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00:00Vous écoutez Culture Média sur Europe 1 9h30 11h avec Thomas Hill, avec votre invité ce matin Thomas.
00:05Oui, je reçois ce matin l'avocate Ludivine Perez, spécialisée en propriété intellectuelle pour faire le point sur le grand bouleversement qui s'opère actuellement
00:13dans les mondes des médias et de la culture avec l'arrivée en force de l'intelligence artificielle.
00:17Il y a quelques jours, 35 000 personnes issues du monde artistique, dont Jean-Jacques Goldman, Zazie, Jacques Dutronc ou encore José Garcia,
00:25ont signé une tribune pour dire leur grande inquiétude face à une technologie sans contrôle. Est-ce qu'ils ont raison, selon vous, d'être inquiets ?
00:33Alors oui, effectivement, c'est un réel bouleversement pour tous ces artistes et ces auteurs et ils ont raison de s'inquiéter. Pourquoi ?
00:42Puisque déjà, l'IA, c'est le premier outil à remettre en cause l'effort de création humaine. Ça, c'est la première grande problématique.
00:51Et la deuxième problématique qui est reliée finalement à la première, c'est que l'IA va se nourrir, va utiliser tous les contenus et œuvres existantes de ces artistes
01:03et va recracher elle-même une œuvre, plus synthétique bien évidemment, en d'autres termes, mais ça reste de la contrefaçon puisque ces artistes ne sont pas cités.
01:15C'est du pillage en fait.
01:16Exactement, c'est du pillage. Ils ne sont pas cités, ces artistes, et ils ne sont pas rémunérés pour l'utilisation de ces contenus.
01:23On comprend que ça leur pose un petit problème.
01:25Exactement.
01:26Pour bien comprendre d'abord ce qui est en train de changer, on va prendre l'exemple du créateur d'une chanson.
01:30Avant l'arrivée de l'intelligence artificielle, qui est-ce qui avait les droits sur cette chanson ?
01:35Alors, sur une chanson, c'était un régime assez stable sur la répartition des droits.
01:40On reconnaissait l'auteur des paroles, le compositeur de la musique et l'interprète, bien évidemment.
01:47Tout ça, ça pouvait être la même personne éventuellement ?
01:49Voilà, bien évidemment, ou trois personnes différentes.
01:53Et en tout cas, chacun apportait sa touche personnelle et les revenus issus de l'exploitation de cette chanson étaient donc partagés en fonction de ses rôles.
02:02Avec des organismes comme l'ASASEM par exemple, c'est l'ASASEM qui s'occupe de ça.
02:06Et alors, qu'est-ce que l'intelligence artificielle, ça va changer là-dedans ?
02:09L'IA change la donne radicalement puisqu'elle va intervenir sur les différents niveaux du processus créatif.
02:17Donc notre artiste qui veut créer des chansons, il va par exemple utiliser l'IA pour générer des idées, créer des mélodies, proposer même des arrangements.
02:27Mais qui va être réellement à l'origine de cette œuvre finale ?
02:31On va tout de suite penser à l'utilisateur de l'IA.
02:36Donc si l'utilisateur va utiliser l'IA comme un simple outil et qu'il va guider l'IA en orientant clairement le résultat, là il n'y a pas de doute, ça va être l'utilisateur qui va être le créateur.
02:52Mais tout le problème, c'est si l'IA va créer une œuvre autonome et que l'apport de l'utilisateur va être résiduel.
03:02Donc de l'artiste par exemple...
03:04Si je dis à une intelligence artificielle, fais-moi une chanson sur Anissa Haddadi et qu'il me sorte un truc entièrement clé en main comme ça, je veux dire ma contribution est quand même très modique.
03:14Elle est résiduelle !
03:15C'est quasiment rien et donc ça voudrait dire que par exemple le créateur de l'intelligence artificielle ou l'entreprise qui est derrière pourrait aimer réclamer des droits si jamais ça devient un succès international cette chanson sur Anissa ?
03:26Alors possiblement le créateur de l'IA. L'IA elle-même ce n'est pas une personne et dans l'état actuel du droit, la loi ne reconnaît pas l'IA comme une personne capable de détenir des droits d'auteur.
03:39Oui mais il y a des gens derrière l'IA.
03:41Il y a une entreprise.
03:42On peut imaginer que dans le futur les sociétés qui ont développé l'IA puissent appeler à une certaine reconnaissance de leurs droits et surtout dans le cas qu'on vient d'énumérer, il va y avoir des débats là-dessus.
03:56On n'a pas encore beaucoup de visibilité.
03:58Mais là pour l'instant c'est encore flou en fait.
04:00C'est encore flou. Sur ce sujet c'est encore flou.
04:02Jusque là un compositeur de musique ou pour prendre un autre exemple le créateur d'un dessin animé par exemple, il était déjà aidé par des logiciels pour faire une création. En quoi l'IA ça change la donne ?
