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Chères lectrices, chers lecteurs,

Voici la captation de la rencontre de Flore Mongin et Coline Naujalis autour de leur roman graphique Suzanne Valadon sans concession, paru aux éditions Seghers-Arte

Discussion animée par Delphine Valadon.

Vous souhaitant de belles lectures,

L'écume

La Quatrième :

Exposée dans le monde entier et révérée comme une authentique pionnière, encore méconnue en France : voici Suzanne Valadon, artiste peintre célébrée de son vivant et que l’histoire de l’art a trop longtemps éclipsée.

Rien ne prédisposait la Valadon à une vie d’artiste. Née de père inconnu, la petite Marie-Clémentine trace ses premiers dessins au charbon sur les trottoirs de Montmartre, dans les ruines fumantes de la Commune. Jeune fille, elle se fait appeler Maria et devient modèle pour les grands noms de son temps – Toulouse-Lautrec et Renoir la peignent, Erik Satie en tombe fou amoureux. Mais Maria n’a pas vocation à demeurer une muse : durant ses heures de pose, elle observe ceux qui la peignent et perfectionne sa technique sur son temps libre. Pour elle, peindre n’est pas qu’une affaire de passion, c’est une question de survie quand, dans le Paris de la Belle Époque, les femmes de son rang meurent à la tâche…

Dans ce roman graphique, et au travers d’un documentaire pour Arte, Flore Mongin et Coline Naujalis retracent l’itinéraire hors norme d’une artiste d’une incroyable modernité, dont la vie apparaît comme une succession de frasques romanesques, de rencontres et de coups du sort. S’y révèle une Suzanne Valadon affranchie des conventions ou de la peur du scandale, ne vivant que par et pour son art, déterminée à ce que sa condition féminine et même maternelle n’entrave pas sa vocation de créatrice absolue.

Transcription
00:00Bonsoir à tous, merci d'être là ce soir, nous sommes très heureux d'accueillir Flore Mongin et
00:13Corinne Daujalis pour leur très beau livre Suzanne Maladon, sans concession, c'est une
00:22biographie graphique, vous êtes scénariste, réalisatrice, illustratrice, j'ai envie de vous
00:33demander tout d'abord d'où vient ce projet, comment est-il arrivé jusqu'à vous et comment avez-vous
00:39travaillé ensemble ? Alors ce projet, je sais pas si on m'entend, déjà je vous dis tous bonsoir, merci
00:46d'être là, d'être ici, même retardataire, ce projet est né en fait d'une découverte qui datait
01:02pour moi d'un certain temps puisque j'ai découvert Suzanne Maladon quand j'étais adolescente, je
01:07le raconte dans le livre en disant tout commence par les livres, on sait tous et j'ai découvert
01:12Suzanne Maladon via une biographie qui avait été écrite par Jeanne Champion dans la bibliothèque
01:16de ma mère et qui m'a absolument passionnée, j'ai beaucoup aimé ce personnage qui contrairement
01:22à d'autres, quelques rares femmes artistes dont on entendait parler à ce moment-là comme Camille
01:28Caudel n'avait pas connu un destin tragique, c'est au contraire une femme accomplie, une femme qui
01:33s'était réalisée en tant qu'artiste et une femme qui avait été oubliée, éclipsée et j'ai trouvé
01:39ce destin particulièrement singulier, fort et je l'ai jamais oublié, voilà et en fait par la
01:46suite comme je raconte également dans le livre, j'ai habité Montmartre, j'ai vu qu'elle n'était
01:50toujours pas présente alors qu'elle y a passé sa vie entière quasiment et j'étais ravie, vraiment
01:56très heureuse de voir que dans ces années récentes, il y a un retour, une redécouverte des femmes
02:03artistes, il était plus que temps et notamment Suzanne Maladon via une grande rétrospective
02:10qui a eu lieu il y a quelques années déjà aux Etats-Unis à la Fondation Barnes, d'abord passée
02:15par les Etats-Unis pour l'avoir ensuite célébrée en France et puis plus récemment à Metz au centre
02:19Pompidou et donc à ce moment-là je me suis dit j'ai eu envie de lui consacrer un film parce que
02:24je suis réalisatrice et donc j'ai fait cette proposition à Arte qui a accepté et pour
02:34moi il était essentiel que dans ce film il y ait de l'animation et donc j'ai proposé à Coline dont
02:39j'aime beaucoup le travail, de travailler sur le film et puis par la suite également de travailler
02:44sur les deux projets qui sont parallèles en fait, de travailler également sur le livre,
02:51sur un roman graphique qui ne reprendrait pas les animations du film mais qui reprendrait un
02:56univers visuel qui serait parallèle, qui serait proche et qui je me suis dit que ces dessins
03:03feraient de très belles illustrations pour un roman graphique donc voilà comment le projet est né.
03:07Du coup voilà moi j'ai été contactée par Flore il y a un bout de temps maintenant, il y a plus
03:11d'un an et demi par rapport au film et tout ça donc elle m'a parlé de la peinture de Susan
03:16Valladon dont je connaissais la peinture mais pas la vie donc quand Flore m'a contacté j'ai tout
03:28de suite acheté une bio et été la lire et effectivement un personnage incroyable et que je
03:34trouve très très inspirant en fait je pense que beaucoup de femmes artistes vont retrouver ça,
03:38les problèmes sont les mêmes et elle a vraiment trouvé son chemin pour essayer à faire un succès
03:44de sa vie et de sa peinture et en vivre et être support de famille sans vous dévoiler tout ça.
