La culture dans tous ses états - Émission du 20 octobre

  • l’année dernière
Céline Alonzo et André Bercoff reçoivent Suzy Simon-Nicaise, Boualem Sansal et Xavier Driencourt pour une émission spéciale consacrée au Congrès du 50ème anniversaire du Cercle Algérianiste qui a lieu à Béziers du 20 au 22 octobre 2023.

Retrouvez La culture dans tous ses états tous les vendredis avec Céline Alonzo et André Bercoff à partir de 13h.

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##LA_CULTURE_DANS_TOUS_SES_ETATS-2023-10-20##
Transcript
00:00 [Musique]
00:02 Sud Radio, la culture dans tous ses états. André Bercoff, Céline Alonso.
00:06 Oui, l'hymne des pieds noirs de Jean-Pax Méfray, André Bercoff.
00:10 Et bien depuis 50 ans, une association se bat, justement pour sauvegarder la culture pieds noirs et défendre donc la mémoire des Français d'Algérie, André.
00:17 C'est le Cercle Algérianis qui organise, et bien ce week-end à Béziers, leur 44e congrès, André.
00:23 Oui, on peut le dire une plaie ouverte, une plaie ouverte, elle ne s'est pas refermée, pourtant accordé viant l'indépendance de l'Algérie en 1962.
00:32 Et on connaît l'exode, on connaît le massacre d'Hiarki, on connaît même les choses terribles qui se sont passées.
00:39 130 ans de présence française dans l'Algérie, alors les uns disent colonisation, effectivement, il y a eu colonisation.
00:46 Les autres disent oui mais on a apporté, enfin, ça reste, ça reste, 60 ans après, encore une fois, je l'ai dit, une plaie ouverte.
00:55 Et aujourd'hui encore, on voit très bien qu'entre la France et l'Algérie, c'est vraiment le "je t'aime moi non plus", c'est très très dur.
01:04 Et puis ça a commencé quand ? Les enfants de la Toussaint, vous vous rappelez la série d'Yves Courrières, remarquable série,
01:10 sur la trentaine d'attentats qui a fait basculer l'Algérie dans la guerre et, 8 ans plus tard, 1962, un million de pieds noirs, spoliés, traumatisés,
01:18 chassés d'un pays où ils croyaient être chez eux, rapatriés en catastrophe en métropole.
01:23 Et on se rappelle, et on se rappelle les mots très méprisants de Gaston Defer à l'époque, qui ne nous embêtent pas.
01:29 On se rappelle le slogan "la valise ou le cercueil", les quatre vingt mille harkis massacrés, les accords déviants, etc.
01:36 Ça reste quand même quelque chose de dur, mais en même temps, les générations se succèdent, mais la mémoire est là.
01:44 Et la mémoire est là, Céline, à cause, justement, et grâce, il faut le dire, entre autres, de ce cercle algérianiste,
01:53 que nous allons d'ailleurs entendre par la voix de sa présidente.
01:57 - Et oui, sa présidente, Suzy Simon-Niquez, effectivement, elle sera avec nous dans un instant sur Sud Radio.
02:02 On recevra aussi dans un instant sur Sud Radio le célèbre écrivain algérien Boalem Sensal et Xavier Driancourt,
02:09 ancien ambassadeur de France à Alger. Restez avec nous, on revient dans un instant sur Sud Radio, à tout de suite.
02:14 - Sud Radio, la culture dans tous ses états. André Bercoff, Céline Alonso.
02:20 - Céline Alonso, André Bercoff, qui ne peut toujours pas retourner en Algérie plus de 60 ans après son départ.
02:26 Suzy Simon-Niquez, bonjour à vous et merci d'être avec nous en direct sur Sud Radio depuis Béziers.
02:32 Alors, vous êtes la présidente du cercle algérianiste.
02:35 Aujourd'hui, débute à Béziers le congrès du 50e anniversaire de cette association qui a été créée, il faut le rappeler, le 1er novembre 1973,
02:44 par des jeunes pieds noirs. Quelle est la mission de votre association ?
02:49 - Bonjour. - Bonjour, Suzy.
02:53 - Bonjour à vous. Eh bien, la mission du cercle algérianiste depuis 50 ans, les missions, devrais-je dire, sont toujours les mêmes.
03:02 Sauvegarder et promouvoir notre culture, notre culture de Français d'Algérie.
03:08 Bien sûr, défendre notre histoire et surtout, rétablir la vérité à chaque fois que de besoin
03:17 et transmettre naturellement à tous les nôtres, à tous nos descendants, notre culture, notre mémoire.
03:24 - Alors, c'est quoi justement, Suzy Simon-Niquez, c'est quoi votre culture, c'est quoi votre mémoire, pour ceux qui ne la connaissent pas, pour ceux qui voudraient ?
03:32 Et comment vous vouliez la définir ?
03:35 - Alors, notre culture, c'est cette culture qui est née en Algérie quand l'Algérie était française.
03:45 Cette culture mêlée de toutes les cultures qui avaient été importées en Algérie par ceux qui y arrivaient.
03:53 Des cultures, des peuples du tour de la Méditerranée.
03:57 Et bien sûr, l'Algérie, au moment où elle a été indépendante, était une Algérie adolescente.
04:06 Et cette culture, ce mixte de populations, nous avait donné une identité.
04:13 - Oui, Suzy Simon-Niquez, il faut rappeler, il n'y avait pas que les Français.
04:17 Vous parlez des peuples de la Méditerranée, il y avait des Espagnols, il y avait des Italiens, il y avait un peu tout cela, c'est ça ?
04:24 - Oui, absolument, des Maltais.
04:27 Mais j'ai aussi envie de dire qu'il y avait ceux qui étaient les indigènes, bien évidemment, ce n'est pas péjoratif ce mot, hein, ceux qui habitaient l'Algérie.
