produits,
01:06et payent en général entre 10 et 30% de la valeur.
01:11Mais il y a quand même l'acte de payer.
01:13Exactement.
01:14Ça fait partie du concept, l'idée de préserver la dignité des clients bénéficiaires de l'épicerie,
01:22de respecter leur goût, leur choix.
01:24Donc ils choisissent les produits dans une offre de qualité,
01:27et effectivement ils payent un petit peu en sortie,
01:31comme dans un commerce ordinaire,
01:33tout ça dans le but de sortir,
01:35ou en tout cas de ne pas se retrouver dans des situations un peu stigmatisantes
01:40pour les bénéficiaires qui viennent dans ce type de dispositif.
01:44Thierry Barron, double question.
01:46Où se trouve votre épicerie, Solidaria,
01:48et pourquoi cette dimension de finalement payer, même peu, elle vous semble importante ?
01:53Où se trouve l'épicerie ? Dans le 13ème arrondissement de Paris,
01:56aux alentours de la place de Rungis, pour ceux qui connaissent.
01:59Pourquoi cette dimension ?
02:01Je crois que je vais rebondir sur ce qu'a dit Yann.
02:04Ce qui est fondamental, c'est cette notion de dignité humaine.
02:08Il y a un point que Yann n'a pas évoqué,
02:10c'est que dans le dispositif des épiceries sociales et solidaires,
02:14les personnes sont là pour un laps de temps.
02:17Elles ne sont pas là ad vitam aeternam.
02:20Par exemple, si je prends l'exemple de notre structure,
02:23les personnes viennent pour 6 mois, renouvelables une fois.
02:26Qu'est-ce que ça veut dire ?
02:28Ça veut dire que les personnes viennent avec un projet.
02:31Un projet, ça peut être effacer une dette,
02:33ça peut être passer à un cap où vous avez eu une maladie,
02:36où vous avez perdu votre emploi,
02:38où vous êtes dans une situation un peu compliquée.
02:40À ce moment-là, les personnes ont besoin de reprendre des forces,
02:45pas que simplement des forces en s'alimentant correctement,
02:50parce que bien évidemment, on met un point d'honneur
02:53à ce que l'alimentation qu'ils fournissent soit une alimentation de qualité.
02:57Mais c'est aussi, et par le fait de les responsabiliser sur l'acte d'achat,
03:04de leur donner le choix de ne pas être là en leur imposant ce qu'ils ont à prendre.
03:09Finalement, on organise ce SAS et c'est fondamental.
03:14Le modèle des épiceries solidaires, ce n'est pas un modèle de grande précarité.
03:18Oui, on a bien compris.
03:19L'Observatoire 2025 des épiceries solidaires,
03:22il y a un objet que vous avez lancé.
03:24Pourquoi et peut-être quelles leçons principales vous en retirez ?
03:27Alors, pourquoi ?
03:29Parce que les épiceries sont des structures extrêmement diverses
03:32dans leur mode de fonctionnement,
03:34qui se retrouvent sur un certain nombre de grands principes communs.
03:37Mais donc, on avait besoin de mieux qualifier,
03:40de mieux identifier toutes ces pratiques,
03:42premièrement, qui peuvent être très différentes,
03:44qui dépendent de plein de paramètres.
03:46Et puis, d'autre part, on est sur une matière vivante.
03:49On est sur le secteur associatif,
03:52un petit peu éprouvé par certains facteurs qui le fragilisent.
03:55Et donc, on voulait prendre un petit peu la température
03:58de nos épiceries sur le terrain.
04:01Et donc, quelles leçons principales vous en retirez de cet observatoire ?
04:05Alors, on est conforté dans les grands éléments
04:08de compréhension du fonctionnement de ces épiceries
04:11et de leur situation.
04:13Pour aller vite, on en a un quart qui annonce quand même
04:16être très fragilisé par tous les facteurs que vous imaginez
04:19et que je peux résumer très brièvement.
04:22On a des baisses de dons de produits,
04:25puisqu'une bonne partie de l'approvisionnement vient de dons.
04:28Donc ça, on est sur une tendance à la baisse.
04:31On a des subventions, soit qui stagnent,
04:34soit qui baissent un petit peu,
04:36dans le cas de certaines collectivités
04:39et qui fragilisent fortement les épiceries.
