Pour cette nouvelle édition, "Cette année-là" remonte en 2020, annus horribilis s’il en est puisque c’est celle du confinement et de la vague du Covid, et plus particulièrement sur le numéro d’Éléments consacré au "transhumanisme", à ses thuriféraires, ses projets plus ou moins fous et les nombreuses interrogations et inquiétudes qu’il soulève. Des craintes qui ne font que grandir à l’heure où ce qui n’était encore que des prévisions ou des anticipations à l’époque s’incarne de plus en plus concrètement, notamment au travers de la robotique de pointe et de l’Intelligence artificielle.
Avec Patrick Lusinchi, directeur artistique d’Éléments, Xavier Eman, rédacteur en chef, Olivier François, Daoud Boughezala et Christophe A. Maxime.
Le rendez-vous musclé et impertinent du magazine des idées.
Avec Patrick Lusinchi, directeur artistique d’Éléments, Xavier Eman, rédacteur en chef, Olivier François, Daoud Boughezala et Christophe A. Maxime.
Le rendez-vous musclé et impertinent du magazine des idées.
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00:15– Bonjour à tous et content de vous retrouver
00:17pour cette nouvelle émission de cette année-là
00:19avec autour de moi, on a des petits nouveaux,
00:23on va commencer par les anciens, Christophe, Christophe toujours là.
00:27– Bonjour à tous, bonne année.
00:28– Ah oui, bonne année. – C'est un peu tard.
00:30– Oui, c'est un peu tard là maintenant, bon, voilà, on y va, bonne année.
00:36On retrouve notre ami, bien sûr, Olivier François.
00:39– Bonjour. – Vous allez bien Olivier ?
00:40– Très bien. – Bon, parfait.
00:42Nous avons le plaisir d'avoir Daoud Bogdazala.
00:45– Bonjour. – Bonjour Daoud.
00:47Et on a aujourd'hui le rédacteur en chef de la revue Éléments.
00:52– Le nouveau numéro est en kiosque en ce moment,
00:54je vous le montre, il est là, il est tout beau.
00:57Notre ami, Xavier Aimant. – Bonjour.
00:59– Xavier, bienvenue dans cette superbe émission légendaire
01:03qui fait le succès de TV Liberté depuis des années, aujourd'hui.
01:08Et donc nous allons venir, nous, un peu en arrière, pas beaucoup, en 2020.
01:12Et en 2020, on avait sorti ce numéro sur le transhumanisme,
01:16vous voyez, transhumanisme, marchand de futur, marchand d'illusion.
01:20Alors cette année 2020, mon cher Christophe, vous allez nous en parler un peu,
01:25qu'est-ce qui s'est passé en 2020 exactement ?
01:27– Je reviens à chaque fois sur un peu le concept de notre émission.
01:30Cette année-là, en fait, c'est cette année-là d'un numéro ancien d'Éléments.
01:34Alors généralement, on aime bien, on joue presque sur une fibre nostalgique,
01:37c'est un numéro relativement ancien.
01:39Bon là, c'est un numéro qui a 5 ans, je crois que c'est le numéro 180 de février 2020
01:43que nos lecteurs peuvent se procurer en version physique.
01:46Et les anciens, on peut les télécharger.
01:49Donc très belle couverture d'ailleurs dont vous êtes l'auteur, Patrick.
01:52– Oui, il paraît.
01:54Alors c'est le tout début de l'année 2020.
01:57Alors l'année 2020, c'est une anus horribilis, comme dirait l'autre.
02:01Le magazine Time l'a qualifié, avec un sondage,
02:04comme la pire année de l'histoire de l'humanité.
02:06Alors effectivement, nous, en février 2020, les problèmes commencent
02:09puisqu'on est en plein confinement mondial, ou en tout cas ils débutent.
02:13Je crois que c'est précisément au moment de notre publication,
02:16c'est la fameuse ville chinoise de 12 millions d'habitants qui se confinent.
02:2012 millions, c'est beaucoup, c'est presque le nombre de lecteurs d'Eléments,
02:23c'est énorme.
02:24Alors on arrive ensuite à la course au vaccin,
02:27avec toutes ces espèces de problèmes invraisemblables,
02:31les vaccins Spoutnik, AstraZeneca, c'est presque des noms de science-fiction.
02:35Qu'est-ce qui se passe ? Qu'est-ce qui se passe en politique ?
