• il y a 7 mois
Vendredi 19 avril 2024, ART & MARCHÉ reçoit Marine Van Schoonbeek (Cofondatrice, Thanks for Nothing) et Pierre Etienne (Directeur international des tableaux anciens, Christie's)

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00:00 *Générique*
00:08 Bonjour à toutes et à tous, bienvenue dans Art et Marché,
00:10 votre émission hebdomadaire consacrée au marché de l'art.
00:13 Pour l'actualité de la semaine, la maison de vente aux enchères Christies
00:17 a mis en vente une toile de Jean-Simeon Chardin, le melon entamé.
00:21 Nous sommes allés découvrir la toile et interroger Pierre-Étienne,
00:25 directeur international des tableaux anciens chez Christies.
00:28 Pour l'interview de la semaine, nous nous intéressons à la manière
00:31 dont les acteurs du marché de l'art peuvent s'engager.
00:33 Nous recevons Marine von Schoenbeck, qui est cofondatrice de Thanks for Nothing
00:37 et qui met en relation le monde de l'art et le monde des associations.
00:40 Merci à vous toutes et tous qui nous rejoignez.
00:42 Tout de suite, c'est Art et Marché.
00:44 *Générique*
00:48 Alors que le Louvre a fait l'acquisition il y a quelques mois
00:50 du panier de fraises des bois de Jean-Simeon Chardin,
00:53 un nouveau tableau de l'artiste vient d'entrer sur le marché de l'art.
00:56 Nous nous sommes rendus chez Christies pour découvrir l'oeuvre
00:59 et nous avons interviewé Pierre-Étienne,
01:01 qui est directeur international des tableaux anciens chez Christies.
01:05 C'est une grande chance de pouvoir travailler sur un tableau de cette importance.
01:08 En fait, c'est un des derniers chefs d'oeuvre,
01:11 l'un des plus grands chefs d'oeuvre de Chardin à rester en main privée.
01:14 C'est une oeuvre tout à fait majeure parce que c'est un tableau qui date
01:18 de la période de maturité de Chardin.
01:20 Ici, c'est un tableau qui s'appelle Le melon entamé
01:23 et qui est extrêmement célèbre dans son oeuvre
01:27 par son sujet, par son titre aussi.
01:29 C'est un tableau qui nous parle d'équilibre, tout simplement.
01:32 D'abord simplement par cette tranche qui est posée sur ce melon
01:35 et qui elle-même est en équilibre,
01:37 mais c'est un équilibre qui va au-delà de ce simple rapport physique entre les objets.
01:41 C'est un équilibre qui est un équilibre de la composition,
01:44 un équilibre de forme.
01:45 C'est un moment où on sent que l'artiste a travaillé justement
01:49 le placement de différents objets,
01:52 le rapport des formes les unes par rapport aux autres
01:55 pour créer justement ce sentiment d'équilibre parfait.
01:57 Le rapport d'ensemble à tout ça finalement, c'est le format.
02:01 C'est ce côté circulaire, ce côté ovale.
02:04 Et puis on est un peu le spectateur qui est en train de regarder
02:07 par ce petit trou de serrure finalement,
02:09 un moment presque volé,
02:12 un moment extrêmement simple,
02:14 juste un petit moment de poésie picturale.
02:16 Des événements comme celle-ci, comme l'entrée au Louvre
02:20 d'une nature morte extrêmement célèbre aussi,
02:23 qui est le panier de fraises, avec un appel au public,
02:27 donc une sensibilisation du public pour un sujet qui est la nature morte,
02:32 pour un peintre qui est Chardin,
02:34 et je rajouterais pour une période qui est le XVIIIe siècle.
02:37 Le fait d'avoir en fait un élan national justement,
02:40 montre à quel point le public est intéressé,
02:42 s'approprie le sujet, au-delà des conséquences sur marché évidemment,
02:46 mais ça donne aussi l'occasion de promouvoir le tableau ancien
02:50 en disant "arrêtez-vous, ici on a une œuvre qui vient jusqu'à nous,
02:54 et qui a passé des siècles, et qui a traversé le temps,
02:59 elle va continuer son parcours, c'est certain,
03:01 et sa destinée c'est certainement à terme d'être accrochée
03:04 dans une des cimesses les plus importantes,
03:06 d'un des plus importants musées au monde.
03:09 Il peut rejoindre les collections internationales
03:11 puisque le musée du Louvre a donné en fait la carte d'identité au tableau
03:17 pour pouvoir sortir de France et sortir d'Europe.
03:19 Ça vous plaît ?
03:20 Oui, s'il vous plaît.
03:22 Un tableau estimé entre 8 et 12 millions d'euros
03:27 qui sera en vente le 12 juin prochain.
