François Ruffin, député "Picardie Debout" de la Somme, était l'invité de Guillaume Daret dans Tout le monde veut savoir.
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00:00L'invité du jour, c'est François Ruffin, et vous voyez, il s'est serré la main avec la ministre Amélie de Montchalin.
00:10Bonsoir François Ruffin, merci d'être avec nous sur BFM TV.
00:13La patrie a besoin de vous et de votre engagement, a dit Emmanuel Macron.
00:19Est-ce que vous êtes prêt François Ruffin ?
00:21Prêt à quoi ?
00:23Moi je voudrais que, avant de se demander ce qu'on fait demain, on regarde ce qui vient de se passer sur les dernières semaines et en fait les trois dernières années.
00:32Comment on en arrive à un naufrage diplomatique de cette ampleur ?
00:37Il faut voir qu'on a une guerre qui se déroule sur notre continent, et pourtant les Européens, les Français, ne sont pas à la table de négociation.
00:48Qu'est-ce qui s'est passé ? Comment ça se fait ?
00:50Alors on a un président qui joue les commentateurs à la télévision, mais qui au fond n'est pas un acteur.
00:56Il joue les commentateurs ?
00:57Evidemment, et il n'est pas un acteur, il est un spectateur du match réel sur le terrain, qui se déroule entre Russes et Américains, qui nous exclut, qui exclut les Français, qui exclut les Européens, et qui exclut également les Ukrainiens.
01:12On accordait aucun crédit à l'action diplomatique d'Emmanuel Macron ?
01:15Elle s'est révélée, ces trois dernières années et ces dix derniers jours, d'une particulière médiocrité.
01:21Médiocrité ?
01:22Oui, ses résultats sont affligeants.
01:26Qu'est-ce qui se passe ? Je vous le redis, nous ne sommes pas à la table de négociation pour une guerre qui se déroule sur notre continent.
01:34Comment vous l'expliquez ? Je vais vous l'expliquer moi.
01:37Pendant trois ans, nous avons choisi de ne pas négocier, nous avons choisi de ne pas discuter.
01:45Nous avons choisi de nous tenir sur le strict terrain militaire sans jamais, à un seul moment, ouvrir la voie diplomatique.
01:53Il faut discuter à nouveau avec Vladimir Poutine. Est-ce qu'Emmanuel Macron doit le faire à vos yeux ?
01:58Il ne s'agit pas d'un dialogue en tête-à-tête où il prend son téléphone, comme il l'a fait au début du conflit,
02:04en espérant, par un numéro de charme, séduire le tsar de Russie.
02:08Ça ne peut pas marcher. On a l'affaire à un dictateur, on a l'affaire à un agresseur qui ne connaît que le rapport de force.
02:15Mais le chef de l'État doit parler avec lui ?
02:16Il ne faut pas seul et il faut construire du rapport de force. Mais de toute façon, la question ne se pose plus.
02:22Aujourd'hui, Vladimir Poutine ne reconnaît pas Emmanuel Macron, ne reconnaît pas les Européens,
02:27comme étant une partie conséquente du problème.
02:31François Ruffin, je vous coupe une seconde.
02:33Écoutez, Vladimir Poutine, c'était sa première réaction au propos d'Emmanuel Macron.
02:37C'était il y a tout juste quelques minutes, regardez.
02:43Il y a des personnes qui veulent revenir à l'époque de Napoléon.
02:51En oubliant comment elle s'est terminée.
02:55Qu'est-ce que vous pensez de ces déclarations ? C'est des menaces ?
02:58Je ne crois que ni Emmanuel Macron ni les Français ne veulent renouveler l'expérience de Napoléon.
03:03Personne n'a ici pour ambition de marcher sur Moscou et de subir à nouveau une Bérezina.
03:08Donc tout ça est nul et non avenu.
03:10Mais moi, je voudrais quand même qu'on se dise comment ça se fait que l'Ukraine, qui a eu des succès militaires,
03:18parce que là, il ne faut pas croire que la Russie se soit révélée puissante dans cette guerre.
03:23Elle a révélé sa faiblesse.
03:25Vous avez un Vladimir Poutine qui pensait envahir son voisin en une semaine, parvenir à Kiev.
03:34Et trois ans après, il n'y est toujours pas.
03:36Trois années plus tard, il a conquis.
03:38Et c'est 10% de trop, mais il n'a conquis que 10% du territoire ukrainien supplémentaire.
03:42Donc il n'a pas démontré sa puissance.
03:45Il a démontré en la matière sa faiblesse grâce à l'héroïsme, grâce au sacrifice des Ukrainiens.
