Pendant ce temps-là en France, des centaines d'agriculteurs en colère se sont mobilisés aujourd'hui pour dénoncer les prix bas, les revenus trop faibles, la concurrence déloyale, "l'agri-bashing", les suicides…
Ils racontent.
Ils racontent.
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00:00Bonjour, voilà, je fais cette petite vidéo pour vous expliquer. Aujourd'hui, je suis
00:05Guillaume Poineau, je suis exploitant agricole, éleveur de chèvres dans la Vienne.
00:09Et je voulais juste vous témoigner un petit peu la situation dans laquelle je me trouve aujourd'hui.
00:15Parce que vous entendez beaucoup parler aujourd'hui des arrois du monde paysan.
00:20Moi, ce n'est pas compliqué en ce qui me concerne. Depuis 2015,
00:24je n'arrive plus à faire face à mes dettes. Je suis ce qu'on appelle en redressement judiciaire.
00:28J'ai contracté 450 000 euros de dettes. Tout ça, ça s'est fait très rapidement.
00:34Pour une raison simple et basique, c'est qu'aujourd'hui, on travaille pour rien, à perte.
00:39Le revenu de nos productions est insuffisant. On n'a plus d'ovenu.
00:44On n'arrive pas à vendre avec des prix rémunérateurs.
00:47Tout ça parce qu'on est embarqué dans un système où aujourd'hui,
00:51on est à la botte et à la marcie de tous ceux qui sont autour de nous.
00:54Nos coopératives laitières, céréalières, agricoles, les banques, etc., les organismes sociaux.
01:02Et nous, on fait juste de travailler, travailler pour rien. Il ne reste rien.
01:06Je suis en galère. J'ai un redressement judiciaire qui va durer jusqu'en 2030.
01:12Je vais bosser pendant encore 12 ans pour rien, juste payer des dettes.
01:17Moi, c'est ma femme qui me fait de mille. C'est le ras-le-bol général.
01:20C'est une situation qui ne peut pas durer comme ça. Ça va péter, moi, je vous le dis, ça va péter.
01:25Alors, on pourra me dire, ouais, ben, t'as qu'à faire autre chose et tout.
01:27Non, j'ai pas envie de faire autre chose. Moi, mon job, je suis paysan.
01:30Je suis là pour faire ce métier, pour élever des animaux, pour nourrir les Français.
01:35Moi, mon job, c'est de nourrir les Français et je ferai tout pour.
01:37Parce que les Français, ils le méritent. Ils méritent juste ça. Et c'est une évidence pour moi.
01:43Et aujourd'hui, les politiques, ils font juste que de continuer à assassiner les paysans. C'est intolérable.
01:50France, veux-tu encore adoter paysans ?
01:56Être agri, petite en rêve, adulte tant qu'rêve.
02:02Pendant ce temps-là, la détresse et le ras-le-bol des agriculteurs.
02:07On a vraiment le sentiment qu'on veut plus de nous, c'est ça ?
02:09Agribashing, prix bas, revenus trop faibles, concurrence déloyale, suicides.
02:14Sur les Champs-Elysées, sur le périphérique parisien et dans plusieurs villes de France,
02:18à l'appel des syndicats FNSEA, les jeunes agriculteurs, des centaines d'agriculteurs se mobilisent.
02:23Ça fait pourtant plusieurs années qu'on crie haut et fort que la corde est en train de lâcher.
02:29Ils dénoncent les difficultés économiques qui s'accumulent
02:32et la défiance d'une partie des citoyens français à leur égard.
02:35On a fait des efforts importants depuis plusieurs années maintenant
02:39pour essayer de caler à ce que la population nous demandait, à savoir produire mieux, produire encore mieux.
02:46On est déjà sur un bon niveau, on essaie encore d'aller plus haut.
02:49Et puis à côté de ça, on se rend compte qu'on importe massivement des produits
02:54qui ne correspondent pas du tout aux normes françaises.
02:57Bref, on est sacrifiés sur le hôtel de la mondialisation.
03:00Et puis la corde est en train de lâcher, il n'y a plus de trésorerie dans les fermes et puis voilà.
03:05Les agriculteurs entendent aussi mettre la pression sur la grande distribution.
03:08Et ses fournisseurs, les négociations commerciales annuelles qui fixent les prix pour un an,
03:14viennent tout juste de commencer.
03:16La mort est dans le prêt, voilà ce qu'on peut lire sur ce tracteur.
03:19Il y a un agriculteur chaque jour qui se donne la mort en France, là en 2019.
03:26Donc mon père c'était il y a 20 ans.
03:29Mais on peut dire que rien n'a changé et c'est même pire en fait aujourd'hui.
03:32Ça a été une spirale, une descente abominable pendant plus de deux ans
03:37où il s'enfermait dans sa chambre, où il ne voulait plus voir sa ferme,
03:41où il ne voulait plus voir son métier.
03:42Et puis jusqu'à un moment donné, ingérer des pesticides parce qu'il cherchait une porte de sortie.
03:50Édouard Bergeon est réalisateur.
03:52Dans son film Au nom de la terre, il retrace l'histoire de son père agriculteur,
03:56une profession qui déplore le plus de cas de suicide en France.
04:00Et pourtant, c'est une question qui est longtemps restée taboue.
04:03Il ne faut pas rester dans une bulle, il faut essayer de s'en sortir le plus possible.
04:07Je sais que ce n'est pas facile, je ne juge absolument pas, je l'ai vécu pendant dix ans.
04:10Comme Édouard Bergeon, Camille Borin a décidé de rompre le silence.
04:14Elle, c'est dans un livre.
04:15Son mari Augustin était éleveur de porc, lui aussi croulé sous les dettes.
04:19Il s'est donné la mort à 31 ans.
04:21La plupart des agriculteurs en France aujourd'hui, peu importe les régions, souffrent énormément.
04:26Mais personne ne le dit.
04:28Parce que ça, c'est une honte pour eux d'aller dire, moi ça ne va pas, moi je souffre.
04:32Moi je n'y arrive pas, moi je n'ai plus de trésorerie.
04:35Comment faire ça ? Ils sont trop honteux pour le dire.
04:38Donc ils préfèrent se mûrer, se mettre dans une bulle, ils y restent.
04:43Certains arrivent à en sortir et tant mieux.
04:47Chez moi, ça n'a pas été tant mieux.
04:50Moi, il ne s'en est pas sorti.