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00:00Europe 1 et CNews, 9h, 9h30, l'heure des pros, Pascal Brault.
00:08Bonjour à tous et bienvenue ce matin à l'heure des pros sur Europe 1 jusqu'à 9h30, sur CNews jusqu'à 10h30.
00:13L'affaire Betaram a connu hier un tournant de coupable, François Bayrou est devenu victime.
00:19Quand je dis coupable, j'ajoute des guillemets qui s'imposent.
00:23On reprochait à François Bayrou son silence durant ces années.
00:26On imaginait qu'il était plus ou moins au courant des violences qui existaient dans ce pensionnat et qu'il avait préféré ne rien dire.
00:33Depuis hier, cette thèse est mise à mal.
00:36Sa propre fille, Hélène, rapporte des faits graves.
00:40Lors d'un camp de vacances organisé sous l'autorité de Betaram, le père Lartiguet, décédé depuis, l'a roué de coups.
00:48Hélène Perlan était adolescente, nous étions en 1987, elle n'a rien dit à ses parents.
00:53Et François Bayrou a découvert, ces dernières heures, son témoignage.
00:58Accuser François Bayrou de cacher des violences qu'il saurait alors que sa fille agressée ne lui a rien dit, cette accusation ne tient pas.
01:07En revanche, une question demeure.
01:08Pourquoi Hélène Perlan prend-elle la parole aujourd'hui ?
01:11Pourquoi si tard ?
01:12Pourquoi 38 ans après les faits ?
01:14Pourquoi n'a-t-elle rien dit à son père, à sa mère, ni à personne visiblement ?
01:19On pose souvent ces questions quant à la parole des victimes.
01:22Ce silence reste un mystère.
01:25Manifestement, il l'est pour ceux qui n'ont jamais subi ces traumatismes.
01:29Les autres comprennent.
01:31La vérité est parfois indicible.
01:33On est avec Sabrina Medjabers ce matin, avec Thomas Bonnet, avec Georges Fenech, avec Olivier D'Artigolle et Philippe Bilger.
01:39C'est bien que nous ayons des hommes de la magistrature sur ce plateau, parce que l'affaire Bétarame pose évidemment plein de problèmes, et notamment cette prise de parole.
01:51Évidemment qu'on peut se taire pendant 30 ans, 40 ans, 50 ans.
01:54Mais ce n'est jamais très bien compris par l'opinion publique, sauf précisément peut-être par ceux, je le disais, qui ont été victimes de traumatismes.
02:02Alors, je vous propose peut-être de voir ce que disait, ou d'écouter de nouveau ce que disait François Bayrou hier, lorsqu'il a appris ce qu'avait subi, sa fille, et je rappelle, le père L'Artiguet, Olivier D'Artigolle, qui est de Pau.
02:19Vous connaissez bien Bétarame. Bétarame, c'est à combien de kilomètres de Pau ?
02:2215 kilomètres.
02:23Bon, et c'était, alors c'est un pensionnat qui était connu...
02:27Une institution religieuse, un collège et un lycée.
02:30Alors, ce qui parfois m'ennuie, il faut remettre tout en perspective sur l'époque.
02:37On fait parfois le procès, comment dire, à ces pensionnats catholiques d'avoir maltraité les enfants.
02:43C'était tout l'univers de ceux qui s'occupaient des enfants, qui parfois faisaient des choses absolument inadmissibles.
02:51On l'a vu dans le sport, parfois, avec des entraîneurs qui ont maltraité des jeunes enfants,
02:58qui ont 11 ans, 12 ans, 13 ans, qui venaient, pourquoi pas, dans des institutions sportives.
03:03On l'a vu dans toutes les écoles.
03:05Simplement, l'Église catholique a eu un mérite, c'est qu'elle en a parlé et elle a fait le ménage en son sein.
03:12Ce que tout le monde n'a pas fait, je pense notamment au domaine du sport,
03:15parce qu'il y aurait beaucoup à dire sur les violences exercées contre les jeunes filles,
03:19notamment sportives, dans les années 70 et 80.
03:23Sur Bétarame, nous sommes très certainement sur la plus grande affaire pédocriminelle des dernières années,
03:28puisque les premiers cas remontent à 1957 et jusqu'à 2018.
03:33Grâce à un groupe Facebook, il y a donc aujourd'hui 208 victimes,
03:38dont plus d'une centaine pour viol.
