Aurélie Trouvé, députée LFI et présidente de la commission des Affaires économiques à l'Assemblée nationale, était l'invitée politique de franceinfo soir le 1er mai 2025.
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00:00Bonsoir Aurélie Trouvé, vous êtes députée LFI de Seine-Saint-Denis, présidente de la commission des affaires économiques à l'Assemblée.
00:09300 000 personnes ont défilé aujourd'hui en France selon la CGT pour ce 1er mai. C'est décevant 300 000 personnes ?
00:16Absolument pas, des centaines de milliers de personnes pour revendiquer des droits supplémentaires pour les travailleurs
00:22parce que ce n'est pas tant la fête du travail qu'une journée de mobilisation qui existe en fait depuis 1886.
00:30C'est des travailleurs aux Etats-Unis qui s'étaient mobilisés pour réduire leur temps de travail justement déjà et la police avait chargé, il y avait eu deux morts.
00:38Et depuis le 1er mai, c'est le jour où l'on rend hommage aux luttes des travailleurs.
00:44C'est grâce à ça qu'on a les congés payés, l'assurance des maladies, l'assurance retraite, etc.
00:49Sauf qu'en 2023, par exemple, en plein débat sur la réforme des retraites, il y avait 800 000 personnes dans les rues selon la police.
00:55Donc là, on voit qu'on n'est clairement pas les messages sur la défense du pouvoir d'achat, la défense de l'emploi
01:00ou contre les coupes budgétaires du gouvernement n'ont pas vraiment beaucoup mobilisé.
01:06Je considère que c'est une forte mobilisation et surtout, je considère qu'il y a beaucoup de colère.
01:10Moi, j'étais à Dunkerque ce matin et on va en parler.
01:13Mais d'abord, beaucoup de colère parce qu'on a un gouvernement qui continue à voler deux ans de retraite aux Français.
01:20Et ça, vraiment, ça tient à cœur des travailleurs.
01:22Vous le savez, de la plupart des travailleurs exigent qu'on leur rende ces deux ans de retraite
01:26puisqu'on est passé à une retraite à 64 ans sans jamais d'ailleurs que ce soit voté par les députés.
01:30Ça avait été adopté par 49-3.
01:32Exactement.
01:33Dans cette manifestation à Paris, des socialistes ont été violentés.
01:37Le député Jérôme Gage a dû être exfiltré.
01:40Un stand du PS a été ciblé par des jets de projectiles.
01:43Est-ce que vous condamnez ces violences ce soir ?
01:45Je le déplore.
01:46Vous le savez très bien, les violences ne font absolument pas partie de nos bottes d'action à la France insoumise.
01:52Voilà, donc évidemment, c'est déplorable.
01:55Et c'est condamnable.
01:56Bien sûr, et il faut surtout que ça n'occulte pas, excusez-moi,
02:00mais l'objet même de ce 1er mai et des manifestations.
02:04Ce pourquoi il y a eu des centaines de milliers de personnes dans la rue.
02:06En l'occurrence, se battre contre la régression sociale et même, je dirais, la guerre sociale
02:11que mène le gouvernement actuellement contre les travailleurs.
02:14Mais restons sur ces incidents.
02:16Des manifestants hostiles ont scandé.
02:18Tout le monde déteste le PS.
02:20Est-ce que les désaccords politiques peuvent justifier ce genre d'incidents ?
02:24Jamais.
02:24Vous savez, nous, les désaccords politiques à la France insoumise,
02:27évidemment, nous les traitons de façon pacifique, y compris avec le parti socialiste.
02:32Et donc, quand nous avons un désaccord, par exemple, parce que le parti socialiste n'a pas voté la motion de censure,
02:37et que du coup, nous avons un gouvernement qui reste en place,
02:40et qui, avec une retraite à 64 ans, qui reste en place,
02:44eh bien, évidemment, nous le faisons, nous exprimons ces désaccords dans le débat,
02:48comme je le fais aujourd'hui, même à votre micro.
02:52Aurélie Trouvé, vous le disiez, vous étiez à Dunkerque, ce matin,
02:54pour soutenir les salariés d'ArcelorMittal,
02:57menacés par un plan de suppression de plus de 600 postes en France.
03:00Comment empêcher ça ?
03:02Alors, d'abord, par la mobilisation des salariés.
03:04Voilà.
03:06Et là, je veux rendre hommage à leur lutte.
03:08Ça fait des mois que les salariés d'ArcelorMittal alertent.
03:12Alertent le gouvernement, alertent tout le monde.
