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00:0011h-13h, Pascal Praud sur Europe 1.
00:03La commission Parentalité, créée en 2023, appelle à restaurer dans un rapport remis ce matin une autorité bienveillante.
00:11Mais comment peut-on imaginer qu'une autorité ne soit pas bienveillante ?
00:16Ça semblerait une dictature à ce moment-là.
00:19Ce mot m'a fait sourire. Cette commission est présidée par le psychiatre Serge Heffez et il est avec nous Serge Heffez.
00:25La société se doit de s'organiser à hauteur d'enfants et dialoguer avec les parents à hauteur de parents.
00:30Merci monsieur Heffez, mais cette autorité bienveillante, tous les parents que nous sommes, que nous avons été,
00:38et les enfants également que nous avons été, et puis parfois dans des associations, notamment dans le sport,
00:45par définition l'autorité, elle doit toujours être bienveillante. Elle ne l'est pas toujours certes,
00:50mais elle doit toujours être bienveillante. Autrement, si une autorité malveillante, ça s'appelle de la méchanceté,
00:57ou un petit dictateur, ou un petit chef dans l'entreprise, que sais-je ?
01:03Bien sûr que l'autorité doit être bienveillante. C'est même, on pourrait dire, un pléonasme.
01:08L'autorité est là pour protéger, elle n'est pas là pour punir.
01:11Mais malheureusement, la société ne fournit pas toujours tous les atouts pour permettre aux parents d'exercer cette autorité bienveillante.
01:20Il y a justement tout un tas de mesures sur lesquelles on a réfléchi pour faciliter, pour permettre même cette autorité.
01:28Il est clair que dans des situations compliquées, comme des situations de monoparentale ou de handicap,
01:34mais même dans tous les rapports courants qu'ont les parents avec l'école, avec la justice, avec le système de santé, etc.,
01:42tout ne fonctionne pas toujours au mieux, et que notre préoccupation a été de faire en sorte que
01:49les parents puissent être parents partout et être reconnus partout comme des bons parents, dans la mesure du possible, et comme des parents compétents.
01:58Que ce soit à l'hôpital, que ce soit au niveau de la justice, que ce soit à l'école, que ce soit dans leur entreprise,
02:04on leur permette au mieux d'exercer leur fonction parentale.
02:08On a essayé de réfléchir à faire travailler ensemble tous les lieux où les parents ont à être des parents en dehors de leur maison.
02:16Moi, ce qui m'ennuie un peu dans ces discussions, c'est qu'on est dans une société où chacun exclut sa responsabilité sur ce qui lui arrive.
02:25Et on le voit d'ailleurs avec l'exemple de Owen. Je vois ça évidemment de l'extérieur et je n'ai pas tous les éléments.
02:33Mais lorsque j'entends que dans une famille, un enfant de 23 ans est toujours sous le toit de cette famille, alors qu'il a frappé sa petite sœur,
02:42c'est vrai que dans d'autres familles, ce garçon Owen, ses parents l'auraient pris entre quatre yeux, comme on dit,
02:49et lui auraient dit « maintenant tu as 23 ans, tu quittes la maison. Tu quittes la maison parce qu'en fait tu ne frappes pas ta sœur. »
02:55Et c'est aussi la responsabilité personnelle. Et vous comprenez ce que je veux vous dire, c'est que la société bien sûr, elle peut vous aider,
03:01mais chacun doit quand même comprendre ce qu'est son rôle de parent, même si c'est la chose la plus difficile au monde. Je suis bien d'accord avec vous.
03:10Notre souci, c'est que les parents puissent exercer au mieux cette fonction.
03:14Oui, mais ça veut dire quoi concrètement ?
03:16Ça veut dire concrètement, par exemple, que peut-être qu'avant que ce jeune homme ait 23 ans, qu'il ait frappé sa sœur et qu'il n'ait pas été signalé,
03:24qu'en amont, il y ait eu suffisamment d'outils pour permettre de déceler cette situation, qui est peut-être une situation familiale particulière,
03:34qui est peut-être une situation psychologique particulière chez cet enfant, ou sociale, je ne sais pas, je ne connais pas cette situation donc je n'en parle pas.
03:41Mais quel outil pour les parents ? C'est les parents qui ont le regard ? C'est leur intelligence ? Leur culture ?
03:47Les parents ne sont pas seuls au monde. Les parents sont en lien avec éventuellement une entreprise, avec l'école, avec un médecin, avec un dispositif de soins.
