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André Bercoff et Céline Alonzo reçoivent Antoine Lefébure, auteur de " Vie et mort du secret d'Etat : du secret du roi à Wikileaks" aux éditions Passés Composés


Retrouvez La culture dans tous ses états tous les vendredis avec Céline Alonzo et André Bercoff à partir de 13h.

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##LA_CULTURE_DANS_TOUS_SES_ETATS-2025-03-06##

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Transcription
00:00— André Bercoff, bientôt le million sur la chaîne YouTube de Sud Radio.
00:04— Mais pas bientôt le million. Aujourd'hui, le million. Et il ne reste plus que 300 personnes s'abonnées.
00:10Et Sud Radio atteindra le million d'abonnés sur YouTube. Et d'ailleurs, j'en remercie vraiment, vraiment.
00:17Et au nom de Sud Radio et à tout le monde, l'effort que tout le monde a fait, que nous avons fait...
00:23Nous avons été quand même parmi les premiers, que ce soit pour le Covid, que ce soit pour le climat,
00:28que ce soit pour la guerre Russie-Ukraine, que ce soit pour tous les narratifs qui nous disaient
00:33« C'est comme ça et pas autrement », à avoir pris certains chemins de traverse.
00:37Et vous nous avez suivis massivement. Et on vous remercie énormément pour ça.
00:42— Sud Radio, la culture dans tous ses États. André Bercoff, Céline Alonso.
00:49— Eh oui, James Bond, André Bercoff, l'espion de Sa Majesté qui est en service depuis 1952, soit 73 ans, André.
01:05— Vous voulez dire qu'on reçoit James Bond, aujourd'hui ? C'est ça, Céline ?
01:07— S'il est né à l'ère du numérique, des réseaux sociaux, s'il était né à l'ère du numérique, André Bercoff,
01:12son pouvoir n'aurait pas été si puissant, dites-nous. — Certes. Non mais c'est vrai.
01:18Alors je suis tombé. Alors je vois Antoine Lefébure, « Vie et mort du secret de l'État », aux éditions passées composées.
01:24Mais j'ai dit « Attendez, attendez ». Antoine Lefébure, je connais. Et je rappelle simplement...
01:29Vous savez, ça, c'est un des derniers débrouillants. Ça ne nous rajeunit pas, mais quand même.
01:35Antoine Lefébure, il a créé une revue critique des médias électroniques d'interférence.
01:41Et il a fait des études d'histoire interne et de la sorbonne et de l'historien.
01:44Et il a lancé en 1977 la première Radio Verde. Oui, oui, avant même les radiolivres, avant l'élection de François Mitterrand,
01:53qui a permis les radiolivres. Et au contraire, c'est François Mitterrand qui avait arrêté... Enfin pas lui, Radio Verde.
01:58Mais le sujet, il n'est pas là. En tout cas, c'est très intéressant. Puis il est devenu directeur du développement du groupe Avas.
02:03Et puis il a fait sa boîte. Il a raconté Avas, les arcades du pouvoir. Ça, je l'avais lu.
02:08« Conversation secrète des Français sous l'occupation », c'était déjà ça, Céline. Mais là, elle a fait Arsenaud Hoden, bien sûr.
02:14Et c'est très intéressant parce qu'Arsenaud Hoden va revenir aux États-Unis. Et « Vie et mort du secret d'État », franchement passionnant.
02:21Je vais vous dire, je vous recommence le livre parce que le secret d'État, personne... Je veux dire, depuis... Je ne sais pas.
02:27Je ne sais pas comment ça se passait dans les grottes de Lascaux ou ailleurs. Mais est-ce qu'il y avait déjà des secrets
02:32entre ceux qui allaient chasser et ceux qui cuisaient le bison ? En tout cas, le secret d'État, ça est une constante millénaire du pouvoir.
02:42Est-ce que ça dure encore ? C'est ça qu'Antoine Lefubure va nous raconter, Céline.
02:47— Eh oui. La première histoire globale du secret d'État, on va vous la rencontrer dans un instant sur Sud Radio. Alors restez avec nous.
02:52— Sud Radio, la culture dans tous ses États. André Bercoff, Céline Alonso.
02:58— Eh oui. « Mission impossible », la fameuse série culte d'espionnage André Bercoff qui a inspiré de nombreux films ces dernières années.
03:10Mais les espions, les services secrets, eh bien ils existent depuis des siècles, André. Et pour en parler, eh bien nous avons le plaisir
03:17de recevoir Antoine Lefubure qui publie « Vie et mort du secret d'État » aux éditions Passé Composé. Alors bonjour à vous.
03:24Et merci d'être avec nous sur Sud Radio, Antoine Lefubure. — Bonjour.
03:28— Alors pour comprendre les réflexions et les pratiques qui ont marqué l'histoire du secret d'État de sa naissance à aujourd'hui,
03:33eh bien vous avez enquêté pendant 7 ans. Pourquoi vous êtes-vous intéressé à ce sujet ? C'est un sujet très complexe sur lequel donc très peu de chercheurs
03:42se sont penchés. — Alors pour une raison très personnelle, mon arrière-grand-père, qui était quelqu'un d'extraordinaire, qui était colonel,
03:50mais qui était aussi un artiste, un humaniste, quelqu'un de merveilleux, comme mon grand-père, d'ailleurs, est mort à Verdun, à Daumont, en 1916.
03:59Et sa mort me paraissait étonnante, parce que d'abord, très peu d'officiers supérieurs sont morts en 14-18. — Il était officier supérieur.
04:07— Oui, il était colonel. Il n'était pas encore passé général. Alors à titre posthume, il a été nommé commandeur de la Région d'honneur.
04:15Mais autour de sa mort, il y avait un mystère que mon grand-père ne connaissait pas, alors qu'il était au front avec son père, comme son frère.
04:23Il y avait deux jeunes gens de 20 et 23 ans, et puis lui. Et on ne savait pas. Et j'étais aux Archives nationales. Et on m'a refusé le dossier.
04:31Et là, ça m'a rendu fou. Ça m'a rendu fou. Je me suis dit « Mais pourquoi ? Pourquoi ? ». — Attendez. Qu'est-ce qu'ils vous ont donné, Antoine Lefébure ?
04:38— Un prétexte. Pourquoi vous en refusiez le dossier ? — Non, aucun prétexte. Les délais. On n'était pas dans les délais, etc. Donc en fait, il y avait un prétexte.
04:45Et des années et des années plus tard, j'ai fini par avoir le dossier. J'ai su ce que mon grand-père n'avait jamais su, c'est-à-dire qu'il s'était mis en danger,
04:55parce qu'on l'avait menacé de le mettre à la retraite, parce qu'il avait sauvé ses hommes en refusant un ordre absurde. Et ça, ça m'a tellement marqué
05:03que je me suis dit que ce secret d'État, c'est vraiment quelque chose sur lequel il faudrait enquêter, parce que c'est inacceptable.