03:14Oui, ArcelorMittal est une multinationale qui est en train d'organiser
03:18la chute de la métallurgie française.
03:21Je pèse mes mots.
03:22Les 636 licenciements qui sont annoncés, en fait, étaient prévisibles,
03:27puisque ça fait des années qu'ArcelorMittal, en fait, désinvestit.
03:30Voilà, désinvestit des hauts fourneaux.
03:32Et vous savez, en 2008, Sarkozy a fermé les hauts fourneaux de Grande Range.
03:38Ensuite, en 2012, François Hollande a trahi, vous le savez,
03:41a trahi les salariés de Florens,
03:43puisqu'il avait promis qu'il maintiendrait les hauts fourneaux de Florens,
03:45et il les a fermés.
03:46Et aujourd'hui, eh bien, il est hors de question que Macron trahisse,
03:50que le président Macron trahisse les travailleurs de Dunkerque.
03:53Alors, comment vous pouvez empêcher ça ?
03:55Alors, deux exigences, deux, d'accord ?
03:57La première, c'est que le gouvernement, enfin,
04:01s'engage à renationaliser les hauts fourneaux,
04:04dès lors qu'ArcelorMittal, et c'est très probable,
04:07annonce la fermeture des sites et des hauts fourneaux.
04:10Voilà.
04:10Tout simplement, si ArcelorMittal n'investit pas
04:12dans ce qu'on appelle la décarbonation,
04:14ces hauts fourneaux vont fermer.
04:15C'était un des grands projets, effectivement,
04:16prévus pour les prochaines années,
04:18un grand projet pour produire de l'acier vert.
04:21Exactement.
04:21Et deuxième revendication,
04:25justement, pour cette décarbonation,
04:26il y a 850 millions d'euros sur la table.
04:29Pour Arcelor, dette publique de notre argent,
04:31des contribuables, d'accord ?
04:33Et il est hors de question que ces 850 millions
04:35soient versés sans contrepartie.
04:37Il faut savoir qu'ArcelorMittal touche
04:39des centaines de millions d'euros chaque année.
04:40Depuis plusieurs années, mais sur le projet de décarbonation,
04:43le gouvernement ne les a pas encore décaissés.
04:45C'est uniquement si le projet est bien mis en œuvre.
04:48Non, mais pour être parfaitement clair,
04:49sur ces 850 millions.
04:50Mais donc, déjà, chaque année,
04:52ArcelorMittal reçoit des centaines de millions d'euros publics,
04:55notre argent, sans condition.
04:57Et annonce aujourd'hui encore des centaines de licenciements.
04:59Et là, maintenant, il y a 850 millions
05:01qui pourraient leur être versés,
05:02sans condition de maintenir l'emploi.
05:04J'ai posé la question mardi en hémicycle
05:07au ministre de l'Industrie,
05:08qui ne m'a pas répondu.
05:10Je lui ai demandé,
05:10est-ce que ces aides vont être conditionnées
05:12au maintien de l'emploi ?
05:13Il ne m'a pas répondu, et c'est inadmissible.
05:14Il faut réclamer que toutes les aides
05:15éventuellement à venir pour ArcelorMittal
05:17soient conditionnées à un maintien de l'emploi en France.
05:20Sur la nationalisation,
05:21la situation budgétaire de la France est assez compliquée.
05:24Le gouvernement a besoin de 40 milliards
05:26pour boucler son budget 2026.
05:28Est-ce que la France a les moyens
05:29de nationaliser les hauts fourneaux ?
05:31Bien sûr, parce que si elle ne nationalise pas la France,
05:34ça coûtera encore beaucoup plus cher à la France.
05:37Imaginez que chacun qui nous écoute se retourne,
05:39regarde autour de soi.
05:40De l'acier, il y en a partout en fait, partout.
05:43Et vous imaginez,
05:44si on ne produit plus l'acier en France,
05:46on devra l'importer de pays et de multinationales
05:48qui par ailleurs pourront nous imposer
05:49les prix qu'ils veulent, d'accord ?
05:51Il faut mettre des barrières douanières d'ailleurs
05:53sur l'acier extra-européen,
05:55c'est ce que réclame une partie de la gauche.
05:57Oui, il faut évidemment protéger davantage,
06:00mais là encore, le gouvernement dit
06:02que ça se passe en Europe.
06:04Mais qui est responsable ?
06:06Qui a le dossier industrie au niveau européen ?
06:09C'est Stéphane Séjourné.
06:10Commissaire européen chargé notamment
06:12dans son vaste portefeuille de l'industrie.
