Servane Mouton, neurologue et neurophysiologiste, était l'invitée de France Inter ce mercredi. La commission sur l'impact de l'exposition des jeunes aux écrans, dont elle est la co-présidente, a appelé mardi à proscrire les écrans avant 6 ans.
Retrouvez les invités de 6h20 sur https://www.radiofrance.fr/franceinter
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00:00France Inter
00:01Mathilde Munoz
00:05Le 5-7
00:08Il est 6h21, pas d'écran pour les enfants avant l'âge de 6 ans.
00:12Cela menace leur capacité mentale et physique.
00:15Nouvelle alerte de scientifiques.
00:17Cinq sociétés savantes, dont les sociétés françaises de pédiatrie, de psychiatrie et d'ophtalmologie,
00:22viennent d'écrire une lettre au gouvernement et celle qui en est à l'initiative.
00:25Et notre invitée ce matin dans le 5-7.
00:27Bonjour Servane Mouton.
00:28Bonjour.
00:28Vous êtes neurologue, neurophysiologiste.
00:31Vous avez co-présidé la commission sur l'impact de l'exposition des jeunes aux écrans
00:35qui a rendu un rapport il y a tout juste un an.
00:38Les précédentes recommandations, celles dont on a beaucoup parlé, c'était 3 ans, pas d'écran avant 3 ans.
00:44Vous vous dites non, il faut aller jusqu'à 6 ans. Pourquoi ?
00:46Dans le rapport, nous avions déjà écrit que les écrans étaient déconseillés jusqu'à l'âge de 6 ans.
00:51On avait marqué qu'il fallait renforcer ce qui était déjà diffusé,
00:56qui était de ne pas mettre les enfants de moins de 3 ans devant les écrans.
01:00Mais que jusqu'à 6 ans, c'était déconseillé ou alors tout au moins fortement limité,
01:05accompagné par un adulte avec des contenus de valeur éducative et occasionnellement.
01:11Donc c'était vraiment, voilà, mais ça commençait par déconseiller.
01:15Et là maintenant, il ne faut vraiment pas du tout ?
01:17Au moment où les discussions au niveau du gouvernement notamment sont sur comment vont être mises en application
01:24les préconisations du rapport et il y a dans les réflexions quels messages vont être diffusés,
01:30il nous semble qu'il ne faut pas repartir sur le « les écrans ne conviennent pas aux enfants de moins de 3 ans »
01:37mais aller d'emblée à « les écrans ne conviennent pas à des enfants de moins de 6 ans ».
01:42Et pourquoi ? C'est parce que le cerveau d'un enfant est en construction justement quand il est tout petit
01:47et que cet afflux d'images, d'images, les contenus sont trop riches, les images défilent trop vite
01:51pour qu'il puisse assimiler tout ça ?
01:53C'est ça. Il y a à la fois le côté traitement des informations par le cerveau
01:59et puis il y a aussi la fragilité, la sensibilité et la vulnérabilité de l'œil en développement
02:05à la lumière émise par les écrans qui est riche en bleu
02:07et qui favorise le développement de la myopie et potentiellement des lésions sur la rétine.
02:13Nous n'avons pas de recul sur les effets à long terme d'une exposition régulière répétée à ce type de lumière chez l'enfant.
02:18Donc le problème, et double la nature du problème, c'est à la fois l'aspect technologique et le contenu, les deux.
02:23Oui.
02:24Et quels sont donc, vous évoquez les risques de myopie, quels sont les autres risques pour la santé que vous avez identifiés ?
02:30Les autres risques sont sur le sommeil, lorsque les écrans sont utilisés le soir ou dans les heures qui précèdent le coucher.
02:37Après, sur le côté...
02:39Dans votre domaine à vous, le neurodéveloppement par exemple, qu'est-ce qu'il peut y avoir ?
02:42Sur le neurodéveloppement, entre les observations de terrain, les études expérimentales et les études de cohorte,
02:51on fait un lien entre l'exposition aux écrans et des moins bonnes performances sur le plan de l'attention,
02:58sur le langage également, sur les capacités socio-relationnelles et sur la régulation des émotions.
