• l’année dernière
70% des consommateurs déclarent chercher des bonnes affaires et des premiers prix. Les consommateurs diminuent non seulement leur consommation, mais également descendent en gamme en achetant massivement des produits d'entrée de gamme.
Alors que l'agriculture biologique est de plus en plus menacée par l'inflation, la Coopérative agricole appelle à un double choc de compétitivité et de simplification normative pour résister aux importations et ainsi sauvegarder notre souveraineté alimentaire.

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Transcription
00:00 [Musique]
00:05 Bonjour Dominique Chargé, bienvenue.
00:07 Bonjour.
00:08 Vous êtes éleveur en Loire-Atlantique et président de la coopération agricole.
00:12 Vous appelez à un double choc de compétitivité et de simplification normative
00:17 pour résister à l'inflation, aux importations et donc sauvegarder notre souveraineté alimentaire.
00:22 On va évidemment détailler tout ça ensemble.
00:24 D'abord un mot de présentation de la coopération agricole.
00:27 Vous "pesez" combien ?
00:29 Tout d'abord les coopératives agricoles sont des entreprises qui sont des entreprises des agriculteurs.
00:35 Donc nous sommes tous associés coopérateurs au sein d'une entreprise collective de territoire.
00:39 Ça représente 2200 coopératives comme je l'avais dit tout à l'heure, partout sur le territoire,
00:43 sur l'ensemble des productions et des filières animales et végétales.
00:48 Et nous représentons à peu près 70% de la production agricole française et 40% de l'agroalimentaire,
00:53 dont une marque sur trois que vous trouvez aujourd'hui dans vos magasins de consommation.
00:58 Et juste un dernier chiffre, trois agriculteurs sur quatre
01:01 ont aujourd'hui une relation économique avec au moins une coopérative.
01:04 Avec plus de 190 000 salariés et un chiffre d'affaires de 85 milliards d'euros,
01:11 vous êtes donc au cœur de ces enjeux de souveraineté alimentaire.
01:14 Est-elle menacée aujourd'hui, notre souveraineté alimentaire ?
01:16 Oui absolument, elle n'a jamais autant été, pour une raison très simple.
01:21 C'est que les effets de l'inflation ont conduit nos compatriotes, nos concitoyens, les consommateurs
01:26 à modifier leurs habitudes et leurs comportements de consommation.
01:30 Ils se sont massivement reportés sur deux effets mécaniques, j'allais dire, de cette inflation,
01:34 qu'on peut comprendre.
01:36 Une inflation que nous subissons tous,
01:38 à la fois dans nos activités, qui est un problème pour le consommateur,
01:41 et donc ils ont à la fois diminué les volumes de consommation,
01:45 mais aussi ce qu'on appelle, ils ont fait une descente en gamme,
01:47 c'est-à-dire qu'ils achètent aujourd'hui beaucoup plus massivement
01:50 des produits d'entrée de gamme, des produits de moyenne gamme.
01:54 70% des consommateurs déclarent aujourd'hui chercher des bonnes affaires et des premiers prix,
01:59 ce qui veut dire que la consommation,
02:01 ça veut dire que cette consommation effectivement se reporte massivement
02:05 sur des produits importés, sur des produits que nous ne pouvons plus faire aujourd'hui
02:09 dans nos, j'allais dire, modèles de production françaises.
02:12 C'est là qu'on touche au cœur de la question.
02:15 Ça veut dire quoi ? Que les produits alimentaires faits en France sont trop chers ?
02:20 Ça veut dire qu'on nous a demandé, à juste titre, très probablement,
02:24 de faire à la fois une montée en gamme,
02:26 de nous impliquer dans la décarbonation des filières,
02:28 de nous impliquer dans les transitions écologiques,
02:30 de nous impliquer dans le renouvellement des générations
02:32 qui implique mieux rémunérer les agriculteurs,
02:34 et que tout ça effectivement a un coût.
02:36 Ce coût aujourd'hui, du fait de l'inflation sur l'ensemble des produits de consommation,
02:41 fait que les consommateurs ont massivement réduit leurs achats alimentaires.
02:46 Ils font finalement porter à l'alimentation, et donc à l'agriculture et à l'alimentation,
02:52 le poids de cette inflation.
02:54 Ils se servent de l'alimentation comme variable d'ajustement.
02:56 Et effectivement, pour nous, c'est un problème que nous devons traiter.
02:59 Alors, comment redevenir compétitif sur ces produits d'entrée de gamme
03:03 qui sont privilégiés par les Français aujourd'hui ?
03:05 Tout simplement en redonnant ce que j'ai appelé les moyens de pouvoir produire,
03:10 faire cette production agricole qui correspond à ce que les consommateurs demandent aujourd'hui.
03:14 Donc, j'ai appelé à ce choc de compétitivité et de simplification.
