François Molins, ancien procureur de la République de Paris et procureur général près la Cour de cassation, était l'invité d'Apolline de 9 à 10.
Catégorie
📺
TVTranscription
00:00Et on vous accompagne jusqu'à 10h. On est avec François Mollins, ancien procureur général près la cour de cassation.
00:06Vous avez écrit au nom du peuple français, vous êtes celui qui nous avait accompagnés dans les moments, je le disais, les plus douloureux.
00:12Vous étiez procureur de la République de Paris au moment des attentats de 2015, de 2016.
00:18Je voudrais d'abord vous poser une question sur la justice au quotidien.
00:22Et c'est le ministre de la Justice lui-même qui, hier, chez nos confrères de TF1, a posé cette question.
00:27Est-ce qu'il ne faudrait pas, enfin ce n'est pas une question d'ailleurs, il y répond, il estime que les personnes qui sont en prison, les condamnés,
00:36devraient payer pour leur quotidien en prison ?
00:39Oui. Écoutez, je vais vous répondre franchement. Ça a existé il y a très longtemps. Ça a été abandonné, je crois, en 2001 ou 2002.
00:47Franchement, ce n'est pas le problème prioritaire dans les prisons. La priorité dans les prisons, elle n'est pas là.
00:54La priorité dans les prisons, elle est d'avoir suffisamment de place pour héberger les gens, de leur offrir des conditions de dignité qui soient acceptables.
01:03Je rappelle que la France a été condamnée plusieurs fois par la Cour européenne à l'occasion des conditions de détention, jugées indignes.
01:10Et puis, je pense qu'il faut permettre à l'administration pénitentiaire de pouvoir mener en prison des actions de réinsertion.
01:17Donc, les faire payer, non ?
01:18Mais ils payent déjà, d'ailleurs.
01:20Franchement, ce n'est pas un sujet. Moi, je dirais que c'est un objet ou un marqueur politique.
01:24Mais je pense que ce n'est pas ça qui va arriver, le fond des choses. Et les problèmes de fond ne sont pas là.
01:30Non, mais François Moulin, il paye déjà dans la mesure où si vous ne payez pas en prison, vous avez à peine ce qu'il faut à manger.
01:37Oui, vous ne pouvez pas cantiner, vous ne pouvez pas améliorer votre quotidien. Donc, la plupart des gens ont besoin...
01:41Il faudrait donner du travail. Je crois qu'il n'y a pas le quart des détenus français qui ont un travail. Il faudrait donner du travail.
01:4727% des détenus qui travaillent.
01:47C'est tout ça. C'est comme ça qu'on a... La prison, elle est là pour essayer de remettre les gens dans le droit chemin.
01:52Donc, il faut essayer de les réinsérer.
01:53Comment dire ? Vous avez même l'air un peu affligé.
01:56Oui, un peu, oui.
01:57Vous avez l'impression que c'est le discours d'un candidat.
01:58Tout à l'heure, vous avez parlé de justice du quotidien. Pardon, je ne veux pas vous abreuver de chiffre.
02:03Vous êtes tous... C'est rare, mais là, François Mollins, il va falloir qu'il reste deux heures.
02:08Nous aussi, on l'a...
02:09Oui, nous aussi, on l'a attendu.
02:11J'ai regardé la moyenne du nombre de procureurs pour 100 000 habitants en Europe, c'est 12.
02:15En France, c'est 3. 4 fois moins.
02:18Le nombre d'argent consacré à la justice, c'est 77 euros par habitant.
02:22C'est 136 en Allemagne. Le double.
02:25Et on pourrait prendre comme ça tous les indicateurs.
02:28Il n'y a pas assez de magistrats, pas assez de greffiers.
02:30Alors, je sais ce que va me dire mon voisin.
02:31Oui, à chaque fois, c'est un problème de moyens.
02:34Je vais vous répondre.
02:35Mais pour la justice, je vais vous répondre.
02:38Tout le monde s'accordait à dire qu'il faut plus de magistrats, on est 9 000.
02:41Enfin, ils sont 9 000, puisque maintenant, moi, je n'y suis plus.
02:44On avait dit avec le comité des états généraux, il faut au moins 1 500 magistrats de plus.
02:48Il y en a d'autres qui disent qu'il en faudrait 9 000 de plus.
