Vendredi 11 avril 2025, retrouvez Alexandre Giuglaris (Directeur général, Fondation du Patrimoine) et Solène Clément (Avocate au Barreau de Paris, Présidente OLAB) dans ART & MARCHÉ, une émission présentée par Sibylle Aoudjhane.
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00:00Générique
00:00Bonjour à toutes et à tous, bienvenue dans Art et Marché, votre émission hebdomadaire consacrée au marché de l'art.
00:13En première partie d'émission, nous revenons sur l'affaire des faussièges 18e dont le procès vient tout juste de se clôturer.
00:19Nous échangeons avec Solène Clément qui est avocate experte en LCBFT et appliquée pour comprendre plus particulièrement le rôle de traque-fin dans cette histoire.
00:27En seconde partie d'émission, nous revenons sur les bons résultats de la Fondation du Patrimoine qui est élu sur l'engagement grandissant des Français envers cette fondation.
00:35Nous en parlons avec son directeur général Alexandre Giugiaris. Bienvenue à toutes et tous qui nous rejoignez tout de suite, c'est Art et Marché.
00:45Ils ont dû payer le château de Versailles, la famille Guéran Hermès ou encore la prestigieuse famille Altani.
00:51Le procès des faussièges du 18e siècle vint de s'achever et pour comprendre comment cette affaire a été démantelée et surtout comment prévenir de telles dérives,
00:59nous recevons Solène Clément qui est avocate experte en lutte anti-blanchiment et présidente de l'OLAB.
01:04Merci beaucoup d'être avec nous. Est-ce que tout d'abord vous pouvez revenir sur les faits et nous donner quelques éléments sur les sanctions qui ont été requises,
01:12même si les résultats tomberont le 11 juin prochain ?
01:15Alors les faits finalement ils sont assez simples. On a affaire à des personnes de très grande qualité, de très grande compétence
01:22qui ont proposé à la vente à plusieurs personnes et notamment le château de Versailles des meubles qu'ils ont présentés comme authentiques
01:29alors qu'ils étaient en réalité d'authentiques faux.
01:32Et le fait d'avoir trompé le château de Versailles dans cette acquisition, c'est ça qui a déclenché les investigations
01:38et qui leur a valu le renvoi devant le tribunal correctionnel qui à ma connaissance a conduit le procureur
01:46à requérir tant des peines de prison, de prison ferme, de prison avec sursis et des peines d'amende.
01:53Et il est précisé que certains des protagonistes de cette affaire ont d'ailleurs effectué plusieurs mois de détention provisoire
02:01ce qui est un élément assez important de privation de liberté.
02:06Oui. Et comment est-ce que cette fraude a été détectée ? Quel rôle a joué Traquefin dans cette histoire ?
02:12Il semblerait effectivement que Traquefin, durant l'année 2014, a été informé ou en tout cas a pu détecter des flux financiers incohérents
02:22notamment sur des acquisitions immobilières d'un couple qui présentait finalement des revenus assez modestes
02:29et qui était en capacité de faire des acquisitions immobilières qui ne paraissaient pas cohérentes.
02:34Et en poussant l'investigation, les équipes ont pu du coup s'apercevoir qu'elles étaient en lien avec ces faussaires
02:41et a priori c'est comme cela que l'histoire a commencé.
02:44Voilà et après on a remonté toute la chaîne.
02:46Donc ça, ça a eu lieu entre 2008 et 2015. Est-ce qu'aujourd'hui il y a des éléments qui sont nouveaux en termes de réglementation ?
02:56Est-ce que tout cela aurait pu être fait, réalisé aujourd'hui ?
03:01C'est une bonne question. Finalement la question que vous posez, elle pose la question de l'efficacité du droit pénal
03:06dans la prévention et dans sa visée préventive.
03:10C'est ça.
03:10Moi je rappellerais quand même que ça n'est pas la nature du droit pénal,
03:13que le droit pénal est là pour punir les personnes qui brisent le pacte social.
03:19Espérer que ça soit de la prévention, bien évidemment on assigne au droit pénal cette notion-là.
03:26Mais aujourd'hui il faut bien voir qu'on a affaire à des protagonistes qui, par jeu initialement,
03:31en tout cas ont activement eu l'intention de tromper leurs clients.
03:36Donc comment prévenir finalement ce désir de tromper l'autre ?
03:40C'est une grande question.
03:41Aujourd'hui il y a quand même toute cette notion sur la provenance.