04:03Comment faire en sorte pour que l'ensemble de ces dispositifs puissent intervenir à temps, et c'est tout le sens de la prévention,
04:10pour éviter d'arriver à ce qu'à l'âge de 23 ans, un Owen ne commette ces horreurs ?
04:15Donc est-ce que la société a mis en place suffisamment de garde-fous, et le mot est fort, pour faire en sorte que cette situation n'arrive pas ?
04:24Alors je vais poser ma question différemment. Dans les personnes que vous rencontrez, dans les enfants que vous rencontrez, les jeunes adultes que vous rencontrez,
04:32l'influence des parents, et c'est toujours difficile, ce que je vais vous demander sans doute, de la chiffrer,
04:39mais pour vous, elle est, sur l'éducation d'un enfant, elle est à 50 %, 70 %, 80 % du résultat final ?
04:47Cette influence et cette importance des parents, elle n'est pas déliée de tout ce qui se passe autour d'eux,
04:55et de la réalité sociale dans laquelle ils sont, de leur milieu, et de tout un tas d'autres éléments qui ne dépendent pas directement d'eux.
05:03Donc on pourrait dire que l'importance des parents, elle est à la fois de 100 % et de 10 %, si vous voulez,
05:09selon la façon dont on considère toutes les questions d'environnement autour des parents,
05:13et tout ce qui est offert aux parents pour leur permettre d'exercer au mieux leur autorité.
05:18Mais j'entends ce que vous dites, mais est-ce que vous comprenez aussi que c'est contredit par ce que je vois ?
05:24C'est-à-dire que quand je vois des parents qui sont défaillants, c'est une catastrophe,
05:27et puis parfois je vois des parents qui sont construits et calibrés, et ça se passe mieux.
05:33Mais les parents qui sont défaillants, j'ai envie comme toujours de les excuser, ils n'y peuvent rien eux-mêmes,
05:38parce que bien souvent leur vie a été tellement difficile, ils se sont construits parfois tellement difficile,
05:43avec des parents eux-mêmes qui étaient défaillants, etc., et il y a une sorte de reproduction de génération en génération.
05:50Donc j'ai envie à la fois d'excuser tout le monde, parce que les responsabilités des uns et des autres,
05:56quand on pousse vraiment dans la psychologie, plus exactement dans l'histoire personnelle des uns et des autres,
06:04on se rend compte que les gens font comme ils peuvent, bien souvent,
06:08et on se dit que ce n'est peut-être pas une bonne chose que ces gens-là aient eu des enfants,
06:12parce qu'ils ne sont pas armés précisément pour en avoir.
06:16C'est difficile de le savoir à l'avance, et la question, vous savez, ce n'est ni d'excuser ni de condamner,
06:21c'est de comprendre, et comprendre, ce n'est pas forcément excuser,
06:24mais comprendre, c'est permettre de mettre en place des dispositifs qui permettent que les choses se reproduisent.
06:30Effectivement, il y a des parents qui sont beaucoup plus en difficulté que d'autres, y compris sur le plan psychiatrique,
06:35mais aussi par rapport à leur histoire, par rapport à tout ce dont ils procèdent eux-mêmes,
06:41et qui vont avoir du mal avec leurs enfants, mais jusqu'à quel point il est possible de prévenir,
06:46d'intervenir dans ces situations, de créer un vrai dispositif de soutien autour des parents
06:51pour qu'ils ne transmettent pas du mauvais, mais qu'ils puissent transmettre du bon.
06:56Non, mais on peut s'entendre là-dessus, et la difficulté, c'est effectivement comment la société entre dans cette éducation,
07:06dans cette influence, et c'est ça qui est quand même très compliqué.
07:09Je vois, lorsque l'on parle avec les professeurs, par exemple, ils disent tous la même chose,
07:14le problème ce n'est pas tant l'enfant dans la classe, c'est les parents qui viennent contester l'autorité du professeur,
07:21ce qui ne se passait évidemment pas il y a 40 ans avec notre génération,
07:24et qui viennent remettre en cause son autorité, la note qu'il a faite, le cours qu'il fait.
07:29Et ça, vous le retrouvez également dans le sport, où tout d'un coup le père vient voir l'entraîneur,
07:33et lui dit pourquoi mon fils ne joue pas, et vous préférez l'autre, etc.
07:36Mais comment on fait, Monsieur Heffez ?