05:09— Eh oui. Alors justement, pour retracer cette histoire du secret d'État et de ses mutations sur près de 10 siècles, comment vous avez mené votre enquête ?
05:18Et est-ce que vous avez réussi surtout à avoir accès à des documents ultra-confidentiels ? — Alors jusqu'aux années 30, oui. Mais après 1930,
05:27les documents secrets sont vraiment secrets. Et si vous avez en votre possession un document tamponné secret défense ou même confidentiel défense,
05:36c'est un délit. C'est un délit très grave. Donc vous n'en avez pas, je n'en ai pas, personne n'en a. — Vous voulez dire que je n'ai pas le droit d'avoir
05:43un dossier confidentiel défense, à moins que je ne sois... — Fonctionnaire du secret, en fait. — À moins que vous soyez habilité. C'est-à-dire
05:50qu'il faut passer une habilitation très complexe, etc. Et à ce moment-là, on vous habilite. Et encore, vous n'avez droit qu'à ce dont on dit avoir besoin d'en connaître.
06:00— Ah oui. Donc c'est incroyable. C'est qu'aujourd'hui, pour résumer, aucun journaliste, aucun historien, aucun juge n'a accès donc à ces dossiers secrets.
06:09— Absolument. Sur toutes les grandes affaires de corruption, les morts par exemple à Karachi, etc., les juges, ils le disent, Strévidic l'a dit,
06:19ils ont droit à la Bibliothèque Rose, mais ils n'ont pas droit à la Bibliothèque Verte. Ils n'ont jamais vu de document secret défense et de document confidentiel
06:28défense, très très peu, avec une commission qui autorise aucune goutte. — Ah oui. Alors dans votre livre, vous racontez que le secret d'État a été institué
06:37au XIIe siècle. C'est la papauté qui l'a institué. Expliquez-nous pour quelles raisons, à l'époque. — Oui. Alors c'est très étonnant. Et les origines,
06:44ça explique toujours ce qu'est le secret d'État. C'est pour ça qu'il fait partie des origines. En fait, la papauté, l'Église s'est rendue compte
06:51qu'il y avait des chrétiens qui mettaient en cause l'autorité du pape, le dogme, etc. Et le problème de ces gens-là, c'est qu'ils se présentaient
06:59comme de bons chrétiens et même comme de meilleurs que les autres. Donc pour les détecter... — Ça ne plaisait pas, la papauté, ça.
07:05— Voilà. Pour les détecter, il fallait agir secrètement, c'est-à-dire que secrètement, on les identifiait, notamment par le fait qu'ils se confessaient plus.
07:13Alors ça, c'était un signe. Et également parce qu'ils avaient des attitudes divergentes. Et en fait, c'est une organisation secrète
07:22qui s'est appelée l'Inquisition, inquisition enquêtée, qui a organisé ça. Et une fois qu'on avait repéré des suspects, on les mettait
07:30dans des prisons secrètes avec des interrogatoires secrètes. Les dénonciateurs de ces gens-là étaient couverts aussi par l'anonymat.
07:39Donc le type ne savait pas qui l'avait dénoncé. Et on lui avait dit « Bon, bah maintenant, il faut que tu avoues ». Et la première...
07:45— Pour la torture, etc., etc. — Même pas besoin. Enfin la torture, c'était surtout la prison qui était des formes de torture.
07:51Alors suivant leur niveau de motivation, ils étaient plus ou moins maltraités. Et on leur disait « Si tu avoues, tu seras amnistié ».
08:00Par contre, si tu n'avoues pas, ils savaient très bien que ça finissait par le bûcher. — Eh oui. Donc effectivement, c'est le secret,
08:06on peut dire, qui a assuré à l'Inquisition son effrayante efficacité, en quelque sorte.
08:12— Effrayante efficacité, parce que les procès étaient secrets, les prisons étaient secrètes, les familles ne voyaient plus l'inculpé.
08:18Et en fait, ce n'était qu'à la fin qu'on révélait ou bien le fait qu'il s'était repenti et revenait dans la Sainte Église,
08:25parce que l'Église aborde le sang. L'Inquisition, c'était pas des prêtres assoiffés de sang. Ils voulaient remettre dans le cadre de l'Église.
08:32Mais ceux qui refusaient de briser le secret de leurs activités, à ce moment-là, on les considérait... Ou alors si, par exemple,
08:42ils revenaient sur leurs aveux en disant « Non, non, non, je me suis trompé », etc., on les traitait de chiens qui mangent leur vomi.
08:51On les appelait les relapses. Et ceux-là partaient directement au bûcher. Mais c'était la justice civile qui les mettait au bûcher.
08:58C'était pas la religion. C'est-à-dire que les religieux confiaient à la société civile...
09:05— La belle hypocrisie, quand même. — Ah bah oui, c'est l'hypocrisie. L'hypocrisie catholique n'a pas de limite.
09:11Et c'est la justice civile qui, d'ailleurs, prenait la moitié des biens des inculpés, les emmenait hors de la ville pour les brûler discrètement.
09:20— Oui. Alors c'est Philippe le Bel qui a été le premier souverain à emprunter au pape la pratique donc de cette politique secrète.
09:27Il est donc le fondateur du secret d'État classique. Et pour quelles raisons, lui, l'a-t-il mis en place ?
09:33— Philippe le Bel, quand il a vu comment l'inquisition est efficace – parce que je vous rappelle que l'inquisition a gagné sur les hérétiques –,
09:40il s'est dit « Mais moi aussi, j'ai mes propres hérétiques, mes hérétiques civils », c'est-à-dire les seigneurs qui m'embêtent,
09:46les paysans qui se révoltent, etc., les féodaux. Donc je vais utiliser le même principe pour mon propre bien.
09:53Et la première chose qu'il a faite – et c'était un véritable affront pour le pape –, il a pris l'ordre du temple, qui était un ordre
09:59qui dépendait du pape, pour utiliser ces procédés inquisitoriaux. Et le pape est devenu fou, parce qu'évidemment, il n'a pas été prévenu.
10:07Et en plus, les templiers dépendaient de lui. N'empêche que Philippe le Bel a déclenché les choses et a dit au pape
10:14« J'ai ramassé plein de témoignages. Plein de gens ont reconnu qu'ils avaient craché sur le visage du Christ, etc., des templiers.
10:21Donc, cher pape, vous ne pouvez pas, vu les dossiers, vous ne pouvez plus les défendre ». Et les papes ont été obligés de baisser les bras.
10:31– Oui, c'est ça. Oui, oui. Effectivement, on parle vraiment... C'était vraiment des guerres effroyables entre le pape et le souverain.
