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L'IA dans les procédures devant le TAE de Paris avec Bertrand Kleinmann, Vice-Président, Tribunal des activités économiques de Paris.

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00:00Tout de suite, on parle intelligence artificielle au Tribunal des activités économiques de
00:15Paris avec mon invité Bertrand Kleinman, vice-président du Tribunal des activités
00:21économiques de Paris. Bertrand Kleinman, bonjour.
00:24Bonjour Arnaud. Alors, on va parler ensemble de l'expérimentation
00:28de l'intelligence artificielle au Tribunal des activités économiques de Paris, mais
00:34avant d'aborder ce sujet, quel regard portez-vous sur l'intelligence artificielle et son impact
00:39sur la justice ? Alors, le regard est qu'il s'agit d'une
00:44technologie qui est absolument incontournable, donc qui a un fort potentiel, on en parlera,
00:50mais aussi des risques. Et par rapport aux précédentes révolutions techniques qu'il
00:55a pu y avoir, comme l'Internet, la différence c'est que ça va extrêmement vite.
00:59Donc, ça va vite et donc ça peut avoir des conséquences sur les processus et peut-être
01:07aider les magistrats. C'est dans ce contexte-là que vous avez décidé d'expérimenter l'intelligence
01:15artificielle au sein du Tribunal des activités économiques de Paris ?
01:17Absolument. Alors, c'est comme je vous dis, il y a un potentiel fort des opportunités.
01:21Dans les opportunités, je pourrais vous décrire un peu plus précisément ensuite, mais l'idée
01:25c'est de libérer du temps à forte valeur ajoutée pour les juges, puisqu'on s'aperçoit
01:29tout de même que les juges passent beaucoup de temps sur des tâches administratives ou
01:34simples qui pourraient être réalisées ou assistées par une machine.
01:38En revanche, un point très important, il ne s'agit pas de faire une justice par les
01:42ordinateurs, il n'est pas du tout question de déroger à toutes les règles de base,
01:47les fondements, le droit à l'accès à la justice, le droit à être entendu, entendu
01:52par un être humain, etc.
01:54Je crois que c'est un point très important.
01:56Et justement, dans une phase où on est exploratoire, alors j'allais dire, il y a un deuxième objectif
02:02aussi, c'est comme les avocats avancent très vite avec ces technologies, nous, de ne pas
02:06être complètement en retard par rapport à ça et de bien voir si ça peut ou pas donner
02:13certains avantages à des grands cabinets qui auraient les moyens d'utiliser ces technologies.
02:16Donc prendre le train en marche et voir quels peuvent être les usages.
02:20Alors les deux grands points, opportunité et risque, je vais peut-être commencer par
02:25les risques.
02:26Donc les risques, je l'ai dit, c'est qu'on essaye d'aller vers une justice automatique,
02:32voir qu'on soit berné par la technologie parce que la caractéristique, c'est que ça
02:36écrit très bien.
02:37Ça écrit très bien, mais ce n'est pas pour ça que c'est un bon jugement.
02:40D'ailleurs, on ne veut absolument pas de jugement automatique.
02:43Donc le risque est là, alors l'opportunité, je l'ai dit, de gagner du temps.
02:48Alors pour les risques que l'on a fait dans la phase exploratoire, c'est qu'on a articulé
02:53ce qu'on appelle un proposement, une charte, c'est-à-dire des règles d'usage de ces technologies
02:59en se faisant aider d'ailleurs par des spécialistes externes et en s'inspirant de tout ce qui
03:04vient de la réglementation, notamment européenne, donc liée à ACT et autres, et en fait d'identifier
03:10des usages par les risques et donc d'avoir certains usages qu'on bannit complètement,
03:14comme par exemple la décision de justice automatique, mais d'autres usages qui sont
03:19eux tout à fait admissibles et simples.
03:21Donc l'idée, c'est d'avoir un usage raisonné, contrôlé et qui respecte bien toute la réglementation
03:29européenne et française.
03:30Alors sur les usages, pour être concret, nous on a identifié des usages, je vais commencer
03:37par le moins risqué peut-être, donc on a une procédure qu'on appelle la procédure
03:41de placement, c'est-à-dire l'allocation des affaires aux différentes chambres de
03:45contentieux spécialisés.
03:47On a 14 chambres à Paris, de 9 juges, on a un flux de 9500 affaires par an, et aujourd'hui
03:51on a 9 juges, une chambre, qui est là uniquement pour dire que cette affaire-là relève du
03:56droit des sociétés, du droit de la concurrence, du droit international, etc., pour attribuer
04:00les affaires.
04:01Ça, ce travail-là, on aimerait bien qu'il soit assisté par un outil d'intelligence
04:06artificielle qui nous permettrait après de pouvoir aller beaucoup plus vite, utiliser
04:11beaucoup moins de temps de juge, et le risque juridique est très faible, puisque si on
04:13se trompe d'une chambre, on peut réaffecter vers une autre chambre, donc ça c'est très
04:16simple.
04:17Un deuxième, un petit peu plus risqué, c'est le traitement des requêtes en injonction
04:22de payer.
04:23Donc ça c'est une procédure qui existe, qui va très vite, quand vous avez un contrat
04:27indiscutable, une facture, un bon de livraison, une relance, de dire, il faut le payer.
04:34Donc ça, on n'a pas besoin de faire toute une procédure judiciaire complète, on peut
04:38aller très très vite, en une dizaine de jours, et ça, on en traite 20 000 par an
04:41à Paris quand même.