03:02C'est des choses qui ressortent.
03:03Mais ça veut dire que par exemple, des orthophonistes constatent ça aujourd'hui quand ils reçoivent des enfants ?
03:09Les orthophonistes, avec les médecins de PMI, les pédiatres, sont les premiers à avoir un petit résumé d'alarme il y a plusieurs années,
03:15devant l'engorgement de leur demande de consultation pour des problèmes liés à l'oralité, langage et alimentation.
03:21Donc là, on n'est pas dans le principe de précaution.
03:22Il y a des faits scientifiquement établis, des dégâts qui ont été constatés par des médecins ?
03:27C'est un peu mixte parce que beaucoup d'études font plutôt état d'une association que d'une relation causale.
03:32Simplement, pour retenir une causalité, c'est un faisceau d'arguments qui permet de l'avancer,
03:39sans attendre forcément qu'il y ait une certitude scientifique qui met souvent beaucoup de temps à être obtenue.
03:46Donc c'est ce faisceau d'arguments de terrain, d'études expérimentales, d'études épidémiologiques qui vont dans ce sens
03:51et qui conduisent à minima à appliquer le principe de précaution,
03:55en disant on ne fait rien perdre aux enfants en ne les exposant pas aux écrans.
03:58Par contre, on les expose à un risque potentiel qui semble aujourd'hui,
04:01avec un niveau de preuve suffisant, pouvoir être retenu.
04:04Même pour les documentaires où il y a des contenus éducatifs, par exemple ?
04:09Disons, vraiment, le message que nous souhaitons faire partie, c'est que ça ne convient pas aux enfants de moins de 6 ans.
04:13Après, il est évident que regarder un dessin animé de temps en temps, bien choisi,
04:18ou regarder un documentaire joli de temps en temps, ça ne va pas avoir un impact dramatique sur l'enfant.
04:24Mais c'est simplement d'exposer que ça ne convient pas, ça n'est pas un outil qui lui convient.
04:29Pourquoi le message a du mal à passer ?
04:30Dans votre lettre justement adressée au gouvernement, vous faites la comparaison avec le fait de traverser la rue.
04:35Oui, parce qu'il y a ces réactions, quand on essaye de faire comprendre que cet outil ne convient pas,
04:43simplement pour des raisons physiologiques à l'enfant,
04:47il y a des réactions qui peuvent être très vives, très agressives,
04:51et qui sont de l'ordre de vous diaboliser, vous créer une panique morale, etc.
04:58Nous, il ne nous semble pas que c'est le cas, c'est simplement d'informer avec les connaissances que nous pouvons avoir aujourd'hui,
05:04et c'est comme avec un jouet, je ne vais pas citer de marque, mais des jouets qui comportent des petits éléments,
05:10et qu'on voit écrit sur l'emballage, ne convient pas à un enfant de moins de 36 mois.
05:14On respecte ça ?
05:15On respecte, ça n'est pas une interdiction d'usage, ça n'est pas une interdiction de vente,
05:19simplement on explique que ça ne convient pas.
05:21Et vous dites que c'est la même chose, on ne fait pas traverser la rue un enfant tout seul,
05:23c'est une règle qu'on a...
05:25C'est comme ça.
05:26Voilà, c'est comme ça.
05:26Ce qui n'empêche pas de l'utiliser après, ou de considérer que ça n'est pas un objet diabolique.
05:31Votre rapport de l'an dernier, il est devenu quoi ?
05:34Un mois au gouvernement pour prendre des mesures, ça a donné quoi ?
05:37Il y a eu ensuite quelques mouvements politiques qui n'ont pas favorisé en tout cas un travail continu,
05:44mais les travaux interministériels ont repris depuis quelques semaines
05:47et semblent aller vers des réflexions pour l'application des précommandations.
05:50Toujours au stade de travaux, il n'y a rien de concret pour le moment, aucune mesure n'a été prise.
05:53Elles n'ont pas été, comment dirais-je, énoncées en tout cas.
05:57Merci Servan Mouton, neurologue et nérophysiologiste, et vous étiez l'invité du 5-7.