03:39Mais je suis d'accord avec vous,
03:42partout dans la société où sur ces années-là, il y avait un accompagnement de la jeunesse,
03:47que ce soit dans le monde éducatif, ça s'est aussi passé dans le public ou sportif,
03:52il y a pu y avoir en effet des comportements de cette nature-là.
03:56Nous sommes sur Bétarame sur quelque chose de très très particulier.
04:00Par exemple, vous, vous étiez adolescent,
04:02vous avez sans doute connu des gens qui allaient à Bétarame,
04:05et vous aviez ces échos-là ?
04:07Je peux avoir une minute ?
04:08Je vous en prie.
04:09Il n'y a pas un jeune dans le grand sud-ouest à qui on n'a pas dit un jour,
04:14attention, si tu ne redresses pas tes résultats scolaires, tu iras à Bétarame.
04:19C'est un bâtiment sinistre à la vue, gris,
04:23avec le gave dans une vallée pyrénéenne assez encaissée.
04:27Quand vous êtes enfant dans le sud-ouest, vous n'avez surtout pas envie d'y aller.
04:31Ce qui se passe, c'est qu'on n'imaginait pas,
04:33donc on savait qu'on pouvait prendre une gifle.
04:35Ce qu'on ignorait, c'est les violences pédo-criminelles,
04:42et dans ce que vous avez dit, ça m'a beaucoup touché,
04:45parce que j'en ai parlé avec le Premier ministre récemment.
04:48La politique n'est pas toujours belle, tu le sais, Georges,
04:51mais il y a quand même des personnes qui ont fait croire,
04:54qui ont voulu aller sur un terrain parce qu'il était à Matignon,
04:57qu'il aurait couvert des crimes pédo-criminels.
05:01Il vit aujourd'hui un véritable séisme personnel,
05:03mais il dit, je ne veux pas en faire une affaire personnelle,
05:06il faut parler des victimes.
05:07Pour vous donner un exemple, ils sont une centaine dans le dortoir,
05:11établissement où vous ne pouviez parler que,
05:13où vous deviez garder le silence 22h sur 24.
05:15Ils sont dans un dortoir, ils sont une centaine,
05:17l'un d'entre eux prend une gifle monumentale.
05:21Tous ces enfants sortent, personne ne part de cette gifle
05:25à l'un de ses camarades, ou le soir en rentrant chez eux.
05:29Il y a un pensionnaire un jour,
05:30il s'appelle le petit Philippe Navarro, en juin 80.
05:34Il a une méningite foudroyante la nuit,
05:37ses camarades essayent de trouver un adulte qui n'en trouve aucun.
05:40Le matin, ce petit est mort.
05:43Ça ne parle pas.
05:45Et Hélène Bayrou a cette formule,
05:48ça ne parle pas.
05:50Et donc c'est là où c'est abyssal,
05:52sur ce silence sur 40 ans,
05:55les élites béarnaises savaient que c'était
05:57un établissement difficile,
06:02mais sans s'imaginer ça.
06:04Et puis dans la ténèbre, il y a aussi une lumière,
06:06et je veux donner son nom, son prénom, c'est Jean Rémy.
06:09C'est un élève qui a été violé à plusieurs reprises,
06:12et après il est devenu élève surveillant.
06:15Et souvent, les élèves surveillants qui avaient été violés
06:17faisaient vivre cet enfer
06:20à leurs camarades, à leurs condisciples.
06:22Sauf que ce Jean Rémy,
06:24ça a été un élève surveillant
06:26qui a été un ange,
06:28parce qu'il a protégé les proies les plus faibles
06:30du père Caricard quand il s'approchait.
06:32Donc il y a aussi
06:33des choses lumineuses dans les ténèbres.
06:37Et le livre qui sort aujourd'hui,
06:40le seul lanceur d'alerte a travaillé tout seul.
06:42Il ouvre simplement ce forum de discussion sur Facebook,
06:46c'est étonnant, en disant,
06:47voilà ce que j'ai à dire,
06:49s'il vous plaît, croyez-moi,
06:50et les autres, parler,
06:52les dix premiers témoignages,
06:53vingt, cinquante, deux cents,
06:55il a monté son dossier tout seul en justice.
06:58Et aujourd'hui, le travail judiciaire
07:00est enfin enclenché.
