Directive sur le devoir de vigilance avec Emmanuel Moyne, Associé, Bougartchev Moyne.
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00:00On poursuit ce Lex Inside, on va parler de la Directive sur le Devoir de Vigilance avec
00:14mon invité Emmanuel Mouane, associé chez Burkachev Mouane. Emmanuel Mouane, bonjour.
00:20Bonjour Arnaud. Alors nous allons nous intéresser aux différents
00:23aspects de la Directive sur le Devoir de Vigilance, mais tout d'abord, quelles sont les entreprises
00:28concernées par cette Directive sur le Devoir de Vigilance ?
00:31Elles sont nombreuses et elles vont être de plus en plus nombreuses au fur et à mesure
00:35de leur assujettissement à la Directive. La Directive a ceci de nouveau par rapport
00:41à la loi française, qu'elle va finir par assujettir un nombre très important d'entreprises.
00:47Il s'agira, c'est l'article 2 de la Directive, des entreprises européennes avec plus de
00:547000 salariés et un chiffre d'affaires de plus de 450 millions d'euros. Les entreprises
01:02extra-européennes qui réaliseront dans l'Union Européenne un chiffre d'affaires de plus
01:06de 450 millions d'euros, ou celles dont la société maire aura son siège social en dehors
01:12de l'Union Européenne et qui feront, par un sous-groupe par exemple dans l'Union Européenne,
01:17plus de 450 millions d'euros de chiffre d'affaires. Cet assujettissement, ce que je disais tout
01:21à l'heure, va monter en puissance, c'est-à-dire que dans deux ans, à partir du 26 juillet
01:262027, lorsque la Directive aura été évidemment transposée, les premières entreprises assujetties
01:33sont celles dans l'Union Européenne qui auront plus de 5000 salariés et qui feront plus
01:38de 1,5 milliard d'euros de chiffre d'affaires. Et puis un an plus tard, les seuils vont être
01:45abaissés. Un an plus tard encore, les seuils vont être de nouveau abaissés pour arriver
01:49au seuil que j'évoquais tout à l'heure. Ça signifie que dans l'Union Européenne,
01:56on parle d'à peu près 6000 entreprises, on estime qu'il y aura 6000 entreprises qui
01:59vont être assujetties. Dans le monde, ce seront 900 entreprises qui seront assujetties. Et
02:08en France, on passera aujourd'hui d'un nombre de 250 entreprises à à peu près 700 entreprises
02:15dont on estime qu'elles seront assujetties.
02:17Quelles sont les principales obligations qui pèsent sur les entreprises ?
02:21Les obligations qui vont peser sur les entreprises au titre de la Directive sont les articles
02:267 à 16 de la Directive. Elles sont de deux ordres. D'abord, ce sont des obligations en
02:30matière de vigilance. Ensuite, ce sont des obligations en matière de transition climatique.
02:36Les obligations en matière de vigilance, elles sont très nombreuses. L'entreprise devra
02:42avoir une politique de vigilance. Cette politique de vigilance devra s'intégrer dans les dispositifs
02:50de l'entreprise. Ce sera une politique de vigilance fondée sur les risques, ce qui
02:54amène à l'obligation suivante, établir une cartographie des risques. La Directive
02:59est plus précise que la loi française à cet égard. Elle impose de réaliser une cartographie
03:05des risques avec des obligations plus précises, d'identification des risques par leur gravité
03:11et leurs risques d'occurrence. Les entreprises devront disposer d'une politique d'évaluation
03:21des tiers, donc des parties prenantes. Parties prenantes qui sont entendues de manière plus
03:25large que dans la loi française actuelle. Elles devront avoir une ligne d'alerte, évidemment,
03:31qu'on pourra actionner. Elles devront être en mesure de réaliser des plans d'action
03:38pour remédier ou pour prévenir les risques qui auraient été identifiés. Elles devront
03:44communiquer autour de tout ça. On leur impose, au travers de cette Directive, d'aller réaliser
03:52des due diligence sur leurs parties prenantes. Je le disais tout à l'heure, entendues de
03:55manière assez large. On leur demande de ne rien ignorer des atteintes potentielles aux
04:03droits humains et à l'environnement dans toutes leurs chaînes de valeurs, sur un nombre
04:08d'entreprises beaucoup plus importants que la loi française et avec des obligations
04:12beaucoup plus précises. A ce titre, la Directive prévoit dans l'une de ses annexes une liste
04:18des obligations que les entreprises auront à respecter. C'était un grief qui avait
04:22été fait à la loi française, notamment dans différentes actions qui avaient été
04:29menées, de ne pas préciser exactement de quoi il était question. Là, on a quand
04:34même maintenant une liste d'obligations beaucoup plus précises que précédemment.
04:38Vous avez souligné beaucoup de divergences entre la loi française qui a été présentée
04:42souvent comme pionnière sur le devoir de vigilance en 2017 par rapport à cette Directive.