02:38Donc nous sommes cinq ans en arrière.
02:39En fait, c'est la défaite de Trump,
02:41là on s'inverse un petit peu, qui est remplacée par Biden.
02:43Il y a tout un tas de problèmes, effectivement.
02:45– Ils sont très malades.
02:46– Qui étaient, oui, déjà un peu impotants.
02:49Il y a les catastrophes, je crois que c'est le moment
02:51où Beyrouth, malheureusement, explose.
02:52Il y a l'épouvantable guerre entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan.
02:56C'est le moment où le Royaume-Uni sort de l'Europe.
03:00Et puis aux États-Unis, on est dans les affaires,
03:02les problématiques raciales avec la mort de, je ne sais plus,
03:06George Floyd, je crois qu'il s'appelle, avec les mouvements qu'on connaît.
03:10Donc tout ça, c'est 2020, donc il y a cinq ans.
03:13Alors on n'a pas tellement le cœur à vous faire un petit panorama culturel
03:15et artistique parce que forcément…
03:17– Il n'y a rien à débloquer.
03:18– Il n'y a pas grand-chose.
03:19Donc en cinéma, je suis bien en peine de vous parler de quoi que ce soit.
03:22En littérature non plus.
03:25Le livre qui a peut-être émergé en France à ce moment,
03:29c'est le consentement d'Alain Mstrigora.
03:30Je ne suis pas sûr que ce soit très très malin d'en parler, oublions ça.
03:34C'était juste pour saluer quelques morts de 2020,
03:38quelques grands disparus, des gens qu'on aime bien.
03:40Sean Connery disparaît, le footballeur Maradona, le chanteur Christophe.
03:44Et puis des gens qu'on aime bien comme Piccoli, le grand acteur Piccoli,
03:48Claude Brasseur, Robert Rosset.
03:49Voilà, c'est à peu près tout.
03:51Donc on est dans un contexte 2020 qui est quand même un peu lourd et enfermé.
03:55– Alors en 2020, on avait parlé effectivement
03:59de l'intelligence artificielle, du transhumanisme.
04:01Le problème, c'est qu'en 2020, il n'y avait pas tous ces logiciels.
04:04Et j'en profite pour vous montrer ce petit livre qu'a sorti.
04:07C'est pour ça que j'ai fait cette émission.
04:09Vous voyez, on est avec l'Institut Iliad
04:12qui a sorti ce petit livre, Artificialité intelligente.
04:16Qui a peur de la diffusion de l'intelligence artificielle
04:18et pourquoi de Stéphane Auvach, qui est un Italien
04:22qui, lui, est plutôt très confiant dans ses nouveautés.
04:26Quelqu'un qui se réclame plus de Guillaume Fay, du futurisme
04:29ou de l'archéofuturisme.
04:32Xavier Hémant, aujourd'hui, il y a des logiciels
04:35qui permettent de faire le boulot que vous faisiez, vous, à la main.
04:40Ça, ça va peut-être faire disparaître vos métiers d'écrivain, tout simplement.
04:45– Et que je continue à faire, pour le moment.
04:47Je n'ai pas encore personnellement testé ces logiciels
04:52pour pouvoir me rendre compte.
04:54Mais j'ai quand même beaucoup d'échos qui, en effet,
04:55sont assez impressionnants sur la qualité et l'efficacité de ces logiciels.
05:02C'est évidemment inquiétant pour un certain nombre de métiers.
05:04Les nôtres, ceux de journalistes, en effet.
05:07Puisqu'on peut maintenant produire des articles
05:09de façon totalement artificielle et numérique.
05:14Alors après, c'est peut-être une forme de présomption,
05:17mais j'ose espérer que, notamment au sein de la Revue Éléments,
05:21il y a des éléments de style d'écriture, de qualité de réflexion
05:28et de perspectives que la machine n'est pas encore tout à fait capable de reproduire.
05:33Mais peut-être que je m'illusionne moi-même
05:35et que je ne connais pas l'étendue des capacités de ces machines.
05:40Mais c'est sûr que pour beaucoup de métiers,
05:43les perspectives sont assez inquiétantes.
05:45Les avocats, tout ce qui demande des écrits répétitifs,
05:51des administratifs, etc.
05:54qui vont pouvoir être faits par des machines.
