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00:007h-9h, Europe 1 matin, il est 7h11 sur Europe 1, Jacques Serret, vous recevez ce matin Patrick Martin-Jeunier, enseignant à Sciences Po, spécialiste des questions européennes et internationales.
00:11Bonjour Patrick Martin-Jeunier, bonjour, merci d'être avec nous dans ce studio ce matin en direct, tout bouge très vite ces derniers jours sur le dossier ukrainien, votre expertise est là, bienvenue, pour prendre le temps de décrypter ce qui est en train de se jouer.
00:22Pour les Etats-Unis, en quelques jours, Volodymyr Zelensky est passé du statut de héros à celui de zéro, Zelensky est un dictateur sans élection, ces mots ne sont pas prononcés par Vladimir Poutine, ils sortent de la bouche de Donald Trump.
00:35Patrick Martin-Jeunier, sommes-nous à un tournant en ce début 2025, assiste-t-on aujourd'hui à l'abandon de l'Ukraine par les Etats-Unis ?
00:43Alors écoutez, les propos de Donald Trump sont extrêmement inquiétants, est-ce qu'il veut abandonner l'Ukraine, c'est la question qu'il faut se poser aujourd'hui, car il veut négocier directement avec Vladimir Poutine, sans même s'occuper de Volodymyr Zelensky, sans même s'occuper de l'Union Européenne.
00:57Donc c'est vrai, ce qui est dit est grave, qu'il veuille résoudre ce conflit armé qui dure depuis 3 ans, exactement ce mois de 24 février, c'est extrêmement inquiétant, ce qui est inquiétant c'est qu'il stigmatise l'Ukraine et à travers son président, il stigmatise le peuple ukrainien qui a résisté depuis 3 ans.
01:18Donc il faut effectivement se réjouir en quelque sorte de cette volonté de mettre un terme à ce conflit, je crois qu'il y a une volonté aujourd'hui que cette guerre s'arrête.
01:27Trump veut la paix, ça c'est factuel, c'est ce qu'il souhaite.
01:30Mais il veut la paix, je ne sais pas s'il veut la paix, en tout cas il veut un cessez-le-feu, et la question qui se pose c'est de savoir dans quelles conditions va-t-on avoir ce cessez-le-feu ?
01:38On a vu que par exemple les russes venaient de bombarder encore cette nuit différentes villes, notamment à Kherson de l'Ukraine, dans quelles conditions cette paix pourrait-elle intervenir ?
01:47Est-ce qu'elle se fera de façon bilatérale entre Poutine et Trump ou est-ce qu'elle associera également l'Ukraine et l'Europe ? C'est la question qui se pose aujourd'hui.
01:55Mais lorsque Trump dit que Zelensky est un dictateur sans élection, est-ce qu'il s'agit de le pousser à organiser une élection présidentielle rapidement ?
02:02Est-ce que Zelensky finalement n'aurait pas intérêt à se faire réélire pour asseoir sa légitimité ?
02:08Alors effectivement la question de la légitimité se pose car vous savez qu'il était élu de 2019 à 2024, donc ça fait effectivement un an qu'il aurait dû se soumettre à une élection présidentielle.
02:20La difficulté c'est que nous sommes dans un état martial, un état de guerre, c'est extrêmement difficile d'organiser des élections en temps de guerre, mais c'est vrai que c'est une question qui se pose.
02:30Alors Trump disait qu'il est à 4% de sondages favorables, les sondages qui ont été faits indépendants à Kiev montrent entre 55 et 57%.
02:39Toujours est-il qu'effectivement il va devoir un jour se soumettre à une réélection, c'est aussi, il ne faut pas l'oublier, une exigence de gouvernance démocratique et qui est posée également par l'Union Européenne.
02:51Vous savez que l'Ukraine est candidate officiellement pour entrer dans l'Union Européenne et effectivement une élection ça en fait partie.
02:58Est-ce qu'aujourd'hui les conditions sont réunies pour procéder à une élection présidentielle ? C'est la question qui se pose.
03:04Mais il y a aussi un débat politique, il faut le savoir, en Ukraine, où certains estiment que peut-être serait-il tout à fait judicieux qu'il aille chercher une nouvelle légitimité auprès du peuple
03:14et la meilleure façon ce serait d'organiser des élections dans quelles conditions, nous verrons bien.
03:19Vous parlez de l'Europe, est-ce qu'il s'agit dans cette manière de faire de Donald Trump de mettre à l'écart l'Union Européenne ?