02:50Le drame dans le Calonnet, c'est que personne n'est capable aujourd'hui,
02:53alors qu'on a lancé ce travail il y a 12 ans,
02:55le ministère de la Justice n'est pas capable aujourd'hui
02:57de quantifier précisément la charge de travail.
03:01Ne pouvant quantifier la charge de travail,
03:02on est dans l'incapacité de déterminer le besoin précis en magistrat.
03:06Mais pourquoi ce monde est capable ?
03:07Ce qui est sûr, c'est qu'il en faut plus.
03:08Il faudrait demander à nos responsables.
03:10Moi, je ne suis pas directeur de cabinet il y a 12 ans.
03:12J'avais lancé un groupe de travail pour quantifier la charge de travail.
03:152011, 2025, ce n'est toujours pas clair.
03:17On n'en est pas capable, mais il faut 9 ans pour juger les papilles braqueurs.
03:22Et ce n'est pas normal, ce sont des délais qui ne sont pas convenables.
03:26Moi, un garde des Sceaux parlait pour évoquer ces situations de justice au carbone 14.
03:31Ce n'est pas normal d'attendre 9 ans pour juger un dossier criminel.
03:34Et ça renvoie en réalité à la misère et au manque de moyens, effectivement.
03:38Mais comment on a pu arrêter là, sans que personne ne fasse rien pendant toutes ces années ?
03:44On n'a peut-être pas été dans les priorités au niveau du budget de l'État.
03:50Et surtout, si vous voulez, je pense qu'on paye une situation qui fait que depuis une vingtaine d'années,
03:57les lois sont accumulées et on s'est évertué en ce qui concerne nos responsables
04:03à multiplier les missions et les compétences qu'on nous donnait
04:07sans nous donner les moyens supplémentaires de les réaliser correctement.
04:10Donc, petit à petit, l'institution s'est embolisée.
04:13Et ça s'est traduit par un rallogement des délais et des difficultés de conditions de travail.
04:17L'une des solutions évoquées, notamment face à la question des prisons, ce sont les courtes peines.
04:21C'est de plus en plus évoqué par beaucoup de vos confrères, d'ailleurs,
04:25et qui évoquent notamment les Pays-Bains qui auraient eu la recette miracle en faisant des petites peines.
04:30Nous, ici, c'est l'inverse. C'est-à-dire que si vous n'appliquez, nous n'appliquons en France que les lourdes peines.
04:36Les petites ne sont systématiquement pas appliquées. Est-ce qu'il faut faire l'inverse ?
04:40Alors, pas appliquées. Le problème qu'on a, c'est qu'elles sont appliquées, mais avec beaucoup trop de retard.
04:45Les gardes des Sceaux vous disent qu'il y a 92% des peines exécutées, oui, mais dans les 4 ou 5 ans.
04:50Donc, c'est un peu le drame qu'on a.
04:52Donc, le problème, c'est le retard.
04:53La courte peine, elle pourrait avoir du sens à condition d'être exécutée très rapidement après la décision.
04:58Et le souci qu'on a, c'est que depuis les années 2010, on traîne en permanence en France un stock de 95 000 à 110 000 peines à exécuter.
05:06Ça veut dire quoi ? Ça veut dire que ces 95 000 personnes, parce qu'en fait, quand on dit peine, ce sont des individus,
05:11à qui on a dit « tu vas aller en prison ».
05:13Et qui attendent 12 mois, 18 mois, 2 ans.
05:15– Et puis, ce n'est pas tout de suite. En fait, on parle aussi souvent, et on en a beaucoup parlé ici,
05:21puisque c'est un des dossiers qui occupe énormément les politiques aujourd'hui, la question de la justice des mineurs.
05:25Là aussi, vous parliez de la justice carbone 14. Alors, quand on est papy braqueur, comme dans le cas de Kim Kardashian, c'est une chose.
05:32Mais la lenteur de la justice quand on est un adolescent, c'est encore pire, parce qu'on est à un âge où on change considérablement.
05:40Et où, lorsque l'on est condamné à 16 ans, mais que ça n'a pas de conséquences avant qu'on en ait 18 ou 20, ça n'a absolument pas le même impact.
05:48– Oui, tout à fait. Robert Badinter disait qu'un mineur, ce n'est pas un adulte en réduction, c'est un être en devenir.
05:55Donc, effectivement, il ne faut pas trop attendre.
05:58Mais moi, là-dessus, j'avais quand même le sentiment que l'adoption du code de justice pénale des mineurs
06:02avait permis de progresser, d'aller beaucoup plus vite en introduisant la césure.