05:57Donc ce n'est pas, moi, une perspective qui me réjouit particulièrement, évidemment.
06:00– Daoud.
06:01– Si on prend l'exemple de Chajipiti,
06:03je ne sais pas si l'un d'entre vous a déjà fait l'expérience
06:05de copier-coller un article,
06:06mettons un article de François Bousquet, par exemple,
06:09et de demander à Chajipiti de le corriger ou ce qu'il en pense.
06:13Alors Chajipiti ne va pas sommellant relever les coquilles
06:15ou proposer de simplifier le style.
06:17Comme il est paramétré de telle façon qu'il va vous dire
06:21attention, telle opinion peut choquer telle communauté,
06:25il ne faut pas de vulgarité, il ne faut pas de misogynie,
06:28il ne faut pas de rupture dans le style, vous êtes trop véhéments.
06:30Ça, c'est très intéressant, ça montre que la technique n'est pas neutre
06:33et que le formatage ne s'arrête pas aux frontières des écoles de journalisme
06:37mais qu'il peut être extrêmement post-moderne et automatisé et proactif.
06:43– Parce qu'en fait, quand on parle d'intelligence artificielle,
06:45dans cette histoire-là, c'est une sorte de bulle d'une énorme mémoire
06:49mais qui est enfermée, c'est-à-dire qu'on ne peut pas faire ce qu'on veut.
06:54L'intelligence artificielle ne va pas vous inventer une nouvelle idée.
06:59– Si on peut lui demander, si on peut lui demander des idées créatives.
07:02– Mais elle ne marche pas sur des bases qu'elle a déjà.
07:04– Oui, mais elle est sans cesse nourrie par les questions que vous lui posez.
07:08Vous pouvez d'ailleurs l'induire en erreur.
07:10Vous pouvez lui donner des fausses informations.
07:11C'est une espèce de Wikipédia énorme, tel que c'est aujourd'hui.
07:15– À propos, pour montrer cet aspect-là, il y a eu un cas récemment
07:18où on avait demandé à Charles Gépeté de faire un article sur la Shoah.
07:23Et il avait inventé la Shoah par noyade,
07:27ce qui évidemment n'a pas existé, la Shoah par noyade,
07:29c'est toujours invention de Charles Gépeté.
07:31Et donc le mémorial de la Shoah avait évidemment corrigé en disant
07:36qu'il n'y a jamais eu de Shoah par noyade.
07:38Mais comme elle mélangeait des sources et donc des faits historiques,
07:46et ça fait une sorte de goubi-goulga, elle avait produit une erreur.
07:49Mais c'est Charles Gépeté qui avait produit cette erreur.
07:51Donc je pense qu'elle n'a pas de distance par rapport à elle.
07:54Elle ne s'est pas encore synthétisée de manière intelligente et créative
07:57les événements par lesquels elle est nourrie.
08:00Ensuite, ce que pose comme problème aussi, à mon avis,
08:03l'intelligence artificielle, c'est qu'à force de l'employer,
08:06les capacités de création de l'homme vont peut-être s'amenuiser.
08:10C'est-à-dire qu'on fera confiance en cette espèce de grande machine de synthèse.
08:14Et donc c'est comme on disait que l'homme serait bientôt une sorte d'obèse
08:18qui, avec la disparition des métiers manuels,
08:21ne saurait plus faire quoi que ce soit de ses mains,
08:23il ne saurait même plus marcher.
08:24C'était les craintes qu'on avait dans les années 50-60
08:27qui se sont en partie réalisées.
08:29Avec ChatsGPT, si on considère que le cerveau est un muscle,
08:32ce muscle ne sera plus assez musclé.
08:34– C'est le cas aujourd'hui, on s'aperçoit que les jeunes étudiants
08:38qui font leurs lettres de motivation pour entrer dans les universités
08:41ou dans certaines écoles, 90% de ces lettres sont faites par ChatsGPT.
08:45C'est-à-dire que d'ici quelques générations,
08:47ces gens-là ne seront même plus rédigés une lettre pour se vendre eux-mêmes.
08:53– Oui, alors déjà l'emploi du futur montre un certain optimisme de votre part.
08:58– Oui, puisqu'en fait, on a un rapport de plus en plus étranger à sa propre langue.