06:13Un très proche du président Macron,
06:15envoyé par le président Macron,
06:16qui ne fait pas le job.
06:18Qui ne fait pas le job, je le dis.
06:19Vous considérez que Stéphane Séjourné
06:19ne fait pas le job ?
06:20Non, il ne fait pas le job,
06:21puisque aujourd'hui,
06:22nous n'avons pas de plan acier efficace.
06:24Ce n'est même pas moi qui le dit.
06:25C'est le PDG d'ArcelorMittal lui-même.
06:26Qui réclame effectivement
06:27que l'Europe mette en marche son plan acier ?
06:29C'est bien le seul point d'accord
06:31que j'ai avec le PDG d'ArcelorMittal.
06:33Oui, il manque une protection effective
06:35vis-à-vis de la concurrence déloyale sur l'acier.
06:38Boris Vallot, le patron des députés socialistes,
06:40a annoncé le dépôt d'une proposition de loi
06:43de mise sous tutelle du site de Dunkerque,
06:46mise sous tutelle par l'État.
06:47Est-ce que ça, vous pourriez le voter chez LFI
06:49si ce texte est examiné ?
06:51Bien sûr.
06:52Nous, nous allons plus loin.
06:53Nous demandons un engagement de nationalisation
06:57C'est insuffisant ce que réclament les députés socialistes.
06:59Comme l'a fait.
06:59Mais je vais vous dire,
07:00c'est le Royaume-Uni qui vient de nationaliser
07:02les hauts fourneaux en Angleterre.
07:05Le pays de Margaret Thatcher,
07:07qu'on dit ultra-libéral.
07:08Et nous, nous ne serions pas capables
07:09de nationaliser une activité industrielle
07:12aussi stratégique.
07:13Il faut savoir, par exemple,
07:14que nous ne ferons pas de transports en commun,
07:17de trains et de conversions écologiques
07:19de la France sans acier
07:20et sans maîtriser la décarbonation
07:22et le passage à une industrie verte de l'acier.
07:25Et pour ça, il faut que ça reste en France.
07:27Sur ce sujet d'harcelor,
07:28il y a eu un communiqué hier
07:29de tout le reste de la gauche
07:30pour soutenir les salariés.
07:31Olivier Faure, Marine Tondelier,
07:33Fabien Roussel, François Ruffin,
07:34sans LFI.
07:35On ne vous avait pas proposé de signer ?
07:36Non, on ne nous l'a pas proposé.
07:37Vous le déplorez ?
07:38Je regrette, mais franchement,
07:40ce n'est pas le sujet du jour.
07:41Vous savez...
07:42Mais est-ce que ça préfigure
07:44ce qui pourrait se passer
07:45à la prochaine présidentielle,
07:46le reste de la gauche d'un côté
07:48et LFI qui fait bande à part ?
07:50Franchement, je le dis,
07:51je refuse que ce soit le sujet d'aujourd'hui.
07:53Je crois qu'il est important
07:54de ne pas préempter
07:55par des histoires de...
07:57Voilà, politiciennes aujourd'hui.
07:59Qu'il ne faut pas préempter...
08:00Les histoires politiciennes
08:01font aussi partie de la vie politique,
08:02Aurélie Trouvé.
08:03Oui, ça va être très bien.
08:04Je ne passerai pas mon temps ici
08:05à parler d'un communiqué
08:06qu'on ne nous a pas proposé.
08:08Je veux dire,
08:09l'ordre du jour aujourd'hui,
08:11c'était abroger la réforme des retraites,
08:13faire avancer le droit des travailleurs,
08:15lutter contre les licenciements.
08:16Et je n'étais à Dunkerque
08:18avec mes collègues insoumis,
08:20députés et militants,
08:22que pour ça.
08:22D'ailleurs, je lis sur certains médias
08:24qu'il n'y aurait pas eu LFI à Dunkerque.
08:26Je le dis,
08:26nous avions un très gros porte-cord.
08:29Vous n'étiez pas
08:29avec les autres dirigeants de la gauche
08:31qui étaient ensemble.
08:32Vous saviez,
08:33nous étions là,
08:34aux côtés des salariés
08:35et c'est la seule chose qui compte.
08:36C'est une journée organisée
08:38par les syndicats de salariés,
08:39d'ailleurs,
08:39auxquelles je veux rendre hommage.
08:41Parce que s'il y a autant de droits
08:42à des travailleurs dans ce pays
08:43qui ont été acquis depuis 150 ans,
08:46c'est bien parce qu'il y a
08:47des syndicats de salariés
08:48qui se battent dans ce pays.