04:12Alors oui il existait des logiciels dans le passé, des logiciels de composition musicale ou encore d'animation pour les aider mais ça restait de l'assistance.
04:22Alors que l'IA comme on le disait avant c'est justement l'autonomie et la capacité de création à grande échelle.
04:30Alors qu'avant l'effort créatif c'était vraiment laissé à l'humain.
04:34Donc c'est là où l'IA va être un problème puisque les logiciels classiques avaient besoin d'intervention humaine.
04:42L'IA n'a pas besoin d'intervention humaine et arrive à être autonome.
04:45Et alors là il y a un règlement européen qui a vu le jour quand même Ludivine Perez l'an dernier.
04:50Est-ce que ça protège un petit peu les artistes ou pas vraiment ?
04:54Alors oui on parle de l'IA Act absolument qui est un règlement européen.
04:57C'est le premier d'ailleurs règlement européen qui va être assez complet sur les droits d'auteur.
05:02Il y a deux principes intéressants.
05:04Le premier principe c'est la transparence.
05:07C'est-à-dire que cet acte exige que les fournisseurs d'IA indiquent leur source,
05:13telle que la nature des données utilisées que ce soit les textes, les images, et la provenance.
05:20L'autre idée qui est intéressante et qui pourrait protéger les auteurs c'est l'idée d'opt-out.
05:25L'opt-out c'est quoi ?
05:27C'est le droit d'opposition express des auteurs à utiliser leurs oeuvres qui sont en ligne.
05:33Donc je peux dire vous n'avez pas le droit d'utiliser ma chanson, vous n'avez pas le droit d'utiliser mon article ?
05:38Exactement, dans leurs conditions générales, il va y avoir écrit vous ne pouvez pas utiliser.
05:42Donc si par exemple on revient à l'exemple typique, moi je veux faire une chanson sur Thomas en utilisant le style Jean-Jacques Goldman,
05:50ça Jean-Jacques Goldman peut s'y opposer par exemple ?
05:53Ça c'est trop large.
05:54D'accord.
05:55Ça va être vraiment si on dit écrivons un article.
05:59On va y revenir après sur la presse, on pourra en reparler.
06:02Mais si on veut écrire un article ou une chanson de musique plus précise,
06:06on ne pourra pas l'utiliser sur un site donné puisque dans les conditions générales de site,
06:10il y aura écrit vous ne pouvez pas utiliser mes données.
06:13Et c'est vrai que cette idée de fouille, elle avait été autorisée par une directive européenne
06:19qui avait permis à l'IA de se servir librement des contenus pour créer.
06:23Donc on était obligé de limiter en créant ces clauses d'opt-out.
06:27Alors ça justement c'est ce qui inquiète fortement la presse en ce moment,
06:30le pillage de leurs données pour nous donner des réponses aux questions qu'on pose aux intelligences artificielles.
06:35Pour l'instant, ChatGPT et compagnie, ils aspirent des données,
06:38ils aspirent des milliers d'articles sans prévenir les journaux, sans les citer, sans les rémunérer.
06:43C'est comme ça que ça se passe aujourd'hui.
06:45Oui, c'est une forme d'appropriation du non consenti de tous ces articles de presse.
06:50Et c'est à grande échelle.
06:52Donc dans ce cadre non protecteur, il y a deux groupes de presse qui ont émergé.
06:58Il y a certains groupes qui ont cédé entre guillemets,
07:02comme Le Monde ou encore aux Etats-Unis, le New York Post,
07:05qui a décidé de signer des accords de licence avec les entreprises spécialistes de l'IA, comme l'OpenIA.
07:12Donc eux, ils vont être rémunérés ?
07:13Donc eux, ils vont être rémunérés, ils vont partir avec un chèque.
07:16Et l'autre groupe ?
07:17Et l'autre groupe, comme le New York Times,
07:20préfère au contraire attaquer en justice en permanence pour l'utilisation de ces articles
07:25et récupérer des dommages d'intérêt.
07:27D'accord, donc on va voir, là on en est encore vraiment au début,
07:30ça évolue dans les années à venir,
07:32mais on voit à quel point c'est en train de bouleverser ce monde des médias et de la culture.
07:37Restez encore un petit peu avec nous, Ludivine Pérez,
07:39pour suivre l'actu des médias dans un instant.
07:41Oui, l'actu des médias avec le journal des médias de Julien Pichenay.
07:44Et ce matin, on va parler d'une autre crise.
07:46Alors là, c'est l'IA, c'est les tout débuts.
07:48Il y a une crise dans le monde du foot.
07:50La chaîne Dazone, qui diffuse la Ligue 1,
07:53ne veut plus payer, le football français est en crise.
07:56On vous raconte tout ça dans un instant sur Europe 1.
07:59Tout de suite.

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