09:03Bon après, ça revient à des années sur la dérélection du langage
09:06et puis il y a une substitution de l'homme par la machine,
09:09mais notamment de la part de certains cadres dans le marketing,
09:12ils y vont à grands pas et finalement, contrairement aux ludites
09:16que Marie-David évoquait il y a quelques années dans son excellente interview,
09:20eux, ils y vont un peu comme des lemmings à leur propre perte, la fleur au fusil.
09:27– Oui, dès aujourd'hui, l'essentiel des travaux scolaires et universitaires
09:32sont faits avec l'aide de l'intelligence artificielle.
09:36Il y a d'ailleurs des profs qui s'en amusent en disant qu'ils s'en rendent compte
09:40parce que les copies ont beaucoup moins de fautes d'orthographe
09:43que si c'était à leurs élèves qu'ils les rédigeaient même
09:46et que c'est un des indices pour eux pour voir si ces travaux ont été faits par la machine.
09:53Mais c'est déjà très très répandu, on a dépassé…
09:58Justement à l'époque, c'était des choses qu'on anticipait ou qu'on craignait,
10:02aujourd'hui elles sont là, on a vu une accélération quand même formidable
10:05ces dernières années du développement de ces intelligences artificielles.
10:08– Ça, on parle de l'intelligence artificielle quasiment du traitement de texte finalement,
10:13il y a d'autres types d'intelligence artificielle,
10:14mais pour moi ça ressemble presque à une énorme farce qui va s'effondrer d'elle-même
10:18puisque tout ça est une espèce d'immense plagiat de conformisme.
10:22Et puis de toute façon, il y a toujours un homme derrière qui va surrier le texte.
10:26– À ce propos d'ailleurs, pour rebondir sur ce que dit Christophe,
10:28et pour ce que disait tout à l'heure, ça lissait aussi les opinions,
10:33pas trop de style, pas trop d'opinions un peu viriles et engagées.
10:40Au fond, est-ce que l'intelligence artificielle pourra remplacer
10:42peut-être des intellectuels par exemple comme Antoven,
10:45je ne me rappelle jamais de son prénom d'ailleurs, Raphaël Antoven,
10:48ou à la limite Jacques Attali, bien que Jacques Attali est presque un génie
10:51par rapport à Antoven, mais ne pourra pas remplacer des esprits singuliers
10:55comme Olivier Rey, comme François Bousquet ou d'autres ?
10:58– Le problème n'est pas là, pour que ces esprits singuliers s'épanouissent,
11:01ça suppose qu'il y a encore un public pour recevoir leurs messages.
11:05Et pour moi, le problème est dans l'homme, comme disait l'autre,
11:07c'est le problème pour moi, il est avant tout anthropologique.
11:09On peut détruire une machine, on ne peut pas détruire le type d'homme
11:13qui est totalement asservi aux machines.
11:15– En gros, est-ce que ce n'est pas la fin de l'écriture ?
11:18Pour l'homme.
11:19– Et plus si affinité.
11:20– Ça l'est déjà aux États-Unis, on n'apprend plus à écrire à la main,
11:29tout le monde a un écran, un clavier dès l'école primaire,
11:33donc oui, on va vers une disparition de l'écriture
11:39et donc en effet une rupture anthropologique,
11:42parce que l'écriture façonne la pensée,
11:48et ce n'est pas du tout le même rapport entre quelque chose
11:51qu'on écrit à la main, quelque chose qu'on tape sur un écran,
11:55donc tout ça participe de ce courant, justement, transhumaniste.
12:00Cette pratique du chat GPT, etc.,
12:05elle est en effet amenée à produire une nouvelle espèce d'être humain,
12:12laquelle, ça c'est assez inquiétant de l'imaginer,
12:17mais le but c'est ça, c'est de préparer les gens à la prochaine étape
12:21qui est celle du transhumanisme.
12:23– Moi je me souviens, Stéphane Vache, lui il dit,
12:27le progrès c'est quand même quelque chose de formidable,
12:29on ne peut pas passer autrement.
12:32Moi je me souviens d'une émission qu'on avait faite, mon cher Olivier,
12:36sur le livre d'Edouard Thomson sur la formation de la classe ouvrière
12:43pendant la révolution industrielle, et en fait de progrès,
12:45il s'est aperçu, lui, que ça n'avait pas été vraiment un progrès pour les hommes.