03:44Et d'ailleurs c'est un élément qui m'a paru extrêmement important en regardant les débats.
03:48C'est-à-dire qu'a priori dans l'ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel,
03:51le juge d'instruction a reproché à l'une des galeries et l'un des galeristes
03:55d'avoir été négligent dans l'origine avant de vendre à des marges qui sembleraient sont qualifiées de faramineuses.
04:03Mais finalement c'est ça pour moi le cœur de l'enjeu.
04:07C'est à quel moment ce qu'on va appeler la négligence peut basculer dans le champ pénal.
04:12Et il faudra quand même rester extrêmement vigilant à ne pas faire de la négligence
04:17un élément à part entière et unique d'une certaine infraction parce que ça n'est pas conforme à l'état de droit.
04:23C'est ça parce que le terme de négligence c'est quand même celui qu'on utilise d'autant plus depuis 2-3 ans
04:30qu'on fait de la vulgarisation sur la lutte anti-blanchiment.
04:33C'est cette négligence peut-être qui en tout cas certaines personnes auraient pu être moins, en tout cas plus alertes.
04:40Absolument. Il faut en effet rappeler que le marché de l'art est soumis aux obligations de prévention de la lutte anti-blanchiment
04:46qui leur imposent de faire leur cartographie des risques et d'identifier correctement, précisément, l'origine des objets qu'ils sont amenés à vendre,
04:54qui sont leurs clients, d'où vient leur argent.
04:56Et d'ailleurs dans ce dossier, on peut s'interroger, l'agent immobilier qui a fait les acquisitions ou le notaire ou la banque,
05:03ils auraient dû dans leurs obligations, et c'est sûrement eux d'ailleurs qui ont dû mettre la puce à l'oreille à traque fin,
05:08transmettre l'information sur l'incohérence.
05:09Et ces mêmes niveaux d'obligations, elles pèsent sur le marché de l'art.
05:13Et aujourd'hui, il y a donc un mouvement qui tend à faire de, peut-être une absence ou une absence complète de mise en oeuvre des obligations de vigilance,
05:22un élément de négligence, et donc d'avoir un pied dans le droit pénal.
05:25Il faut faire attention, ça reste quand même deux dispositifs bien séparés, un la prévention, deux la répression.
05:32Et c'est l'intention qui fait la différence.
05:35Merci beaucoup Solène Clément, je rappelle que vous êtes avocate experte en lutte anti-blanchiment et présidente d'OLAB.
05:41Et tout de suite, place à l'interview de la semaine.
05:48Les résultats 2024 de la Fondation du Patrimoine ont été très positifs.
05:52Ils témoignent d'un engagement fort des Français auprès de la Fondation.
05:55Et pour en parler, je suis ravie de recevoir Alexandre Jularis, qui est directeur général de la Fondation du Patrimoine.
06:01Merci beaucoup d'être avec nous.
06:02Merci à vous.
06:03Alors très rapidement, est-ce que vous pouvez nous dire comment a progressé ce résultat pour la Fondation depuis les dernières années ?
06:12Alors en 2024, le montant total des ressources de la Fondation du Patrimoine a dépassé les 102 millions d'euros.
06:18Et si je mets de côté Notre-Âme de Paris, qui est évidemment une opération un peu exceptionnelle.
06:22Oui, c'est ça.
06:23Donc 102 millions d'euros qui ont été mobilisés, comment et grâce à qui ?
06:26D'abord comment ? Essentiellement par un réseau de bénévoles.
06:29C'est assez exceptionnel, vous avez en France, partout en France, des bénévoles de la Fondation.
06:33Ils sont plus d'un millier qui au quotidien interagissent pour essayer d'identifier des projets et surtout de mobiliser des fonds pour financer ces projets de restauration.
06:41Donc ça, c'est vraiment les forces vives de la Fondation.
06:43Et puis évidemment, il y a les ressources, les ressources consacrées à ce patrimoine.
06:46Vous l'avez dit, une progression significative, plus de 19% de nos ressources en 2024.
06:51Et c'est beaucoup porté notamment par le succès des collectes de dons, puisque les collectes de dons sont devenues la première ressource de la Fondation en 2024.
06:5926,8 millions d'euros ont été mobilisés grâce à plus de 2000 collectes de dons qui sont là aussi partout en France, parce que le patrimoine y en a partout.
07:08Parce que les collectes de dons, ça veut dire quoi ? C'est des bénévoles qui vont sur le terrain, qui frappent à la porte ?
