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Il n'y a pas de déficit caché du système des retraites dit la Cour des Comptes. Les syndicats pressés de « passer aux choses sérieuses ».
Eric Lombard, ministre de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, est l'invité de Thomas Sotto.
Regardez L'invité de RTL avec Thomas Sotto du 21 février 2025.

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Transcription
00:00RTL Matin
00:04L'invité de RTL Matin est Thomas, vous recevez aujourd'hui Eric Lombard, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
00:12Bonjour et bienvenue sur RTL, Eric Lombard.
00:14Bonjour Thomas Soto.
00:15Ministre de l'économie, pas encore en temps de guerre, mais presque.
00:18On va devoir réinvestir encore plus, on va devoir revisiter nos choix, nos choix budgétaires a dit Emmanuel Macron hier soir.
00:24La grande tension internationale du moment, Eric Lombard, va-t-elle nous conduire et vous conduire à revoir la copie budgétaire du pays ?
00:31François Lenglet l'a bien dit, on est dans un moment de bascule, un moment de bascule historique, en fait d'une extrême gravité.
00:37Parce que qu'est-ce qui se passe ? C'est que le parapluie de protection américain est en train de disparaître, au profit effectivement d'une recherche d'alliance avec la Russie,
00:44contre nous pour imposer une paix en Ukraine.
00:47Et donc ça va obliger les Européens à prendre en main leur destin.
00:51Ce qui en fait est assez logique, parce que nous sommes sous le parapluie américain depuis la fin de la deuxième guerre mondiale,
00:56et il est logique qu'à l'âge de la maturité, même un peu au-delà, l'Europe prenne son destin en main.
01:01Oui mais ça veut dire qu'on va devoir dépenser plus.
01:02Hier Emmanuel Macron n'excluait pas de passer à 5% du PIB les dépenses militaires.
01:085% ça ferait à peu près 90 milliards de plus par an qu'aujourd'hui sur les dépenses militaires.
01:13Ça veut dire que nous allons devoir prendre en main notre défense, c'est-à-dire que nous allons effectivement devoir dépenser plus,
01:18et nous allons reconstruire une industrie européenne de défense, parce qu'aujourd'hui chaque pays a son petit bout d'avion, de bateau, de porte-avion,
01:26et il faudra réfléchir à une vision européenne, qui effectivement va coûter plus cher.
01:30Mais pardon, je reviens donc à ma question de base, il va falloir dépenser plus, est-ce qu'il va falloir faire davantage d'économie que ce qui a été adopté à l'Assemblée dans le budget de 2025 ?
01:37Il faudra probablement réfléchir à notre modèle, il y a aussi un levier qui va être nécessaire.
01:42On sait très bien que si on avait ce qu'on appelle le taux d'emploi de l'Allemagne,
01:45c'est-à-dire que si les Français travaillaient autant que les Allemands, notamment tout au long de la vie,
01:49ou si le taux de chômage était inférieur, on n'aurait pas de déficit.
01:52Donc il me semble que la solution est plutôt à chercher devant une mobilisation qui devra s'accentuer,
01:58d'autant qu'encore une fois il faudra, à côté de notre base industrielle, reconstruire au niveau européen une base industrielle de défense.
02:05Et ça c'est aussi un chantier d'investissement...
02:07Mais si vous ne vous dites pas, il va falloir un projet de loi de finances rectificative par exemple, on n'en est pas là.
02:11Vous l'excluez ou vous ne l'excluez pas ça ?
02:13Pour ce qui concerne notre pays, on a cette contrainte de ramener notre déficit à 3%.
02:18Pourquoi ? Parce que cette année nous allons verser plus de 50 milliards d'euros à nos créanciers.
02:22Donc pour la France, l'équilibre des finances publiques reste un impératif,
02:26non pas parce que c'est un totem, mais parce que c'est trop coûteux de financer tout ce que nous faisons par de la dette.
02:31Donc ces investissements supplémentaires qui vont être nécessaires, on devra trouver d'autres sources de financement.
02:36C'est-à-dire qu'il va falloir travailler plus ? C'est ça ce que tu es en train de nous dire ?
02:38Il faudra sans doute travailler plus et c'est ça qui va faire l'objet d'un débat national,
02:41parce qu'en réalité qu'est-ce qui est en jeu ? C'est la sécurité de l'Europe.
02:43Je vous entends faire des analyses géopolitiques internationales,
02:48mais moi je n'ai pas les réponses sur les questions chiffrées.
02:50Est-ce qu'on va vers un quoi qu'il en coûte de la guerre en Ukraine, oui ou non ?
02:53Ce qui est différent, c'est que nous avons quelques années pour nous organiser.