10:38C'était terrifiant à l'époque. En plus, ce qui est assez étonnant, c'est que vous parlez des listes d'accusations qui étaient mises à l'époque.
10:47C'étaient toujours les mêmes pour les affaires. Hérésie, sodomie, existence de relations suivies avec des démons, adoration d'idole.
10:56L'opinion a été choquée à l'époque de tout cela ?
10:59– Pas du tout. L'opinion était absolument indignée parce que c'était des péchés énormes, ce qu'on appelait à l'époque des péchés énormes.
11:05– Mais il y avait-il une opinion à l'époque ?
11:07– Il y avait une opinion. Il y avait une opinion et Philippe le Bel faisait des grands meetings devant Notre-Dame, etc.,
11:12pour dénoncer les horribles péchés des Templiers. Et l'opinion suivait. Et ces hommes allaient dans les campagnes prêcher, démontrer, donner la bonne parole.
11:23– Juste une chose, que ce soit l'Inquisition ou Philippe le Bel, mais la porte était grande ouverte à la justice
11:33parce que n'importe qui pouvait dénoncer ou pas. Alors toi le fais mûr.
11:37– Oui, alors il y avait... – Moi j'en veux à quelqu'un, j'ai envie de son bien.
11:40– Oui, il y avait des registres de dénonciateurs, André.
11:43– Justement, donc j'ai envie du chant de quelqu'un, eh bien je vais le dénoncer.
11:47– Tous les Templiers ont été dénoncés parce que c'était un pouvoir parallèle au pouvoir du roi
11:54et qu'en plus ils avaient des ressources financières qui n'étaient pas négligeables.
11:57– Oui, c'était une puissance considérable.
11:59– La principale raison c'est que c'était une puissance hors du contrôle du roi. Et là le roi l'a détruit.
12:05Et à partir de ce moment-là, les rois partout en Europe, en France, en Angleterre, ont pris le la sur l'église.
12:12C'est-à-dire qu'ils sont devenus plus puissants que l'église qui est resté un pouvoir surtout spirituel.
12:17– Et en pratiquant le secret.
12:20– Et en pratiquant le secret encore bien plus fortement et plus efficacement que les papes.
12:25– Et c'est à la Renaissance en fait que quelques esprits éclairés, peut-on dire,
12:30se sont vraiment rebellés contre les rois et l'église.
12:34– Ben oui, parce que c'était un mélange. Les rois c'était un peu les envoyés du Christ sur terre.
12:39Donc ils se servaient de ça pour bâtir leur secret.
12:42– Le droit divin.
12:43– Le droit divin, et avec l'arrivée des esprits de la Renaissance, du début du mouvement scientifique, etc.
12:54– Les Lumières, le début des Lumières.
12:56– Après Lumières, il y a un certain nombre d'esprits forts qui ont dit
12:59« Mais qu'est-ce que c'est cette espèce, ce pouvoir qui est à la fois métaphysique et matériel
13:05et qui abuse de son pouvoir grâce au secret ? »
13:10– Oui, vous parlez notamment du mathématicien Nicolas Horrem qui parle d'idio-politique
13:16en parlant effectivement des légistes de l'époque.
13:18– Voilà, ces légistes couverts de fer dont les historiens du 19e ont dit le plus grand mal,
13:23notamment Guillaume de Nogaré, et qui utilisait tous les moyens du droit,
13:28du vieux droit romain qui était un droit vraiment régalien, dur,
13:32pour opprimer à la fois les nobles mais aussi la population.
13:35– Et oui, alors celui qui a bouleversé vraiment l'art secret de gouverner, c'est Machiavel.
13:42Quelle théorie développait-il dans « Le Prince » notamment, ce livre culte ?
13:47– Alors ce qu'on dit le plus souvent pour Machiavel, c'est « la faim justifie les moyens »,
13:51ce n'est pas vrai, il ne dit pas ça Machiavel, c'est une erreur complète,
13:54parce qu'on ne peut pas dire que la faim justifie les moyens
13:57parce qu'on ne connaît pas la faim quand on est dans une opération.
14:01Mais par contre, ce que dit Machiavel, c'est qu'il est nécessaire pour le souverain
14:06de faire à minima le mal, de faire un mal spécifique,
14:10limité dans le temps, dans l'espace, etc. pour un plus grand bien,
14:13et pour éviter une grande catastrophe.
14:15– C'est le côté, oui, Amelin.
14:17Oui mais sauf que, juste on ne va pas faire de discussion métaphysique entre toi et Lefébure,
14:21mais la faim, les chefs d'État ou les chefs militaires,
14:26ils ont une faim dans la tête, même s'ils ne l'ont pas.
14:28– Oui, ils ont un projet, mais ils ne savent pas,
14:32parce qu'il y a, ce que dit Machiavel, il y a véritablement le sort qui va décider.
14:37Donc ils ont un projet, mais comme ce n'est qu'un projet,
14:40ça ne peut pas justifier les moyens.
14:41Ce qui peut justifier les moyens, c'est le fait d'utiliser des moyens limités,
14:47secrets mais limités.
14:49– Toujours secret, le secret est toujours là.
14:51– Toujours secret et toujours aussi avec l'opportunité de la légitime défense.
14:56Et ça c'est toujours le cas aujourd'hui.
14:58Le secret est autorisé par l'État et pour l'État,
15:01quand il y a une légitime défense, c'est-à-dire face à une menace.
15:04On ne peut pas, en théorie, décréter le secret sans légitime défense.
15:10– Au nom de la défense des intérêts de la nation, du peuple et autres.
15:14Mais son livre « Le Prince » a longtemps été, vous le dites dans votre livre,
15:18il a longtemps été considéré comme pervers et diabolique
15:20avant de devenir la Bible de la politique moderne.
15:23– Oui, il était pervers parce qu'il ne mettait pas en avant la religion.
15:27C'est-à-dire que Machiavel disait, il faut voir les choses comme elles sont
15:31et pas comme on a envie qu'elles soient.
15:33Donc le souverain, ce n'est pas un dieu, il n'est pas envoyé par Dieu,
15:37il ne fait pas la politique de Dieu, il a des intérêts bassement matériels.
15:41Et il faut voir les choses comme ça.
15:43– Oui, alors ce secret d'État, des philosophes des Lumières étaient contre,
15:47notamment Rousseau.
15:48Pour lui, la politique utilise le secret pour cacher sa faiblesse.
15:52Et Kant disait, le secret n'a absolument pas sa place au sein de l'État,
15:56Antoine Lefébure.
15:58– Oui, et il était en prémonition de la Révolution,
16:01c'est-à-dire que c'était quoi, à la fin de ce qu'on reprochait au roi
16:07à l'époque de Louis XVI, c'était les choses secrètes.