07:02Il y a beaucoup d'émotion dans ce que vous dites,
07:04et je vous comprends,
07:07puisque vous êtes de cette région.
07:08c'est Alain Esquer,
07:11qui effectivement a consacré d'ailleurs
07:13l'avant-dernier chapitre de son ouvrage
07:15à la fille de François Bayrou,
07:17qui l'a contactée elle-même,
07:19c'est important évidemment de le lire,
07:22et lui-même était passé devant Bétara,
07:24mais il avait reconnu,
07:25c'est pour ça qu'il a eu cette idée
07:27de monter, vous dites, groupe.
07:28Il y a un nom.
07:28Il reconnaît effectivement quelqu'un
07:32qu'il a eu lorsqu'il était jeune,
07:35et il dit,
07:35c'est pas possible que cette personne soit encore là,
07:37et il monte,
07:38alors moi on m'a dit,
07:38c'est un groupe Whatsapp,
07:39Facebook,
07:41et pendant quelques jours,
07:42il n'y a pas de témoignages,
07:43et puis les témoignages ont afflué.
07:45Je voulais qu'on écoute François Bayrou hier.
07:49Comment vous dire ça
07:50de la manière la plus juste ?
07:55En tant que père de famille,
07:56ça me poignarde le cœur.
08:02Même si c'est une affaire très ancienne,
08:05puisqu'il y a, je ne sais pas,
08:0835 ans, quelque chose comme ça,
08:10mais qu'on ne l'ait pas su,
08:16et que des dérives de cet ordre
08:19aient eu lieu,
08:21pour moi,
08:21c'est presque insupportable.
08:24Mais en tant que responsable public,
08:27qui dépasse le père de famille,
08:30c'est aux victimes que je pense,
08:36ça n'est pas une affaire personnelle.
08:41Les travaux,
08:42l'écriture,
08:43ceux de ma fille,
08:48sont tout entier centrés
08:50autour d'une question.
08:52Pourquoi
08:53est-ce qu'on n'en parle pas ?
08:57C'est la question évidemment essentielle,
09:00mais ça nous invite à beaucoup d'humilité,
09:03pour tout vous dire,
09:04Philippe Bilger et Georges Fenech.
09:05Pourquoi ?
09:06Parce que lorsqu'on prend des lunettes
09:08de 2025,
09:09pour juger n'importe quelle époque,
09:11on parle souvent de 1940,
09:12on parle de 1960,
09:14on parle de la guerre de l'Algérie,
09:15on parle de tous ces sujets-là,
09:17ça nous invite à l'humilité,
09:19parce qu'il est très difficile,
09:21lorsque soi-même,
09:22on n'est pas dans l'époque,
09:23de comprendre comment cette époque précisément était.
09:27Et je fais juste un parallèle
09:29avec ce que disait François Mitterrand précisément
09:31sur cette période de 40.
09:33Il disait,
09:33la grande fracture entre les uns et les autres,
09:36c'est ceux qui ont connu cette période
09:37et ceux qui ne l'ont pas connu.
09:39Là, j'ai trouvé votre éditorial très fin,
09:43réellement,
09:43non mais sérieusement,
09:46parce que vous,
09:48on pourrait tenter,
09:51par une approche un peu sommaire,
09:53simpliste,
09:53de dire,
09:54mais comment se fait-il que ces êtres,
09:57jeunes,
09:57qui ont subi le pire,
09:59n'aient jamais parlé,
10:00n'aient jamais dénoncé ?
10:02Et pourtant,
10:03vous pointez bien,
10:04dans votre éditorial,
10:05le fait,
10:06et d'ailleurs,
10:07la fille de François Bayrou,
10:08l'explique très très bien
10:10dans l'entretien
10:11qui a été donné à Paris Match,
10:13elle explique
10:14comme chacun peut être enquisté
10:17dans sa propre douleur
10:19et il ne veut surtout pas
10:20la communiquer.
10:23Et donc,
10:24à un moment donné,
10:25les êtres parviennent à parler
10:27dans ce domaine
10:28comme dans d'autres.
10:30C'est évident
10:30et il ne faut surtout pas se moquer.
10:33Peut-être,
10:34parfois,
10:35et j'ai été tenté de le faire,
10:37de ces êtres
10:37qui attendent des années,
10:39des années
10:39pour révéler le pire
10:41dont ils ont été évités.
