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Dans son nouveau livre « Nos cœurs déracinés », Marie Drucker se confie sur son histoire familiale et sur des thématiques essentielles : l’identité, le rapport à soi, le passage du temps. Rencontre avec une femme plurielle et profondément humaine.

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Transcription
00:00Mais l'amour maternel, c'est un drame, parce que c'est à la fois la plus grande source et surprise de bonheur viscéral,
00:09et finalement c'est l'aventure la moins banale qui soit.
00:20L'identité est une question vaste, complexe, qui est changeante,
00:25puisque notre rapport à l'identité, j'en suis persuadée, évolue aussi en fonction des soubresauts de la vie, du monde, de notre société,
00:32de notre propre vie personnelle et intimité.
00:36Elle est plurielle, elle est polymorphe, et c'est quelque chose aussi de très intime.
00:41On peut parfois ressentir des conflits intérieurs, intimes, entre nos différentes identités,
00:47parce qu'on est tour à tour, alors quand on est une femme, on est tour à tour la femme que l'on est,
00:52la femme amoureuse, la mère, celle que l'on est dans le travail.
00:57Et parfois, évidemment, la vie se charge de confronter, de confondre et de mettre en conflit
01:04toutes ces différentes facettes de notre identité, mais je crois qu'il faut l'accepter.
01:10C'est vrai que quand on a une image publique, on sait qu'on s'expose au jugement.
01:16Je pense qu'on s'expose tous, même dès le plus jeune âge, à l'école,
01:19au jugement, aux critiques, à la cruauté aussi, on le voit dans les cours de récréation.
01:24Franchement, je pense avoir beaucoup de chance d'avoir été très protégée de ça,
01:29d'autant plus protégée que ça ne me concerne pas beaucoup.
01:33C'est-à-dire que je trouve très constructif ce que l'on peut me dire aussi sur mon travail,
01:37de manière constructive, justement.
01:41Mais je ne me suis jamais vraiment laissée atteindre par les critiques gratuites.
01:47Non, parce que j'ai pleinement conscience, en fait, que quand on renvoie une image publique,
01:52les autres peuvent s'en emparer et c'est le risque que l'on court et ce n'est pas très grave.
01:59Alors, j'ai une grande fierté pour le parcours de ma famille.
02:02J'espère que moi, il m'en reste quelque chose, ou en tout cas que ça m'a un petit peu construite.
02:07Je suis très fière du parcours de mes grands-parents,
02:11qui vraiment se sont battus pour tout ce qu'ils ont obtenus dans la vie.
02:15J'ai des grands-pères, l'un qui venait de Bucovine, en Roumanie, c'est ukrainien aujourd'hui,
02:21l'autre de Pologne, une grand-mère à moitié algérienne, une autre grand-mère autrichienne.
02:25Et tous ces gens-là ont décidé, pour des raisons de persécution,
02:30notamment de quitter leur pays d'origine au début du XXe siècle et de venir s'établir en France.
02:35Et ils ont eu des parcours très heurtés, très chaotiques pour s'établir,
02:40pour venir en France, ensuite devenir français,
02:44au prix parfois d'un arrachement identitaire douloureux,
02:47pour faire leur une nouvelle patrie, une nouvelle langue,
02:51de nouvelles habitudes, une nouvelle culture.
02:53Et ils l'ont fait de manière tellement courageuse, volontaire,
02:59et assez, je dirais, digne.
03:01Ça, ça me rend très fière.
03:02Mais l'amour maternel, c'est un drame,
03:06parce que c'est à la fois la plus grande source et surprise de bonheur viscéral,
03:13et en même temps, c'est tout ce qui va avec de pertes d'insouciance,
03:18de légèreté, d'angoisse nouvelle, qu'il faut tenter d'apprivoiser en vain.
03:22C'est quelque chose de fou, l'amour maternel,
03:24parce que finalement, au regard des chiffres,
03:26la maternité, donner naissance à un enfant, c'est extrêmement banal.
03:31Et finalement, c'est l'aventure la moins banale qui soit,
03:35celle qui vous déroute en permanence.
03:38Et puisqu'on parle des émotions,
03:39c'est aussi celle qui vous fait ressentir absolument toutes les émotions,
03:45tour à tour, une grande joie, cinq minutes après, une grande angoisse.
03:48Mais c'est évidemment quelque chose de lumineux, de merveilleux,
03:52et c'est une aventure aussi, c'est une aventure qui dure un certain temps.
03:58Pour moi, la maternité, c'est la révolution identitaire ultime,
04:02parce que ça nous fait revoir notre rapport au monde dans sa globalité et dans ses détails.
04:08C'est-à-dire qu'on réinterprète notre propre enfance,
04:13notre propre éducation, notre vision du couple, de l'amour, de l'avenir, de la mort.
04:21Et en ce sens, c'est une révolution identitaire profonde, déstabilisante,
04:27mais aussi extrêmement joyeuse et passionnante.
04:33Vivre avec le temps qui passe, c'est l'accepter, en tout cas,
04:38c'est pas un problème à partir du moment où on vit bien avec le temps qui passe.
04:41Moi, j'ai pas envie d'avoir 25 ans ou 30 ans, je les ai eus pleinement,
04:45j'adore ce qui se passe maintenant.
04:46J'aurais pas été capable d'écrire un livre à 25 ans,
04:48j'aurais pas été capable d'avoir un enfant à 25 ans.
04:51Ce qui valable pour moi n'est valable que pour moi, évidemment,
04:53parce que je connais beaucoup d'autres femmes qui ont des parcours différents et très épanouissants.
04:58Mais je crois que le secret, c'est ça, c'est, tant que possible,
05:02ne pas être empêchée de vivre bien chaque période de notre vie.
05:06Ce que j'aime le plus aujourd'hui, c'est me sentir forte de l'expérience acquise.
05:12Et ça, il n'y a que l'âge qui donne ça.
05:17La dernière fois que j'ai sauté de joie, probablement 10 minutes avant d'arriver chez vous,
05:23ça, pour moi, c'est très important.
05:25Une rescapée de la Shoah, Alice Mandelson, qui est morte à 100 ans il y a quelques mois,
05:29disait « il faut avoir le vice de la joie ».
05:31Et je crois que je ne peux pas avoir meilleure phrase pour m'accompagner.
05:36Les moments passés avec mon fils, par exemple, me mettent instantanément de bonne humeur.
05:40Et puis, oui, j'essaye d'attraper tous les moments agréables.
05:45Quelqu'un que vous croisez dans la rue, vous échangez deux mots chez un commerçant, en fait.
05:50J'aime bien l'idée que l'on mette de la joie et de la douceur en toutes choses.
05:55Voilà, donc ce n'est pas toujours possible,
05:56parce que la vie se charge de nous mettre des choses trappes,
05:59mais j'essaye de mettre de la joie et de la bonne humeur dans les choses.
06:05Je suis viscéralement optimiste,
06:07parce que je pense qu'on n'a pas le choix que de garder l'espoir tout le temps en toutes choses.
06:14Et je me dis finalement que ce qui n'est pas tragique n'est pas grave.
06:18Sous-titrage Société Radio-Canada

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