12:49– Oui, c'était la première révolution industrielle
12:50qui a même été une régression pour certains ouvriers dans leur mode de vie,
12:54du fait de l'avancée d'un libéralisme né des Lumières en partie,
12:58qui avait cassé tout ce qui, dans la société, pouvait faire barrage
13:02à l'extension du capital et à l'extension de la loi du marché.
13:06D'ailleurs, les Ludites, d'une certaine tradition illibérale et marxiste,
13:11se sont moqués pendant très longtemps, en disant au fond,
13:12ces gens refusaient le progrès, c'étaient des ignares.
13:15En fait, ce qu'ils défendaient en détruisant les machines,
13:18c'était leur savoir-faire, un savoir-faire qu'ils avaient acquéré
13:21depuis plusieurs siècles.
13:22– En fait, leur indépendance et leur autonomie.
13:23– Et leur indépendance et leur autonomie, mais qui étaient liées,
13:26mais avec aussi, je pense, chez les Ludites,
13:27pour certains d'entre eux en tout cas, des raisons esthétiques.
13:30L'homme n'est pas simplement une machine et un animal utilitaire,
13:35mais il a besoin que son travail soit lié à une vision du cosmos,
13:39un rapport à la terre, un rapport même au religieux et au spirituel.
13:42Et dans toutes les critiques de la technique, il y a aussi cet aspect-là.
13:45Alors moi, ce qui me marque aussi dans le transhumanisme,
13:47c'est que les gens qui professent ce transhumanisme
13:50ont un mélange étonnant, à la fois d'arrogance et de sentiments d'humiliation.
13:54Il y a une très belle formule du philosophe Gunther Anders
13:56qui parle de ce rapport d'humiliation par rapport au monde de la machine
14:01qui est la honte prométhéenne.
14:03On a l'humain à honte devant la machine
14:06qui est évidemment plus efficace, moins faillible que lui.
14:10Et alors, c'est la question qu'il faut se poser.
14:11Je n'ai pas lu le livre de cet Italien,
14:14mais la fascination que certains ont pour la performance de la machine
14:20nourrit un mépris pour ce qu'est l'homme faible, faillible,
14:25avec ses indécisions, etc.
14:26Ce qui, à mon avis, fait aussi la beauté de l'être humain,
14:29et non pas cette espèce de machine lisse et performante
14:32qui est de pseudo-surhomme au bout du compte.
14:35Parce qu'au fond, ce surhomme de la technique,
14:39ce surhomme transhumaniste sera un homme augmenté
14:41et pas un surhomme au sens de niche qui s'accomplit.
14:44– Dans ce dossier, Jean-François Gauthier nous expliquait
14:47que la prétention de l'amélioration par une technique immédiate de vivant
14:52issue d'une longue chaîne de mutations aléatoires et lentes
14:55et multimillénaires relève de la mystification.
14:58C'est-à-dire qu'on est incapable de faire un homme aujourd'hui.
15:03On ne comprend même pas le cerveau et on aurait du mal quand même à l'augmenter.
15:06– Il faut le lier aussi, on en avait déjà parlé,
15:08le transhumanisme ou trans, c'est-à-dire l'obsession du trans,
15:11l'obsession de la transgression de l'humanité telle qu'elle est,
15:16qu'elle soit notamment d'ailleurs une humanité sexuée,
15:19une humanité mortelle, je pense que quand on s'intéresse
15:23un petit peu à la grande tradition philosophique et religieuse,
15:26notamment européenne, mais même ça se retrouve dans d'autres civilisations,
15:29ce qui fonde la dignité de l'homme, paradoxalement d'ailleurs,
15:33c'est que c'est un être mortel, c'est un être pour la mort,
15:35pour reprendre la formule d'Heidegger, un être pour la mort
15:38et ce qui va définir peut-être cette qualité, c'est de se confronter à la mort.
15:43– Et d'ailleurs, il y a une autre limite qui n'est pas encore franchie,
15:46c'est que c'est biologique, c'est un truisme que j'énonce,
15:49mais une humanité de trans, c'est une humanité de stérile,
15:52d'homme et de femme stérile, enfin…
15:55– Oui, mais on va vraiment régler les problèmes
15:56en faisant de la procréation totalement hors-sol, on y est presque,
16:01donc c'est les problèmes que justement les transhumanistes
16:06se proposent de résoudre, ce qui est terrible là-dedans,
16:11c'est qu'il y a une volonté, en effet, de nier la nature,
16:15de nier les lois de la nature et de devenir son propre dieu.