04:42Donc tout ce travail de contrôle du dossier, voir si toutes les pièces sont là, si elles
04:47sont cohérentes, si les chiffres demandés sont les bons, tout ça, ça peut être assisté
04:51par une intelligence artificielle.
04:52Après, le juge prend la décision de condamner à payer, fait une injonction, et après,
04:58si le requis, le condamné n'est pas d'accord, il peut faire opposition et ça devient un
05:03jugement classique.
05:04Donc risque très limité.
05:06Le troisième cas peut-être, un petit peu plus complexe, c'est de prendre les écritures
05:11des parties, qui ont fait toute une procédure de mise en état, comme on dit, sur une affaire
05:15au fond, et d'en faire simplement une synthèse, une synthèse qu'on appelle le rapport, une
05:20synthèse des faits non contestés, des faits contestés, des moyens de droit, et que l'on
05:25lit à l'audience, en début d'audience, donc là aussi, un risque limité, puisque
05:28les parties sont là et disent, peuvent nous dire, ou dire au juge, attendez, vous avez
05:32oublié tel point, vous avez mal compris tel autre, et comme ça, on a un débat en
05:35suite beaucoup plus riche et on a des questions très ciblées.
05:39Donc vous venez de décrire ces trois cas d'usage, concrètement aujourd'hui, où
05:43en est le projet ?
05:44Alors le projet, comme je vous ai dit, on a passé quelques mois déjà à clarifier
05:48nos idées.
05:49Là, maintenant, on est en train de mettre en place l'outil informatique, déjà d'installer
05:54tout le socle, parce qu'il faut déjà avoir toutes les bases, respecter le RGPD, respecter
05:59toutes sortes de choses, et donc d'ici à l'été, on devrait avoir, nous, nos premiers
06:04résultats exploratoires, donc pas mis en production.
06:07On est dans le stade du POC, comme on dit dans l'informatique, donc preuve de concept,
06:12et à ce moment-là, on verra si on peut le déployer ou pas pour tous les juges.
06:16Donc vous espérez peut-être un déploiement plutôt en septembre ?
06:19Oui, septembre, on ne va pas aller trop vite, donc on va voir, ça va dépendre des résultats.
06:24Et si l'outil de distribution des affaires de placement est efficace, on peut imaginer
06:29de le mettre en œuvre assez vite, et même de revoir notre procédure de placement avec
06:32un comité de placement plutôt qu'une chambre de placement qui n'utiliserait pas ces neufs
06:36juges à temps complet, comme je disais tout à l'heure.
06:38Donc on va voir, on va apprendre en marchant.
06:39Aujourd'hui, est-ce qu'il y a d'autres cas d'usage qui ont été identifiés, mais
06:43où vous dites que c'est un peu plus risqué que ce que vous venez d'indiquer précédemment ?
06:47Alors, les autres qu'on a identifiés, très franchement, on les a interdits, c'est-à-dire
06:51par exemple de préparer un projet de jugement, même dans des affaires simples, on a des
06:55affaires dites récurrentes, on a des affaires récurrentes où il n'y a même pas de défendeur,
07:00à Paris, 1 000 par an quand même, où on pourrait se dire, on fait déjà un projet
07:04de jugement, il n'y aurait plus qu'à valider, ça, on se l'est interdit, et on veut surtout
07:08éviter le risque, comme je vous l'ai dit, de fascination du juge, surtout d'un jeune
07:12juge débutant, qui, comme c'est très bien écrit, ne vérifierait plus le fond du dossier,
07:18les pièces, les fondements juridiques, etc.
07:20Donc ça, on se l'est interdit, et je pense qu'on va se l'interdire longtemps.
07:23Pour finir, comment vous prévoyez d'évaluer justement cette expérimentation ? Et puis
07:29après, de tirer les conséquences de cette expérimentation ?
07:33Alors, très bonne question, pas évidente, donc là, comme je vous l'ai dit, on a une
07:39phase exploratoire, on va déjà regarder si l'outil fonctionne, si ça sort des résultats
07:43cohérents déjà, et ensuite, comme les tâches dont on parle là sont des tâches
07:48qui redonnent du temps au juge, entre parenthèses, aussi au greffier, on va voir si effectivement
07:54on libère du temps, alors je ne sais pas si on ne fera peut-être pas une mesure très
07:58quantitative, mais si on libère du temps au point de pouvoir permettre à tous ces
08:02juges de la chambre de placement de ne faire plus le placement, mais uniquement de traiter
08:06des affaires au fond, comme les autres juges, donc on va voir, on va compter les points,
08:09j'allais dire, à l'automne, d'accord.
08:12Et est-ce qu'on peut espérer d'autres choses dans le futur, selon vous, avec l'intelligence
08:16artificielle ?
08:17Oui, alors il y a un sujet qu'on appelle en fait la recherche juridique augmentée
08:22pour faire des choses un peu jolies, mais bon, ça existe déjà, les bases de données,
08:26il y a un outil qui pourrait aller chercher dans toutes les bases de données juridiques
08:30et aussi dans toutes les bases de connaissances internes du tribunal, donc là on pourrait
08:35faire de la recherche plus sophistiquée, toujours pareil, la même idée, redonner
08:40du temps au juge, lui permettre de faire de meilleurs jugements en ayant plus de temps,
08:44en se formant plus et en ayant meilleure connaissance de ce qui a déjà été jugé
08:48dans le passé.
08:49On va conclure là-dessus, merci Bertrand Kleinman, je rappelle que vous êtes vice-président
08:53du tribunal des activités économiques de Paris.
08:56Merci bien.
08:57Tout de suite, l'émission continue, on va parler des questions juridiques entourant
09:01le véhicule de fonction du salarié.

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