16:10Les lettres de cachets qu'il envoyait au secret, dans des prisons secrètes,
16:14des gens qui n'étaient pas jugés.
16:16Et ces prisons secrètes étaient le symbole de l'arbitraire.
16:20Et aussi l'ouverture du courrier qui était faite de manière secrète, pourquoi ?
16:24Parce que si les gens savaient que leur courrier était ouvert,
16:26ils ne disaient plus rien par le courrier.
16:28Et en fait, la base de la Révolution, ça a été ça,
16:32mais c'était fait de manière limitée.
16:34Je ne veux pas jouer le royaliste, mais le roi, sous Louis XVI,
16:38il envoyait peut-être 4-5 personnes par an, au secret, sans jugement.
16:43Et en général, la plupart des gens qui étaient à la Bastille,
16:45c'était des gens qui avaient été mis au secret à la demande des familles.
16:48Les familles disaient au roi, écoutez, il dépense tout son argent,
16:52il fait des bêtises énormes, si vous pouviez le mettre à la Bastille
16:55quelques années, ça le ferait réfléchir.
16:57Et le roi concédait cette possibilité.
17:00– Vous citez Mirabeau à propos de la Révolution française
17:03dans votre livre qui a dit,
17:04« Ils ne se laisseront plus abuser par le grand et mystérieux mot
17:07de secret d'État.
17:09Ils penseront que tenter de faire des intérêts des peuples
17:11et de ceux des souverains, deux objets distincts,
17:14serait un art aussi criminel qu'insensé.
17:16Ils penseront que le véritable secret d'État consiste uniquement
17:19à rendre les hommes heureux et à les maintenir paisibles,
17:22possesseurs de leurs travaux et de leur liberté. »
17:24– Voilà, grande philosophie ça.
17:26– Oui, et c'est formidable ce qu'a dit Mirabeau.
17:28Alors évidemment, il n'est pas resté un héros de la Révolution française
17:31parce qu'il s'est servi de ce secret pour trahir la Révolution au profit du roi.
17:35C'est-à-dire, lui, il était pour un régime royal, mais démocratisé.
17:41– Enfin, pas consécutif, mais modéré.
17:44– Et il avait très peur des conséquences de la Révolution française,
17:47ce qu'on peut comprendre, donc il travaillait secrètement pour le roi.
17:50Et quand il s'est fait démasquer, il a été sorti du Panthéon
17:53et considéré comme un traître ignoble.
17:55– Vous savez ce que Mirabeau disait, c'est juste…
17:58Il disait « on peut tout faire une baïonnette sauf s'asseoir dessus, il n'est plus jugé. »
18:03– Un mot sur cette nouvelle justice qui a été instaurée en 1789, Antoine Lefébio.
18:08– Alors c'était intéressant parce que c'était vraiment une justice
18:11qui avait vocation d'être totalement démocratique, ouverte,
18:15comme l'exercice de la politique, les parlementaires.
18:18Robespierre avait réfléchi à monter des tribunes où 40 000 personnes
18:23pouvaient voir les élus de la nation débattre, etc.
18:26Enfin, une volonté de transparence extraordinaire.
18:28Et ce qui s'est passé, c'est que comme la révolution a été attaquée
18:31par tous les souverains des États européens,
18:34ils ont commencé par dire « le courrier, il faut qu'on l'ouvre »,
18:38comme faisait le roi, mais beaucoup plus massif parce qu'il y a vraiment un danger.
18:42Les prisons secrètes, il faut qu'on les rouvre parce qu'il y a vraiment des comploteurs.
18:46Et en fait, tous les défauts qui avaient été reprochés à la royauté,
18:50notamment qui tournaient autour du secret,
18:53se font surfeuiller de manière beaucoup plus ample, beaucoup plus démocratique.
18:58— C'est-à-dire que l'arbitraire devient encore plus important.
19:01— Bien sûr, bien sûr. L'arbitraire est beaucoup plus fort que l'arbitraire royal.
19:05— Et oui. Et vous dites que pour prévenir toute opposition,
19:07le gouvernement se protège en votant une loi qui stipule
19:10que les tribunaux ont l'interdiction de connaître les actes d'administration,
19:14soit toutes les actions du gouvernement. Incroyable.
19:17— Oui. Alors ça, c'est le fondement. Et en fait, la révolution,
19:20comme la plupart des institutions françaises,
19:23c'est le fondement du secret d'État moderne.
19:25Il s'est fait à ce moment-là. Et Napoléon et Fouché n'ont fait que le reprendre.
19:29— Oui, c'est très intéressant, ça. C'est toute la période.
19:31— En tout cas, à partir d'intentions louables, la révolution construit
19:34la matrice d'un secret d'État implacable qui va lui survivre jusqu'à aujourd'hui.
19:38Dites-vous dans votre livre l'histoire de l'État et de ses secrets.
19:41On va continuer de vous la raconter dans un instant sur Sud Radio
19:44après cette petite pause. À tout de suite.
19:46— Sud Radio. Sud Radio, la culture dans tous ses États. André Bercoff, Céline Alonso.
19:52— Eh oui, nous sommes toujours sur Sud Radio avec Antoine Lefébure,
19:59qui publie « Vie et mort du secret d'État », « Du secret du roi » à Wikileaks,
20:04aux éditions Passé Composé. Alors dans votre livre, Antoine Lefébure,
20:08vous distinguez trois catégories de secret d'État. Quelles sont-elles ?
20:12— Oui. Alors j'ai mis beaucoup de temps à trouver les définitions,
20:15parce que de la même manière qu'il fallait remonter au pape pour comprendre
20:18le côté ectoplasme du secret d'État. C'est-à-dire quelque chose de pas défini,
20:23comme tout ce qui est religieux, comme la raison d'État, etc.,
20:27c'est-à-dire que c'est comme un espèce de dogme religieux, le secret d'État.
20:31La première catégorie, elle est fonctionnelle. C'est le secret d'État
20:35qui couvre les activités de défense, qui couvre les négociations diplomatiques.
20:39Il peut pas y avoir de négociations. On s'est rendu compte avec Zelensky,
20:42quand vous faites avec les caméras, c'est pas une négociation,
20:45c'est une mise à mort. Si on veut négocier, on négocie dans le secret,
20:49comme fait le Hamas et les Américains et Israël. Et puis après, on a les résultats.
20:53Donc tout ce secret-là, fonctionnel, c'est dans la marche de l'État.
20:58Et c'est parfaitement justifié. — On ne négocie pas sous les caméras et...
21:00— Voilà. — ...en conférence de presse.
21:03— Ça s'appelle un piège. Ça s'appelle un piège. Et également, le secret des nominations,
21:09si on sait qui a été nommé, qui a été blacklisté par un tel, etc.,
21:13ça met beaucoup d'ennuis dans l'administration. Le deuxième secret d'État,
21:20c'est le secret du souverain, du roi ou du président de la République.