16:20On veut tout contrôler et on veut remplacer Dieu
16:25et refuser la nature et ses limites et ses obligations,
16:31et c'est pour ça qu'en effet le phénomène trans
16:34et le phénomène transhumaniste sont assez similaires,
16:39comme le dit Olivier, et cette phase de transhumanisme finalement,
16:43c'est la dernière phase de l'arraisonnement de nos existences par la technique.
16:47L'histoire de la modernité puis de la post-modernité,
16:51c'est progressivement la prise de contrôle du monde,
16:55de nos existences par la technique,
16:58et là c'est la phase où c'est même notre propre corps
17:00qui va être englobé, qui va être avalé par la machine,
17:07et ce qui, moi, me semble un cauchemar, ce qui me frappe le plus,
17:11c'est que pour beaucoup, ça apparaît comme un avenir souhaitable,
17:17il y a beaucoup de gens qui s'enthousiasment ces perspectives,
17:20et c'est ça que je trouve assez terrifiant, moi.
17:22– D'ailleurs les rêves d'immortalité,
17:23tels qu'énoncés par quelqu'un comme Laurent-Alexandre,
17:26qui est de se dire je vais pouvoir devenir potentiellement immortel
17:29en survivant à ma mort biologique, en gros en greffant sous forme d'une mémoire
17:34sur un processeur, quelque chose comme ça,
17:35ça en dit long sur sa conception de sa propre humanité,
17:37en fait c'est vraiment l'homme-machine.
17:40– Il faudrait d'ailleurs transformer Laurent-Alexandre en ordinateur,
17:43ou l'enfermer dans un ordinateur, c'est cendre dans une…
17:46– C'est lié, parce que notre ami Stéphane Auffaz,
17:49qui est quelqu'un qui est, on pourrait dire, largement dans notre mouvance,
17:54c'est une vieille tradition chez les Italiens, ça date même du futuriste,
17:59ce côté avoir peur d'être un conservateur, d'être pour la modernité,
18:04le progrès, on retrouve ça chez nous avec des gens comme Guillaume Fay,
18:09qui ont énormément travaillé là-dessus, ça fascine ça.
18:13– Oui, il y a une fascination pour la technique, pour le progrès,
18:18pour la dimension promettéenne, comme on dit, de l'homme,
18:23qui est en effet assez développée, notamment dans les milieux de la droite,
18:28plus ou moins radicale italienne, qui voit ça en effet comme finalement
18:33une poursuite du futurisme des années 20, 30,
18:38et donc il y a un courant, bon, qui n'est pas majoritaire,
18:43mais qui existe, de militants politiques,
18:48et qui voit aussi ça comme une réponse, par exemple,
18:50aux problématiques démographiques, qui sont particulièrement marquées en Italie,
18:56donc puisqu'on ne fait plus d'enfants naturellement,
18:59on va développer des moyens alternatifs technologiques pour faire des enfants.
19:04Comme on est numériquement faible par rapport notamment aux phénomènes migratoires,
19:09on va devenir des sortes de surhommes mécaniques,
19:12donc on compensera notre faiblesse numérique
19:16par une surdimension technologique,
19:21et c'est comme ça que l'on restera maître chez nous,
19:25et que l'on pourra renouer avec la puissance que nous avons perdue.
19:28Donc il y a aussi cette aspiration à retrouver une puissance
19:31via une domination technologique sur d'autres peuples
19:36qui n'auront pas accès à ces nouvelles technologies.
19:39– En discutant avec Guillaume Travert, notre grand économiste élément,
19:44il nous disait que ce sont quand même des gens qui sont contre le métissage,
19:47mais sont prêts à se métisser avec des machines.
19:50C'est vrai qu'il y a un paradoxe là-dedans ?
19:52– Il n'y a plus d'un paradoxe dans ces théories,
19:55il y a aussi le fait d'être totalement aveugle aux questions écologiques justement.
20:00– Oui parce que ce n'est pas très écolo tout ça.
20:01– Et au limite, parce que si tout le monde est pussé,
20:04il faudra un nombre de matériaux rares totalement délirants
20:08que la Terre ne contient pas.
