La crise économique allemande actuelle ne s’explique pas seulement par la guerre commerciale avec la Chine ou les difficultés de l'industrie automobile. Un facteur clé est interne : l’austérité budgétaire, érigée en dogme national. Tous les partis, de l’extrême droite à la gauche, y adhèrent. Son grand prêtre le plus emblématique fut Wolfgang Schäuble, ancien ministre des Finances. En 2009, au cœur de la crise de la zone euro, l’Allemagne a gravé dans le marbre de sa Constitution la Schuldenbremse (frein à la dette), limitant le déficit structurel de l’État à 0,35 % du PIB et interdisant tout déficit aux Länder. [...]
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00:00La crise économique allemande, très grave, ne s'explique pas seulement par la guerre
00:13commerciale entre la Chine et les Etats-Unis ou les difficultés de l'industrie automobile.
00:19Un facteur clé est interne, l'austérité budgétaire qui a été érigée en dogme
00:26national. Tous les partis, de l'extrême-droite à la gauche, y adhèrent. Son grand-prêtre
00:34le plus connu et le plus emblématique a été Wolfgang Schäuble, l'ancien ministre des
00:40finances d'Angela Merkel. En 2009, au cœur de la crise de la zone euro, l'Allemagne
00:47avait choisi de graver dans le marbre de sa constitution ce qu'on appelle la Schuldenbremse,
00:53le frein à la dette. C'est une disposition qui limite le déficit structurel de l'État
00:58à 0,35% du PIB et qui interdit tout déficit aux lenders et aux communes. Cette austérité
01:07généralisée a pesé négativement sur toute l'Europe après 2008, après la crise financière,
01:14creusant l'écart avec les Etats-Unis. Mais elle a aussi, au final, affaibli l'économie
01:20allemande. Certes, la dette publique allemande est passée de 80% du PIB en 2009 à 63% seulement
01:29en 2023. Mais l'Allemagne a raté aussi une opportunité historique d'investir lorsque
01:37les taux d'intérêt étaient nuls, voire négatifs sur la dette allemande. La baisse
01:43de l'endettement public s'est faite en réalité au détriment des infrastructures
01:49vitales. Le réseau ferroviaire allemand est obsolète, entraînant retard et inefficacité.
01:56Les routes sont en mauvais état, avec en particulier des ponts qui menacent de s'effondrer.
02:02La couverture mobile et la couverture Internet est l'une des plus faibles d'Europe, freinant
02:08l'innovation et la compétitivité. La transition énergétique, pourtant vitale, peine à avancer
02:16faute de financement public suffisant. Les Allemands en prennent conscience de l'impasse
02:21de la Schuldenbremse, mais sa modification exigerait une majorité de 60% au Bundestag,
02:29et c'est très difficile à atteindre dans un paysage aussi morcelé qu'aujourd'hui.
02:33Pour contourner l'obstacle, les gouvernements successifs ont créé des fonds extra-budgétaires,
02:40non soumis aux règles de déficit. Ce stratagème a bien permis de financer la relance après
02:47le Covid, et c'est aussi comme ça que les Allemands ont financé les 100 milliards
02:53d'euros du réarmement allemand annoncé par Olaf Scholz après l'invasion de l'Ukraine.
02:59Mais tout a basculé quand la Cour constitutionnelle de Kars-Rouen a invalidé en fin 2023 le transfert
03:08de 60 milliards d'euros d'un fonds Covid vers un fonds climat, jugeant cette pratique
03:16illégale. Cette décision a contraint le gouvernement à des mesures d'austérité radicales pour
03:22compenser cette perte, provoquant l'éclatement de la coalition SPD-Vers libéraux qui était
03:28au pouvoir, et les élections anticipées du 23 février prochain. Ironie du sort, Friedrich
03:36Hertz, le leader des chrétiens démocrates, qui devrait remporter ces prochaines élections,
03:42a évoqué une possible remise en cause de la Schuldenbremse. Un tel revirement serait
03:49plus facile en effet pour la droite que pour la gauche. Celle-ci est toujours soupçonnée
03:54de laxisme budgétaire. Mais ce changement demeure lointain et très incertain. L'impasse
04:02budgétaire actuelle bloque non seulement l'économie de notre voisin, mais aussi celle
04:06de toute l'Europe en fait, qui dépend fortement de la locomotive économique allemande.