03:51Et comment ça se fait que, subissant cet échec, mais subissant d'autres échecs,
03:57parce qu'il pensait qu'il serait accueilli par des ouras par les Ukrainiens,
04:00comme ça avait été le cas en Crimée et dans le Donbass.
04:03À la place, il a vu quoi ? Il a vu qu'une autre nation se solidarisait contre lui.
04:08Il pensait que par la puissance, les pays de l'Est se tourneraient vers la Russie.
04:13C'est l'inverse.
04:14Elles l'ont fui en se réfugiant, comme la Suède et comme la Finlande, dans les bras de l'OTAN.
04:19Donc vous avez un Vladimir Poutine qui essuie un triple échec
04:23et qui, pourtant, à l'arrivée, c'est l'Ukraine qui subit une défaite diplomatique complète.
04:29Là, il y a là une faillite de nos élites.
04:31Il y a là une faillite des élites européennes à entrer en voie diplomatique.
04:36Donc vous n'attendez rien du sommet européen ?
04:38Écoutez, on a eu un sommet européen à Paris.
04:41On en a eu un à Londres.
04:43On en a maintenant un à Bruxelles.
04:45Trois en dix jours.
04:46Et on voit que c'est sans influence, sans importance.
04:48Mais de la même manière que quand les dirigeants européens vont taper à la porte de Washington,
04:53ça n'a aucune conséquence.
04:55Donald Trump, c'est encore un allié ou pas ?
04:57Il est évident que Donald Trump l'a abandonné, trahi la cause ukrainienne très rapidement.
05:04Comment voir ça comme un choc ?
05:06Comment voir ça comme une surprise ?
05:08Il a mené campagne pendant tout l'été en disant « je lâcherai l'Ukraine, je réglerai cette question en 48 heures ».
05:15Est-ce que c'est un allié ? Est-ce que les États-Unis restent des alliés ? Oui ou non ?
05:18Pour moi, il y a une relation d'amitié avec les États-Unis et d'alliance qui date de près d'un siècle.
05:23Il ne s'agit pas de décider unilatéralement de la briser aujourd'hui.
05:27Par contre, il n'y a pas d'alliance avec le président Trump.
05:31Je vous le redis, Donald Trump avait prévenu dès l'été dernier qu'il lâcherait les Ukrainiens.
05:39Et nous n'avons pas bougé.
05:41Pendant les trois mois où Joe Biden…
05:43Est-ce qu'on a été naïfs ?
05:44Ce n'est pas de la naïveté, c'est de la nullité.
05:46De la nullité ?
05:47C'est de la nullité.
05:49Donald Trump vous dit qu'il va se retirer d'Ukraine.
05:54Et nous, alors qu'on aurait pu entrer en négociation en ayant des Ukrainiens qui soient appuyés à la fois par les Européens et par le président américain,
06:05nous n'avons rien tenté, nous n'avons rien essayé.
06:07Donc vous, François Ruffin à l'Élysée, vous auriez convaincu Donald Trump, Vladimir Poutine et Volodymyr Zelensky de se mettre autour de la table ?
06:13En tout cas, il y avait à prendre d'initiative pendant trois années où ça a été gelé.
06:18Moi, je pose la question, quel a été notre but de guerre ?
06:21Je l'ai redit après les débats parlementaires de ce lundi soir.
06:25Quel est notre but de guerre ?
06:27Nous n'énonçons pas quel est notre but de guerre.
06:29Est-ce que notre but de guerre, c'était de faire reculer l'armée russe et de reconquérir le Donbass et la Crimée ?
06:35On a vu très vite que ça serait très difficile, pour ne pas dire impossible.
06:39Est-ce que notre but, c'était de revenir sur la ligne de 2022 et d'annuler les conquêtes russes ?
06:46Ça n'a pas été énoncé.
06:48Quel est notre but de guerre ?
06:49L'autre question qui a été évoquée, François Ruffin, hier soir, c'est celle très concrète de l'argent.
06:52Emmanuel Macron a dit qu'effectivement, on allait se tourner depuis plusieurs jours.
06:55Les ministres évoquent vers ce qu'ils appellent le ministre de l'Économie.
06:58Éric Lombard a parlé d'une économie de guerre.
07:00L'objectif, le budget, c'est 50,5 milliards, le budget de la Défense aujourd'hui.
07:04Le ministre de la Défense dit objectif 90 milliards.
07:07Il faudra faire des réformes, des choix, du courage, a dit hier le chef de l'État.