21:25C'est le secret de sa vie privée. C'est le secret de ses activités.
21:28C'est le secret de ses pensées qu'il faut préserver. Mais en même temps,
21:33il doit être familier, parce que le secret n'existe que s'il y a aussi une révélation.
21:39Donc le souverain est secret. Mais tout d'un coup, il fend l'armure.
21:44Il déborde son service de sécurité. Et il va vers la foule. Et il sert des mains.
21:50Il se fait prendre en photo, etc. Mais ce n'est valable pour les gens que s'il est secret.
21:55S'il n'est pas secret, si tout le monde peut rentrer chez lui, etc.,
21:57personne n'aura envie de se faire prendre en photo avec lui. Donc si vous voulez,
22:01ce second secret, c'est un espèce de secret de polichinelle. C'est le secret des apparences.
22:07Mais c'est très important, parce que c'est le prestige du chef de l'État qui est considéré.
22:12Et de la même manière que Louis XIV faisait le toucher des écrouelles,
22:15vous avez Macron qui fait le toucher des smartphones.
22:20Le troisième secret d'État, qui est le plus intéressant parce que le moins connu,
22:24c'est le secret d'État horrible. C'est-à-dire ce dont parle Machiavel.
22:28C'est-à-dire que l'appareil d'État fait quelque chose en termes de morale
22:34et en termes de politique qui est affreux, mais qu'il a besoin de faire
22:39pour des intérêts supérieurs, pour la défense des intérêts supérieurs de l'État.
22:42— Par exemple, donnez un exemple. — Par exemple, un ministre...
22:46Elle est pire, hein, parce que par exemple, ouvrir le courrier, écouter le téléphone,
22:50c'est un secret d'État horrible. Mais c'est... Bon, on s'en doute.
22:55Liquider un opposant dans un pays... Il y a un type qui meurt.
23:00Et en fait, c'est les services secrets qui l'ont liquidé.
23:03Liquider un opposant, c'est un secret d'État horrible. Mais par exemple,
23:08vous êtes le chef d'État et un de vos ministres vous fait vraiment un coup pendable.
23:13Et vous décidez de le liquider. Ça, c'est vraiment le secret d'État le pire.
23:18Il faut pas que ça se sache, sinon tout s'écroule.
23:21— Oui. — C'est qu'un chef d'État liquide un de ses propres ministres.
23:25— Voilà. Alors vous dites qu'effectivement, cette troisième catégorie de secrets
23:31et ses pratiques donc restent par définition exceptionnelles dans une démocratie.
23:36Mais honnêtement, en France, des présidents y ont eu recours, selon vous ?
23:41— Certainement. Dans une démocratie, c'est limité. Dans une dictature, Staline, Hitler,
23:47quand vous aviez un ministre ou un haut fonctionnaire, il était liquidé. C'était...
23:51— Et ça allait au moment où les photos... Ils disparaissaient des photos.
23:54— Voilà. Ils disparaissaient des photos. Et tout était secret. Plus le régime est totalitaire,
24:00plus le secret est profond. Donc les pires, voilà, Staline, Hitler, le Kambouchéa aussi.
24:04Le Kambouchéa démocratique, c'était... — Le Cambodge, monsieur. Paul Potts.
24:07— Paul Potts, c'était un secret total. Mais aujourd'hui, est-ce que les chefs d'État
24:12des pays démocratiques utilisent des secrets d'État comme ça ? Je pense pas.
24:17Très honnêtement, je pense pas que des chefs d'État des pays démocratiques
24:20vont descendre des gens qui sont de leur propre camp.
24:24— Mais en France, par exemple, il y a eu, André Bercoff, les fameuses opérations Homo.
24:28— Oui. Oui, c'est vrai. C'est-à-dire que... Alors c'était pas leur propre ministre.
24:33Mais rappelez-vous... D'ailleurs, François Hollande l'a raconté à Fabrice Lhomme
24:37et aux deux journalistes du Monde que, par exemple, lui, en tant que chef d'État,
24:42démocratie en France, il avait ordonné des opérations Homo, c'est-à-dire déminer
24:47tel ou tel... Non pas opposant, hein. Non, non, c'était pas l'opposant.
24:51— C'était des cibles, ouais. Il y avait des cibles à éliminer, ouais.
24:54— C'était un ennemi de l'État considéré comme un ennemi de l'État et de la nation.
24:56Et il l'a fait, évidemment. C'était couvert du seau de secrets le plus total.
25:00— Le plus total. — Il ne décrit pas l'opération. Il ne dit rien.
25:05Il dit « Oui, j'ai ordonné cela ». — Oui, c'est sûr. De Gaulle l'a fait.
25:09Mitterrand l'a fait. Hollande l'a fait. Certainement, Macron le fait.
25:14Mais c'est extrêmement limité. Ça concerne très très peu de personnes.
25:17C'est des gens qui sont considérés comme des dangers. Ça peut être des chefs terroristes, etc.,
25:23des gens qui ont déjà enlevé des ressortissants français.
25:25Il y a aussi une notion de vengeance. Par exemple, quand un type des services secrets
25:30se fait enlever et se fait tuer, les services secrets vraiment demandent
25:34aux chefs de l'État de liquider la personne qui a fait ça.
25:37— Oui. Alors en France, à ce jour, seules deux affaires ont abouti,
25:40donc à une révélation et à une résolution totale. Vous en parlez dans votre livre,
25:44à savoir l'affaire Dreyfus et celle du Rainbow Warrior.
25:47Dans votre livre, vous consacrez un chapitre entier à l'affaire Dreyfus,
25:50qui a éclaté donc – il faut le rappeler – en 1894 et qui avait déchiré donc la France
25:55pendant 12 ans. Il y a eu une centaine d'ouvrages sur cette affaire.
26:00Vous, que révélez-vous de plus aujourd'hui ?
26:03— Alors je suis parti un peu à l'envers. C'est-à-dire je suis parti des archives.
26:07Et j'ai découvert que c'était pas l'affaire d'un officier juif qui était victime
26:14de l'antisémitisme, de la justice, etc. C'était le fait que cet officier,
26:19très rapidement, l'état-major, le ministère des Armées, à l'époque de la guerre,
26:24s'est rendu compte qu'il était innocent. Simplement, si son innocence était reconnue,
26:31à ce moment-là, toute l'activité des services secrets, l'activité du ministère de la guerre,
26:35etc. a été dévoilée. Et il y avait là-dedans des secrets légitimes.
26:39Le fait, par exemple, qu'il surveillait l'ambassade d'Allemagne, l'ambassade d'Italie,
26:43etc., ça, c'était pas bon que ça soit dit. Mais ça risquait de venir.