04:37 Et le mouvement algénaniste, si vous me le permettez, qui était un mouvement littéraire qui a été créé justement en Algérie,
04:46 par des intellectuels de tous bords, dois-je dire,
04:52 mais qui souhaitaient justement mettre en lumière cette culture très particulière, ce mixte de toutes ces populations.
05:01 - Oui, y compris évidemment la population arabe qui était majoritaire, bien sûr.
05:05 - Sa culture aujourd'hui, Suzy Simon-Niquez, on peut dire qu'elle est vraiment en péril ?
05:10 - Alors, elle ne l'est pas, parce que nous sommes vigilants.
05:16 Nous faisons en sorte que cette culture, elle soit transmise,
05:23 qu'elle ait la famille Pied-Noir qui ne partage pas avec les siens tout ce qu'elle a ramené d'Algérie, ses habitudes culinaires notamment.
05:33 Puis le cercle algérianiste, c'est bien lui qui part de là toutes les controverses
05:43 et toute cette réécriture de l'histoire à laquelle nous sommes confrontés, qui veille à ce que l'homme maintienne.
05:49 - Alors justement, vous vous battez, vous le dites, pour défendre l'histoire des Français d'Algérie,
05:54 et de rétablir donc la vérité, mais en quoi a-t-elle été bafouée cette vérité ?
05:59 - Oui, en quoi a-t-elle été réécrite ? Et effectivement, en 60 ans, il y a eu pas mal de réécritures et pas mal de polémiques là-dessus.
06:07 - Tout à fait, d'abord, et pour commencer, c'est ceux-là même qui nous ont arrachés à notre pays,
06:16 qui ont écrit l'histoire de l'Algérie française autrement que nous l'avions vécue.
06:23 Et puis, au fil du temps, nous avons eu à nous battre, à remettre la vérité à sa place,
06:31 notamment quand certains, je pense à M. Rachid Bouchareb, lorsqu'il a produit deux de ses films,
06:41 où il montrait que, lors de la dernière guerre mondiale par exemple,
06:48 seuls les Français d'Algérie, parce que nous étions tous Français d'Algérie,
06:54 - Bien sûr, bien sûr.
06:56 - Les Français d'Algérie... - Mais ils ne parlaient que des indigènes, c'est ça que vous voulez dire ?
07:00 - Absolument, absolument. Or, on sait qu'en termes de taux de mobilisation,
07:05 les Français européens d'Algérie ont été les plus nombreux à venir défendre la mère patrie.
07:13 - Oui, allez-y, allez-y.
07:15 - Non, j'allais dire que plus récemment, lorsque le candidat Emmanuel Macron a, en 2017,
07:25 déclaré en Algérie que la colonisation avait été un crime contre l'humanité,
07:36 bien évidemment les Français d'Algérie ont réagi,
07:39 parce que s'il y a eu crime contre l'humanité, il y avait un genre de crime,
07:43 donc nos aïeux, tous ceux qui faisaient l'Algérie, et puis ça n'a pas été ça.
07:50 - Oui, alors justement, Suzy Simonikès, parce que crime contre l'humanité,
07:55 c'est quelque chose de très grave. On a qualifié ce qui s'est passé entre 1940 et 1944
08:00 de crime contre l'humanité, comme le génocide des Arméniens, le génocide des Juifs et autres,
08:05 et les 20 millions de morts russes.
08:08 Et qu'est-ce que vous avez ressenti, vous, vos amis, vos familles, etc.,
08:12 quand vous avez entendu Emmanuel Macron dire, en Algérie, c'était pas dans sa campagne électorale,
08:17 voilà, la colonisation est un crime contre l'humanité.
08:20 Qu'est-ce que vous avez ressenti, quand vous avez réagi ?
08:23 - Ben écoutez, on a tous réagi, les Français d'Algérie, on a tous réagi de la même façon.
08:27 On a été ulcérés, on a été peinés, on a considéré que les mots qui étaient utilisés étaient,
08:36 s'ils qualifiaient bien d'autres épisodes de l'histoire, s'ils étaient tout à fait adaptés,
08:43 ils ne l'étaient pas pour la colonisation, ils ne l'étaient pas pour nous, Français d'Algérie.
08:48 On a tellement mal réagi que le cercle algérianiste a décidé de déposer une plainte
08:53 contre M. Macron pour diffamation, et c'est notre avocat Gilles-William Golnadel
08:59 qui en a été chargé. Je peux vous dire que cette plainte, bien sûr,
09:03 elle s'est éteinte avec l'élection à la présidence de la République de M. Macron,
09:08 mais pour autant, nous la gardons sous le coude.
09:11 - Juste un mot, justement, Suzy Simonichez, si à la fin du quinquennat,
09:17 normalement Emmanuel Macron ne se présente pas et n'est plus président de la République,
09:21 est-ce que vous allez remettre ça sur le tapis ?
09:24 - Mais bien évidemment, bien évidemment, parce que nous avons interpellé à plusieurs reprises
09:31 le président de la République, je l'ai fait, en lui demandant de revenir sur ses propos
09:36 dans la mesure où il avait peut-être une meilleure connaissance maintenant
09:41 de ce qu'avait été l'histoire de la France en Algérie,
09:47 mais pour autant il ne l'a pas fait, donc oui, nous réactiverons la plainte.
09:51 - Le rapport qu'il a demandé en 2021 à Benjamin Stora, justement,
09:56 sur la mémoire de la colonisation et la guerre d'Algérie,
09:59 ce rapport a fait polémique à l'époque, donc en France et aussi en Algérie.
10:03 Vous, en tant que Pied-Nord, vous l'aviez perçu comment ce rapport ?
10:07 - Nous, en tant que Pied-Nord, nous avons considéré que ce rapport n'était absolument pas crédible.