20:09Alors je sais bien que parallèlement on aura déjà conquis Mars
20:12et d'autres planètes grâce à notre nouvelle star Elon Musk,
20:16mais enfin, en l'état actuel des choses, il y a évidemment,
20:18même en termes pratiques, cette vision d'un monde
20:22où tout le monde aurait une puce et des bras mécaniques,
20:25n'est pas tenable.
20:26– Et ce qui me marque d'ailleurs, c'est la pauvreté,
20:29la médiocrité même des rêves, en dehors du côté de l'exploit quantitatif,
20:34c'est la formule de Dominique Doureau quand il regarde l'arrivée à la télévision
20:39des astronautes américains sur Mars, je crois que c'est un certain Armstrong,
20:42il dit mais c'est bouvard épic…
20:43– Sur la Lune.
20:44– Sur la Lune, sur Mars pardon, c'est bouvard épicussé sur la Lune.
20:48Qu'est-ce qu'ils ont à dire ces gens-là ?
20:49Ils vont dire, oui ils conquérent Mars, très bien, quel exploit ?
20:52Et il y a un côté un petit peu, excusez-moi, chez certains transhumanistes
20:56ou gens fascinés par les exploits de ce genre,
20:58un côté puceau qui est fasciné par l'athlète, par l'athlète qui est très fort.
21:02– Est-ce qu'on peut avoir l'optimisme du dérisoire ?
21:05Parce que toutes ces questions d'intelligence artificielle,
21:08en dehors de l'ingénierie pure, qui sont je ne sais pas,
21:11les ponts et chaussées, la médecine, bon c'est peut-être très bien,
21:13mais là on parle finalement un peu de sciences humaines
21:16et d'anthropologie du quotidien,
21:17j'ai l'impression que tout ça peut très bien s'effondrer de soi-même
21:21par une espèce de bon sens élémentaire ou même de contraintes physiques absolues.
21:28Tout ça ressemble à une espèce de farce qui peut s'effondrer d'elle-même.
21:33D'ailleurs j'ai le sentiment que par exemple sur l'éducation des enfants,
21:36pour ceux que ça intéresse, j'ai l'impression que la grande bourgeoisie californienne
21:40de tous ces gens-là, j'ai l'impression que depuis quelques années
21:42il y a presque une tendance un peu inverse
21:44où les petits-enfants des fondateurs de Microsoft,
21:47ils écrivent sur du papier, ils jouent au boli-boulier,
21:51je crois que Zuckerberg, c'est un hasard, il a des enfants,
21:55ils ont interdiction d'avoir un écran, ils lisent des livres tout simplement parce que…
21:59– C'est hyper classe, privilégié,
22:00parce que ce monde qu'on décrit ça suppose aussi une inégalité…
22:04– Elle est quand même prescriptrice d'opinion.
22:05– Oui mais en fait ces gens ils distribuent aux esclaves le tititainment,
22:10toute la propagande via les séries Netflix,
22:12et là on peut être beaucoup plus pessimiste sur le consentement des masses
22:16à leur propre substitution, à leur remplacement, à leur assévissement, etc.
22:22– Est-ce que ça va se faire disparaître en plus toute une classe sociale
22:25qu'on appelle la petite bourgeoisie qui vivait un peu de tout ça ?
22:30– Les jaunes avaient cette pression-là, de manière un peu intuitive,
22:33je me souviens quand j'avais couvert le mouvement au tout début,
22:35où c'était très disparate, il y avait des ouvriers au chômage,
22:39il y avait des retraités, une certaine aristocratie ouvrière
22:43qui était en voie de relégation,
22:45et ils nous disaient, c'est notre tour et la prochaine fois ce sera les notables,
22:50les médecins, ils avaient quand même conscience de l'IA qui émergeait,
22:53ils savent que les cols blancs ont peut-être numéro de leurs abattis.
23:00– Ce qui est inquiétant c'est qu'on a l'impression
23:02que les gens ne se rendent pas compte de ce risque de disparition
23:05puisque si on en croit les sondages,
23:08on peut avoir des doutes sur les sondages,
23:09mais ça donne quand même un élément sur l'état de l'opinion,
23:13il y a beaucoup de gens qui sont très favorables,
23:14on en posait des questions aux gens,
23:16est-ce que vous êtes d'accord pour avoir une puce
23:18qui remplacerait votre permis de conduire,
23:20votre carte de santé, etc.