26:48Mais pire encore, qu'il y avait des phénomènes de corruption au sein de l'armée, etc.
26:53Donc, c'est pas grave si Dreyfus était innocent. Il ne pouvait pas sortir,
26:57parce que le secret d'État lourd aurait été démasqué. Donc, ils ont tenu...
27:03— On sacrifie une personne innocente au nom du secret d'État.
27:07— C'est typique de ce... Une personne innocente, même un officier, etc.,
27:11il va rester en taule pendant 30 ans ou il va mourir dans l'île au diable, etc.
27:15C'est pas un problème. C'est pas un problème.
27:16— Et à propos de ce dossier, vous le rappelez dans votre livre que Clémenceau avait dit,
27:19effectivement, si le dossier est publié, c'est la guerre ?
27:22— Voilà. Voilà. Il se fait une ambiance comme ça absolument terrible.
27:26Et ce qui s'est passé, c'est qu'il y a eu un changement de gouvernement.
27:30Un ministère des Armées qui a dit qu'il y en a marre de cette affaire Dreyfus,
27:34il faut vraiment prouver l'innocence de Dreyfus. — Pour crever l'abcès, oui.
27:39— Il a monté un colonel chargé de mission. Ce type-là, pour faire son enquête,
27:44a passé 2 jours uniquement pour avoir les clés de toutes les coffres et toutes les combinaisons.
27:49Et après, il a travaillé pendant 1 an. Derrière, la cour de cassation s'est emparée du dossier,
27:54a travaillé pendant 2 ans et demi. Il a fallu cet effort, mais colossal,
27:59pour au bout du bout dire Dreyfus est entièrement innocent et l'état-major est coupable.
28:05— Oui. — C'est clair.
28:07— Eh oui. Parlons à présent de l'affaire du Rainbow Warrior. Il faut le rappeler.
28:12C'était le 10 juillet 1985. Les services secrets français sabotent le fameux navire de Greenpeace
28:17qui voulait donc perturber des essais nucléaires dans le Pacifique.
28:21Cet attentat, on le rappelle, a coûté la vie à un photographe qui est à bord de ce bateau.
28:26Selon vous, pourquoi cette affaire a été résolue à l'époque ?
28:30— Alors elle a été résolue pour une raison très simple. C'est d'abord qu'il y a des agents
28:33qui se sont fait arrêter, des agents français avec des passeports suisses, etc.
28:37Moi, je me rappelle quand c'est arrivé. Je me suis tout de suite dit
28:40que c'est les services secrets français. Mais la presse française, je vous signale,
28:45a annoncé un nombre de choses, de fausses nouvelles extraordinaires pendant 2 mois.
28:50Sauf que la Nouvelle-Zélande, c'est un pays puissant, contrairement à ce qu'on peut croire,
28:54qui fait partie des Five Eyes américains, anglo-saxons, etc. Et quand ils ont été persuadés
29:00que c'était la France, ils ont dit à Mitterrand « C'est simple. Si vous ne reconnaissez pas tout,
29:05si vous ne sortez pas tous les éléments de cette affaire, si vous ne payez pas les victimes... »
29:09Il y a eu un mort. « Si vous ne payez pas la Nouvelle-Zélande, on vous traîne à l'ONU comme état voyou.
29:15Et on a le dossier pour que vous soyez reconnu comme état voyou. »
29:18Et là, Mitterrand a craqué, d'autant plus que lui-même n'avait rien à craindre,
29:22dans la mesure où, dans ces cas-là, le chef des services secrets arrive en disant
29:30« Voilà, ça va perturber les essais nucléaires. » Sacro-saint secret, d'ailleurs, un secret nucléaire aussi.
29:36Donc il y a des écolos. On va faire une action très musclée contre eux.
29:41On va peut-être faire sauter le bateau, etc. Mitterrand ne va pas dire oui.
29:45Mitterrand ne va pas signer un ordre d'accord. Mitterrand ne va pas dire oui.
29:48Ou bien il va dire non. Ou bien il ne va rien dire. S'il ne dit rien, c'est oui.
29:53Mais il pourra dire les yeux dans les yeux. Je n'ai jamais dit de faire sauter le Rainbow Warrior.
29:59Et ça sera vrai. Et ça sera cru.
30:01– Enfin, il a laissé faire. Voilà. – Il n'a pas dit non.
30:05– Juste un mot. Je voudrais parler de... Ce n'est pas dans votre livre.
30:11Mais ce qui est intéressant dans cette histoire, c'est que le secret d'État continue.
30:15Par exemple, aujourd'hui, à l'heure où je vous parle,
30:17on a évidemment de très fortes soupçons qui doivent être pas loin des certitudes,
30:21mais Nord Stream, le gazoduc, secret d'État également.
30:25– Oui, c'est un secret d'État. On ne veut pas dire que ce sont les Ukrainiens
30:29ou les Américains qui l'ont fait sauter. Parce que politiquement, ce n'est pas possible.
30:33– Aujourd'hui, en tout cas, ça n'a pas été dévoilé.
30:35On dit oui, on pense que c'est tel ou tel ou tel.
30:37– Alors, ce qui est extraordinaire, c'est que dans ces cas-là,
30:40il y a toujours 15 hypothèses. C'est ce qu'on appelle des rideaux de fumée.
30:43Des petits nuages. – C'est la partie nationale du secret d'État.
30:47On lance des rideaux de fumée. – L'assassinat de Kennedy, il y a 500 théories.
30:52– L'affaire Greenpeace, c'est le seul secret que Mitterrand a été obligé d'avouer.
30:58– Ah oui. Les autres, on n'a jamais su.
31:01– Pardon, il ne l'a jamais su, mais secret d'État pour Mazarine et secret d'État,
31:08je veux dire un truc parce qu'on ne l'a pas parlé, mais on va en parler maintenant.
31:11La francisque. La francisque, c'est intéressant.
31:15C'est que tout le monde savait, enfin, le petit milieu savait pour la francisque.
31:19– Oui, mais lui, il a toujours nié Mitterrand.
31:21– Mais le problème n'est pas là. Le problème, c'est que, je rappelle simplement,
31:25c'est pas dans votre livre, mais si j'avais vu Antoine...
31:28Vous savez que Le Crapouillot, en 1972, a publié le magazine Le Crapouillot trimestriel,
31:35a publié, non, je vous dis ça parce que c'est vraiment au cœur de votre livre et de sujets,
31:39a publié la liste complète des titulaires de l'infrancisco de Pétain.
31:42– Oui, tout à fait. – Ça a paru, ça n'a pas été censuré.
31:45Bon, avec les 1300 ou 1400, il y avait Mitterrand, avec les deux parrains, etc.