10:43Ce sont des enfants
10:44qui ont voulu protéger les parents.
10:45Tout à fait.
10:46Et ce sont des enfants
10:47qui sont devenus
10:49des adultes détruits
10:50d'intérieur.
10:51Un grand nombre d'entre eux,
10:52moins une dizaine,
10:53se sont suicidés.
10:54Mais ce type d'agression,
10:59certains ne s'en remettent jamais
11:01et peut-être même
11:02ne s'en remettons jamais.
11:04Moi,
11:05j'étais très bouleversé
11:06par le récit
11:07d'Olivier.
11:09Ce qui m'étonne quand même,
11:10c'est que
11:11cette longue durée
11:13où personne n'a rien vu,
11:14le silence total
11:17derrière ces murs
11:18qui étaient des murs
11:18de l'enfer,
11:20les murs de la torture,
11:21du crime.
11:22Le goulag de Pyrénées.
11:23C'est hallucinant.
11:24D'où,
11:25si vous voulez,
11:25moi,
11:26je pense à tous les services
11:27qu'ont-ils fait.
11:28et je pense aussi
11:30que ça rappelle
11:32la nécessité
11:34pour les services de l'État
11:35d'opérer
11:36des visites inopinées
11:39dans les établissements
11:40qui sont sous contrat
11:41ou hors contrat
11:42davantage encore.
11:43C'est seulement ces mesures-là
11:45qui peuvent
11:45révéler
11:46des faits
11:47d'une gravité
11:48certaine.
11:49Voilà,
11:50je crois qu'on a beaucoup progressé
11:51effectivement
11:52depuis cette époque,
11:54mais
11:55on n'est pas à l'abri
11:56d'un nouveau bétarame
11:57quelque part.
11:57C'est ça que je suis en train
11:58de vous dire.
11:59Mais Georges,
12:00j'ai été longtemps
12:00dans le sport.
12:03Les témoignages
12:04que j'ai reçus
12:04de l'INSEP
12:05dans les années 70-80,
12:09l'INSEP,
12:09qui sont des témoignages
12:12que je n'ai jamais vérifiés
12:13par définition,
12:14qui sont simplement
12:15des conversations
12:15qu'on nous rapporte,
12:17des gens qui disent
12:18voilà ce qui se passait.
12:20Que voulez-vous
12:20que je vous dise ?
12:22C'était effectivement
12:23le rapport,
12:25les encadrants
12:26à l'époque
12:27avec les enfants
12:28se sont conduits
12:30d'une manière
12:30parfaitement
12:31criminelle.
12:33Absolument.
12:33Bien sûr.
12:34François Bayrou,
12:35pas tous.
12:36Non.
12:37Bien sûr,
12:38pas tous.
12:38Évidemment.
12:39Mais il y a eu
12:40des agissements
12:41qui ont été couverts
12:42par toutes les hiérarchies
12:44de tous ceux
12:45qui encadraient
12:46les enfants
12:47à cette époque-là.
12:48et c'est une réalité
12:49je vous assure
12:50dans le sport.
12:52Alors il y a eu
12:52des témoignages
12:53régulièrement
12:54des jeunes femmes
12:55qui ont témoigné
12:56leur rapport
12:56avec leur entraîneur
12:57notamment dans le patinage
12:59artistique
12:59on s'en souvient.
13:00Écoutez M. Bayrou
13:01une deuxième fois
13:02qui évoque cette fois-ci
13:03sa fille
13:04qui ne lui avait rien dit.
13:06Votre fille
13:08vous n'en avez jamais parlé ?
13:10Non.
13:10Pourtant je parle
13:11très souvent avec elle.
13:14Mais
13:14comme vous savez
13:18tous les parents
13:19sont comme ça.
13:20Mes enfants sont
13:21comme la prunelle
13:23de mes yeux.
13:25Chacun d'entre eux.
13:26Et donc elle en premier
13:27puisque c'est l'aîné
13:28de mes enfants.
13:31On parle de tas de choses
13:32et elle n'avait jamais
13:33parlé de ça.
13:34Une volonté aussi
13:35très classique
13:36chez les enfants
13:37pas tant d'ailleurs
13:38lorsqu'ils sont
13:38dans leur prime jeunesse
13:40mais ensuite
13:41c'est souvent de ne pas