07:14Alors, ils ne frappent pas directement à la porte. En général, on les sollicite, mais ils peuvent évidemment aussi se rendre au chevet de ce patrimoine qui souffre un peu partout en France et qui a besoin d'aide.
07:23Concrètement, ce que nous faisons avec ces collectes de dons, c'est que nous mobilisons les Français, les citoyens, pour qu'ils fassent un don défiscalisé.
07:29Puisque la Fondation du patrimoine est une fondation reconnue d'utilité publique, donc on peut défiscaliser son don.
07:35Et donc, on opère avec les propriétaires privés, mais surtout publics, quand c'est des collectes de dons, pour assurer le bouclage du plan de financement.
07:43Parce que vous savez concrètement comment ça fonctionne ? Bien souvent, vous avez un élu, si on prend un exemple assez récurrent, un élu qui veut restaurer le lavoir, le pigeonnier, l'église,
07:52enfin tous ces éléments de patrimoine qu'on a un peu partout en France. Il va d'abord essayer d'aller taper aux portes du département, de la région, vous savez, des systèmes de cofinancement.
08:01Et puis la Fondation du patrimoine, elle intervient soit au tout début, soit pendant le parcours de cet élu pour l'aider d'abord à boucler son plan de financement,
08:09à déposer éventuellement des dossiers de candidature parce que c'est parfois un peu compliqué, surtout quand on est un maire d'une petite commune rurale.
08:14Et puis ensuite, il va lui proposer d'ouvrir une collecte de dons, c'est-à-dire d'aller chercher de l'argent privé, du don, du mécénat d'entreprise aussi, ce qu'on essaye de mobiliser pour le patrimoine.
08:23Et ce don, il est ciblé, c'est-à-dire que les gens à chaque fois savent pour quel projet ils soutiennent ?
08:29Absolument. En fait, si vous vous rendez sur le site internet de la Fondation du patrimoine, vous pouvez choisir, il y a un projet tous les 4 kilomètres,
08:35donc c'est pas compliqué, vous pouvez choisir soit votre département d'origine, de vacances, que sais-je, vous aurez un projet à proximité parce que nous essayons d'accompagner,
08:44je vous l'ai dit, entre 2000 et 2500 projets de collecte par an. Donc on peut faire un don très directement, très simplement, choisissant d'affecter son don à un projet précis.
08:52C'est un peu ça la spécificité de la Fondation du patrimoine, c'est de permettre à chacun de choisir le projet pour lequel il donne.
08:58Et puis évidemment, charge à nous ensuite, côté Fondation du patrimoine, de s'assurer que cet argent est correctement utilisé.
09:04Il est reversé évidemment en fonction de l'avancée des travaux sur présentation de factures, c'est une garantie qu'on apporte évidemment aux donateurs.
09:10Et à votre avis, vous avez parlé de 19% de progression, qu'est-ce qui fait que cette année, il y a une sensibilisation particulière ?
09:17Qu'est-ce qui permet cette sensibilisation au fur et à mesure des années ?
09:20Alors, déjà qu'il y a un mouvement croissant, structurel, en tout cas, côté Fondation du patrimoine, on le mesure notamment à l'aune de nos ressources,
09:27on a vu une progression, nous, des ressources de la Fondation multipliées par 3 en 7 ou 8 ans.
09:32Puisque Guillaume Poitrénal est devenu président, il y a eu vraiment une accélération très forte parce qu'on a mis en place des outils,
09:37on a simplifié, on le disait avec ce site internet, la possibilité de donner.
09:41Et puis, il y a un intérêt croissant des Français pour leur patrimoine.
09:43Pourquoi ? Parce qu'ils se sentent un peu responsables de ce patrimoine qu'on a reçu en héritage et qu'on doit donner aux générations futures.
09:49Mais vous avez peut-être eu deux éléments, je dirais, dans les dernières années, qui ont servi pour l'un d'électrochoc,
09:54c'est l'incendie de la cathédrale Notre-Dame de Paris.
09:56En réalité, les Français se sont dit un peu ébahis, un peu stupéfaits.
10:00En fait, ça peut disparaître.
10:01Et si on ne fait pas, si on n'intervient pas, si on n'agit pas, ce patrimoine, y compris le plus important, peut disparaître.
10:06Et puis, vous avez aussi, ces dernières années, la mobilisation, l'intervention de Stéphane Bern,
10:11qui est un ambassadeur formidable du patrimoine.