10:16 Pour quelles raisons ? D'abord, il était quasiment à charge de la France,
10:22 il a été écrit par un historien français et finalement il aurait été écrit par un historien algérien,
10:31 que c'eût été la même chose.
10:33 Évidemment, la parole des Français d'Algérie est passée sous silence,
10:36 alors on a voulu nous faire croire que certaines des propositions permettraient
10:46 un juste rééquilibrage de l'histoire et permettrait ensuite d'aller vers une histoire apaisée.
10:54 Force est de constater aujourd'hui que ce rapport n'a servi strictement à rien.
11:00 - Mais aujourd'hui, quel geste d'apaisement vous attendez d'Emmanuel Macron ?
11:06 Il a décidé de réouvrir les archives sur la guerre d'Algérie
11:10 et autorisé la consultation des dossiers impliquant les mineurs.
11:12 Est-ce que ce geste est suffisant selon vous pour apaiser la douleur de votre communauté ?
11:20 - Pour apaiser les mémoires, il faudrait surtout que le président de la République,
11:26 le président de tous les Français, obtienne de l'Algérie,
11:31 que les archives de l'Algérie soient ouvertes,
11:33 que les drames qui ont été les nôtres, ceux des Français disparus, enlevés, jamais retrouvés,
11:40 que l'Algérie s'explique.
11:43 Il y a des historiens, des chercheurs qui ont fait des travaux
11:49 sur notamment le drame des enlèvements des disparus en Algérie.
11:53 Il y a des cinéastes, je pense en particulier à Georges-Marc Benhamou,
11:58 qui a fait un travail exceptionnel sur l'affaire du Saint-Juillet à Oran.
12:03 - À Oran, oui.
12:04 - Il n'en demeure pas moins que ce que nous attendons du président de la République,
12:08 c'est qu'il demande à ses homologues algériens, à son homologue algérien et aux historiens,
12:15 de nous ouvrir les archives algériennes, car nous voulons savoir ce que ces centaines,
12:21 on estime que c'est environ 700 personnes qui ont été...
12:25 - L'inché abattue, enlevée par l'UEFN et la LN à l'époque, effectivement.
12:30 - Le devoir de mémoire et la lutte contre l'oubli, c'est ça ?
12:35 - Complètement.
12:36 - Et oui, parce que ce massacre, il faut le rappeler André Bercoff,
12:39 il a été ignoré pendant plus de 60 ans.
12:42 - Je crois qu'il faudrait peut-être parler juste...
12:45 - Oui, parlons des actions du cercle algérianiste, parce qu'elles ont été très nombreuses, Suzy, Simon.
12:52 Nikes, notamment, vous avez ouvert à Perpignan, en 1973, un musée,
12:59 le musée de l'Algérie française,
13:01 et en 2007, vous avez créé un mémorial dédié aux Français d'Algérie disparus pendant la guerre.
13:09 - C'était une promesse que nous avions faite aux familles de disparus en 2004,
13:15 parce que le fort, c'était de constater qu'elles n'avaient pas de lieu où se retrouver
13:20 et pouvoir rendre hommage à ceux dont elles ignoraient tout de ce qui leur était arrivé.
13:26 Alors, effectivement, nous avons à Perpignan le mémorial national des Français disparus en Algérie,
13:31 qui comporte 2416 noms, patronyme de personnes de toute confession,
13:40 hommes, femmes, enfants, vieillards, militaires, harkis, musulmans,
13:48 qui ont été enlevés par le FLN.
13:50 Et c'est véritablement un mémorial qui, encore aujourd'hui, a tout son sens,
13:58 parce que les familles viennent s'y recueillir.
14:00 C'est le seul endroit qu'elles ont.
14:02 - Qu'elles ont, absolument.
14:03 Et vous avez ouvert un centre de recherche aussi, Céline, comme vous le savez,
14:06 sur les disparus, qui collectent depuis 2005 des témoignages et des documents.
14:10 850 dossiers ont été constitués.
14:12 Dites-moi, Suzy Simonniquez, vous-même, vous êtes revenue en Algérie ?
14:18 Ou pas du tout ?
14:19 - Oui.
14:20 Suzy, je suis née en 1954, pour rien vous cacher.
14:23 - 54, non, on voulait dire 64.
14:26 - Non, non, je suis née en 1954.
14:29 - Pardon, née, j'ai entendu revenu.
14:31 - Je suis retournée en Algérie en 1984, pour mes 30 ans,
14:37 avec mon tout jeune mari à l'époque, nous venions de nous marier,
14:43 parce que j'avais besoin, justement, de faire un retour sur ce passé,
14:49 parce que j'avais des souvenirs d'enfants qui étaient merveilleux et magnifiques.
14:55 J'avais aussi des souvenirs qui étaient perturbants,
14:59 en ce sens que, tout enfant, déjà, on m'avait appris des gestes,
15:04 des gestes que l'on conserve toute sa vie, les gestes de vigilance.
15:09 - Dès l'enfance, vous avez pris ça, oui, bien sûr.
15:12 - Et vous êtes revenue, et ça vous a fait quoi, en fait ?
15:18 Vous vous êtes dit, là je suis étrangère, c'est ma terre natale,
15:22 mais c'est ma terre étrangère ?
15:24 - Le sentiment est très ambiguë,
15:28 parce qu'on y rencontre des personnes qui étaient les amies de mes parents,
15:34 qui donc m'ont connu enfant, qui eux sont toujours en Algérie,
15:40 c'est comme si on retrouvait sa famille, la famille que l'on n'a pas vue depuis longtemps,
15:45 et l'on garde cette affection énorme, parce qu'elle existe et qu'on ne peut pas la nier.
15:52 Et puis on a aussi ce sentiment, quand on rentre dans sa propre maison,
15:56 d'être étranger chez soi, c'est très compliqué.