03:48Donc gros coup de cœur sur la femme au temps de l'oeuvre et donc ça renforce le sentiment
03:53avec sa peinture moi je trouvais et quand on développait le projet du film on a travaillé
03:57d'abord sur un pilote donc faire un film c'est toute une aventure et en parallèle un livre ça
04:04serait vraiment chouette donc on a aussi développé le texte et les dessins ne sont
04:12pas dans le film, il n'y a pas un dessin du livre qui est dans le film et inversement et le texte
04:16voilà ce qu'on a en commun c'est la connaissance qu'on avait sur Susan parce qu'on a passé beaucoup
04:20de temps Flore à lire tout un tas d'informations, moi à regarder beaucoup d'iconographie aussi de
04:25l'époque ça pour pouvoir même imprégner des décors des modes et tout ça et donc voilà force de cette
04:31connaissance là on s'est dit que ça pouvait vraiment être intéressant de faire un livre
04:33et qu'on aimait bien travailler ensemble aussi. Et le texte vous l'avez fait à quatre mains ?
04:40Non non le texte, on avait chacune notre partie même si forcément il y avait des
04:48aller-retours notamment sur les dessins on en parlait mais non le texte j'écris le texte
04:54c'était comme vous me posez la question par rapport aux synopsis c'était c'est un projet
05:01à part entière un livre pour moi c'était c'était vraiment l'idée d'écrire ce texte
05:08d'un point de vue qui était pas le même exactement que celui du film puisque sur le film on est sur
05:16un travail qui qui documente aussi son oeuvre beaucoup alors forcément c'est le cas aussi
05:21du livre bien entendu mais je me suis permise dans le dans le roman à pas de côté puis ça s'appelle
05:27un roman c'est un roman graphique donc du coup je me suis permise de de romancer aussi de donner
05:33une dimension que je ne serais pas forcément permise dans le documentaire dans un documentaire
05:37même s'il y a effectivement il y a des faits il y a des mais il y a une dimension qui on reste
05:43quand même sur sur on est coproduit par le centre Pompidou voilà donc on est tenu et arte et co
05:52éditeur tout à fait oui oui arte et co éditeur on a deux éditrices Anne Dussert pour Segers et
05:58Isabelle Payet pour pour pour le pour la partie arte par bonnes compagnies voilà ce sont des
06:07deux des univers qui se sont entremêlés mais les textes sont complètement différents voilà
06:14alors revenons peut-être à ce roman graphique il est sous-titré Suzanne Maledonce sans concession
06:25je trouve que ça donne un bel éclairage sur l'image que vous offrez d'elle tout au long du
06:33texte est-ce que vous pourriez nous donner quelques éléments biographiques ou par rapport à son
06:40travail sur sur cet aspect de sa vie cette liberté totale qu'elle a eu tout au long de
06:50sa vie ce personnage si si si fascinant sans concession c'est c'est une expression qui
06:58définit très bien Suzanne Valadon et qui revient régulièrement dans la description que qu'on fait
07:04d'elle son entourage c'était quelqu'un d'entier c'était quelqu'un qui qui d'ailleurs l'a écrit
07:12elle a dit d'elle même vraiment d'extrêmement déterminé qui a vraiment tracé son sillon qui
07:19n'a pas fait qui n'a pas tenu compte en fait nécessairement des avant-garde de l'époque des
07:25styles des modes de l'époque elle ne s'est pas laissée emporter par un courant elle a d'ailleurs
07:29on a pu lui reprocher elle avait elle avait son style elle ne s'en est pas départie elle a vraiment
07:35assumé ce qu'elle était et aussi bien dans sa vie d'artiste que dans sa vie de femme elle a été
07:41elle est née pauvre elle est née elle a été autodidacte est devenue artiste à une époque où
07:47les femmes étaient dans un milieu relativement aussi puisque les beaux-arts l'école des beaux-arts
07:52n'était pas ouverte et ne l'a pas été avant les années 1900 et malgré ça elle est elle est
08:00elle a voulu devenir artiste elle est devenue donc c'est vraiment quelqu'un qui n'a pas fait de
08:03concession effectivement son ses galeristes le disait d'elle les critiques d'art le disait d'elle
08:08on pouvait critiquer ce qu'elle était sa vie son son art mais elle elle n'a jamais dévié de sa
08:15voie et ça c'est quelque chose d'assez rare en plus pour une femme d'une époque de ce milieu
08:21d'une femme pauvre elle est devenue fille mère à 18 ans du coup je pense que flore a bien bien
08:41fait un tour là dessus mais j'étais pour parler un peu plus du côté graphique de suzanne alors
08:45son trait était souvent défini de viril voilà un train pas de viril ce qui ce qui était je pense
08:50qu'elle prenait comme un compliment parce que pour le coup elle n'avait pas envie de ranger dans
08:53la catégorie dessin de femme à savoir que les femmes à cette époque là peignaient beaucoup
08:57plus des scènes intérieures des fleurs des tableaux plus petit est-ce que cela n'avait
09:02un atelier elle a pas un très grand elle a aussi été la première femme à peindre un homme nu de
09:06face et des toiles monumentales et pas du tout à se contenter des scènes de genre pour les femmes
09:11avec son trait qui était viril et ça encore une fois je pense voilà c'est elle qui qui choisit
09:15et qui qui donne le ton et dans le lac
09:16et dans le livre on le retrouve et beaucoup d'autres choses également j'aurais voulu revenir
09:33sur le fait que de son vivant suzanne baladon a eu du succès elle a été exposée elle a vécu
09:45de sa peinture on y vient on imagine toujours les artistes maudits la bohème en marthoise mais
09:52elle a vécu même un moment de sa vie une vie plutôt bourgeoise et confortable et puis elle
10:00a été jusque quand elle meurt en 38 en 37 elle est la peintre la plus achetée par le français