03:17 Ça passe par quoi ?
03:18 Nous avons aujourd'hui un certain nombre de sujets qui minent au quotidien
03:22 les efforts de la production agricole.
03:24 D'abord, une complexité administrative,
03:27 et probablement aussi un sujet d'acceptabilité sociétale de nos productions,
03:32 qui fait que nous ne pouvons pas que le moral des producteurs,
03:34 que le moral des industriels est souvent déprimé,
03:37 et qu'ils ne développent pas, qu'ils n'investissent pas dans leurs unités de production,
03:41 ce qui fait que nous perdons des capacités de production,
03:43 et nous perdons surtout en productivité.
03:45 Parce que quand on investit, c'est trop compliqué, il y a trop de paperasses,
03:48 il y a des règlements français, européens qui s'empilent les uns sur les autres.
03:52 Il y a énormément de complexité administrative.
03:54 Il faut par exemple, deux ans en France pour pouvoir développer un projet,
03:59 par exemple de construction d'un bâtiment d'élevage,
04:01 quand il faut six mois en Allemagne.
04:03 Ça, c'est un premier temps, avec énormément de recours et de complexité administrative.
04:06 On a également un sujet qui mine aujourd'hui notre performance,
04:08 c'est celui de la complexité et surtout la dureté de l'autorité de la concurrence
04:14 dans notre capacité à pouvoir consolider nos filières.
04:16 Donc on a aujourd'hui des acteurs qui voudraient se consolider pour être plus performants,
04:20 mais qui ne le peuvent pas parce que l'autorité de la concurrence n'autorise pas ces consolidations.
04:23 Donc on a aussi à se pencher sur le problème de l'autorité de la concurrence.
04:26 Vous voudriez pouvoir grossir, ou qu'il y ait un certain nombre d'acteurs qui puissent grossir,
04:32 et vous en êtes empêchés, c'est ce que je comprends.
04:34 Ils devraient pouvoir consolider leurs efforts sur un territoire, dans une production,
04:37 mais ils ne le peuvent pas parce que l'autorité de la concurrence les en empêche.
04:40 Ça, ça dépend de qui ? Du gouvernement, tout simplement ?
04:42 Ça dépend de la façon dont on traite globalement le sujet de la concurrence.
04:46 La concurrence ne peut pas être seulement, j'allais dire,
04:49 regardée comme l'intérêt d'avoir le prix le plus bas.
04:52 Ça doit être fait comme étant l'intérêt du développement économique.
04:56 Mais sur ces deux leviers que vous venez de détailler, je repose la question.
04:59 Ça dépend du gouvernement, c'est quoi ? C'est une loi, c'est un décret, ça peut être rapidement.
05:03 Parce que bon, si on dit des règlements français et européens, déjà forcément ça complique la donne.
05:08 Donc est-ce que ce choc de compétitivité, il peut arriver vite ?
05:12 Il peut arriver vite. Il y a eu une proposition de loi qui a été faite par un sénateur en 26 articles
05:18 qui reprend un certain nombre de sujets.
05:19 Alors, c'est des sujets effectivement d'ordre de normes françaises et de normes européennes
05:25 parce qu'on a effectivement aussi toutes les distorsions de concurrence
05:28 que l'on a avec les autres pays européens, puisqu'on a des surtranspositions françaises
05:32 qui finalement amènent la France à ne pas pouvoir développer un certain nombre de productions.
05:37 Ce qu'on constate, c'est que les standards de production de ces produits importés aujourd'hui
05:42 sont des standards de production qu'on ne peut plus produire, qui ne répondent pas aux standards français.
05:48 Je vous donne une caricature.
05:50 Je vous donne une caricature.
05:52 Au sein de l'Union Européenne, oui, la Pologne par exemple, mais je vous donne une caricature.
05:56 Aujourd'hui, nos poulaillers bio, nos poulaillers Label sont vides
06:00 parce que les Français ont massivement déconsommé ces produits-là
06:03 et on importe des poulets de Pologne et d'Ukraine,
06:05 qui sont des poulets effectivement sur des standards de production qui ne répondent pas aux standards français.
06:10 Donc il faut qu'on puisse regagner en compétitivité sur des capacités de production
06:14 à pouvoir faire à nouveau ces productions que les Français plébiscitent dans leur consommation.
06:18 Dans une récente interview au Journal du Dimanche, le ministre de l'Agriculture Marc Fesneau affirme,
06:24 je cite, "le dérèglement climatique est la principale menace pour notre souveraineté alimentaire".
06:28 Vous êtes d'accord avec ça ?
06:29 Il n'a effectivement pas tort parce que c'est l'autre levier qui fait qu'aujourd'hui,
06:32 nous sommes entrés dans une période d'instabilité, une période où finalement,
06:37 derrière une période d'abondance telle que nous l'avons vécue depuis l'après-guerre,
06:40 aujourd'hui, un certain nombre de menaces pèsent, dont la menace climatique.