04:42Et puis, dans les grands enseignements, il y a bien sûr
04:45une confirmation des grandes catégories de populations
04:49qui sont amenées à fréquenter ce type d'établissements.
04:52Donc ça veut dire que ce modèle est un peu sous tension, si je comprends bien.
04:55C'est un modèle qui est, comme tout le secteur associatif,
04:58sous tension, comme tout le secteur de l'aide alimentaire d'ailleurs.
05:01Il n'y a pas que les épiceries, du fait de ces facteurs.
05:04Certains ont parlé d'effets cocktails ou d'effets ciseaux
05:07liés au fait qu'on a de plus en plus de bénéficiaires,
05:10donc plus de 50% depuis 2019.
05:13Donc des bénéficiaires plus nombreux,
05:16des dons de produits qui baissent,
05:19des achats plus coûteux pour compenser les produits que l'on n'a pas en dons
05:22et qui coûtent bien plus cher que par le passé,
05:25et puis des subventions qui stagnent ou qui sont fragiles.
05:28Donc oui, c'est un modèle qui est fragilisé,
05:31qui s'en sort pas trop mal,
05:34mais qui est fragilisé.
05:37On a compris la leçon principale de cet observatoire
05:40avec ce chiffre 1 Français sur 6 qui ne mange pas à sa faim.
05:43Je veux bien votre retour d'expérience, Thierry Baron,
05:46sur cette demande plus forte.
05:49Qui vient chez vous ? C'est plutôt des familles ?
05:52C'est plutôt des étudiants ou des jeunes
05:55en situation de précarité ?
05:59On a une proportion de familles monoparentales
06:02qui est certainement en surreprésentation
06:05par rapport à la population.
06:08Donc beaucoup de femmes seules ?
06:11Beaucoup de femmes seules avec enfants.
06:14On a une surreprésentation des travailleurs,
06:17travailleurs en CDI.
06:20On a vraiment une surreprésentation par rapport au reste de la population.
06:23C'est logique.
06:26Les étudiants, ça nous tracasse parce qu'on se dit
06:29que les personnes qui subissent un accident de vie,
06:32on ne les prend pas peut-être assez tôt
06:35pour leur donner toutes les chances de remonter.
06:38Les étudiants, je ne vous fais pas un dessin,
06:41sur Paris, il y a eu quand même beaucoup de communications,
06:44sur Paris et sur la France,
06:47et on accueille aujourd'hui, je vais vous donner des chiffres,
06:50on accueille à peu près 130 familles chaque semaine.
06:54Sur ces 130 familles,
06:57donc ça fait en gros un 4 à 500 personnes
07:00qu'il faut nourrir toutes les semaines.
07:03Et on a une proportion d'étudiants qui est aujourd'hui à peu près d'un quart
07:06et qui est en croissance.
07:09Ça veut dire, Yann Ogier, qu'il y a des épiceries étudiantes
07:12même spécifiques qui se sont créées
07:15ou qui sont plus nombreuses qu'avant ?
07:18Absolument. Il y en a plus d'une cinquantaine dans le réseau.
07:21Un nombre a été multiplié par près de trois en quelques années.
07:24Donc il y a des modèles spécifiques qui se mettent en place
07:27pour répondre à des besoins particuliers.
07:30Et effectivement, ces épiceries étudiantes en font partie.
07:33Elles peuvent être sur les campus ou en dehors,
07:36tenues par des étudiants pour les étudiants ou pas.
07:39Il y a d'autres approches possibles.
07:42Mais oui, c'est un modèle qui est en plein boom
07:45parce que les besoins sont hélas très importants.
07:48C'est le mot inflation.
07:51Je veux bien avoir votre ressenti.
07:54Aujourd'hui, les chiffres macroéconomiques nous disent
07:57qu'on est en train de gagner la bataille.
08:00Comment vous le ressentez à la dimension d'une épicerie solidaire ?
08:03A la fois pour vous fournir en produits
08:06et dans ce que vous disent les femmes et les hommes qui viennent chez vous.
08:09Sur les deux aspects, le constat est le même.
08:12Effectivement, on est sortis du pic inflationniste
08:15mais bien sûr, on reste à un niveau de prix extrêmement élevé
08:18qui met une bonne partie de la population en grande difficulté.