06:05C'est-à-dire qu'on statue très vite sur la culpabilité et puis on renvoie la peine à quelques semaines ou quelques mois après
06:12en fonction de l'évolution du jeune. J'avais le sentiment que ça s'était un peu arrangé.
06:16– Sauf que du coup, ça donne aussi le sentiment à un certain nombre de jeunes qu'on te dit que tu es coupable
06:19mais en même temps, tu n'es pas puni.
06:21– Oui, mais…
06:22– Et apparemment, ce que nous apprennent les Pays-Bas, c'est que ces courtes peines qui sont rapidement exécutées
06:27ont un effet profilactique, c'est-à-dire qu'on comprend rapidement qu'il y a des conséquences aux gestes qu'on pose.
06:32– Et d'ailleurs, la situation dans ces pays est quand même relativement saine
06:35puisque c'est pareil en Allemagne, les Pays-Bas, eux, ne sont pas en état de surpopulation
06:41mais il n'y a pas si longtemps, ils louaient des places de prison à la Belgique.
06:44– Oui, c'est-à-dire qu'ils en avaient trop quoi.
06:46– Comme ils en avaient trop et que les Belges n'en avaient pas assez,
06:48ils louaient des places pour envoyer les Belges aux pays-là.
06:50– Les Américains font ça aujourd'hui avec le Salvador et ce n'est pas glorieux.
06:53– Ce n'est pas la même chose.
06:54– Non, c'est… Est-ce que… Cette question des moyens peut-elle être résorbée d'une manière ou d'une autre ?
07:04Est-ce qu'il y a des blocages également au sein même de la magistrature ?
07:08Parce qu'on voit que dans certains pays, notamment en Grande-Bretagne,
07:10on a confié des fonctions annexes ou connexes pour des jugements plus mineurs
07:19à des gens qui ne sont pas magistrats.
07:20Est-ce que ça peut être une piste à explorer ?
07:22– Alors, moi, je suis toujours un peu…
07:25Effectivement, le juge, je vois toujours d'un œil un peu assez prudent
07:29le fait de déléguer une partie de ses tâches à quelqu'un d'autre.
07:33Moi, je pense que la décision, il faut que ce soit les magistrats qui continuent à la prendre.
07:36Par contre, effectivement, on a beaucoup de choses à gagner
07:38et il faut qu'on progresse là-dessus dans cette notion d'équipe autour du juge.
07:42C'est-à-dire qu'il faut qu'on prenne l'habitude de travailler différemment,
07:45être moins individualiste, faire confiance,
07:48savoir s'entourer, comme on le fait dans certains pays au Canada.
07:51Je pense d'ailleurs, ça se fait un peu comme ça et dans des tas de pays.
07:53Et effectivement, avoir des gens qui vont venir autour de vous
07:55pour vous aider à préparer la décision, voire à la faire
07:59et puis vous n'avez plus qu'à la valider.
08:01Et ça, c'est possible pour les petits comptants.
08:02– Vous avez parlé tout à l'heure, François Mollins, de la question de la pédagogie,
08:06du fait qu'il fallait parler davantage.
08:07Vous êtes d'ailleurs celui qui avait instauré cette prise de parole quotidienne du procureur
08:13lorsque vous étiez vous-même procureur dans le contexte exceptionnel des attentats.
08:16Deux questions là-dessus.
08:19Une question dans un instant sur le rôle du parquet national antiterroriste aujourd'hui
08:23et une question sur le partage de ce qui se joue dans une cour.
08:27Je vous le racontais tout à l'heure,
08:31j'ai vu récemment ces remarquables documentaires
08:34qui sont proposés par nos confrères de France Télévisions
08:36qu'on peut voir en replay, que je recommande à tout le monde,
08:39des plus jeunes aux plus âgés,
08:41sur les procès Barbie et les procès Papon.
08:45Ces procès ont été filmés,
08:48ils n'ont évidemment pas été diffusés à l'époque
08:50et c'est aujourd'hui que ces films sont dans le domaine public
08:55qu'on peut en faire des documentaires.
08:57Est-ce qu'il ne faut pas le faire davantage ?
08:59Il y a eu ce débat sur la question de filmer la justice.
09:02Mais au fond, qu'est-ce que la justice a à perdre à filmer ?
09:05Moi, j'ai toujours été pour l'enregistrement et la diffusion des audiences.
09:09Toujours.