16:00 En tout cas, je peux vous dire qu'après ce séjour,
16:04 j'ai promis à mes parents, qui, hélas, ne sont plus là,
16:08 que je ne les emmènerai pas en Algérie,
16:11 parce que je pense que ce qui a été douloureux pour moi,
16:14 l'aurait été bien plus pour eux.
16:17 - Bien sûr, bien sûr.
16:18 - En tout cas, c'est vrai que moi je suis aussi d'une famille de pieds noirs,
16:21 et je sais que tous les pieds noirs rêvent un jour de retourner, effectivement,
16:25 sur leur terre natale.
16:27 Suzy, Simon, Nikes, avant de faire une petite pause,
16:30 un mot sur le programme du congrès qui commence aujourd'hui à Béziers.
16:34 Racontez-nous les temps forts de ce congrès.
16:37 - Alors d'abord, des invités exceptionnels.
16:41 Vous les avez annoncés tout à l'heure,
16:44 nos amis Boilem Sansalle et Xavier Driancourt,
16:49 qui vont me succéder ici.
16:52 Mais aussi, aussi, Philippe Devilliers,
16:57 demain avec qui nous allons partager une partie de notre histoire commune,
17:04 mais je n'en dis pas davantage.
17:06 D'attendant aussi Malika Sorel,
17:08 et puis d'autres personnalités comme Dimitri Casali,
17:12 Alain Vircondelet, et tant d'autres.
17:15 C'est vrai que le programme cette année pour nos 50 ans est exceptionnel,
17:18 tellement bien que nous avons déjà plus de 800 personnes inscrites.
17:22 - C'est bien, et puis pour ceux qui habitent à côté ou autres,
17:25 sachez qu'il y a effectivement cette commémoration, ce congrès exceptionnel.
17:31 - Eh oui, au Palais des congrès de Béziers, André Bercoff,
17:34 Suzy Simon-Niquez, merci d'être venu sur Sud Radio.
17:38 Dans un instant, le grand écrivain algérien Boilem Sansalle
17:42 et l'ancien ambassadeur de France à Alger, Xavier Driancourt,
17:46 seront avec nous en direct sur Sud Radio, depuis Béziers, à tout de suite.
17:50 Cruel qui rend hommage au pays son enfance, l'Algérie, André Bercoff,
17:53 c'est aussi celui du célèbre écrivain Boilem Sansalle,
17:56 qui vit à une cinquantaine de kilomètres d'Alger,
17:59 et qui vient de nous rejoindre sur Sud Radio.
18:02 Bonjour à vous Boilem.
18:04 Alors vous êtes l'auteur de nombreux livres,
18:06 notamment "Abraham, la cinquième alliance"
18:08 et "Le serment des barbares" paru chez Gallimard.
18:11 Actuellement donc vous êtes à Béziers pour le congrès du cercle algérianiste.
18:15 En quoi c'était important pour vous de participer à cette manifestation,
18:20 comme vous l'avez fait les années précédentes,
18:22 enfin il y a quelques années aussi ?
18:24 - Je considère que les pieds noirs font partie de ma famille,
18:30 et donc célébrer des anniversaires comme celui-ci est quasiment un devoir,
18:36 un devoir sacré. Je ne pouvais pas ne pas être là
18:39 avec ceux qui pendant un siècle et demi ont été,
18:43 en quelque sorte, de ma famille.
18:46 - Alors vous aviez 13 ans en 1962, Boilem Sansalle.
18:51 Quel souvenir vous gardez justement de cette période dramatique
18:55 de l'histoire entre la France et l'Algérie ?
18:59 - Alors en 1962, les Algériens sont entrés dans une exaltation
19:05 que vous pouvez imaginer. C'était la libération.
19:08 Au même moment d'ailleurs, dans le monde,
19:13 on célébrait d'autres libérations.
19:16 C'était, je le rappelle, le temps des décolonisations.
19:19 Donc on ne peut pas se dire qu'en Afrique, en Asie,
19:21 les peuples se libéraient de la colonisation
19:24 et rentraient évidemment dans un nouveau monde.
19:27 Les Algériens ont été évidemment tout à fait
19:33 - Exaltés.
19:35 - Comportés dans cette vague de bonheur, submergés,
19:38 ce qu'on appelait le tiers monde.
19:40 - C'était, oui, c'était la grande période.
19:43 Bonjour Boilem Sansalle.
19:45 - Bonjour, Marc Hoff.
19:46 - Je voulais justement vous demander,
19:48 parce que c'est très intéressant, vous avez dit un mot
19:51 et c'est quand même à la fois, je dirais, courageux et très légitime.
19:55 Vous dites, voilà, ça fait partie de la famille.
19:57 Moi, je suis Algérien, je m'appelle Boilem Sansalle,
20:00 elle s'appelle Suzy Nikes,
20:03 et bien c'est la même famille.
20:05 Et malheureusement, aujourd'hui, on a l'impression que ce mot de famille,
20:09 peut-être, je ne dis pas qu'il n'existe plus,
20:12 mais il est tellement ébréché de part et d'autre de la Méditerranée
20:16 qu'il est bon d'entendre cela.
20:18 Et vous pensez qu'il y a une possibilité,
20:21 en tout cas qu'il y a un potentiel,
20:23 que ce "je t'aime, moi non plus" entre l'Algérie et la France,
20:27 60 ans maintenant,
20:29 de l'indépendance de l'Algérie, un peu plus de 60 ans,
20:32 est-ce que c'est quelque chose qui est un souvenir du passé
20:35 ou c'est quelque chose qui est toujours
20:37 à la potentialité et à la résurrection, si vous voulez ?
20:42 - En fait, c'est tout à fait une réalité présente.