10:14À la Fondation, nous opérons à ses côtés le loto du patrimoine,
10:17qui est aussi une source de revenus pour la Fondation et pour le patrimoine en général.
10:21Et je pense qu'il y a une émulation forte, on le voit avec ces chiffres, ces ressources en progression.
10:26On le voit avec l'importance du bénévolat qui progresse aussi à la Fondation et qu'on veut continuer d'accroître.
10:31Parce qu'encore une fois, malheureusement, les besoins sont bien plus importants.
10:34Vous comptiez le loto du patrimoine parmi les ressources sollicitées auprès de privés ?
10:39Alors non, ça, ce n'est pas une ressource sollicité auprès du privé,
10:42mais ça participe du montant des un peu plus de 102 millions d'euros de ressources de la Fondation en 2024.
10:47Il y a évidemment le loto du patrimoine, qui est une part significative, près d'un quart des ressources,
10:51et qui joue un rôle d'accélérateur et puis aussi de visibilité.
10:56On parlait de progression de la cause.
10:58Si les gens s'intéressent davantage au patrimoine, sont plus sensibles au patrimoine,
11:02c'est aussi grâce à cette opération, c'est aussi grâce à Stéphane Bern qui met en avant ces projets tout au long de l'année.
11:07Est-ce qu'il y a des projets, ou alors différents types de projets,
11:11ou est-ce que vous analysez une différence, une progression dans les projets soutenus ?
11:15Peut-être qu'il y a 10 ans, on soutenait différents projets que maintenant.
11:19Alors, à la Fondation du patrimoine, on a la chance d'accompagner tous les types de patrimoine.
11:23Du bâti, du naturel, je disais, du petit pigeonnier, de la gare de triage de la SNCF.
11:29Enfin voilà, il y a beaucoup de choses très très différentes.
11:30Ce qu'on constate en réalité, c'est que le facteur le plus important, pour le don notamment,
11:36c'est le facteur de proximité géographique, l'attachement personnel, sentimental à un édifice.
11:41Ensuite, si on se place du côté des entreprises, et notamment de leur politique de mécénat,
11:45ce qu'on a pu observer et ce que nous essayons d'encourager,
11:49c'est que le patrimoine, c'est aussi un levier d'insertion ou de réinsertion professionnelle.
11:53On a, encore une fois, à l'occasion du chantier de Notre-Dame,
11:57pu voir un certain nombre de métiers mis en avant, d'artisans,
11:59enfin de formidables choses qui sont faites au quotidien.
12:03Le patrimoine, c'est aussi cela.
12:05Et ce que nous essayons de faire, c'est de convaincre, toujours plus d'entreprises,
12:08de toute taille d'ailleurs, de soutenir des chantiers de patrimoine,
12:10parce que c'est bon pour l'économie, c'est bon pour l'emploi et c'est bon pour l'insertion sociale.
12:14Ça, le mécénat d'entreprise se sent très concerné par cet investissement sur un territoire
12:19et créer quelque chose de circulaire, un écosystème.
12:22C'est de la dynamique territoriale, vous avez raison.
12:24C'est-à-dire qu'en réalité, quand vous soutenez des projets de la fondation du patrimoine,
12:29ou quand vous soutenez des projets de patrimoine en général,
12:31vous soutenez évidemment l'artisan qui va intervenir, ou le professionnel qui va intervenir sur le chantier,
12:37mais vous créez aussi les conditions d'un développement économique local.
12:40Pourquoi ? Parce que le patrimoine, c'est en réalité le premier vecteur,
12:42le premier levier du développement touristique.
12:45Si on a la chance d'accueillir des millions de visiteurs partout en France et tout au long de l'année,
12:50c'est aussi grâce au patrimoine. C'est donc un investissement qui est rentable pour ce pays,
12:55d'investir dans le patrimoine, de soutenir ce patrimoine.
12:57Et puis, comme vous avez un peu des modifications de comportement,
13:00c'est-à-dire qu'on essaie aujourd'hui d'avoir des expériences touristiques de plus en plus privilégiées,
13:05avec un peu moins de monde, la chance que nous avons dans ce pays,
13:08c'est que du patrimoine, il y en a partout.
13:10Et donc, on peut offrir, on peut développer des offres touristiques liées au patrimoine partout sur le territoire.
13:15Merci beaucoup Alexandre Jularis.
13:17Je rappelle que vous êtes directeur général de la Fondation du patrimoine.
13:21Et merci à vous toutes et tous de m'avoir suivi.
13:22C'était Array Marché.