09:09Parce que je trouve que c'est un instrument de pédagogie, effectivement.
09:12Bon, il ne faut pas que ça tombe dans le barnum américain,
09:14mais c'est un instrument de pédagogie
09:16pour montrer effectivement ce qui se passe dans les audiences.
09:18Et j'ai vu effectivement Barbie, moi, il y a 15 jours ou 3 semaines.
09:21Je trouve ça absolument remarquable.
09:24C'est remarquable parce que ça explique vraiment...
09:26Ça, c'est la vraie justice,
09:27avec des gens qui remplissent leur rôle,
09:30avec beaucoup de conscience,
09:31beaucoup de loyauté et d'humanité.
09:34Et puis, c'est aussi intéressant parce que, j'allais dire,
09:37dans un monde où on accuse la justice de fonctionner tellement mal,
09:40la diffusion de ces films montre aussi que, dans ces procès,
09:44quand on a les moyens de bien faire,
09:46eh bien, on fait bien et qu'on peut faire des choses très très bien.
09:48Donc, la question, c'est quand on a les moyens de bien faire.
09:50Autre question.
09:51On recevait ici même, à votre place, hier,
09:53l'avocat de l'homme qui a été assassiné dans la mosquée du Gard vendredi.
10:02Il disait, maître Mourad Batik,
10:05« La République trie parmi les victimes. »
10:08Il se dit scandalisé du fait que le parquet national antiterroriste
10:12ne se soit pas saisi de l'affaire.
10:16– Alors, moi, je ne connais pas les tenants et les aboutissants du dossier.
10:20J'ai simplement noté, effectivement, que le procureur d'Alès
10:22a saisi un juge avec une qualification,
10:25donc, visant l'assassinat commis à raison de la religion.
10:28Je pense qu'il se trompe, cet avocat.
10:30Je pense que la justice...
10:31Enfin, il faut revendiquer le droit de pleurer de la même façon
10:34sur toutes les victimes.
10:35Il n'y a pas un tri sélectif.
10:37Ce n'est pas comme ça que ça se passe.
10:39Quand on apprécie quelque chose
10:43et qu'on doit décider s'il faut retenir la qualification terroriste,
10:46ou pas, ça ne se fait pas du côté de la victime.
10:49Ça se fait du côté de l'auteur.
10:51Et moi, j'ai été choqué par certaines comparaisons
10:55qui ont consisté à dire, oui, le père Hamel,
10:57on a ouvert au terrorisme.
11:00Et puis, ce brave garçon qui travaillait à titre bénévole
11:03dans la mosquée, ça n'allait pas.
11:04Ce n'est pas comme ça que ça se passe.
11:06Le père Hamel, ça a été ouvert au terrorisme
11:08parce que l'assassinat est commis par des terroristes
11:11qui appartiennent à une organisation de terroristes.
11:13On verra.
11:16Il n'y a pas, pour le moment, je pense...
11:18Dans les motivations, en réalité,
11:21ça veut dire qu'il ne faut pas se baser du point de vue de la victime
11:23où il y aurait une sélection entre les victimes.
11:25La République trie parmi les victimes.
11:27Voilà les propos.
11:28Il faut revenir à...
11:29On est dans un pays dans lequel le terrorisme
11:31n'a pas une définition politique, mais juridique.
11:34Et terroriste, l'entreprise qui a pour objet
11:37de troubler gravement l'ordre public
11:39par l'intimidation ou la terreur,
11:41c'est la seule définition qui vaille.
11:43Et c'est par rapport à ça que quand on est procureur terroriste,
11:45on décide ou pas de retenir la qualification.
11:48Moi, ce que j'ai noté, sauf avoir mal compris,
11:50c'est que le PNAT a fait son évaluation
11:52et qu'au terme de l'évaluation,
11:54il a laissé l'affaire au procureur d'Alès.
11:56Et ça veut dire que le PNAT pourrait se saisir
11:58en fonction de l'enquête maintenant ?
11:59S'il y avait des éléments, il pourrait à nouveau se saisir ?
12:02Une évaluation peut toujours corriger les choses.
12:05Si demain, je pense, dans ce type d'affaires,
12:08on s'aperçoit que le suspect mis en examen
12:13a agi sous l'Empire, effectivement,
12:15en lien avec du terrorisme d'ultra-gauche,
12:17d'ultra-droite, du duhadisme, n'importe quoi,
12:20tout peut se corriger en permanence
12:21jusqu'à la fin de l'instruction.