10:12voilà donc elle est elle est arrivée à une certaine notoriété elle est reconnue par ses
10:18pères l'un d'eux de gars artistes a acheté beaucoup de ces tableaux donc elle est morte
10:26et elle a vécu de sa peinture et elle est morte avec une notoriété grande et puis et puis on
10:35constate que l'histoire de l'art l'a un peu mis de côté souvent un peu en creux par rapport à des
10:42pubis de chavannes ou des lautrecs qui l'ont côtoyé elle était un petit peu en représenté
10:49un peu à l'écart et elle va connaître un purgatoire parce que c'est les dernières
10:57expositions je crois que c'est 47 et 67 et ensuite il y aura quelques expositions mais
11:06de grandes expositions nationales il faut attendre 2023 avec Metz et puis actuellement
11:13vous avez une rétrospective formidable qui continue l'exposition de Metz à Pompidou
11:18selon vous qu'est ce qui a qu'est ce qui a fait qu'est ce qui a fait qu'on passe une
11:27notoriété grande à une sorte de purgatoire pendant pendant des décennies pendant près de 50 ans
11:33alors il ya différents facteurs il ya une forme de subjectivité qui s'est exercée à l'encontre
11:44des femmes artistes pour le dire voilà c'est tout simplement beaucoup de femmes artistes ont
11:50été reléguées au second plan alors qu'elles étaient arrivées à une notoriété de l'heure
11:55vivant et ça c'est vrai que c'est quelque chose qui après tombe un peu aux oubliettes on oublie
11:59ce qui est plus fascinant c'est qu'on redécouvre des femmes artistes dont Suzanne Balladon mais
12:03d'autres comme Jacqueline Marval comme Mimi Charmi qui sont un peu inconnues au bataillon
12:08aujourd'hui faut bien le dire et qui de l'heure vivant était connue avait des expositions faisait
12:12partie des expulsions collectives des expositions personnelles et donc il ya un mouvement qui a
12:17été initié plutôt dans les pays anglo-saxons de redécouverte de ces femmes artistes et la France
12:24n'est pas pionnière en la matière parce que vous parliez effectivement de Metz, de Saint-Pompidou
12:29actuellement et on est vraiment très heureuse de voir ces rétrospectives à Paris mais il y a
12:34eu une première grande rétrospective plus récente qui date de 2021 qui a été à la fondation Barnes
12:40à Philadelphia qui a consacré une exposition entière à Suzanne Balladon et c'est vrai que les pays
12:47anglo-saxons sont un peu pionniers dans la redécouverte en fait de ces femmes artistes et
12:51et donc progressivement ça arrive un petit peu partout et en France on a de très grandes femmes
12:56artistes qui ont été oubliées et donc pourquoi parce que voilà les manuels d'histoire sont faits
13:02par des êtres humains, par des hommes parfois et donc voilà on va dire que certains, je cite une
13:12anecdote dans le livre qui a été rapportée par la grande galeriste Bervaille, une autre femme qui a
13:19eu une grande carrière de galeriste et qui a été assez méconnue aujourd'hui mais qu'on redécouvre
13:25et qui était une de ses amies qui l'a exposée de nombreuses fois, qui a été une des premières à
13:33exposer Picasso, Modigliani, c'était la seule à faire une exposition solo de Modigliani et donc
13:41je cite cette anecdote où elle dit dans son autobiographie, elle part d'un grand critique
13:49d'art de l'époque qui s'appelait Louis Vaucel et elle lui dit tiens vous faites, vous consacrez une
13:55grande rétrospective aux plus grands artistes de ces cinquante dernières années et vous avez
13:59omis de mettre Suzanne Valladon et Émilie Charmy et il lui dit oui oui je ne les aime pas et elle dit
14:07vous ne les aimez pas mais ce sont quand même des grands artistes reconnus aujourd'hui et ça la fait
14:13rire, sourire et dans son autobiographie elle dit c'est la même façon qu'un historien pourrait dire
14:19je n'ai pas parlé du règne de Louis XI parce que je ne l'aime pas, c'est comparable, c'est vraiment
14:25des personnes qui ont marqué l'histoire, en l'occurrence l'histoire de l'art, mais quand on
14:31écrit l'Emmanuel et qu'on parle d'elle, on choisit ou non de les mentionner. Peut-être aussi comme vous
14:40le disiez tout à fait, elle a été difficile à identifier, elle était avant-gardiste parce qu'elle
14:46ne s'est pas ralliée à aucun courant, aucune école, les grandes écoles du moment, l'impressionnisme,
14:53le cubisme, le pointillisme, elle a été influencée sans doute, elle a été autodidacte, elle a appris
15:04en regardant les grands peintres mais elle n'a jamais copié, elle ne s'est pas laissée influencer
15:08et souvent quand on ne peut pas associer quelqu'un à un courant, on annule, est-ce que ça peut être
15:17aussi une explication ? J'ai trouvé très drôle et très juste, dans le livre à un moment donné, il me
15:23semble que vous faites un néologisme, je crois que vous êtes les premières à le faire, vous parlez de
15:27valadonisme, ce qui en dit long sur ce que vous pensez, c'est-à-dire que véritablement elle a un
15:33courant propre, elle n'appartient à aucune chapelle. Je ne sais pas si j'aurais grand chose à ajouter là-dessus,
15:42mais je pense qu'effectivement, si on n'a pas une étiquette, une chose bien claire à identifier, c'est
15:46compliqué pour les gens derrière. Après là, je m'avance de mon propre point de vue, mais souvent aussi pour
15:50que les gens aillent derrière, c'est les héritiers, ce qu'ils en font de ça. Son fils à elle, c'est
15:56Boris Triot qui est lui-même devenu un peintre célèbre et qui a finalement, je crois, évincé la
16:00mère dans le souvenir de beaucoup de gens. Et je ne sais pas si Boris Triot a été la mère d'Eutriot avant d'être peintre elle-même.