03:30 Et tout de suite, on passe à l'interview de la semaine.
03:32 Aujourd'hui nous nous intéressons à la manière
03:38 dont les acteurs du marché de l'art peuvent s'engager.
03:41 Et Marine Van Schoenbeek, qui est co-fondatrice de Thanks for Nothing,
03:44 est avec nous. Merci beaucoup d'être présente en plateau.
03:47 Bonjour Sybille.
03:48 Alors tout d'abord, première question,
03:49 est-ce que vous pouvez nous expliquer l'émission de cette association Thanks for Nothing ?
03:54 Oui, alors Thanks for Nothing, c'est une association créée en 2017,
03:57 donc il y a maintenant 7 ans,
03:59 dont le but est de créer des ponts, des dialogues très concrets
04:02 entre des projets culturels, que ce soit des expositions,
04:05 des festivals, des projets dans l'espace public, des conférences,
04:09 et tout ça pour avoir un impact social,
04:11 donc travailler avec des associations.
04:13 Donc c'est vraiment un lien entre les artistes et les associations de terrain
04:16 pour avoir des projets vertueux.
04:18 Voilà, alors justement, vous avez donné quelques exemples de projets,
04:21 quels sont ces projets concrètement ?
04:24 Est-ce que peut-être qu'il y en a un en ce moment que vous menez,
04:27 qui serait un exemple assez parlant sur ce que vous avez fait depuis ces dernières années ?
04:31 Oui, alors en ce moment, justement, on a une exposition
04:34 qui est une exposition de préfiguration
04:37 d'un lieu qu'on va ouvrir dans 4 ans, qui va s'appeler La Collective,
04:40 et qui sera notre futur centre d'art et de solidarité,
04:43 donc qui incarnera vraiment les valeurs de Thanks for Nothing
04:46 et qui encrera toute notre programmation au sein d'un bâtiment
04:49 qui est l'ancien hôpital Saint-Vincent de Paule, dans le 14e arrondissement de Paris.
04:53 Et donc ce site, ce sera plus de 3500 m²,
04:55 dédié à des expositions, des résidences d'artistes,
04:58 une programmation de spectacles vivants, des conférences, des projections de films,
05:02 et aussi des installations dans l'espace public avec des œuvres installées
05:06 pour que le public puisse naviguer entre les différents points de notre centre d'art.
05:11 Et en plus de ça, comme on dit qu'on fait le lien entre la culture et la solidarité,
05:15 on a invité Emmaüs Solidarité, par exemple,
05:18 à créer un centre d'hébergement d'urgence au sein de nos espaces
05:21 qui sera véritablement en dialogue avec, par exemple, les résidences d'artistes.
05:24 - Et là, comment ça s'est passé pour travailler sur ce projet ?
05:26 Est-ce que c'est un acteur du marché de l'art qui s'est tourné vers vous pour lancer ça ?
05:30 Ou une association, ou c'est vous en tant qu'intermédiaire
05:34 qui vous êtes ramifiée comme ça dans les deux mondes ?
05:38 - Alors pour ce projet, c'était un appel à projet de la ville de Paris.
05:41 Et en fait, il fallait répondre à des conditions très précises
05:45 associées avec un promoteur immobilier qui va s'occuper de toute la rénovation du bâtiment.
05:49 Et donc on a remporté cet appel à projet en 2020, face à de nombreuses équipes,
05:54 y compris des structures très prestigieuses qui étaient face à nous.
05:58 Donc on était évidemment très honorés.
06:00 Et c'est un travail sur le temps long parce que ce chantier est très important.
06:03 Et évidemment pour nous, c'est une ambition très forte
06:06 d'ancrer toute la programmation qu'on fait depuis 7 ans.
06:08 Et donc je le disais, l'exposition qu'on fait en ce moment,
06:11 qui a lieu dans le Marais, au 127 rue Turène,
06:14 est une exposition dédiée aux pratiques artistiques et engagées d'artistes d'Amérique latine.
06:19 Et ça va être pour nous une façon de montrer ce que sera la programmation de la collective,
06:24 c'est-à-dire devenir une référence pour être le lieu à Paris
06:28 où on découvre toutes les créations contemporaines et engagées à travers le monde.
06:32 - Et jusqu'à présent, avec quels acteurs du marché de l'art vous avez travaillé ?
06:36 Quelle typologie d'acteurs j'ai envie de dire ?
06:38 - Alors nous, on a la chance depuis 7 ans de travailler avec des acteurs
06:41 qui sont aussi bien publics que privés.
06:43 On a commencé nos premiers projets par exemple au Palais de Tokyo.