08:21Donc ça, on le ressent dans la fréquentation des épiceries.
08:24Et par ailleurs, vous l'avez dit,
08:27ça a un impact sur la capacité à nous approvisionner
08:30puisqu'en gros, on paye 20% plus cher qu'il y a quelques années
08:33sur tous les produits.
08:36Et il y a de moins en moins de dons.
08:39Vous êtes obligé de plus en plus d'acheter si j'ai bien compris.
08:42Exactement, c'est l'équation.
08:45C'est la grande équation qui nous occupe toute l'année.
08:48Je pense que Thierry pourra donner un témoignage à l'échelle de son épicerie.
08:51C'est le sujet clé pour les épiceries
08:54et pour tout le secteur de l'aide alimentaire.
08:57Il y a moins de dons, effectivement.
09:00Vous achetez de plus en plus de produits alimentaires pour pouvoir faire tourner l'épicerie.
09:03Je vais vous donner des chiffres, je crois que c'est plus simple.
09:06Il y a trois ans,
09:09il y a trois types d'approvisionnement.
09:12Il y a ce qu'on appelle les dons, proprement dit.
09:15Tout le monde a vu les collectes dans les supermarchés.
09:18Tout le monde ne sait peut-être pas, mais il y avait aussi des produits
09:21qui étaient un peu en fin de vie, qui étaient ramassés dans les supermarchés.
09:24Donc des produits qui sont tout à fait consommables,
09:27mais en fin de vie.
09:30Ensuite, vous avez une partie de produits qu'on pouvait récupérer
09:33avec des coûts logistiques.
09:36En gros, des plateformes de dons
09:39ou des structures telles que la branque alimentaire
09:42où vous achetez des produits, mais vous ne payez que la partie logistique.
09:45Et puis la partie achat.
09:48Quand vous ne trouvez pas les produits, il faut acheter.
09:51Alors, il faut acheter comme un supermarché va acheter.
09:54Grâce à Andes, on a accès à des plateformes de supermarchés
09:57où on peut acheter au même tarif que les commerces vendent.
10:00Simplement, vous vous rappelez que nous, on vend à peu près
10:03à 20%.
10:06De toute façon, on est cuit là-dessus.
10:09Et cette partie-là ?
10:12Cette partie-là, elle représentait 20 à 30%
10:15des apports il y a 3 ans.
10:18Aujourd'hui, c'est 45% pour nous, dans notre épicerie.
10:21Donc, ça veut dire que votre modèle économique,
10:24ce n'est pas le bon terme, mais que le budget
10:27est sous tension.
10:30Le budget est sous tension.
10:33Et en plus, on est sur un paradoxe.
10:36C'est que le budget est sous tension.
10:39La population est en elle-même sous tension.
10:42On n'a pas forcément revu nos prix à la hausse.
10:45Et les prix qu'on avait, nous, il y a 2 ans, on ne les a pas bougés.
10:48Et je crois que dans le réseau des épiceries solidaires,
10:51c'est le cas de beaucoup d'épiceries de ce type-là.
10:54Et les gens ont moins de moyens aussi pour acheter.
10:57C'est ce qui est compliqué.
11:00Et il nous reste une minute, ça passe trop vite,
11:03mais ça veut dire, Yannogé, qu'on peut lancer un appel
11:06à des entreprises, à des commerçants localement
11:09pour finalement aider les épiceries solidaires ?
11:12Exactement. Pour aider les épiceries, il y a plusieurs leviers possibles.
11:15Il y a effectivement la recherche, bien sûr, de dons de produits.
11:18On en a parlé.
11:21Mais bien évidemment, la recherche de dons en numéraire,
11:24que ce soit par les entreprises, sous la forme de mécénats
11:27ou de dons financiers par les particuliers.
11:30Et puis j'en profite pour dire aussi qu'on est en permanence
11:33en recherche de bénévoles.
11:36C'est très important pour faire fonctionner nos structures.
11:39Voilà, ça fait partie des quelques axes sur lesquels
11:42on peut envoyer un message aux spectateurs, nous aider.
11:45Merci beaucoup à tous les deux et à bientôt sur BeSmart for Change.
11:48On passe à notre rubrique Start-up tout de suite.