02:57Moi je fixe un horizon de 5 à 10 ans pour réfléchir à l'évolution de notre modèle.
03:01Donc on ne va pas réfléchir dans la journée, ces événements sont en train de se dérouler sous nos yeux.
03:06Donc ce rééquilibrage...
03:07On n'est pas à la veille de l'austérité ?
03:08Non, ça ne va pas se faire de cette façon-là.
03:10D'abord, ça doit se faire dans le cadre d'un débat public.
03:12Ce n'est pas au ministre des Finances de dire, on perd le parapluie américain, il faudra travailler plus.
03:17Il faut qu'on ait un débat public, il faut que les Françaises et les Français participent à la décision,
03:22parce qu'on doit rechercher un consensus.
03:24Encore une fois, c'est une période de bascule historique.
03:27Donc ça doit se faire dans le dialogue.
03:28Le président de la République d'ailleurs a commencé hier.
03:30Vous avez vu, il a reçu pendant plus de trois heures les responsables des partis.
03:33Je pense que ce dialogue citoyen doit se poursuivre en France et en Europe.
03:37Il va falloir travailler plus, nous disiez-vous il y a un instant.
03:39Et ça nous emmène au sujet des retraites.
03:41Contrairement à ce qu'a affirmé François Bayrou, il n'y a pas de déficit caché du système de retraite.
03:45C'est la Cour des comptes qui l'a dit hier.
03:47Le déficit n'est pas de 55 milliards comme l'a affirmé le Premier ministre, mais de 6 milliards.
03:51Et il pourrait atteindre 15 milliards en 2030 et 45 milliards à l'horizon 2045.
03:56Il avait un peu crié au loup pour rien le Premier ministre.
03:58D'abord, est-ce que vous êtes un peu soulagé quand même, ou est-ce que vous êtes inquiet ce matin ?
04:01Quelle est votre réaction à cette mise en place ?
04:03La Cour des comptes confirme des chiffres que nous connaissions.
04:06Il n'y a pas de déficit caché, mais en fait tous les régimes sont en déficit.
04:09Et donc le mandat qui est donné aux partenaires sociaux, je pense que c'est ça le sujet important aujourd'hui,
04:14c'est de regarder les retraites du secteur privé qui sont effectivement de près de 7 milliards cette année
04:20et qui seront autour de 30 milliards.
04:22C'est un peu moins élevé que le chiffre que vous citez, en 2045, mais c'est encore trop.
04:26Donc les partenaires sociaux se réunissent à partir du jour...
04:30C'est le fameux conclave.
04:32C'est le fameux conclave. On a décidé de donner un nom plus laïque.
04:35Enfin, peu importe, ils décideront de comment ils s'appellent.
04:38Et ils ont en main toutes les données pour proposer des décisions.
04:42Et ça c'était à eux de le faire.
04:43Les partenaires sociaux, ils connaissent très très bien le système.
04:46D'ailleurs, ils en gèrent une partie importante, c'est les retraites complémentaires.
04:49Donc je rappelle qu'elles sont non seulement à l'équilibre, mais il y a un excédent très important
04:52qui est de l'ordre de 80 milliards d'euros de réserve dans ce régime.
04:56Donc ils vont nous faire des propositions.
04:58Est-ce que vous avez des lignes rouges ?
05:00Est-ce qu'il y a des choses sur lesquelles ils n'ont pas le droit d'aller ?
05:02Il y a des limites que vous fixez ?
05:04Ce serait, je pense, pas raisonnable de fixer des lignes rouges
05:07à un moment où j'ai toujours dit, depuis que je suis en fonction,
05:09que les lignes rouges nous avaient quelque part amenés dans le mur.
05:12En revanche, il y a un objectif, c'est de rétablir l'équilibre des comptes.
05:14Parce que, au total, l'année dernière...
05:16Donc l'abrogation n'est pas envisageable ?
05:18S'ils sortent de là en disant, il faut abroger cette réforme, ça, ça sera non ?
05:21Le mot abrogation sur les retraites, je ne sais pas très bien ce qu'il veut dire,
05:24parce que, de toute façon, il y a un système de retraite qui est extrêmement compliqué,
05:26qui est un empilement...
05:28Ça veut dire, la CGT est très claire, on prend la réforme de 2023,
05:30on la déchire et on recommence à zéro.
05:32Le rapport de la Cour des comptes est très clair, c'est extraordinairement coûteux de faire ça.
05:35On n'en a absolument pas les moyens.
05:37Donc ça, c'est non.
05:39L'objectif qui est donné aux partenaires sociaux, mais qu'ils ont accepté,
05:42c'est de travailler pour rétablir l'équilibre des comptes.