31:51Comment vous expliquez, alors justement...
31:53– Alors, Mitterrand et son équipe, qui était très malin, ont fait sortir un certain nombre de trucs
31:58dans la presse d'extrême-droite, dans Le Crapouillot et aussi dans Minute.
32:01Et comme ça sortait dans Minute, ça devenait non-présentable.
32:04– Ah, c'est ça, on n'y croit pas, c'est l'extrême-droite.
32:06– Voilà, on n'y croit pas, on n'y croit pas. Et puis après, on l'a su.
32:09Et en fait, ce qui est intéressant, c'est que De Gaulle a toujours fait un secret d'État public,
32:13c'était vraiment pour la nation, pour la France, etc.
32:16Et Mitterrand a mélangé les secrets d'État public et le secret d'État privé
32:21sur sa vie privée, sur ses enfants, et sur son passé.
32:24Alors, il y a son passé de la Francisque, et comment ça a été officialisé,
32:29cette histoire de Francisque ? – Pierre Péan.
32:32– Quand Pierre Péan est venu, alors c'est très intéressant,
32:36je le raconte dans mon bouquin, Pierre Péan est venu et Mitterrand lui a dit,
32:40bon ben voilà, il a presque tout lâché. Il a dit une chose à Pierre Péan.
32:45Surtout, vous dites plusieurs fois dans votre livre que je n'ai jamais été à la cagoule.
32:50Parce que la Francisque de Pétain, il avait décidé de l'assumer un peu débordée.
32:55Par contre, le fait que tout son entourage était à la cagoule,
32:58et lui, qu'est-ce qu'il a fait, j'en sais rien, et personne ne le sait,
33:01est certainement quelque chose. Et Péan, si vous relisez son bouquin,
33:05plusieurs fois dit, Mitterrand, il n'était vraiment pas à la cagoule.
33:08Et je me suis dit, ben voilà, c'était donnant, donnant.
33:11Mitterrand lui a lâché un certain nombre de choses, en échange de quoi Péan,
33:15sur la cagoule, s'est tu.
33:18— André Bercoff, si les réseaux sociaux avaient existé à l'époque,
33:20on peut dire que Mitterrand n'aurait jamais été élu ?
33:23— Ah ben, de toute façon, s'il y avait Internet, on aurait montré la photo
33:27qui est de la couverture de Mitterrand. Enfin, avec des si, on dit beaucoup,
33:30mais quand même. Je veux dire, imaginez, le candidat de la gauche, Antoine Lefébure,
33:35avec tous les réseaux sociaux, donc à des millions d'exemplaires,
33:38la photo de Mitterrand avec Pétain comme candidat de la gauche, ça faisait un peu...
33:42— C'était une catastrophe, c'était une catastrophe. Et les informations,
33:44moi, je me rappelle, en 1980, Jean-Édernalier m'a dit « Mitterrand a un cancer et il a une fille ».
33:51Et en fait, la fille de Mitterrand, je la connaissais parce qu'elle est apparentée à ma famille.
33:57Donc je savais qu'il avait une fille. Mais voilà, rien n'est sorti.
34:02— Secret d'État. — Secret d'État. Rien n'est sorti.
34:05— Comment expliquez-vous, Antoine Lefébure, que très peu de secrets d'État
34:09ont été inventés depuis quelques décennies ? En quelques mots, comment il est préservé ?
34:15Comment il est organisé, ce secret d'État ?
34:17— Alors il y a un organisme ectoplasmique discret aux invalides qui s'appelle le SGDN,
34:23Secrétariat général de la Défense nationale, et qui organise le secret d'État,
34:28qui organise les habilitations et qui organise la protection du secret.
34:32Et si quelqu'un me donne un document confidentiel de défense et que j'en fais État
34:38ou que je le montre, etc., je peux être inculpé, condamné à plusieurs années de prison, etc.
34:44Donc c'est très très sévèrement puni d'avoir accès à ce type de document alors qu'on n'est pas habilité.
34:50— Eh oui. Et vous racontez qu'effectivement, aujourd'hui, il y a environ 420 000 personnes
34:55habilitées au secret. Mais peu d'entre elles ont accès donc aux très très secrets. Et le jour...
35:01— Pardon. C'est dit « 400 000 personnes ». Ça fait beaucoup, Lyon. Ha ! C'est pas vrai, ça.
35:06— C'est des secrets fonctionnels. C'est des petits secrets de l'armement, de secrets...
35:13— Et vous dites qu'effectivement que le jour où ils perdent leur habilitation au secret d'État,
35:16ils en souffrent, surtout quand il s'agit des secrets les moins partagés, écrivez-vous.
35:21Pour certains, est-ce qu'on peut dire qu'il y a une forme d'addiction à l'information secrète ?
35:26— Oui. C'est-à-dire ils sont addicts à cette information secrète. Ils ont surtout un sentiment de supériorité,
35:33ce qui les empêche, quand il y a des universitaires ou des spécialistes d'un pays, par exemple,
35:37qui leur racontent des choses très importantes... Effectivement, le fonctionnaire se dit
35:42« Mais s'il savait ce que je sais, est-ce qu'il aurait la même opinion ? Est-ce que ce qu'il dit est valable ? ».
35:48Donc ça les isole complètement. C'est ce qui est arrivé à l'administration Kennedy au moment du Vietnam.
35:53Et plein de gens ont essayé d'expliquer aux fortes têtes de Kennedy, habilitées à tous les grands secrets,
36:00les secrets du Pentagone, et n'écoutaient pas parce qu'ils avaient tellement d'informations secrètes qu'ils disaient
36:05« Mais nous, ça nous suffit. Et tout ce qu'on nous raconte, on n'y croit pas. Et si vous saviez ce que nous, on sait,
36:13vous ne le diriez peut-être pas ». Donc c'est de l'isolement.
36:17— On peut parler d'une forme de drogue. — De drogue et d'isolement. Et c'est très dangereux.
36:22C'est très dangereux. Et ça devrait être réformé. — Oui. Alors aujourd'hui, à l'heure des réseaux sociaux,
36:26des lanceurs d'alerte et de l'IA, le secret d'État tient-il toujours ? Selon vous, on va en parler dans un instant sur Sud Radio.
36:33— Sud Radio, la culture dans tous ses états. André Bercoff, Céline Alonso.
36:40— Et notre invité jusqu'à 14 h, Antoine Lefébure, qui vient de publier un livre passionnant sur l'histoire du secret d'État,
36:49André Bercoff. Alors selon vous, Antoine Lefébure, aujourd'hui, à l'heure des réseaux sociaux, des lanceurs d'alerte et de l'IA,
36:55est-ce que le secret d'État tient-il toujours ? Ou est-il moribond ? — Alors attendez. On va donner des exemples, là,
37:01parce que sinon, on va pas rester en abstrait. Il y a quelque chose de... Justement, on interpelle Antoine Lefébure.