06:43 La menace climatique, c'est effectivement des aléas aujourd'hui
06:47 qui font que nous n'avons pas forcément le niveau d'approvisionnement que nous souhaitions.
06:50 Par exemple, l'an dernier, une filière comme les fruits et légumes en Bretagne
06:55 était à 50% de leurs objectifs de rendement.
06:58 Ça veut dire qu'on avait 50% de la filière qui n'était pas approvisionnée.
07:00 Et pour y répondre, nous avons besoin de nous adapter.
07:03 Nous avons besoin de nous adapter sur nos modes de production,
07:06 sur la façon dont nous allons pouvoir trouver de nouvelles variétés,
07:10 mais aussi, il y a un sujet autour de l'accès à l'eau.
07:12 C'est-à-dire que nous ne pourrons pas avoir de production agricole compétitive
07:16 et surtout durable si nous n'avons pas accès à l'eau.
07:19 Ça, ça se cristallise sur un mot "mégabassine"
07:23 qui est certainement devenu dans l'esprit de certains un mot, je ne sais pas, diabolique.
07:28 Vous voyez ce que je veux dire ?
07:29 Vous dénoncez cette caricature ?
07:32 Oui, bien sûr que c'est une caricature.
07:34 Pourquoi on en a besoin ?
07:36 On a besoin d'eau.
07:37 En fonction des lieux, peut-être pas partout, mais pourquoi on en a besoin ?
07:39 On a besoin d'eau parce qu'il ne pourra pas y avoir de production agricole végétale sans eau,
07:44 quel que soit le modèle de production.
07:46 Le problème de la mégabassine, c'est que la mégabassine dénonce plus
07:50 un problème de structure et de modèle de production qu'un problème de production lui-même.
07:55 Moi, je ne fais pas le choix.
07:56 Toutes les productions doivent être respectées, le bio, l'entrée de gamme, les moyens de gamme.
08:00 Mais nous devons, si nous voulons être compétitifs sur ce que j'appelle ces produits d'entrée de gamme,
08:04 ces produits qui correspondent à des choix de consommation,
08:07 qui correspondent à des moments de consommation que nous n'avons pas à juger,
08:10 si nous voulons y répondre, nous aurons besoin d'avoir accès à ces moyens de production.
08:15 On parle du bio, cette inflation longue durée, elle plombe particulièrement le secteur du bio.
08:19 Il y a 600, à la vue coopérative que vous représentez, qui ont fait ce choix.
08:25 Dans quel secteur les agriculteurs bio sont-ils le plus en danger, en difficulté aujourd'hui ?
08:30 Les filières animales, d'une manière générale, et d'une manière un peu plus ciblée, la production porcine.
08:36 La filière porcine bio est extrêmement en danger.
08:38 On a aujourd'hui énormément de producteurs bio qui se sont ce qu'on appelle déconvertis ou qui arrêtent leur activité.
08:44 Et la deuxième production la plus touchée est celle de la volaille, c'est-à-dire aujourd'hui,
08:48 tous les investisseurs récents dans des poulaillers bio qui sont aujourd'hui en panne,
08:54 qui sont en rupture de production parce qu'il n'y a plus de marché.
08:57 Dernier thème que je voudrais aborder, le renouvellement des générations.
09:00 Parce que ça c'est aussi un défi majeur pour l'agriculture française.
09:04 Il y a combien d'exploitations qui ferment chaque année, faute de transmission, faute de repreneurs ?
09:11 On dit que sur les 10 ans qui viennent, 50% des exploitants vont chercher à transmettre leur exploitation.
09:18 Donc ça veut dire qu'on a un défi majeur autour de la question de l'installation.
09:22 Cette question d'installation, elle doit être traitée en regardant le sujet tel qu'il est.
09:26 C'est-à-dire que décréter ou décider d'une installation par des voies réglementaires est une chose.
09:32 Moi je pense que ce qui fera que les gens viendront massivement dans nos métiers,
09:37 c'est le fait d'abord qu'ils y trouveront un accueil par la profession mais aussi par un environnement.
09:42 Et surtout qu'on les mettra dans des modèles économiques de production
09:45 qui leur permettront de vivre, d'être résilients et d'avoir de la perspective,
09:48 d'avoir de la confiance dans leur production.
09:50 Ce qui n'est pas le cas aujourd'hui donc on a beaucoup à travailler pour mieux accueillir les jeunes dans nos métiers.
09:55 Merci beaucoup Dominique Chargé.
09:56 Je signale que vous avez publié ce livre "Idées reçues sur les coopératives agricoles",
10:02 livre publié aux éditions Le Cavalier Bleu.
10:05 A bientôt sur Bismarck.
10:07 On passe à notre débat, la décarbonation du bâtiment au programme.

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