12:23Ça veut surtout dire,
12:24moi je trouve ça un peu inquiétant comme débat,
12:25le PNAT n'est pas une super justice,
12:28il n'y a pas un supplément de justice
12:29parce que le parquet antiterroriste s'occupe de votre affaire.
12:34La justice passera et elle passera bien, a priori.
12:38Le PNAT, c'est un parquet spécialisé
12:40qui a vocation à traiter des infractions terroristes.
12:42Ça ne veut pas dire qu'il les traitera mieux que les autres.
12:45Il va les traiter avec des règles de procédure différentes.
12:47Ça ne veut pas dire que les victimes seraient plus victimes
12:51ou moins victimes.
12:52Vous avez déjà été menacé, François Malins ?
12:54À ma connaissance une fois.
12:57Aujourd'hui, on parle de juges menacés,
13:00150 magistrants qui seraient menacés.
13:03C'est un chiffre que donne le ministère de l'Intérieur
13:05qui a été repris dans un dossier par nos confrères de libération
13:07il y a quelques jours.
13:10Qu'est-ce que ça dit ça de notre époque
13:12et de notre rapport à la justice ?
13:13– D'abord, je voudrais dire un petit mot pour ces collègues.
13:17Moi, j'ai beaucoup d'admiration pour ce qu'ils font
13:19dans des conditions que c'est difficile.
13:21Je l'ai déjà dit pour les Marseillais, je le pense pour tous.
13:23Je pense que ce que vous dites, c'est la conséquence de plusieurs facteurs.
13:27On est dans une société où il y a une vraie crise d'autorité,
13:31où aucune institution quasiment n'est respectée.
13:34La justice peut-être d'abord au premier chef.
13:37Une société où il y a de plus en plus de violences dans l'espace public.
13:41Et effectivement, il faut se demander pourquoi.
13:44Je disais tout à l'heure que moi, je pense qu'il y a une dérive sociale.
13:48Il y a certainement une forme de crise démocratique
13:50où on vient contester la légitimité du juge.
13:53Ce procès en légitimité est alimenté, je me répète,
13:57par la montée du populisme qui vise à tenir des discours
14:00dans lesquels on vient délégitimer l'action de la justice.
14:03Il y a un continuum entre les deux ?
14:05Entre la parole de certains responsables politiques
14:07qui attaquent les juges et la violence dont certains font l'oblige ?
14:10Je pense que nombre de responsables politiques ont joué avec le feu,
14:15avec des prises de parole publiques depuis un certain nombre d'années,
14:19qui les ont vues soit discréditer l'action de la justice,
14:22avec des discours...
14:23Quand on discrédite une institution, on l'affaiblit.
14:26Ça, je pense que c'est une constante.
14:28Et qui aussi ont une part de responsabilité
14:30en ne tenant pas compte des décisions de justice qui étaient rendues ?
14:34Mais vous pensez à qui ?
14:35Je ne veux pas donner d'exemple, puis ils se reconnaîtront.
14:37Mais il y en a des tas.
14:38Non, mais est-ce que vous pensez ?
14:40Si vous avez un ministre de l'Intérieur qui vient vous dire
14:42qu'il se réserve le droit de ne pas respecter une décision
14:45de la Cour européenne ou de la Cour française,
14:49moi, ça me pose quand même un problème.
14:50Mais ces prises de position, elles sont quand même le fruit
14:53de ce qui remonte d'une frustration,
14:56puisque vous parlez au nom un peu des Français.
14:59Vous voyez bien ces frustrations des Français
15:01par rapport à des décisions qu'ils trouvent trop laxistes.
15:05Ils ne comprennent pas que les délinquants soient relâchés.
15:08Donc ce populisme, il y a un terreau quand même.
15:11Il ne prospèrerait pas s'il n'y avait pas un terreau.
15:13François Molins.
15:13Oui, bien sûr.
15:14En termes de laxisme, là aussi, il faut redresser les choses.
15:17On est laxistes, mais il n'y a jamais eu autant de membres
15:20dans les prisons.
15:2182 000 détenus pour 62 000 places.
15:24Et la moyenne des peines...
15:26Mais est-ce que c'est dû à la justice ?
15:29La moyenne des peines a été augmentée de 2 mois et demi
15:32en l'espace de quelques années.
15:34Le problème qu'on a, c'est qu'on n'est pas capable
15:36de mettre à exécution rapidement les peines prononcées.