37:07Il y a une tentative. Je ne dis pas qu'elle est complète et je dis pas qu'elle est faite par des anges. Mais vous avez vu
37:12le déclassement qui se passe déjà par Donald Trump et Elon Musk, qui... Il a chargé Elon Musk d'auditer
37:21tous les organismes d'État. Et on a déjà en quelques heures, quelques jours, des choses sur des corruptions
37:30tissant des milliers de milliards de dollars. C'est vraiment des sommes énormes. Et est-ce que, justement,
37:37par rapport à ce que vous écrivez, Antoine Lefébure, est-ce qu'on n'assiste pas à une tentative en disant
37:44« Maintenant, transparence, transparence, transparence, on n'a rien à cacher », fin du secret d'État ?
37:49— Alors pas tout à fait la fin du secret d'État. Mais disons qu'ils utilisent un certain nombre de révélations
37:55pour amoindrir l'appareil d'État américain sur lequel ils ont des visées, quitte après à le réinstituer.
38:02Parce que le système du secret d'État, c'est un... Il n'y a pas de secret s'il n'y a pas de révélation.
38:07Donc là, on est dans la période de révélation. On est dans la période de... On démasque. Et en même temps,
38:13on va sans doute remasquer autre chose. Et ce démasquage va servir peut-être à installer un nouveau type
38:19de secret d'État. Mais ce qui est sûr, c'est qu'avec les réseaux sociaux, le secret d'État traditionnel va disparaître.
38:25On a vu... Quand Musk était à Notre-Dame, il est passé... Je sais pas si vous avez vu cette photo merveilleuse
38:32qui n'a pas été publiée. Il regarde ses talons. Et vous avez Sarko, Carla Polini, Hollande qui le regardent passer.
38:40C'est le nouveau secret qui passe devant le vieux secret. Et ça, c'est une image tellement frappante, d'ailleurs,
38:46que peu de journaux l'ont publiée. Sauf que, encore une fois, il ne s'agit pas de défendre tout ça.
38:52Mais Musk, en rachetant pour 44 milliards Twitter et X, en l'occurrence, a ouvert la boîte de Pandore,
39:00alors que les autres l'ont fermée. C'est lui qui a permis de dire que, justement, même dans les GAFAM,
39:07que Facebook et compagnie étaient soumis à la CIA et au FBI et cachés, pour rappeler sur Biden, les corruptions de Biden
39:14et le fils Biden. Donc est-ce que quelque chose n'est pas en train de se passer, là, quand même ?
39:19— Si. Quelque chose d'énorme se passe autour de la puissance de ces réseaux sociaux qui, maintenant,
39:25massivement ont été avec Trump pour cacher et pour organiser leur pouvoir. Parce que quand on parle des réseaux sociaux
39:33d'X ou de Facebook, ils n'ont qu'un seul objectif. Leur audience et leurs bénéfices. Et pour protéger audience et bénéfices,
39:46leur pouvoir sur la politique. Là est le vrai secret. C'est-à-dire qu'est-ce que va faire Google sur l'intelligence artificielle
39:55l'année prochaine ? Celui qui sait, eh ben il y a 2, 3 personnes. Et ils sont certainement pas dans l'appareil d'État.
40:02— Vous voulez dire la manière dont il va organiser tout cela ? On parlait que de Google. — Oui. Vous parlez même effectivement
40:09à propos de l'intelligence artificielle d'une nouvelle guerre froide qui se déroule sur de multiples fronts, actuellement.
40:16— Absolument. Absolument. C'est une véritable guerre froide. Et c'est une guerre extrêmement secrète entre eux,
40:21avec tout même des points d'accord commun qu'on ne connaît pas. Parce qu'enquêtez là-dessus. Il y a une fille du Washington Post
40:28qui avait enquêté sur l'Iran, sur l'Irak, etc. Elle raconte. Après, elle fait un travail sur Facebook. Elle raconte
40:34« J'ai eu moins de mal à faire parler des dissidents irakiens qui risquaient leur vie à me parler que de faire parler
40:40des salariés de Facebook ». — Donc ce sera plus le secret de l'État. Ce sera l'État de secret des réseaux sociaux.
40:46— Voilà. L'État de secret des réseaux sociaux. Et à ce moment-là, si on prend l'exemple européen, quel est le véritable secret
40:53du secret pour tous les dirigeants des États européens face à cette déferlante de mosques et des réseaux sociaux ?
41:02Le véritable secret, c'est qu'ils ne peuvent rien faire, que leur marge de manœuvre est égale à zéro, que s'ils bougent
41:09un petit doigt contre X pour défendre la jeunesse... — Oui. Mais alors du coup, quelle est l'alternative pour l'Europe aujourd'hui ?
41:19— Alors l'alternative ne vient pas des États. Moi, mon impression, et avec quelques grands spécialistes du domaine
41:24qui connaissent mieux la chose, ils disent que seule la société civile peut se mettre à travailler pour monter
41:30des réseaux sociaux à la fois raisonnables, vertueux, etc., mais n'attendons rien de nos dirigeants, qui, eux,
41:37font toute une série de rideaux de fumée en disant « Ah, on va mettre 100 milliards sur l'IA, on va mettre 50 milliards... »
41:42— Parce qu'il faut qu'ils cachent leur propre corruption aussi, mon cher Antoine. — Oui, leur propre corruption,
41:46mais leur propre impuissance, même pas leur corruption, parce que leur corruption, bon, tout le monde s'en doute,
41:51mais le fait qu'ils ne peuvent rien faire, qu'ils sont dans la nasse et qu'ils sont totalement paralysés.
41:55Par contre, on a en France des cerveaux formidables, on a des intellectuels, des intelligences, etc.,
42:02et toute cette intelligence pourrait servir à faire des alternatives à ces réseaux sociaux techno-américains.
42:08Et c'est le seul espoir qu'on peut voir, parce que la situation... — Mais que reste-t-il, alors, du secret d'État,
42:14à part de l'enfumage ? — Bah, il reste... Il restera rien. Et c'est pas moi qui l'ai dit. C'est Sarkozy,
42:21quand il était président de la République, quand il a inauguré les locaux de Google. Il a dit « Mais le secret d'État, il est fini.
42:27Maintenant, le secret, c'est comment fonctionne Google ». Sarkozy l'a dit. Il l'a reconnu. Et il était quand même
42:32président de la République. — Antoine Lefébure, merci d'être venu sur Sud Radio. Je rappelle que votre Livi est mort
42:38du secret d'État, du secret du roi. A Wikileaks est paru aux éditions passées composées. Tout de suite,
42:44vous retrouvez Brigitte Lahy sur Sud Radio.

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