20:45 Quand les Pieds-Noirs rentrent en Algérie pour leurs vacances
20:48 ou pour visiter leur village, leur quartier,
20:52 ils sont accueillis par des Algériens
20:55 heureux de les recevoir,
20:57 qui les reçoivent avec toujours cette phrase
21:00 "Bienvenue chez vous".
21:02 Non, la famille existe toujours.
21:04 Mais elle est au-dessus du langage entre les gens.
21:09 Il y a le langage officiel.
21:11 - Le langage des politiques.
21:13 - Le langage officiel, tiens, notre discours.
21:16 La guerre d'Algérie se poursuit sur un autre plan,
21:20 un plan linguistique, un plan religieux,
21:22 un plan économique.
21:24 Mais pour les peuples, la chose est simple.
21:27 Nous sommes la même famille, nous continuons à vivre
21:29 dans ce contexte-là.
21:31 - Mais est-ce qu'on peut parler de regret ?
21:33 Est-ce que les Algériens regrettent le départ
21:35 de ces Pieds-Noirs ou pas ?
21:37 - Mais tout à fait.
21:39 Je peux vous le garantir, beaucoup d'Algériens,
21:41 notamment ceux d'un certain âge,
21:43 des Algériens de plus de 50 ans,
21:45 parce qu'ils connaissent évidemment cette histoire-là,
21:49 eux regrettent évidemment.
21:51 Moi je regrette tout particulièrement
21:53 le départ des Pieds-Noirs d'Algérie.
21:55 S'ils étaient restés, je pense que nous n'en serions pas là.
21:58 - C'est-à-dire que s'ils étaient restés,
22:00 la tragédie aurait pu être évitée, selon vous ?
22:02 - Comment ?
22:03 - La tragédie aurait pu être évitée, vous dites,
22:05 si les Français étaient restés ?
22:07 - Je pense, oui.
22:09 Je pense qu'on aurait évolué différemment.
22:11 On aurait été inscrits dans une histoire,
22:14 dans l'histoire de la Méditerranée,
22:16 dans l'histoire de la relation entre le Maghreb et l'Europe.
22:20 Or là, on a été emportés dans une histoire,
22:22 on a été en quelque sorte attelés
22:27 à d'autres civilisations,
22:29 la civilisation du Moyen-Orient,
22:31 l'URSS,
22:33 donc on est partis dans une toute autre direction
22:36 de celle qui était la nôtre,
22:37 tracée par l'histoire, depuis Rome.
22:39 - Mais alors justement...
22:40 - La Méditerranée occidentale,
22:44 évidemment, il y a eu des débats,
22:46 il y a eu des guerres entre nous, tout le temps.
22:48 Il y a toujours des guerres dans les familles,
22:51 il ne faut pas le nier.
22:52 Mais on a changé d'histoire.
22:54 Cette histoire nous gêne tous aujourd'hui.
22:57 Elle gêne les Pinoirs, évidemment,
22:58 elle gêne les Algériens,
22:59 qui ne se reconnaissent pas dans l'histoire
23:02 inventée par le pouvoir algérien.
23:04 - Mais en même temps, justement,
23:06 vous posez la question fondamentale,
23:08 c'est en sous-jacence.
23:10 Aujourd'hui, vous le savez,
23:12 le multiculturalisme est battu en brèche,
23:14 un peu partout, d'ailleurs, pas seulement.
23:16 Parce que ce que vous auriez souhaité,
23:18 ce serait une Algérie, je dirais, multiculturelle,
23:21 quand je dis familiale, entre guillemets,
23:23 où il y a effectivement toutes les civilisations
23:25 qui peuvent s'épanouir.
23:26 Et malheureusement, du Liban à ce qui se passe aujourd'hui
23:29 au Proche-Orient et un peu partout,
23:30 pas seulement au Proche-Orient,
23:32 on voit au contraire que le multiculturalisme,
23:34 justement, ce n'est pas l'ennemi,
23:36 mais c'est l'identité qui joue
23:39 pour le meilleur et pour le pire,
23:40 ce n'est pas le problème.
23:41 Est-ce que vous ne pensez pas, par exemple,
23:43 quand j'ai entendu, et on a entendu,
23:45 que dans les écoles privées d'Algérie,
23:47 le français allait être interdit d'enseignement
23:49 dans les écoles privées,
23:50 et qu'il n'y aurait que l'anglais,
23:52 qu'est-ce que ça veut dire, M. Sansal ?
23:54 Qu'est-ce que ça signifie ?
23:56 - Le pouvoir algérien cherche par tous les moyens
24:00 à se légitimer au pouvoir.
24:02 Donc il a utilisé différents mécanismes
24:04 de légitimation.
24:06 Au départ, l'indépendance a été,
24:09 nous sommes les libérateurs de ce pays,
24:12 donc c'est tout à fait normal que nous le gouvernions,
24:15 donc c'était ce qu'on a appelé
24:16 la légitimité historique.
24:17 Et puis, au fil du temps,
24:19 cette légitimité s'est épuisée,
24:21 on est passé à autre chose,
24:23 c'est la légitimité musulmane.
24:25 C'est parce qu'on est musulmans,
24:27 et qu'on est là, qu'on est capable de défendre
24:30 l'islam contre l'impérialisme américain, etc.
24:34 Donc on a fonctionné sur cette légitimité.
24:37 Aujourd'hui, le pouvoir est nu,
24:39 il n'a plus de possibilité de se légitimer
24:41 autrement que par la violence.
24:43 Mais tout à l'heure, vous avez empris le mot "multiculturalisme".
24:49 - Oui.
24:50 - En fait, en Algérie, je crois qu'on était un peu au-delà de ça.
24:57 Il était en train de se constituer un nouveau peuple.
25:00 Le multiculturalisme suppose des peuples différents
25:03 qui vivent ensemble sur un modus vivendi.
25:08 Ce n'est pas le cas.