05:45Et ils le savent très bien, parce que le déficit, il est payé par qui ?
05:47A la fin, il est payé par les Français.
05:49Il n'y a pas de trésor caché.
05:51Donc ça peut passer par une baisse de l'âge légal de départ,
05:53on peut passer de 64 à 63,
05:55ou revenir à 62,
05:57ou là encore, ce n'est pas raisonnable ?
05:59Alors, je ne vais pas rentrer dans le cœur du débat,
06:01parce que si on fait confiance aux partenaires sociaux,
06:03il faut le faire totalement, et on va les laisser travailler,
06:05et une fois qu'ils nous feront des propositions,
06:07on pourra débattre de ce qui nous paraît répondre à la question ou pas.
06:09Mais ils sont souvent...
06:11Le Premier ministre a dit, pas de totem, pas de tabou,
06:13et je pense que c'est un bon mandat.
06:15La feuille de route, pas de totem, pas de tabou.
06:17Ça reste la feuille de route, et moi, je leur fais grande confiance.
06:19Et s'ils ne se mettent pas d'accord ?
06:21C'est un peu mal barré, quand même.
06:23La CGT, on l'évoquait, ne parle que d'abrogation.
06:25La CFDT dit qu'il faut revenir à 62 ans.
06:27Qu'est-ce qu'il se passe si à l'issue de ce conclave
06:29laïque et économique, ils ne sont pas d'accord ?
06:31Les partenaires sociaux dans ce pays,
06:33quand on leur donne un mandat,
06:35ils ont toujours trouvé des accords
06:37en responsabilité.
06:39Et donc, moi,
06:41je pars de l'hypothèse centrale,
06:43qu'ils trouveront un accord,
06:45parce qu'ils savent très bien qu'eux seuls
06:47peuvent trouver une solution
06:49qui répond aux besoins des Français,
06:51qui souhaitent à la fois de la justice,
06:53mais aussi des retraites qui soient financées.
06:55On dépense d'ailleurs plus sur nos retraites
06:57en France que dans les autres pays européens.
06:59Mais alors, le Travailler Plus que vous évoquiez tout à l'heure,
07:01il correspond à quoi ? Sur les retraites ?
07:03Sur les 35 heures ? C'est quoi ?
07:05Il va se traduire comment, ce Travailler Plus,
07:07qui est nécessaire, vous disiez-nous ?
07:09Le premier sujet que nous avons, d'abord,
07:11c'est le taux de chômage qui est autour de 7%.
07:13Là, il remonte.
07:15Ça s'est stabilisé en ce moment, il faudra qu'il continue à baisser.
07:17Donc, continuer à baisser le taux de chômage.
07:19Deuxièmement, le taux d'emploi des seniors.
07:21Puisqu'on parle de retraite à 63-64 ans,
07:23ce qui est important, c'est que
07:25les personnes travaillent jusqu'à l'âge de la retraite,
07:27et les seniors veulent travailler.
07:29Donc, il faut augmenter le taux d'emploi des seniors.
07:31Et puis, il y a trop de personnes qui sont
07:33à temps partiel, subies, ou qui ont des carrières hachées.
07:35Donc, il y a beaucoup de sources
07:37de travail sur lesquelles
07:39les Françaises et les Français sont demandeurs.
07:41Ils souhaitent travailler plus dans leur vie.
07:43Et ça contribuerait à la fois
07:45à financer les retraites, et puis à leur donner aussi
07:47des revenus de meilleure qualité.
07:49Il faut se reposer la question des 35 heures ou pas ?
07:51Ou ça, c'est trop inflammable ?
07:53C'est pas que c'est trop inflammable.
07:55Moi, j'ai été chef d'entreprise pendant 20 ans.
07:57Les 35 heures, en réalité, c'est la base
07:59de paiement des rémunérations.
08:01Mais dans les entreprises, on sait très bien
08:03que beaucoup de salariés sont, en fait,
08:05soit avec des heures supplémentaires,
08:07ce qui, d'ailleurs, leur permet d'avoir
08:09des revenus supplémentaires, soit les cadres
08:11qui sont au forfait et qui, en moyenne,
08:13font plutôt plus de 40 heures
08:15que 35. Donc, il me semble que le débat
08:17des 35 heures est un
08:19sujet qui est plutôt derrière nous,
08:21et les entreprises se sont adaptées.
08:23Plus globalement, est-ce que vous considérez qu'il va falloir que les retraités,
08:25notamment les retraités aisés, contribuent un peu plus
08:27à l'effort national ?
08:29Sans aller, encore une fois,
08:31vers les solutions, parce que c'est un peu tôt,
08:33ce que le rapport de la Cour des Comptes
08:35pointe, c'est que le niveau de vie des retraités
08:37dans notre pays, en moyenne,
08:39est supérieur au niveau de vie des salariés.