16:11Et Eutriot adorait sa mère, ça c'était clair, mais est-ce que c'était l'homme aussi qui avait les épaules
16:16pour porter le travail de sa mère et ça, pour entretenir son... Je ne suis pas sûre. C'est un peintre
16:21qui a été assez tourmenté, qui avait des problèmes de santé mentale, d'addiction à l'alcool,
16:26d'une personne... Et j'ai l'impression plutôt que Susan Valadon s'est presque inquiétée que son fils
16:30c'est quelqu'un qui va prendre le relais de support qu'elle a été pour lui dans sa vieillesse à lui.
16:34Donc est-ce que... Je crois qu'elle a été une mère jusqu'au bout, mais que lui n'a pas forcément
16:38porté son souffle... Enfin, il n'a pas forcément aidé à faire vivre sa suite derrière. Mais là, je m'avance,
16:44je n'ai pas les faits là-dessus, mais ça pourrait être un facteur, je pense. Tu as des choses à dire ?
16:48Oui, non, enfin... Effectivement, sur le fait... Le valadonisme, ça reprend ce qu'on disait tout à
16:55l'heure sur le fait qu'elle était sans concession, qu'elle était... Voilà, qu'elle... Elle savait
17:01où elle allait, elle savait ce qu'elle faisait. D'ailleurs, elle a une phrase très belle, qu'on cite
17:05aussi dans le livre, où elle dit... J'ai... Citation exacte, j'essaie de ne pas vous la donner, mais elle dit
17:15voilà, j'ai fait ce que j'avais à faire, voilà. Je me suis trouvée et j'ai fait ce que... J'ai dit ce que
17:20j'avais à dire, j'ai fait ce que j'avais à faire, voilà. Elle n'en est... Elle ne s'en est jamais détournée, voilà.
17:25C'est vraiment une artiste... Elle a peint toute sa vie jusqu'au bout ? Absolument. Elle a peint plus de 500 toiles ?
17:30Oui, plus de 405, oui, oui, c'est ça. Elle s'en parlait des dessins ? Des dessins. Alors, pour revenir aux traits, justement,
17:38et aux traits virils dont vous parliez, moi, j'ai envie de vous poser la question sur le travail que
17:44vous avez fait pour cet ouvrage, parce que c'est effectivement sans doute pas simple de
17:50représenter, de reproduire des tableaux sans copier et sans être dans l'exactitude. Donc, vous leur avez
17:57donné une grande liberté, mais en même temps, ils sont très justes. On reconnaît tout de suite, si on
18:01connaît l'oeuvre, on reconnaît... Il y a des collages, comme ça, de personnages. C'est tout à fait
18:07étonnant, des détails de tableaux, des... Alors, vous leur avez donné, évidemment, d'autres dimensions et d'autres
18:14... Comment avez-vous travaillé ? Quel gageur était-ce pour vous ?
18:19Alors déjà, on travaillait beaucoup avec Flore en communiquant par rapport à ce qu'elle écrivait, par
18:23rapport à comment séquencer le livre, aux choses qu'on avait envie de mettre dedans. Et c'était un peu...
18:27Il y avait différents types de pages. Donc, il y a des pages où on était dans raconter l'histoire, donc plutôt
18:32la voir, ou imaginer un décor, un lieu, une scène de ce qui se passait pour un moment clé de sa vie.
18:37Et des moments où on était plus dans montrer son oeuvre ou la voir à l'oeuvre. Donc, c'était déjà...