25:10 Là, il y a une fusion populaire
25:13 entre les habitants,
25:15 ce que tout à l'heure, je suis allé appeler les indigènes,
25:18 c'est-à-dire les autochtones du pays,
25:21 qui sont arabes, berbères, africains,
25:24 de toutes différentes origines,
25:27 avec d'autres peuples de la Méditerranée.
25:30 Et petit à petit, il y a eu une sorte d'alchimie qui a fonctionné.
25:33 Peut-être aidée un peu par le pouvoir jacobin français
25:43 qui voulait absolument unir, assimiler tout le monde à la langue française.
25:48 Une alchimie a fonctionné,
25:50 et a commencé à se créer un peuple.
25:52 - Oui, mais Boëlem Sansalle, pardon,
25:56 mais elle n'a plus fonctionné, justement.
25:58 Elle a été rompue, cette fusion-là.
26:01 Et c'est bien ça le problème.
26:02 Quand je dis multiculturalisme,
26:04 pas seulement entre des civilisations,
26:06 on a un vrai problème, c'est-à-dire que
26:08 certains ont dit, effectivement,
26:10 et c'était Ben Bella, effectivement, qui disait
26:12 "Nous sommes des Arabes, nous sommes des Arabes, nous sommes des Arabes."
26:15 Et d'ailleurs, vous avez parlé de la Kabylie,
26:17 et vous avez tout à fait raison,
26:18 la Kabylie aussi a une autre identité,
26:20 enfin en tout cas, qu'elle revendique,
26:23 ou que certains revendiquent.
26:25 Le problème, c'est qu'on voit très bien aujourd'hui en France,
26:28 et vous en avez parlé aussi, vous en parlez,
26:30 on voit très bien que le communautarisme,
26:32 ou les communautarismes, sont en train,
26:34 effectivement, de, allez, entre guillemets,
26:37 "libaniser" le pays.
26:39 Est-ce que vous ne voyez pas
26:41 quelques parallèles préoccupants
26:43 entre la France et l'Algérie, de ce point de vue-là ?
26:46 - Ecoutez, l'histoire de la France
26:50 n'a pas grand-chose à voir avec l'histoire d'Algérie.
26:53 - C'est vrai.
26:55 - On a eu un contexte particulier, historique,
26:58 peut-être un peu miraculeux sur les bords,
27:00 et ça a créé quelque chose.
27:02 Une sorte d'unité qui restait affinée.
27:05 On était au tout début de cette histoire.
27:09 Elle a été, évidemment, rompue à partir de la Deuxième Guerre mondiale,
27:13 les événements de Sept-Ives ont été un choc pour les communautés,
27:17 à partir de là, la méfiance s'est installée,
27:19 et un processus de rupture s'est installé,
27:22 qui a amené au déclenchement de la guerre de 1954,
27:27 entre les Algériens et l'État français.
27:33 Pas contre le peuple français d'Algérie,
27:36 contre l'État français, le totalisme français.
27:39 L'histoire de France est différente.
27:42 Je dirais même qu'elle n'a rien à voir.
27:44 - Non, non, je suis d'accord.
27:46 - La France s'est ouverte, après la Deuxième Guerre mondiale,
27:48 à une émigration diverse et variée, notamment musulmane,
27:51 venant du Maghreb, du Sahel, et du Méditerranée.
27:57 Il y a eu un paramétrage culturel qui s'est installé,
28:03 et différent, donc la France n'a pas su gérer, intégrer,
28:07 ces populations, donc c'est installé.
28:12 - Ce qui s'installe en ce moment.
28:17 - B.S. Sam, j'aimerais qu'on revienne avec H.Berkhoff,
28:21 sur une déclaration que vous avez faite dans le Figaro, vendredi dernier.
28:24 Vous avez dit ceci, "Due à Masaharas, l'Islam radical a déclenché
28:28 une guerre sainte contre l'Occident".
28:30 A votre avis, la France a-t-elle conscience des enjeux de cette guerre,
28:35 qui se poursuit, il faut le rappeler, depuis l'avènement de l'Islam ?
28:39 - Je crois que la France est simplement coincée.
28:44 La France n'ose pas s'affirmer par rapport à l'Islam et à l'islamisme.
28:53 Elle cherche un peu à composer.
28:55 L'idée au départ, c'était que les Français pensaient que
29:01 les communautés venant d'Afrique du Nord et d'ailleurs,
29:05 pourraient s'intégrer assez facilement à la civilisation française.
29:11 Ils pensaient que l'Islam était soluble dans la démocratie.
29:14 Et petit à petit, ils découvrent que ce n'est pas le cas.
29:17 On garde son identité et que l'Islam n'est soluble dans rien du tout.
29:22 Il n'est peut-être même pas soluble dans l'Islam lui-même.
29:25 L'Islam est tellement replié sur lui-même qu'il n'accepte aucune contrainte.
29:32 - Mme Sancel, vous ne... - L'Islam, il ne peut pas évoluer,
29:34 il a besoin de se contredire.
29:36 - Pardon, vous ne... - Il ne le fait pas.
29:38 La France est dans une période où elle doit se décoloniser.
29:43 Décoloniser sa pensée par rapport à l'Islam,
29:47 par rapport à ce monde, du tiers-monde.
29:50 Qu'est-ce qu'elle en fait ? Ils sont là, qu'est-ce qu'on en fait ?
29:53 - Vous ne séparez pas, Mme Sancel, l'islamisme de l'Islam ?
29:58 - Moi, j'ai l'habitude de dire que l'islamisme est le vecteur balistique de l'Islam.
30:06 L'islam, par définition de toutes les religions, est expansionniste, il est posélite.
30:11 Donc, son but, c'est de conquérir des territoires,
30:16 prêcher, convertir les gens, amener les mécréants, les infidèles à l'islam.
30:23 L'islamisme est une procédure pour accélérer ce processus.