07:39Et bien, comment on fait ? On crée ce qui s'appelle une alliance éducative,
07:42c'est-à-dire que les parents soient beaucoup plus inclus dans le dispositif scolaire,
07:48qu'il y ait beaucoup plus de relations entre ce dispositif scolaire et les parents,
07:53qu'il y ait beaucoup plus de réunions, qu'il y ait beaucoup plus d'informations,
07:56qu'il y ait beaucoup plus de concertations, que les parents n'aient pas peur de l'école,
08:01ne pensent pas que l'école va aller à l'encontre de leurs propres principes éducatifs ou culturels,
08:08mais qu'ils se créent cette alliance. Et ça, ça demande du travail.
08:11Mais j'entends bien, mais pourquoi dans le temps, c'était pas comme ça ?
08:14Pourquoi, il y a 40 ans, les parents ne se mêlaient pas de l'école et disaient au prof,
08:20vous avez toute l'autorité quand mon fils est dans votre classe,
08:23et pourquoi aujourd'hui, faut-il entendre les parents ?
08:26Mais les parents, ils restent chez eux, Monsieur Heffez, et puis on fait confiance aux profs !
08:30Parce qu'autrement, on n'en sort pas ! Pardonnez-moi, je fais un peu l'avocat du diable, évidemment !
08:35Mais c'est pas parce que les dispositifs ont complètement changé,
08:39les enfants sont sur des écrans toute la journée, ils ont accès à plein d'informations...
08:43Mais oui, mais ça n'a pas de rapport avec les parents !
08:46Ça n'a pas de rapport avec les parents ! Que les parents fichent la paix au professeur !
08:50Et vous, vous me dites, il faut qu'il soit plus participatif.
08:54Alors les élèves, les parents doivent en plus maintenant parler aux parents pour leur dire ce qu'ils font en classe,
08:59comment ils le font en classe, pourquoi ils font ça en classe.
09:01Mais enfin, moi ça me paraît étrange, mais je dois être d'une autre génération, Monsieur Heffez ?
09:06Mais peut-être, parce que la génération présente, et tels que sont les enfants aujourd'hui,
09:11ils ont vraiment besoin que quelque chose se structure autour d'eux,
09:14pour qu'ils ne soient pas lâchés face à ce déluge d'informations, d'éléments,
09:21de tout ce qui peut les attirer sur les réseaux sociaux et ailleurs,
09:26et qui aboutit aux catastrophes qu'on connaît aujourd'hui.
09:29C'est encore aux parents de faire la discipline à la maison, me semble-t-il ?
09:33Encore, faut-il qu'ils en aient la possibilité.
09:36Je suis bien d'accord avec vous.
09:38Bon, vous avez compris en maintenant que je joue un peu l'avocat du diable,
09:41bien évidemment que je pose des questions que certains auditeurs peuvent se poser,
09:45d'une manière, j'en conviens, parfois un peu caricaturale.
09:48Je remercie Monsieur Heffez, et puis je suis sûr... Vous avez des enfants, Monsieur Heffez ?
09:51Oh oui, j'ai même des petits-enfants, vous savez.
09:54Eh bien, vraiment, je pense qu'on sera d'accord là-dessus.
09:58La chose la plus difficile au monde, au monde, c'est d'élever ses enfants.
10:04C'est aussi la chose la plus merveilleuse du monde, je suis d'accord avec moi.
10:09Je suis d'accord avec vous, et finalement, un enfant, ça veut dire quoi lui, un enfant ?
10:13C'est simplement s'intéresser à lui, c'est aller au basket avec lui le samedi après-midi,
10:17c'est aller se faire ses devoirs.
10:19Vous savez, très souvent, moi je suis dans des clubs de sport le week-end,
10:22et c'est toujours les mêmes parents qui sont là.
10:24Il y a des parents que tu ne vois jamais de l'année.
10:26Leur fils joue au basket, tu ne le vois jamais, tu ne vois ni le père, ni la mère.
10:31Et c'est toujours les mêmes parents qui sont là.
10:33Et à chaque fois, je me dis, ces pauvres gosses,
10:35leur père ou leur mère, je ne sais pas ce qu'ils font le week-end,
10:38je ne sais pas ce qui les intéresse,
10:39ils ne viennent même pas voir leur fils ou leur fille jouer au basket,
10:42et puis ça peut être au football ou à un autre sport.
10:45Eh bien, on va essayer de les aider à être plus présents.
10:47Merci Monsieur Heffez !
10:51Je vous en prie !
10:52C'était un plaisir en tout cas d'échanger avec vous.