18:42Il y a certaines images, des collages, comme vous dites, c'est un peu des allégories, où c'est de
18:45remontrer des choses de cette époque-là, entre autres aussi autour d'expositions qui ont eu lieu,
18:50de montrer des aperçus de ce qu'elle fréquentait là. Et après, voilà, montrer certaines oeuvres. On avait
18:56un peu aussi la question de ce que son oeuvre est dans le droit commun, public, on va dire,
19:00public, maintenant, parce qu'elle est morte depuis 80 ans. Donc, on aurait pu mettre des oeuvres de
19:04Suzanne, mais on a fait le choix plutôt de dessiner, d'interpréter les oeuvres, parce que par rapport
19:08au fait qu'on reste dans un roman graphique, ça nous paraissait important et cohérent. Et donc,
19:12de montrer certaines oeuvres, certaines toiles. Et là, les regarder longtemps, les redessiner,
19:18prendre des notes de couleurs, de réduire ma palette. J'ai travaillé au dessin, donc à l'encre
19:23de chine sur papier à la base. Et après, j'ai colorisé de façon digitale. Parce que Savoir
19:27ce qu'il nous dit, c'était un temps intense de production. Du coup, voilà, moi, ça me permettait
19:32de faire ça. En combien de temps ? Deux mois et demi à peu près. Tout après, il y a tout ce
19:40qu'on connaissait avant. Il y a eu un travail. Le dessin, quand j'ai vraiment mis le dessin,
19:45ça a été tout l'été à peu près. Et à la rentrée, on était tous sur finir certains détails pour le
19:52livre, la couverture, des choses comme ça. Il y a une vraie relation entre textes. On sent que
19:56vous avez vraiment travaillé ensemble, parce que le texte, les illustrations se répondent
20:02absolument. Et il y a aussi un rythme. C'est-à-dire qu'on est vraiment, on est dans le, on imagine que
20:09cette femme a eu une folle vie, elle a à un moment donné couru après l'argent, couru après, voilà,
20:15elle a toute sa vie, elle est allée de manière volontariste, sans faillir. Et on sent une énergie,
20:22un rythme dans votre texte et dans vos illustrations. Donc ça, c'est parfaitement réussi.
20:29Pour revenir à ce retour en grâce, on peut imaginer aujourd'hui que Suzanne Balladon
20:39corresponde, enfin, réponde à les préoccupations des jeunes femmes d'aujourd'hui. Et elle peut,
20:50est-ce que vous pourriez dire qu'elle peut être une figure féministe, même si elle n'a jamais tenu
20:56de discours féministe, mais par sa vie et dans son travail aussi. Est-ce qu'il y a un écho à ça
21:04aujourd'hui ? Oui, honnêtement, je pense que, moi, je crois beaucoup à la valeur de l'exemple. Et
21:12je pense que cette valeur de l'exemple, elle est, finalement, elle a été assez absente pour les
21:18femmes pendant de nombreuses générations. Tu ne peux pas devenir artiste, tu ne peux pas devenir,
21:26tu ne peux pas parce que ça n'a jamais existé avant toi. Et je pense que l'effacement, justement,
21:31de femmes artistes, créatrices, etc., a contribué parfois, peut-être, à décourager des vocations,
21:39à ne pas donner cet élan dont les femmes pouvaient avoir besoin. Et je pense qu'une
21:45personnalité telle que Suzanne Valladon, non seulement en tant qu'artiste qui a réussi,
21:49mais également en tant que femme possédant une très forte personnalité, je pense qu'elle a
21:54vraiment valeur d'exemple et que c'est quelque chose de très inspirant. Je trouve que Suzanne
21:59Valladon, quand j'écrivais, qu'on communiquait, qu'on parlait avec nos éditrices, pour le film,
22:10pour tout, on avait une espèce de motto qui était « toute Suzanne » ou « tous Suzanne »,
22:14tous, tous, toutes Suzanne, voilà. Parce que vraiment, je trouve qu'elle est extrêmement
22:18inspirante. Moi, je dis souvent que quand on travaille sur un personnage, au bout d'un moment,
22:27on connaît un peu ses zones d'ombre, ses noirceurs. Parfois, on se dit, voilà, en fait, c'est un
22:33personnage plus ou moins sympathique. Suzanne Valladon, puis on la connaît, puis on l'aime.
22:37Vraiment, ça peut paraître un peu nié de dire ça, mais vraiment, je trouve que c'est quelqu'un
22:42de, voilà, qui n'était absolument pas parfait. Je ne suis pas en train de la transformer enceinte,
22:46absolument pas. Mais justement, c'est ça aussi qui est intéressant dans sa vie. C'est qu'elle
22:50s'est battue, elle a dû faire face à une grande adversité. La vie n'a pas été facile. Je parlais
22:56tout à l'heure de son fils qui était alcoolique, qui a eu une maladie mentale, qui a quand même
23:01été un immense boulet dans sa vie, pour le dire franchement. C'était quelqu'un de très,
23:08très, très difficile. Et malgré ça, elle a réussi à s'accomplir. Et je trouve que ça,
23:13c'est vraiment quelque chose de très fort. Alors, ça peut être inspirant, évidemment,
23:16aussi pour les hommes. Ce n'est pas exclusif, mais c'est vrai que pour des femmes supportant
23:22à la fois, surtout à une autre époque, mais bon, toujours aujourd'hui, certains poids de la
23:29maternité, de la société, etc. De voir cette femme qui, à cette époque, qui n'était pas issue
23:36de la grande bourgeoisie, qui n'a pas eu un parcours facilité par la vie, par la richesse.
23:41Elle s'est vraiment battue pour obtenir tout ce qu'elle a eu. C'est effectivement, j'en ai envie
23:45de dire bravo. Et puis, je pense que tout le monde peut s'inspirer de cette vie d'accomplissement.
23:50Oui, j'ai juste envie d'aborder là-dedans. C'est vraiment que les enjeux sont les mêmes,
23:55en fait, à peu de choses près. Maintenant, les femmes ont accès à l'éducation de ça,
23:58mais le problème de maternité, le problème de l'argent, enfin, ça, c'est des choses qui,
24:02je pense, sont, on va dire, ça reste dans le temps, c'est impérissable, c'est toujours
24:06la même problématique. Est-ce qu'on peut dire qu'elle est d'une grande modernité ? Si on
24:11pousse un peu au regard de notre époque, on dirait aujourd'hui qu'elle est une transfuge de classe.