04:47De manière générale, qu'est-ce que la Directive européenne apporte par rapport
04:52à cette loi ? Est-ce qu'elle est plus sévère ou au contraire plus libérale ?
04:55Elle est beaucoup plus précise. La loi française, vous avez raison de le dire, c'était la toute
05:02première loi en matière de vigilance en 2017. Donc oui, la France a été précurseur
05:08à ce titre. La Directive va beaucoup plus loin. Elle part de ce texte, elle le développe,
05:16elle le précise. D'abord, des entreprises davantage assujetties, puisqu'on a vu que
05:24le nombre d'entreprises qui allaient être assujetties augmente considérablement. Ensuite,
05:29des obligations plus précises. Ensuite, une chaîne de valeurs entendue de manière plus
05:34large. Ce ne sont plus simplement les filiales et les sous-traitants, mais ça va s'étendre
05:41à tous les partenaires commerciaux, à toutes les personnes avec lesquelles l'entreprise
05:47entretient des relations commerciales. Donc un champ d'application beaucoup plus large.
05:51Et puis surtout, un régime de sanction et un régime de contrôle, ou plutôt un régime
05:59de contrôle et un régime de sanction. Quel est l'objet de tout ça ? L'objet, c'est
06:04que les entreprises, dans leur chaîne de valeurs, s'assurent qu'aucun de leurs partenaires,
06:10aucune de leurs parties prenantes ne porte atteinte aux droits humains, ne porte atteinte
06:15aux droits environnementaux. La directive va imposer, en cas d'atteinte aux droits humains
06:22et aux droits environnementaux, qui aurait dû être prévenue par un plan de vigilance
06:26et qui ne l'a pas été, une responsabilité conjointe entre les solidaires, entre les
06:33personnes qui auront rendu possible ces atteintes. Par exemple, une maison mère et sa filiale,
06:39pas seulement la maison mère. Il est prévu la création d'agences de contrôle dans
06:46les différents pays, qui vont être des agences nationales, qui vont faire partie d'un réseau
06:50européen de ces organismes de contrôle. Est-ce que ce sera à l'image de l'agence
06:56française anticorruption ? On peut peut-être l'imaginer, avec des droits d'investigation,
07:01avec des droits d'accès à la documentation, et puis avec un pouvoir de sanction qui pourra
07:07aller, excusez du peu, jusqu'à 5% du chiffre d'affaires mondiale net de l'entreprise.
07:16C'est significatif. Je pense qu'on peut dire que c'est significatif. Et qui dit contrôle et
07:23sanctions, si la sanction n'est pas réglée par l'entreprise, il est prévu aussi une alternative
07:31de communication de cette sanction. Il est prévu aussi un régime de responsabilité civile. Je
07:39l'évoquais tout à l'heure. Ce qui fait qu'on pourra se retrouver avec des entreprises qui
07:44sont sanctionnées d'un point de vue administratif et qui ont à répondre d'un point de vue civil,
07:47de l'absence de mise en œuvre suffisante d'un plan de prévention qui aura entraîné des atteintes
07:58aux droits humains ou des atteintes à l'environnement. Donc on voit qu'on va avoir
08:02plusieurs types de responsabilités qui vont pouvoir être mises en action, on va dire.
08:09Bien sûr. Et on voit qu'on impose des obligations nouvelles aux entreprises. On leur impose quoi ?
08:14On leur impose des nouveaux comportements. On leur impose des obligations d'agir. À partir du moment
08:18où on impose à des entreprises des obligations d'agir, on comprend tout de suite que si elles
08:23n'agissent pas, on va pouvoir rechercher leurs responsabilités. Comment les entreprises vont
08:28pouvoir répondre justement à cette directive, être en conformité ? Les entreprises ont un peu
08:34de temps devant elles, mais pas énormément de temps devant elles, pour anticiper la transposition
08:40de la directive dans les différents droits nationaux. Les entreprises, celles qui sont
08:44déjà assujetties aux devoirs de vigilance français, devront adapter leur dispositif,
08:50bien sûr. Celles qui ne le sont pas devront intégrer un dispositif. Il est important de penser
08:59qu'un dispositif doit être effectif. Il ne faut pas juste avoir une cartographie des risques,
09:05il faut en tirer des conséquences. Le report de la directive demandé par le ministre Éric
09:11Lombard, vous pensez que c'est une bonne chose ? Il faut laisser du temps aux entreprises de
09:16préparer les choses. Ça me paraît une évidence, parce qu'on leur demande beaucoup. Aujourd'hui,
09:21on demande aux entreprises de faire un travail que parfois les États ne font pas. On va conclure là-dessus.
09:26Merci Emmanuel Moine d'être venu sur notre plateau. Je rappelle que vous êtes associé au sein du
09:31cabinet, Bourgachev Moine. Merci à vous Arnaud. Tout de suite, l'émission continue. On va parler
09:36droit de la preuve et secret des affaires.