07:13L'argent, on le trouve où ?
07:15Est-ce que vous êtes favorable à un livret d'épargne qui serait dédié à cela, un livret peut-être patriotique ?
07:20Le terme a été repris par le ministre des Armées, Sébastien Lecornu.
07:24Est-ce que dans ces conditions, le retour sur la réforme des retraites, c'est la priorité ?
07:28On va le chercher où, cet argent ?
07:30De la même manière que sur le terrain militaire, je demande qu'on énonce les buts de guerre.
07:35Là, je demande qu'on énonce les buts de ce qu'on fait aujourd'hui.
07:39Et qu'on ne se mette pas à parler du taux du livret A, de l'âge de départ à la retraite et de la tuyauterie financière
07:48quand il s'agit de se demander notre place sur le terrain géopolitique, diplomatique et militaire.
07:54Est-ce qu'il y a un impact sur le social ?
07:56Je vous dis, la question c'est d'abord qu'est-ce qu'on veut faire ? Quel est le but de ce qu'on fait ?
08:02Et c'est parce qu'on a remis notre destin depuis 40 ans entre les mains de bureaucrates et de comptables
08:07qu'on se retrouve dans cette situation de naufrage, je le répète, de naufrage diplomatique et de fragilité géopolitique.
08:14Donc, la question c'est qu'est-ce qu'on veut faire ?
08:16Et je veux vous dire, moi, les opportunités du moment, d'accord ?
08:19La première chose, c'est quand même, je le rappelle, l'Ukraine a bloqué la Russie.
08:27Ce n'est pas rien.
08:28Et l'argent ? Les Français se demandent est-ce que c'est dans leur portefeuille qu'on va le trouver ?
08:31Je vais vous répondre M.Darren, d'accord ?
08:33Je vais vous répondre mais je demande, moi, qu'on se dise quel est l'objectif qu'on veut remplir.
08:36Est-ce qu'on est dans un moment où on a l'opportunité de sortir de notre vassalité ?
08:42Nous avons vécu 70 ans de soumission, d'obéissance au grand frère américain qui nous a apporté en échange sa production.
08:53Je vous donne cette information qui vient de tomber.
08:55Visiblement, on est en train de commencer à sortir de cette vassalité à vos yeux
08:58parce qu'il y a un feu vert des 27 pays de l'Union Européenne au plan de Bruxelles
09:02pour muscler la défense européenne, sommet extraordinaire qui se tient en ce moment à Bruxelles.
09:07L'argent, je vous ai posé la question, on va le chercher où ?
09:09Certains disent c'est la défense ou le social. L'argent, on va le chercher où ?
09:13Je vais vous répondre M.Darren, je vous promets que je vais vous répondre.
09:15On ne va plus avoir beaucoup de temps, c'est pour ça que je vous pose la question.
09:17Je vous dis, d'abord, c'est pour quoi faire ?
09:19Est-ce qu'il y a un accord des 27 pour dire qu'on sort de la vassalité américaine ?
09:23Ou est-ce que cet argent va nous servir à acheter des armes américaines ?
09:27Est-ce qu'il va y avoir là-dessus un Buy European Act ?
09:29Ou est-ce qu'on va continuer à acheter américains ?
09:31Est-ce que vous craignez des dégâts sociaux ou pas ?
09:33Je vais vous répondre M.Darren.
09:35Mais moi, ma question aujourd'hui, c'est pourquoi faire ?
09:37Vous avez passé un certain nombre de slides à l'écran ou d'infographies
09:42qui montraient que nous avions autant d'hommes en Union Européenne mobilisés que la Russie,
09:48que nous avions plus d'avions, que nous avions plus de temps.
09:52Donc, il faut se demander, d'abord, où sont nos fragilités ?
09:55Sur la France.
09:56Sur l'aspect financier.
09:57Sur la France.
09:58Vous voulez aller à l'aspect financier, mais je vous assure que là,
10:00on est dans un temps de basculement du monde.
10:02Il va y avoir des conséquences très concrètes.
10:05Il va y avoir des conséquences très concrètes et je les aborderai.
10:07Et croyez-moi que je ne vais pas lâcher là-dessus.
10:09Mais simplement, il faut se demander…
10:11Il nous reste trois minutes, c'est pour ça que je vous pose la question.
10:13Où est-ce qu'on est fragiles ?
10:14On est fragiles aujourd'hui parce que la France a des tas de technologies,
10:16mais est incapable de fournir des choses de base,
10:18telles que des munitions, des obus, des drones.