15:38Ce n'est pas un problème de laxisme,
15:39c'est un problème d'organisation et de textes qui sont mal ficelés.
15:42Et François Molins, vous évoquiez tout à l'heure
15:44effectivement ces politiques qui mettent en doute
15:47des décisions de justice.
15:49Lorsque vous voyez à la une du journal du dimanche,
15:51Bruno Retaille, au ministre de l'Intérieur,
15:52qui, il y a quelques semaines, disait
15:53« Notre droit ne protège plus les Français ».
15:56C'est à ça que vous pensez ?
15:57Écoutez, tout le monde a le droit d'avoir ses opinions.
16:01Si les politiques estiment que le droit ne protège plus les Français,
16:03libre à eux de le modifier,
16:05c'est la responsabilité première.
16:06La responsabilité première d'un politique,
16:08c'est d'améliorer la vie des gens
16:09et effectivement de construire et de permettre
16:13l'élaboration de lois qui vont permettre
16:15de résoudre les problèmes qui sont posés.
16:17C'est l'essence de la responsabilité politique, ça.
16:19Donc si le droit ne protège pas assez,
16:21la volonté nationale peut le faire évoluer.
16:23Et c'est normal.
16:23Vous, François Mollins, une retenue qui est à la fois due à la netteté
16:30et à la précision des mots que vous devez utiliser
16:33et on se souvient en particulier que dans les moments
16:35où chaque mot était scruté lorsque vous étiez le soir
16:39face à nous, Français, hébétés, saisis d'effroi par les attentats,
16:47mais il y a aussi, je trouve dans cette retenue,
16:51vous vous dites je ne peux pas laisser sortir ma colère.
16:54Est-ce qu'il y a de ça aussi ?
16:55Des fois je reconnais que je suis un peu excédé
16:57de voir certains problèmes de fond
16:59qui sont sur la table depuis des années et des années
17:01qui ne sont toujours pas réglés
17:02par, je pense, manque de volonté
17:04et notamment de volonté politique de les régler.
17:06Je pense qu'on devrait s'attacher parfois
17:08à faire beaucoup moins de communication.
17:09Il ne vous plaît pas les politiques ?
17:11Non, j'ai beaucoup de respect pour la fonction politique.
17:14Peut-être que c'est parce que vous avez du respect
17:15pour la fonction politique que vous êtes déçu par la classe politique.
17:18Peut-être que je l'idéalise trop
17:19et que c'est peut-être pour ça que je suis assez déçu par la classe politique.
17:21Vous n'avez jamais voulu, à un moment, vous ?
17:24J'ai eu une expérience, je raconte dans mon livre
17:27en disant que c'est un pas de côté,
17:28j'ai eu une expérience de deux ans et demi en cabinet
17:30et ce qui m'a profondément gêné,
17:32c'est que j'ai eu le sentiment à un moment donné
17:36que les choses n'avançaient pas assez vite
17:38et puis j'ai eu le sentiment à un moment donné
17:40que je perdais une forme de liberté
17:41dans la mesure où, effectivement, quand on est dans un organe politique
17:46ou qu'on a ce type de responsabilité,
17:48on peut être amené à soutenir des choses
17:50avec lesquelles on n'est pas toujours entièrement d'accord.
17:53Et ça, c'est quelque chose qui me gênait profondément.
17:56Votre intégrité ?
17:58Surtout en termes de liberté et d'indépendance.
18:00Donc, je pense qu'on peut aussi se rendre utile autrement
18:04qu'en faisant de la politique.
18:05Donc, c'est ce que j'essaie de faire à mon tout petit niveau.
18:07François Mollins, dans un monde cynique,
18:09vous pouvez imaginer, vous,
18:11qu'on choisisse de ne pas régler certains problèmes
18:13parce que ça permet ensuite de dire
18:15le système ne fonctionne pas
18:16et je vais incarner, moi, la solution.
18:18Oui, tout à fait, c'est possible.
18:20C'est possible et on voit votre sourire que vous le pensez.
18:23Merci, François Mollins, d'être venu avec nous.
18:25On a bien compris qu'on aura besoin de vous réinviter
18:27parce qu'on a encore de très nombreuses questions à vous poser.
18:29En tout cas, on en trouvera un certain nombre de réponses
18:31dans votre livre que je recommande
18:32au nom du peuple français, vos mémoires chez Flammarion.