24:18Complètement, oui. Complètement. Mais je pense d'ailleurs que c'est le fait qu'elle ne vienne
24:23pas d'une classe bourgeoise qui lui a donné une telle liberté, en fait, où elle n'avait rien à
24:26perdre. C'est-à-dire qu'elle a posé déjà rien que... Elle a commencé avec sa vie en tant que
24:32modèle. Elle était déjà, je pense, artiste, comment dire ça, pas forcément reconnue,
24:37pas forcément admise elle-même, mais elle payait déjà. Et donc, elle a posé nu pour les artistes
24:45à l'époque. Ce n'était pas forcément très bien vu. Et du coup, quand on a fait ça, quand on a eu
24:50un enfant à 17 ans, quand on est dans une bohème, on n'a rien à perdre. Elle s'est dit je continue,
24:55j'y vais et puis je ne m'excuserai pas, en fait. Et ça, on est encore là-dessus, même, je crois
25:01que Mouna Choulaï qui a fait un livre il n'y a pas si longtemps sur la féminité. Enfin, toujours
25:04les mêmes problèmes de femmes. Beaucoup de gens, en tout cas, voilà. Et donc, c'est les mêmes,
25:08voilà. Et elle, elle se marie deux fois. C'est ça, elle divorce encore une fois. Elle se marie
25:13une deuxième fois avec un homme de 20 ans moins qu'elle. Avec un homme qui est plus jeune que son
25:15propre-fils, qui fait scandale à l'époque. Mais effectivement, pour elle... Donc, oui,
25:22donc ce sont, voilà, une figure féministe, une figure d'une grande modernité qui est aujourd'hui
25:26et que vont redécouvrir sans doute beaucoup de gens, beaucoup de jeunes femmes. Mais aussi,
25:34surtout par son travail. Moi, je voudrais vous remercier pour une chose, c'est que souvent,
25:38effectivement, elle a eu une vie tellement riche, tellement incroyable, qu'on a souvent axé uniquement
25:45sur la biographie. Alors, même s'il s'agit d'une biographie, vous axez aussi beaucoup sur l'oeuvre,
25:51sur la qualité de l'oeuvre et l'importance, l'avant-gardisme qui a été le sien, la totale
26:00liberté de travail. Et c'est une femme qui a toujours travaillé, c'est-à-dire qu'elle
26:05décide depuis l'enfance, mais alors qu'elle avait dit qu'elle n'aurait pas de travail. Voilà,
26:11elle ne voulait pas travailler comme une ouvrière. Mais toute sa vie, elle a travaillé formidablement
26:17et ça donne une oeuvre qui est d'une richesse. Personnellement, moi, j'aime particulièrement ses
26:25dessins qui sont exceptionnels. Et Degas avait l'oeil et il en a acheté beaucoup. Voilà,
26:33donc je voudrais vous remercier pour ça, pour ce travail que vous avez fait toutes les deux,
26:37qui est incroyable et qui effectivement nous présente là une figure, comme vous disiez très
26:43justement, qui peut être un modèle pour une nouvelle génération. Peut-être que vous avez
26:49envie de parler d'autres choses sur lesquelles je ne vous ai pas orienté.
26:53C'est des questions aussi.
27:00Oui, tout à fait. Voilà. Donc, comme je disais tout à l'heure, les femmes n'avaient pas accès au
27:29Beaux-Arts à l'époque. Elles n'avaient pas accès aux modèles masculins. Elles n'avaient pas accès,
27:34encore moins, elles avaient encore moins accès à des hommes nus. C'était absolument impensable.
27:40Et Suzanne Valadon, comme toujours, voilà, elle a osé ça, avec le pouvoir naturel. Elle n'était
27:48pas dans la provocation gratuite. Pour elle, c'était naturel. Elle, elle avait elle-même
27:52posé en tant que modèle. Elle était une femme. La plupart des tableaux de l'époque représentaient
27:58extrêmement souvent des femmes nues. Elle, elle a représenté un homme nu de la façon la plus
28:05naturelle possible. Alors, effectivement, elle a été obligée par la suite, pour être exposée dans un
28:13salon qui était très important à l'époque, de repardre une feuille de vigne sur le sexe de l'homme.