06:46 On a fait des projets ensuite avec le Centre Pompidou, le Musée du Louvre.
06:50 On organise depuis 7 ans un colloque avec le Musée du Louvre,
06:53 un colloque sur la question de l'art et de l'engagement.
06:56 Celui de cette année en 2024 sera le 26 septembre.
07:00 Donc ça c'est pour la partie institutionnelle.
07:03 Et en plus de ça, on travaille avec énormément de galeries
07:06 pour à la fois faire découvrir le métier de galeriste à des scolaires
07:11 ou des bénéficiaires d'associations qu'on soutient.
07:13 Donc pour ça, on a créé le mois Art et Engagement,
07:15 qui cette année aura lieu au mois de septembre.
07:17 Et on emmène plus de 2500 jeunes par exemple à la découverte de galeries d'art,
07:21 à la découverte aussi de ce qu'est le métier de galeriste,
07:23 parce qu'en fait c'est un métier très peu connu.
07:25 - C'est ça ce qui demande le plus les galeristes,
07:27 c'est d'essayer de faire de la vulgarisation de leur métier
07:29 ou il y a d'autres types d'engagement ou de liens qu'ils souhaitent créer avec leur public ?
07:35 - Alors oui, les galeristes sont évidemment très heureux
07:38 qu'on puisse apporter des nouveaux publics,
07:40 accompagner des nouveaux publics dans leurs espaces.
07:43 Mais on les sollicite aussi pour d'autres projets.
07:46 Donc bien sûr de démocratisation je dirais de la culture,
07:49 mais aussi pour des projets très spécifiques qui concernent les galeristes
07:51 ou par exemple les maisons de vente.
07:53 Et c'est le cas quand on a fait des ventes aux enchères,
07:56 par exemple pour soutenir des associations qui s'occupent de l'accueil des réfugiés
08:00 ou des associations qui agissent sur le terrain environnemental.
08:03 Et ça a été le cas à deux reprises pour "Thanks for nothing".
08:06 Et en sept ans finalement on a récolté plus de 3 millions d'euros
08:09 qu'on a redistribué de façon globale à des associations très engagées sur le terrain,
08:13 souvent grâce aux acteurs privés du marché.
08:15 - Et souvent comment ça se passe pour choisir l'association ?
08:18 C'est vous qui proposez certaines associations
08:20 ou les galeries ou les acteurs ont déjà en ligne de mire une association ?
08:27 - Alors souvent c'est nous qui travaillons un projet un peu global.
08:32 C'est-à-dire qu'on a rencontré des artistes qui ont envie de s'engager sur certaines causes.
08:36 Nous on a envie de réagir à l'actualité,
08:38 à s'engager aussi en fonction des enjeux sociaux, politiques qui traversent notre société.
08:43 Et donc en fonction de ça on arrive à trouver des associations,
08:46 soit qu'on connaît, soit qu'on va rencontrer,
08:50 et qui sont mobilisées pour le projet.
08:53 Et donc il y a effectivement, c'est souvent un mouvement qu'on fait nous vers les associations,
08:58 mais depuis sept ans on a la chance d'avoir été très bien identifiés finalement maintenant
09:02 auprès d'acteurs de la solidarité.
09:04 Et donc il y a aussi beaucoup d'associations qui s'adressent à nous
09:07 en nous disant "il nous manque de la visibilité, il nous manque des fonds,
09:10 et on sait que la culture est un moyen exceptionnel
09:13 pour parvenir à plus de visibilité, de nouvelles rencontres,
09:17 et possiblement des soutiens financiers nouveaux".
09:20 Et donc nous voilà, c'est vraiment ce pont et cette façon de travailler avec des artistes,
09:26 et je le disais, des acteurs publics et privés,
09:29 qu'on essaie d'offrir aux associations,
09:31 parce que c'est toujours des tribunes effectivement assez exceptionnelles pour eux.
09:34 En termes de forme, je me mets à la place d'un acteur d'une galerie,
09:37 ou une maison de vente aux enchères,
09:39 est-ce qu'il y aurait un format qui serait le plus...
09:43 qui aurait le plus d'impact sur le sujet sur lequel on voudrait s'engager ?
09:48 Est-ce que c'est une question qui est pertinente ?
09:50 Oui, c'est une question qui est pertinente bien sûr,
09:53 mais c'est surtout qu'en fait à chaque fois le format dépend un peu de...
09:57 justement du projet et de la finalité.
09:59 C'est-à-dire que, pour vous donner un exemple très concret,
10:03 nous on est plutôt partisanes,
10:05 pas forcément de faire des grands dîners de gala,
10:08 qui sont là pour soutenir des associations, qui manquent de tout.