08:41Et ça, je trouve que c'est assez
08:43illogique. Et donc, ça veut dire
08:45qu'en fait, on a des déficits
08:47qui vont être payés par nos enfants
08:49pour financer le niveau de vie des personnes
08:51qui sont à la retraite.
08:53Les personnes qui ont à peine commencé à travailler
08:55ont déjà une dette qui finance
08:57notre système de retraite. Et ça, c'est pas normal.
08:59Donc, la réponse est plutôt oui.
09:01Est-ce qu'il faudra désindexer les retraites sur l'inflation ?
09:03Ce que voulait faire Michel Barnier, mais ce qu'il n'a pas pu faire
09:05parce qu'il a été censuré.
09:06Alors, Thomas Soto, vous m'entraînez à nouveau sur le terrain des solutions.
09:08Effectivement, le rapport de la Cour des Comptes pointe
09:10cette solution comme une solution qui rapporte
09:12des recettes au système.
09:14Mais ça, encore une fois, c'est aux partenaires sociaux de se prononcer.
09:16Mais votre avis à vous, c'est plutôt oui ?
09:18Je viens de dire que,
09:20de façon générale, rééquilibrer
09:22le niveau de vie entre les retraités et les salariés
09:24est une piste de solution qui me paraît
09:26raisonnable.
09:27Donc, c'est plutôt oui. Pardon, je déconne un peu ce que vous dites
09:29parce que vous êtes très prudent. Et les entreprises ?
09:31Les yeux dans les yeux, comme dirait l'autre Éric Lambert.
09:33Est-ce que vous pouvez nous garantir, garantir à celles qui vont
09:35devoir payer un impôt supplémentaire, une surtaxe
09:37ce qui a fait sortir de Ségon Bernard Arnault,
09:39ne le feront
09:41que cette année ?
09:43Est-ce que c'est gravé dans le marbre ?
09:45Oui, c'est un engagement que nous avons pris. Effectivement,
09:47la surtaxe sur les grandes entreprises a été prévue pour deux ans.
09:49Nous l'avons ramenée à un an. Pourquoi ?
09:51Ça, c'est définitif.
09:53Oui, mais il faut que les auditeurs comprennent pourquoi.
09:55On est dans un monde de concurrence.
09:57Nos entreprises sont dans un monde de concurrence.
09:59Il faut qu'on veille à ce que la fiscalité en France
10:01soit attractive pour que les investisseurs
10:03fabriquent, construisent
10:05des usines chez nous. Il faut aussi que
10:07les charges soient modérées parce que
10:09dans le prix de revient des produits que
10:11vendent les entreprises, les charges, ça compte
10:13pour beaucoup. Donc, nous souhaitons une modération
10:15des charges. D'ailleurs, nous avons réduit
10:17l'augmentation des charges par rapport à ce qui a été
10:19prévu dans le projet de loi qui était
10:21en discussion au Parlement. Et nous ramenons
10:23à un an, effectivement, cette surtaxe sur les grandes entreprises.
10:25Sauf que les entreprises, elles sont un peu perdues avec vous.
10:27Vous avez dit le mois dernier que les entreprises devraient
10:29accepter à l'avenir d'être moins rentables
10:31pour financer la transition écologique.
10:33Ça, vous le maintenez ou pas ? Jordan Bardella a dit
10:35qu'il organise, Éric Lombard, la décroissance
10:37et le suicide de la France.
10:39Thomas Souto, pardon, mais
10:41je vais réagir vigoureusement parce que
10:43je trouve que ce mensonge
10:45est insupportable.
10:47J'étais patron pendant 20 ans. Je sais ce que c'est
10:49de se lever le matin, de vouloir avoir
10:51une entreprise qui est rentable, qui se développe.
10:53Donc, je n'ai jamais demandé
10:55que les entreprises soient moins rentables. C'est une ânerie.
10:57J'ai, en revanche, analysé
10:59dans un livre publié il y a 3 ans
11:01le fait que la transformation écologique
11:03allait nécessiter des investissements
11:05dont certains n'étaient pas très rentables.
11:07Or, la transformation écologique,
11:09elle est impérative et que cela
11:11pouvait péser à terme sur
11:13la rentabilité des entreprises.
11:15C'est complètement différent. C'est une conséquence
11:17de la lutte contre le réchauffement climatique
11:19qui reste une priorité. C'est évidemment pas
11:21un objectif que j'ai donné. Merci de me donner l'occasion de rectifier.
11:23Merci Eric Lombard d'être venu sur RTL.
11:25Vous restez avec nous ? Avec plaisir.

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