30:27 L'islamisation, si elle suit son cours, elle s'établit sur des siècles.
30:33 Pourquoi islamiser un peuple, convertir un peuple, il faut plusieurs siècles, plusieurs décennies.
30:38 L'islamisme est un processus, un mécanisme pour accélérer l'histoire.
30:43 Et pour accélérer l'histoire, il faut faire pression sur les gens qu'on veut convertir.
30:50 - Beaucoup de polémiques va se mouiller.
30:52 - En quelque sorte, les obliger, les devancer dans peut-être leur questionnement,
30:57 et puis éventuellement les terroriser, donc, terroriser à force.
31:02 - En tout cas, vous allez déclencher beaucoup de questionnements avec vos propos, vous l'avez déjà fait.
31:06 - Oui, j'aimerais savoir, Boalem Sinsan, depuis l'attaque du Hamas contre Israël,
31:12 dans quel état d'esprit êtes-vous ? Je sais que vous posez de nombreuses questions,
31:17 vous l'avez déclaré dans une interview à Marianne.
31:20 - Ecoutez, moi j'ai beaucoup de peines, et pour les Israéliens, et pour les Palestiniens.
31:30 - Ils ont été piégés par les extrémistes, par les radicaux.
31:36 - De part et d'autre.
31:38 - Les Gazaouis, qui sont des musulmans sympathiques, comme tous les autres,
31:41 ont été piégés par le Hamas, qui est pour le moins un parti intégriste et terroriste.
31:49 Et les Israéliens eux-mêmes sont coincés par les ultra-orthodoxes,
31:53 et donc c'est la guerre entre orthodoxes, les peuples israéliens et palestiniens,
31:58 pour être parfaitement vies et rompées, comme ils le font d'ailleurs en France, aux Etats-Unis ou ailleurs.
32:04 Ils peuvent très bien avoir des relations radicales.
32:08 Le monde aujourd'hui, d'une manière générale, est piégé par les extrémistes,
32:12 dans tous les domaines, pas seulement les extrémistes religieux,
32:15 mais les extrémistes en matière d'économie, en matière d'écologie, en matière de sexualité,
32:20 - En matière de woke et de cancel culture.
32:23 - Et tant que les peuples maintenant se réapproprient leurs paroles,
32:28 et qu'ils n'aient pas peur d'entrer dans le combat pour leur propre libération,
32:33 les palestiniens, les gazaouis devraient avoir le courage de se libérer du Hamas,
32:38 et les israéliens devraient avoir le courage de se libérer des orthodoxes.
32:43 Puis à partir de là, entre gens normaux, les choses seraient possibles.
32:49 On trouverait un modus vivendi assez facilement,
32:53 surtout si la communauté internationale, de manière, on va dire, intelligente et sincère,
33:00 leur prête main forte.
33:02 - Voilà, merci Boalem Sansa.
33:04 Vous avez raison de rappeler que ce qui est le plus important,
33:07 c'est de rappeler un peu de rationalité, un peu de normalité,
33:11 dans les délires de part et d'autre.
33:14 - Merci à vous Boalem.
33:16 - On se retrouve dans un instant sur Sud Radio André Berkhoff,
33:19 avec Xavier Driancourt, ancien ambassadeur de France à Alger.
33:22 Aujourd'hui, sommes-nous dans une paix armée avec l'Algérie ?
33:25 Eh bien, on en parle dans un instant sur Sud Radio, à tout de suite.
33:28 "Algérie avec ou sans fusil, ça reste un beau pays",
33:31 dit Serge Lama dans cette chanson André Berkhoff.
33:33 Eh bien, ce pays, vous le connaissez très bien Xavier Driancourt.
33:36 Bonjour à vous et merci d'être avec nous en direct sur Sud Radio.
33:40 Alors, vous avez été ambassadeur de France à Alger de 2008 à 2012,
33:43 et de 2017 à 2020.
33:45 Dans votre livre "L'énigme algérienne",
33:47 chronique d'une ambassade à Alger, parue aux éditions de l'Observateur,
33:50 vous dressez un tableau sans concession des relations entre la France et l'Algérie.
33:54 Alors, avec la guerre au Proche-Orient, à votre avis,
33:57 les relations vont-elles devenir encore plus difficiles qu'avant ?
34:02 - Bonjour d'abord à tous les deux.
34:07 - Bonjour Xavier Driancourt.
34:09 - Il est sûr que la guerre et les événements du Proche-Orient
34:11 vont encore compliquer les relations entre la France et l'Algérie,
34:14 parce que, comme l'a très bien dit Boalem Sansal,
34:17 la question palestinienne rabat un peu les cartes.
34:23 Il y a deux éléments.
34:25 Il y a d'une part les accords d'Abraham
34:28 qui ont entraîné le Maroc dans le camp américain et israélien,
34:35 et la guerre en Ukraine qui a entraîné de son côté l'Algérie
34:40 ou qui a confirmé l'Algérie dans son alliance avec la Russie.
34:44 Et aujourd'hui, la crise palestinienne,
34:47 qui est une cause un peu fédératrice dans le monde musulman,
34:52 dans la rue arabe, comme on dit,
34:54 cette crise palestinienne complique effectivement
34:57 ce jeu politique et cette diplomatie internationale.
35:01 On voit que le Maroc est assez prudent du reste sur les événements d'Israël.
35:09 Xavier Delancourt, on vous avait reçu avec plaisir
35:11 pour parler de votre livre "L'énigme algérienne".
35:14 Mais est-ce qu'aujourd'hui, le problème avec ce qui se passe,
35:19 est-ce que, vous savez, on a beaucoup dit
35:21 qu'une des raisons pour lesquelles le Hamas,
35:23 cornaqué par l'Iran, on le sait,
35:25 et par le Qatar, on le sait aussi,
35:28 on dit qu'une des raisons, c'était pour empêcher
35:32 que l'Arabie Saoudite rejoigne justement les accords d'Abraham,
35:35 parce qu'il était question d'un rapprochement
35:37 entre l'Arabie Saoudite et Israël.