03:25Manifestement oui, l'Union Européenne est mise à l'écart. Son envoyé spécial, Keith Kellogg, pour l'Ukraine a dit qu'il ne voulait pas que l'Europe soit associée à ce règlement de paix ou de cesser le feu.
03:37Il estime que les accords de Minsk ont rassemblé trop de partenaires autour de la table, ça n'a pas été efficace.
03:45Moins il y a de gens qui peuvent régler ce conflit, mieux c'est pour Donald Trump.
03:49Patrick Martin-Jeunet, quel est le sens alors de cette visite d'Emmanuel Macron annoncée depuis hier soir à Washington en début de semaine prochaine ?
03:56Emmanuel Macron, comme l'Europe, essaie de se raccrocher au wagon, si vous me passez l'expression.
04:02L'Europe a été complètement écartée, en début de semaine a eu lieu à l'Elysée une réunion.
04:09Il peut encore raccrocher le wagon la semaine prochaine à Washington ?
04:13On va voir, parce que vous savez, Donald Trump, il écoute souvent le dernier qui passe à la Maison Blanche.
04:17Il a par exemple eu le président de la République au téléphone, il lui a dit que l'Union Européenne pourrait être associée.
04:23Mais en réalité, non, il n'a pas envie. Il veut lui-même régler directement ce conflit.
04:28Donc il va peut-être écouter le président, tout de la même façon qu'il va écouter...
04:32Qu'est-ce qu'il a à lui dire aujourd'hui, Emmanuel Macron, à Donald Trump ?
04:35Je pense que le président de la République va lui demander que l'Europe, d'une façon ou d'une autre, soit associée.
04:40La question c'est de savoir de quelle façon. J'ai tendance à penser que l'Europe...
04:44Il faut avoir du poids pour demander ça. Est-ce qu'aujourd'hui Emmanuel Macron est en position d'exiger à Donald Trump d'être associé ?
04:50Non, nous ne sommes pas du tout en position d'exiger quoi que ce soit.
04:52Je crois qu'Emmanuel Macron, en tant que président d'une grande puissance nucléaire, membre permanent du Conseil des Sécurités,
04:59veut montrer que l'Europe peut être associée.
05:01La difficulté aujourd'hui du président français, c'est que personne n'est d'accord en Europe sur ce qu'on doit faire en Ukraine.
05:06Regardez l'éventuel envoi de troupes.
05:09Même Donald Tusk, le premier ministre polonais, a dit que ce n'était pas une question d'actualité.
05:13Les deux candidats aux élections législatives en Allemagne, Friedrich Merz et Olaf Scholz,
05:18en tout cas les deux principaux candidats, ont dit qu'ils en étaient hors de question.
05:22Donc on se retrouve un peu isolés, la France et le Royaume-Uni, qui lui, au final, suivra ce que Donald Trump lui dira de faire.
05:30Pour conclure, Patrick Martin-Jeunier, le chef de l'État, réunit les chefs de parti aujourd'hui.
05:34On a l'impression qu'Emmanuel Macron veut donner de nouveau de la gravité à ce moment.
05:39On a entendu François Bayrou qui expliquait que jamais depuis 1945, le risque d'une guerre en Europe n'avait été aussi élevé qu'aujourd'hui.
05:46Est-ce que c'est vrai ? Parce que ce discours-là de dire qu'on est au bord d'une guerre,
05:52on l'a entendu aussi il y a trois ans au moment de l'invasion de la Russie en Ukraine.
05:56Oui, on vit dans un monde dangereux.
05:58Je ne pense pas véritablement qu'on soit sur le bord d'une guerre en Europe.
06:01En revanche, il faut réfléchir à la sécurité en Europe.
06:04Et c'est cela qu'il faut faire.
06:06Est-ce que demain, nous sommes en situation d'avoir une vraie défense européenne ?
06:10Non, ce n'est pas le cas.
06:12La défense européenne n'existe pas, l'union politique européenne n'existe pas.
06:15Et donc, seuls quelques pays sont en situation de porter un projet.
06:19Mais aujourd'hui, l'Europe est au pied du mur et elle se révèle assez impuissante.
06:23Merci Patrick Martin-Jeunier, enseignant à Sciences Po spécialiste des questions européennes et internationales.
06:28Je rappelle votre dernier ouvrage, L'Europe a-t-elle un avenir ?
06:31C'est à retrouver aux éditions Studirama.
06:33Très bonne journée à vous.
06:34Merci à vous.

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