10:21Donc, c'est ça qu'il s'agit.
10:22Et alors, comment on les finance ?
10:24D'abord, le chiffrer.
10:26Ne pas se mettre à dire qu'il nous faut 50 milliards supplémentaires.
10:28Se demander où on en a besoin.
10:30D'accord ?
10:31Et ensuite, il est évident pour moi
10:34que ce qui a toujours fonctionné pendant les guerres,
10:38ce sont des impôts justes.
10:40Ce sont des impôts justes.
10:41La Première Guerre mondiale était le moment de l'invention
10:43de l'impôt sur le revenu.
10:44Il faut faire quoi alors ?
10:45La Deuxième Guerre mondiale a été le moment
10:47où aux États-Unis, Roosevelt a multiplié par 20 l'impôt sur le revenu
10:52et par 16 l'impôt sur les sociétés.
10:54On est dans un temps où les plus riches de notre pays
10:57et les plus grosses entreprises de notre pays
10:59payent moins d'impôts en proportion que les familles modestes
11:03ou que les petites et moyennes entreprises.
11:05Donc, ce sont eux qui doivent financer cet effort de guerre,
11:07si j'ose dire ?
11:08L'effort de guerre qui sera nécessaire,
11:11qu'il s'agit de chiffrer,
11:12il est évident qu'il faut aller aujourd'hui le chercher,
11:15dont ceux qui ont la possibilité de faire cet effort de solidarité.
11:19On sent qu'il y a votre question autour de la question sociale, évidemment.
11:23Ce qui a été abordé aussi par le chef de l'État,
11:25c'est la dimension économique de Donald Trump
11:27qui dit « je vais augmenter les droits de douane sur l'Europe
11:30et donc sur la France ».
11:31Quelle réponse il faut avoir ?
11:32Il y aura des réponses ?
11:34Certains appellent au boycott des produits américains.
11:36C'est votre cas ?
11:37Moi, je pense qu'il nous faut des protections,
11:39je le réclame depuis longtemps,
11:41des protections à l'égard des États-Unis.
11:43Quand je vois que plus de 1500 entreprises ont été vendues
11:45aux États-Unis ces dix dernières années,
11:47dont à la branche énergie de Alstom vendue par Emmanuel Macron,
11:50dont Exelia qui fabrique des composants électroniques
11:53pour l'industrie de la défense…
11:54Quelles mesures de rétorsion ?
11:55Je ne veux pas de mesures de rétorsion.
11:57Donc on se laisse faire ?
11:58Non, je veux des mesures de construction.
12:00L'Europe aujourd'hui, elle s'est déshabillée de sa sidérurgie,
12:03elle s'est déshabillée de sa métallurgie,
12:04elle s'est déshabillée de son textile,
12:06elle s'est débasillée de tout,
12:07parce qu'on est des élites européennes
12:09qui nous ont laissé nous déshabiller…
12:10Mais d'ailleurs, dans l'immédiat,
12:11il va augmenter les droits de douane,
12:12nous on laisse entrer les produits américains…
12:14Je souhaite qu'on fasse quoi ?
12:16Qu'on identifie sur quoi on veut retrouver une souveraineté.
12:19Si on veut retrouver de la souveraineté sur l'acier, je le souhaite,
12:22c'est là-dessus qu'on remonte nos droits de douane
12:24à l'égard des États-Unis,
12:25mais à l'égard aussi de l'Inde et de la Chine.
12:27Si on veut retrouver une base textile,
12:29parce que vous savez, quand on parle d'industrie de défense,
12:32il faut une industrie tôt court,
12:33il faut de l'électronique,
12:34il faut de la sidérurgie,
12:36il faut de la chimie.
12:37Donc si on veut retrouver cette base industrielle,
12:40il nous faut des protections,
12:41mais des protections qui ne soient pas juste des mesures de rétorsion
12:45dans une guerre commerciale,
12:46mais qui soient des mesures de construction.
12:48On entend, c'est quelqu'un qui réfléchit peut-être même
12:50à la programme présidentiel quand on vous entend.
12:52Écoutez, moi je réfléchis déjà au sort de la France aujourd'hui
12:54et je voudrais qu'elle retrouve sa place.
12:56Merci beaucoup François Ruffin.
12:57Parce que je vois, c'est une France humiliée,
12:59c'est pas seulement Volodymyr Zelensky qui a été humilié,
13:01c'est l'Europe qui a été humiliée
13:03quand on a une guerre sur notre continent
13:05et qu'on n'est même pas à la table des négociations.
13:07Merci beaucoup François Ruffin.