35:39 Vous pensez que c'est une des raisons ?
35:41 Et au-delà de ça, vous pensez qu'effectivement,
35:43 cette division, ce basculement du monde
35:46 qui affecte aussi le Moyen-Orient,
35:48 est en train de jouer à tous les étages ?
35:51 - Mais c'est réussi pour le coup, de la part du Hamas,
35:55 c'est réussi parce que les accords d'Abraham,
35:57 ils datent de 2016, à ma connaissance,
36:00 et un certain nombre de pays
36:03 Bahreïn, les Émirats Arabes Unis,
36:06 le Maroc, qui ne sont pas des moindres,
36:09 ont négocié avec Israël, ont reconnu Israël.
36:13 Le tourisme israélien aujourd'hui aux Émirats Arabes Unis,
36:17 à Dubaï, est un tourisme très important.
36:20 Donc l'Arabie Saoudite, si elle venait à reconnaître Israël
36:24 et à se rapprocher d'Israël,
36:26 comme l'ont fait ses voisins,
36:28 ce serait un élément majeur dans le jeu diplomatique.
36:31 Donc pour le coup, le Hamas a réussi son coup,
36:34 en freinant ou en interrompant, pour combien de temps on verra,
36:37 mais en tout cas, en arrêtant pour le moment le processus
36:40 engagé par l'Arabie Saoudite.
36:42 - Ah l'Arabie Saoudite, oui.
36:43 - Et par le prince héritier, principalement.
36:46 - Oui, bien sûr, Mohamed Ben Selman, bien sûr.
36:49 Mais pour revenir à la France et l'Algérie,
36:51 on avait parlé, vous savez avec vous,
36:53 de Théboune, qui devait venir, qui n'est pas revenu,
36:55 l'hymne national algérien, le couplet,
36:57 on en avait parlé, a rajouté, date en 1955, etc.
37:02 Aujourd'hui, à votre avis, c'est encore,
37:05 je le jetais à moi non plus, encore un peu,
37:07 je dirais pas glacial, mais froid ?
37:10 Et ça va le rester ?
37:12 - Toujours, oui, je crois qu'il y a des propos officiels
37:17 de part et d'autre,
37:19 mais si vous voulez les derniers événements,
37:22 reprenons-les, c'est les propos du président algérien
37:26 à Moscou sur Poutine, le plus grand homme
37:30 que l'humanité a créé, peut-être après Jésus-Christ,
37:33 en tout cas aujourd'hui le plus grand homme de l'humanité.
37:36 - Ou avant, oui.
37:38 - C'est le communiqué du gouvernement algérien
37:41 au moment des émeutes en France,
37:43 pour soutenir les émeutiers.
37:47 - Après la mort de Nadel, surtout.
37:49 - Imagine-t-on un communiqué français
37:51 au moment du Hirak,
37:53 il y a 4 ans, 5 ans, en Algérie,
37:56 appelant le gouvernement algérien
37:58 à protéger les Français d'Algérie.
38:00 J'aurais été, en tant qu'ambassadeur,
38:02 immédiatement convoqué, voire expulsé,
38:05 pour de tels propos.
38:07 On ne peut pas dire que les relations
38:09 sont particulièrement chaleureuses.
38:11 Le dernier épisode, c'est l'interdiction
38:14 du français, des programmes français
38:16 dans les écoles algériennes.
38:18 - Et le refus des visas aussi
38:20 à certains pieds noirs qui voulaient retourner
38:22 dans leur pays pour entretenir
38:24 des cimetières qui avaient été saccagées.
38:26 Mais la réconciliation franco-algérienne,
38:30 elle est possible un jour, ou pas du tout,
38:32 au point où on en est aujourd'hui,
38:34 Xavier de Riencourt ?
38:36 - Elle passera de toute façon
38:38 par les pieds noirs et les harkis,
38:41 qui font partie de l'histoire de l'Algérie,
38:43 qu'on le veuille ou non.
38:45 - Bien sûr. La famille dont parle le bonhomme sans salle.
38:48 - Le président de la République, du reste, l'avait dit,
38:50 je m'en souviens, à Bouteflika,
38:52 dans l'entretien qu'il avait eu avec lui,
38:54 il l'avait dit à Bouteflika,
38:56 "Vous ne pouvez pas faire payer aux enfants
38:59 les fautes de leurs parents."
39:01 - Oui, c'est de sages paroles, effectivement.
39:05 - Donc la réconciliation devra intégrer,
39:09 évidemment, cette partie de la population
39:12 qui est partie intégrante de l'histoire algérienne.
39:14 - Et oui.
39:16 - Et espérons vraiment qu'elle se fasse à jour,
39:20 en rétablissant les mémoires,
39:22 et en rétablissant, effectivement,
39:24 et en pensant toutes ces plaies.
39:26 On ne pourra pas le faire complètement, mais on le fera.
39:29 - Xavier de Riencourt, merci d'être venu sur Sud Radio.
39:32 Je précise que demain, à 15h15,
39:34 au Palais des Congrès de Béziers,
39:36 vous participerez à une table ronde avec Boalem Sansalle
39:38 et d'autres intervenants sur le thème
39:40 "Regards croisés sur la France et l'Algérie d'hier et d'aujourd'hui".
39:44 Philippe Devilliers, Dimitri Casali, Malika Soral
39:46 donneront aussi des conférences tout le week-end à Béziers
39:50 dans le cadre des 50 ans du cercle algérianiste.
39:53 Tout de suite sur Sud Radio, vous retrouvez Brigitte Lahaye.

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