28:20Et voilà, c'était quelque chose de, voilà, je trouve que ça la représente extrêmement bien,
28:26effectivement, cet aspect de, sans être provocatrice, de dire tout simplement,
28:31voilà, ce qui est assez drôle, c'est qu'elle, on n'a pas demandé à ce que le sexe de la femme,
28:38lui, soit recouvert, le sexe d'elle soit recouvert, voilà. Absolument. Et je dirais même que dans
28:42ses représentations féminines, elle est singulière parce qu'elle ne représente pas forcément des
28:47femmes désirables, très belles, mais il y a une fluidité, il y a un réalisme qui l'intéresse,
28:54en fait. Voilà, c'est une femme qui peint des corps de femmes, de jeunes filles, qui découvre
29:00leur puberté, leur corps, et pas du tout avec, elle a été elle-même modèle, elle savait le regard
29:09des peintres hommes, et ces nues à elle sont très différents, en fait, ils ne sont pas forcément
29:18beaux ou désirables, ils sont beaucoup plus crus. C'est pour ça qu'on a parlé de female gaze,
29:27là, concernant, parce qu'effectivement, on parle de male gaze dans la façon dont les artistes
29:35hommes auraient représenté les femmes, etc. Et elle, dans une female gaze, dans le sens où,
29:38voilà, elle a représenté les femmes telles qu'elle les voyait, c'est-à-dire, effectivement,
29:42pas avec un regard désirant, un regard très réaliste. Parfois, on lui disait, on lui reprochait
29:48que, justement, elle ne peignait pas de femmes belles ou jolies, ce n'était pas ce qu'elle
29:53souhaitait. Encore une fois, elle cherchait la vérité, en fait. Donc, elle a une très belle
29:59phrase là-dessus, elle recherchait l'âme des gens qu'elle peignait, et donc, la beauté,
30:03la joliesse ne l'intéressait pas. Et d'ailleurs, pour une note sur la beauté, la joliesse,
30:07elle s'est aussi peinte, elle-même, tout au long de sa vie, toute une série d'autoportraits qui
30:12ont... Et le dernier, je ne vais pas dire le dernier, parce que ce sera... Voilà, c'est elle,
30:16en femme mature de la 60e d'année. 66 ans, voilà. Elle est peinte au sein nu, et elle ne se fait pas
30:22de fleurs. Vraiment, elle se regarde telle qu'elle est, telle qu'elle se voit. Elle est là,
30:27elle se montre avec une franchise de netteté, mais elle n'est pas du tout dans l'embellissement.
30:31Il y a même d'autres portraits avant qui sont durs. Son premier portrait, elle avait 18 ans,
30:35son premier autoportrait 18 ans, alors que c'était une femme très jolie. Vraiment,
30:40elle ne se gâte pas, elle ne se peint pas comme étant très jolie. De 18 ans, son premier
30:51autoportrait, jusqu'à 66 ans, son dernier, tous ses autoportraits ont jalonné sa vie. Et d'ailleurs,
30:56tu les as très bien représentés. À chaque fois, c'est un regard assez impitoyable sur elle-même.
31:04Et se peindre les seins nus, à 66 ans, il fallait le faire aussi, quand même.
31:09Il est vers le dernier, j'ai un petit truc.
31:10Il est vers le dernier, j'ai un petit truc.
31:11C'est l'autoportrait de cette femme ronde, allongée, en pyjama.
31:17Ah non, c'est la chambre bleue, oui, la chambre bleue, oui, il est au début.
31:20Et voilà, qui est quand même une représentation de la femme incroyable pour les blockers.
31:26Très moderne.
31:27Quelle que soit, pour le coup, le milieu dont on est issu, elle est très connue parce qu'elle fait,
31:34on la représente très souvent, elle est au frontispice de l'exposition.
31:42C'est la chambre bleue, c'est un tableau incroyable.
31:48C'est vrai que ce n'est pas un nu, mais pour le coup, ce n'est pas à l'habiller, mais c'est négligé.
31:53Ce genre de pyjama et de débardeur qui est là, ça clope au bec,
31:56c'est libre au pied du lit et elle est là dans son monde, dans sa bulle.
32:00La majorité, c'est ça.
32:01Parce que ce n'est pas une femme lassive qu'attend, c'est vraiment.
32:03Voilà, on a un petit câlin, sûrement.
32:07Très souvent reprise.
32:09Voilà.
32:11Est-ce qu'il y a d'autres questions ?
32:20À quoi vous pensez pour la suite ?
32:21Pour la suite, qu'est-ce qu'on fait quand on a fait Suzanne Valadon ?
32:23C'est ma question.
32:25Parce que c'est quand même un personnage qui est tellement entier que…
32:32Oui, que de trouver une suite, c'est compliqué.
32:35Oui, absolument.
32:37Je suis d'accord avec Flore et Colline, on a travaillé ensemble sur le livre.
32:41Ça nous donnait une énergie qui était incroyable, vraiment.
32:45Quelque chose qui se transmet de façon presque capillarité.
32:53Capillarité, oui.
32:55Inspirée, je pense, par Suzanne directement.
32:57Parce qu'elle serait inspirante.
32:59Moi, je le sentais comme ça.
33:01Ah oui, d'accord.
33:03J'ai vraiment l'inspiration.
33:05Nous, on l'a ressenti à se pencher sur elle.
33:07On transmet une énergie.
33:09Et c'est vrai qu'une modernité,
33:12aujourd'hui, même pour des femmes d'aujourd'hui,
33:16elle est extrêmement moderne.
33:18Parce que justement, elle est détachée de cette…
33:20parce qu'on parlait de la culpabilité,
33:22qu'il y a d'ailleurs dans Monâche-Follet, etc.
33:24De cette culpabilité, elle est détachée de presque des contingences
33:28qui pourtant, pourrait la retenir, vraiment la clouer au sol.
33:31Elle a réussi à se défaire de ça.
33:33Et ça, c'est quand même…
33:35Et ça, c'est quand même très, très fort.
33:37C'est vraiment…
33:39C'est très mystérieux.
33:41On se demande quand même d'où lui vient…
33:43Cette énergie incroyable.
33:45Cette énergie incroyable.
33:47Voilà.
33:49Sans doute parce qu'elle vient effectivement de ce milieu
33:53où tout était joué avant.
33:55Où tout était impossible, en fait.
33:57Alors, une fois que tout est impossible,
33:59on ne peut que…
34:01Voilà.
34:03Mais il faut une force, un courage.
34:05Du travail aussi.
34:07Son art ne s'est pas fait tout seul.
34:09On l'a beaucoup associée.