10:11 - Ça on voit souvent en plus, c'est communiqué sur les réseaux.
10:13 - Voilà, c'est des formats qui sont bien, qui fonctionnent, etc.
10:17 Mais pour nous c'est des formats qui peut-être sont un peu antinomiques avec la cause choisie,
10:21 parce que voilà, un grand dîner de gala,
10:24 quand on parle aussi d'inclusion, de pauvreté,
10:28 de difficultés d'accès à certains avantages...
10:31 - Il y a un choc quand même, ne serait-ce que visuel.
10:34 - Exactement, il y a un choc visuel et un peu conceptuel.
10:37 Et donc nous on essaie toujours de trouver des formats différents.
10:39 Donc pour chaque projet, on essaie de réfléchir vraiment à quelle est la cause,
10:44 et comment est-ce qu'une exposition peut être le meilleur moyen d'y répondre,
10:47 ou une vente aux enchères.
10:49 Mais dans ce cas-là, la vente aux enchères, on ne la réduit pas à une vente aux enchères,
10:51 on en fait aussi une exposition,
10:53 comme ça a été le cas de notre premier projet, par exemple au Palais de Tokyo.
10:57 C'était 30 artistes mobilisés, qui nous ont donné des œuvres pour les vendre.
11:01 Mais on a décidé, avant la vente aux enchères qu'on avait faite avec la Maison de Vente Christies,
11:05 d'exposer ces œuvres au Palais de Tokyo,
11:07 et d'en faire une exposition gratuite,
11:09 au sein de laquelle les associations soutenues étaient présentes.
11:12 Et ça pour nous c'est très important,
11:14 parce que ce n'est plus le marché de l'art seul qui fonctionne,
11:18 c'est le grand public qui est amené à comprendre comment le marché de l'art peut fonctionner,
11:22 tout en comprenant aussi des sujets sociaux,
11:24 comme la question de l'accueil des réfugiés,
11:26 qui déjà en 2017 était très forte,
11:28 et qui va continuer à progresser dans les années à venir,
11:31 à la défaveur du réchauffement climatique.
11:33 On sait que beaucoup de réfugiés climatiques vont apparaître.
11:36 Et grâce à ces moyens, exposition et vente aux enchères,
11:40 donc associer les deux, ça permet d'ouvrir le champ,
11:43 pas seulement aux amateurs d'art, pas seulement au marché de l'art,
11:46 mais aussi au grand public, et de combiner la force des deux.
11:49 - Et j'imagine aussi que c'est la même chose pour tout ce qui est prix, résidence,
11:53 ça ce sont aussi des formes qui peuvent avoir un impact très direct
11:56 sur le soutien artistique, vraiment proche de l'artiste.
12:00 - Oui, tout à fait. Les résidences, c'est vraiment très intéressant pour nous,
12:05 puisqu'on aura des ateliers d'artistes et des ateliers logement
12:08 dans le futur centre d'art que nous allons avoir à Saint-Vincent-de-Paule.
12:11 Donc on va accueillir des artistes en résidence tout au long de l'année.
12:14 Et donc là, dès cette année, on commence à accueillir notre première artiste en résidence,
12:18 qui s'appelle Efe Godoy, qui est une artiste trans-brésilienne,
12:21 et qu'on accueille à Paris depuis maintenant deux mois.
12:24 Et dans quelques jours, le 25 avril,
12:27 elle sera exposée pour sa restitution au Drawing Lab, rue de Richelieu,
12:32 et le projet sera gratuit, accessible à tous jusqu'au mois de juin.
12:36 Donc on invite évidemment tout le monde à participer à ce projet,
12:39 et vous avez raison, la question de la résidence,
12:41 c'est un vrai accompagnement sur mesure de l'artiste.
12:44 Là, par exemple, comme notre lieu n'est pas encore ouvert,
12:47 on a dû lui trouver un logement, une résidence,
12:50 enfin un atelier pour qu'elle puisse travailler dans Paris.
12:52 - Des aspects concrets. - Des aspects très concrets.
12:54 Et évidemment, un cadre un peu institutionnel, enfin institutionnel,
12:57 pour qu'elle puisse présenter son travail à Paris,
12:59 rencontrer des professionnels du monde de l'art,
13:01 des professionnels du marché de l'art aussi.
13:03 - Merci beaucoup Marine von Schönbeck,
13:05 merci d'avoir été avec nous pour nous expliquer ces ponts
13:08 entre acteurs professionnels du marché de l'art et associations.
13:12 Je vous rappelle que vous êtes cofondatrice de Stains for Nothing,
13:14 et quant à nous, on se retrouve la semaine prochaine
13:16 pour un nouveau numéro d'Art et Marché.
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