23:24Ah oui, ce serait tellement pratique,
23:25et 75% des gens étaient d'accord.
23:29– Vous savez, il y a eu une expérience qui a été faite il y a quelques années
23:32par un groupe grenoblois un peu technophobe, on va dire,
23:36qui est Liberticart, qui avait distribué dans des boîtes aux lettres,
23:38Liberticart, où on proposait aux gens justement de se faire pucer
23:41pour avoir dans leur corps à la fois leur carte d'identité,
23:46leur carte de santé, leur carte d'électeur,
23:49et les gens avaient répondu oui, il y a vraiment un consentement.
23:52– Est-ce qu'on n'est pas déjà dans une espèce d'ère post-humaine
23:54quand on voit, ne serait-ce que dans le métro,
23:56les transports en commun, tous ces gens avec leurs petites bulles,
24:00leurs écouteurs dans les oreilles,
24:02aucune communication avec le monde extérieur,
24:05les formules de politesse sont tombées en désuétude,
24:07plus personne ne lit,
24:09finalement c'est un terreau anthropologique assez favorable à l'IA ?
24:14– C'est fait pour ça, je pense que c'est une lente préparation
24:16pour nous amener en effet progressivement à accepter
24:18cette nouvelle étape transhumaine,
24:22et comme tu le dis Daoud très justement,
24:25je pense que le terreau est malheureusement très très favorable,
24:29et c'est pour ça qu'à mon avis il faut en parler,
24:33alerter et dénoncer ce qui pour moi est vraiment une dérive
24:39et des fausses bonnes idées.
24:42– Le phénomène dépressif de masse aussi,
24:44je pense que malheureusement ça favorise ce genre de choses.
24:48– Il y a un souci, on parlait exécutivement d'écologie,
24:52ça va être l'énergie qu'il va falloir pour mettre ça en place,
24:56on le sait ou on ne l'a pas ?
24:58– Il me semble…
24:59– Drill, baby drill comme on dit aujourd'hui.
25:02– Si on prend la Bible, l'archéo-futuriste de Guillaume Faye,
25:05il décrit quand même un monde ultra-inégalitaire
25:08où on a un Occident ultra-mécanisé, ultra-développé,
25:12et à côté de ça une Afrique, une humanité d'esclaves
25:17et dont on se polie les sols, etc.
25:20Donc est-ce qu'il peut y avoir, il faudrait demander ça
25:23à des gens de la gauche libertarienne, ultra-progressiste, prométhéenne,
25:28est-ce qu'il peut y avoir un monde égalitaire fait par l'IA ?
25:32J'en doute.
25:34– Ça me rappelle, mon cher Daoud, parce que vous l'avez interrogé,
25:39mais Stephen Smith dans le dernier numéro, là on revient à notre époque,
25:44expliquait que tant que le niveau de vie africain
25:49restera sensiblement inférieur au niveau de la vie en Europe,
25:52il faut s'attendre à l'immigration sans précédent.
25:54Donc de toute façon, dans ce monde-là, l'immigration arrivera
25:58et ce n'est pas la technologie et l'IA qui va pouvoir la remplacer.
26:02– Ah non, mais de toute façon, de ce point de vue, tout le monde est intégré.
26:07Si on prend un point de vue technologique et économique,
26:11vous avez vu la quantité de migrants avec des iPhones,
26:14ça marche même comme ça, avec les passeurs.
26:16– Peut-être qu'on pourra faire des manipulations génétiques
26:18ou des implants pour ne plus voir les migrants
26:21et on verra des dodickephalblons à la place.
26:24– C'est vrai qu'on va vers une humanité où les biais cognitifs,
26:28où chacun est dans son biais cognitif et où il y a des confinements partout
26:32et des espaces séparés partout, ça c'est sûr.
26:34– Voilà ce qui s'est passé de 2020 à aujourd'hui,
26:37vous voyez que le transhumanisme a avancé à grands pas,
26:41donc ça vous pouvez le trouver sur notre site
26:45et puis vous pouvez, c'est un avis autre que celui que vous avez entendu,
26:49ce petit livre qui est édité par l'Institut Iliade
26:53et la nouvelle librairie Édition.
26:56Voilà, on se retrouve nous dans deux mois
26:58et puis le mois prochain vous trouvez Olivier François.
27:01– Avec plaisir, avec grand plaisir.
27:02– Bonjour chez vous.