34:11Et là, on dirait aujourd'hui que c'est une personne de réseau.
34:15Elle connaissait beaucoup de peintres.
34:17Elle était amie avec des galeristes.
34:19Elle a été beaucoup exposée,
34:21beaucoup appréciée.
34:23Elle était une figure de Montmartre.
34:25Mais cependant…
34:27Je ne sais plus ce que je voulais dire.
34:31Par rapport à sa volonté.
34:33Par rapport à sa volonté, voilà.
34:35Elle n'a pas servi de cela.
34:37Bien sûr, c'est le milieu dans lequel elle habitait.
34:41Mais elle n'a pas cherché
34:43des appuis particuliers.
34:45Elle a travaillé.
34:47Et elle a vécu de son travail
34:49jusqu'au bout.
34:51Et ça, c'est quand même…
34:53Elle meurt d'ailleurs
34:55d'une embolie cérébrale,
34:57sans doute d'épuisement.
34:59Elle a 72 ans.
35:01C'est pas vrai.
35:03Mais effectivement,
35:05parler de réseau,
35:07les réseaux des peintres à l'époque
35:09étaient extrêmement importants.
35:11C'était ce qui faisait…
35:13On s'entraîne.
35:15C'était le système de l'époque
35:17qui est toujours en cours au Beaux-Arts
35:19avec un maître et ses élèves,
35:21ses disciples presque.
35:23Mais elle n'a fait allégeance à personne.
35:25Complètement.
35:27Et on parle de son rapport
35:29avec Edgar Degas.
35:31Il était extrêmement admiratif
35:33de son travail.
35:35C'était un peu lui qui faisait
35:37l'appui du beau temps à l'époque,
35:39non seulement en tant qu'artiste,
35:41mais aussi en tant que collectionneur.
35:43Il était extrêmement résilient,
35:45donc on avait peur.
35:47Il était extrêmement critique,
35:49extrêmement dur.
35:51Et il était en admiration
35:53de son travail.
35:55Il avait besoin de voir son travail
35:57régulièrement.
35:59Il était très riche.
36:01Je veux vous remercier.
36:03Vous lui redonnez la place
36:05qu'elle mérite
36:07depuis tant d'années.
36:09Bien sûr, il y a eu de nombreuses biographies.
36:11Mais souvent,
36:13vous n'avez pas ce regard positif.
36:15Je trouve que votre livre
36:17est plus que bienveillant.
36:19Vous êtes sans doute dans l'admiration.
36:21Moi, je le suis.
36:23En fait, c'était aussi
36:25cette frustration.
36:27J'ai eu beaucoup de biographies
36:29extrêmement intéressantes,
36:31bien écrites, sans conteste.
36:33Mais je trouvais
36:35qu'il manquait
36:37cette dimension d'empathie
36:39vis-à-vis de cette femme
36:41venant d'où elle venait,
36:43ayant accompli ce qu'elle a accompli.
36:45Je trouvais que c'était toujours
36:47mauvaise mère.
36:49Toujours ses jugements sur elle.
36:51La muse.
36:53Je trouvais que
36:55il fallait regarder
36:57Suzanne Valladon avec un nouveau regard,
36:59qui était peut-être un peu plus
37:01un regard qui tenait
37:03compte
37:05de toutes ses avancées
37:07d'aujourd'hui, de tout ce qu'on a pu vivre
37:09et de tout ce qu'on a pu réaliser aussi.
37:11Par exemple, je disais souvent
37:13qu'elle était modèle.
37:15À 15 ans, elle a couché avec...
37:17Elle n'était pas farouche.
37:19J'étais toujours
37:21très choquée.
37:23J'ai fait un parallèle
37:25évident avec l'histoire
37:27Me Too, etc., qui sont arrivées
37:29récemment, de dire d'une jeune fille
37:31de 14-15 ans qui couche avec
37:33un maître, peintre, qui a
37:35trois fois son âge, qu'elle n'est pas farouche.
37:37Bon, voilà.
37:39Quand tout son travail,
37:41tout ça, parce qu'elle faisait vivre
37:43sa mère, plus tard, quelques années plus tard,
37:45parce qu'elle a eu un fils à 18 ans,
37:47son fils,
37:49sa mère était vraiment support de famille.
37:51Bon, voilà, de dire que...
37:53C'est une façon de voir les choses
37:55qui, je pense, se devait d'être
37:57un petit peu réactualisée aussi.
37:59Je suis complètement d'accord
38:01avec votre texte. De ce point de vue-là,
38:03c'est complètement nouveau,
38:05renouvelle complètement le regard qu'on peut avoir sur elle,
38:07en étant assez proche,
38:09même si vous avez une liberté
38:11de romancier.
38:13Oui, pour la faire vivre.
38:15Bien sûr.
38:17Pour retrouver la véracité
38:19du personnage d'une personne.
38:21Pour ça, je vous remercie beaucoup.
38:23Je souhaite que vous ayez
38:25de très nombreux lecteurs.
38:27Ça donne envie aux gens.
38:29L'exposition au
38:31Centre Pompidou continue pendant trois mois.
38:33C'est l'occasion
38:35de voir des grandes toiles
38:37et les dessins qui sont
38:39exceptionnels.
38:41Il faut y aller parce qu'on
38:43l'a pas suffisamment vue,
38:45donc il faut vraiment aller voir cette exposition,
38:47parce qu'elle est belle.
38:49Je vous remercie.

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