08:49Aurélie trouvait un autre sujet
08:51en ce 1er mai.
08:52Le 1er mai est férié et chômé,
08:54mais des boulangers,
08:54des fleuristes souhaiteraient ouvrir
08:56et donc pouvoir faire travailler
08:58leurs salariés.
08:59Qu'est-ce que vous leur dites ?
09:00Alors, ce que je dis,
09:01c'est que je trouve ça absolument cynique.
09:04Que ce jour même
09:05où les travailleurs se battent
09:06pour réduire leur temps de travail,
09:08pour avoir droit au repos,
09:09pour pouvoir s'occuper de leur famille,
09:11pour avoir des loisirs,
09:12que ce jour-là même,
09:13il y ait des gens de droite,
09:15des députés,
09:17des responsables de droite
09:17et des patrons.
09:18Il y a une proposition de loi centriste
09:19et le gouvernement aussi
09:20soutient cette initiative
09:22de pouvoir laisser travailler
09:23ce qu'il souhaiterait.
09:25Eh bien, je trouve ça absolument cynique
09:27que ce soit précisément ce jour-là
09:29que ces gens de droite,
09:31que certains du gouvernement,
09:32que des patrons,
09:33en profitent
09:34pour encore retirer
09:35du temps de travail
09:36aux salariés.
09:37Et il faut savoir que...
09:38Du temps de repos.
09:38Et du temps, pardon.
09:39Du temps de repos
09:40pour augmenter le temps de travail.
09:42La ministre du Travail disait ce matin
09:44qu'il y a des gens
09:44qui ont envie de travailler
09:45et quand ils sont sur une base volontaire
09:47avec un doublement du salaire,
09:48ils doivent pouvoir le faire.
09:49Si c'est volontaire,
09:50quel est le problème ?
09:51Vous savez qu'en fait,
09:52dans toute l'histoire sociale,
09:55ce qui s'est passé,
09:55c'est que les patrons
09:56essayent toujours plus
09:57d'augmenter le temps de travail
09:58pour en gros payer
10:00à peu près pareil,
10:02grosso modo,
10:02les salariés.
10:03C'est-à-dire que l'heure de travail
10:04est de moins en moins payée.
10:05Et c'est pour ça que depuis 150 ans,
10:09les travailleurs ont gagné
10:10des semaines de congés payés.
10:12C'est pour ça qu'ils ont gagné
10:13la semaine de 35 heures.
10:15Plus vous réduisez le temps de travail
10:16d'un travailleur,
10:18plus, alors à condition de rester
10:19à temps plein et d'être bien payé,
10:21plus vous pouvez partager
10:23le temps de travail
10:23parce que je rappelle aussi
10:24que dans ce pays,
10:25il y a des millions de chômeurs
10:26et qu'on a à peu près
10:2710 chômeurs
10:28pour un emploi disponible.
10:29Donc ce qui est urgent,
10:30c'est de partager le temps de travail
10:32entre tous ceux qui veulent travailler.
10:34Malheureusement,
10:34il y a beaucoup de gens
10:35qui veulent travailler
10:35et qui ne le peuvent pas
10:36et de faire en sorte
10:37que les travailleurs,
10:38ceux qui travaillent,
10:39puissent travailler
10:40un petit peu moins
10:41en vivant dignement.
10:43Mais est-ce que c'est normal
10:44que des boulangers,
10:45on en a entendu se plaindre
10:46ces dernières heures,
10:47qui ouvrent le 1er mai
10:48prennent des PV ?
10:50Il y a des lois,
10:52il y a des règles dans ce pays
10:53et c'est important
10:54de les respecter.
10:56Et encore une fois,
10:57le 1er mai,
10:58c'est symbolique d'une chose.
11:00C'est ce combat des travailleurs
11:02pour capter la richesse
11:03qu'ils créent eux-mêmes.
11:04Parce que je le dis,
11:05dans ce pays,
11:05la richesse,
11:06elle n'est pas créée
11:06par ceux qui détiennent le capital,
11:08elle n'est pas créée
11:09par les patrons,
11:10elle est créée
11:10par ceux qui travaillent.
11:12Et donc ceux qui travaillent
11:13aujourd'hui,
11:13ils demandent que leurs droits
11:14avancent
11:15et qu'on cesse de les payer
11:17de moins en moins
11:17pour travailler de plus en plus.
11:18Et donc,
11:19vous ne souhaitez pas
11:20qu'on travaille davantage
11:21le 1er mai.
11:21Merci,
11:22Ouellie Trouvé.
11:22Sous-titrage Société Radio-Canada