Aujourd'hui, dans « Les 4V », Jean-Baptiste Marteau revient sur les questions qui font l’actualité avec Clément Beaune, haut commissaire au Plan.
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00:00Et bonjour Clément Beaune, bienvenue dans les 4V, vous êtes un homme heureux ce matin ?
00:04Oui, j'ai effectivement fait partie de ceux qui ont vibré, éveillé un petit peu.
00:08Quand on est élu de Paris, on est forcément fan du PSG ?
00:11On est fan du PSG et puis on se dit que quelques décennies après la victoire de Marseille,
00:16contre une autre équipe milanaise, peut-être que ça peut bien se passer en finale.
00:20Donc pronostic pour la finale ?
00:21La victoire bien sûr, 2-0 !
00:24On suivra ça à la fin du mois de mai.
00:30Vous êtes ancien ministre délégué chargé de l'Europe Clément Beaune,
00:32conseiller d'Emmanuel Macron également sur les questions européennes pendant plusieurs années.
00:35La venue de Paris du nouveau chancelier allemand hier, Friedrich Merckx,
00:38c'est une bonne nouvelle pour la France, l'arrivée au pouvoir de ce chancelier ?
00:42Oui, c'est une très bonne nouvelle.
00:43Quand on regarde bien sûr les premiers pas de Friedrich Merckx,
00:46il y a eu quelques déboires au Parlement allemand,
00:49mais il y a une vraie volonté d'engagement européen.
00:52Ça a été vu même avant que Friedrich Merckx soit élu comme chancelier à quelques jours.
00:56Il avait échangé avec le Président de la République, c'était aussi un signe.
00:59Ils ont publié, Friedrich Merckx et Emmanuel Macron, une tribune hier.
01:02Quand on regarde les mots de cette tribune, moi je suis très frappé,
01:05j'ai travaillé sur les questions européennes il y a quelques années,
01:07le logiciel allemand a complètement changé.
01:09On parle de défense, on parle d'investir massivement la défense au niveau européen.
01:12Pour vous, c'est un vrai tournant ?
01:14C'est un vrai tournant, bien sûr, il y aura des sujets sur lesquels on ne sera pas d'accord,
01:17c'est ça le franco-allemand.
01:18Mais il y a une volonté sur la question géopolitique, sur la question énergétique.
01:21Les Allemands, par exemple, contestaient le nucléaire en France,
01:24ce qui est si important pour nous.
01:25Et on voit bien dans cette tribune commune que Friedrich Merckx,
01:28que le nouveau chancelier, dit qu'on respecte la neutralité,
01:32donc les choix souverains français en la matière.
01:34Il y a une coopération, un état d'esprit, une volonté de l'avant,
01:37qui, je crois, sont beaucoup plus forts.
01:38Et désormais, Friedrich Merckx est dit favorable pour placer son pays,
01:41qui était jusque-là dépendant du parapluie nucléaire américain,
01:44sous plutôt la protection britannique et française.
01:46C'est une nouvelle responsabilité pour la France ?
01:49Oui, ça traduit le moment de défense qu'on vit.
01:50Alors après, sur ces sujets, on entend beaucoup de bêtises et beaucoup d'approximations.
01:54Il est évidemment hors de question pour un pays souverain comme le nôtre,
01:58qui a sa dissuasion nucléaire depuis les années 60 et le général de Gaulle,
02:01de transférer, comme on l'entend parfois dans des polémiques vaines,
02:05la responsabilité, la décision souveraine de recourir à la dissuasion
02:10qui est entre les mains du président de la République française,
02:12et ça restera comme ça.
02:14Après, la question, c'est de savoir quels sont nos intérêts,
02:16quels sont nos intérêts vitaux.
02:17Ça aussi, ça dépend d'une seule personne, toujours, soit la Ve République,
02:21le président de la République française, lui seul, pas le chancelier allemand,
02:24pas la Commission européenne ou que sais-je.
02:26Se demander en revanche ce que sont nos intérêts vitaux,
02:29est-ce que les menaces, les attaques sur d'autres pays,
02:32c'est une réflexion ancienne que le président avait ouverte,
02:34mais que l'Allemagne est prête à ouvrir avec nous.
02:36Ça, c'est un enjeu de sécurité de défense majeure.
02:39Il n'y a pas que ça, il y a aussi tout simplement le fait
02:41d'augmenter notre effort de défense.
02:43Les Allemands ont fait des gestes ces dernières années
02:44avec le chancelier Scholz, et on voit bien que Friedrich Merz
02:47a donné des signaux très clairs d'investissement allemand dans la défense,
02:50et c'est bon pour notre sécurité collective.
02:52Cette situation internationale, et particulièrement ce jour du 8 mai,
02:55on commémore la fin de cette guerre en 1945.
02:58Vous êtes donc désormais haut-commissaire au plan,
03:00et vous venez de publier cette note qui, effectivement, fait beaucoup réagir.
03:02Dans cette note, vous présentez plusieurs pistes pour accroître
03:04les formes d'engagement civile et militaire pour les jeunes français.
03:07Déjà, premier constat, pas question pour vous de ressusciter le vieux service militaire,
03:12ça coûterait beaucoup trop cher.
03:13Nous, notre boulot, ce n'est pas d'être un décideur public,
03:16je ne suis pas un décideur public aujourd'hui,
03:17un éclaireur public en revanche, pour que le débat,
03:20puisque beaucoup de gens en parlent dans le contexte actuel de sécurité,
03:22de menaces, de ces options.
03:24On fait des recommandations.
03:25On fait des recommandations, et surtout, on les éclaire, on les chiffre,
03:28parce que c'est mieux quand même, avant de prendre des décisions,
03:30de savoir de quoi on parle. Ce qu'on dit sur le service militaire obligatoire,
03:34on regarde là aussi ce que font les autres Européens.
03:36Il y a une dizaine de pays en Europe qui ont un service militaire obligatoire.
03:39En pratique, il y a souvent une assez faible participation,
03:42il y a beaucoup de dérogations, beaucoup d'exonérations.
03:44Mais si on le rétablissait en France pour tous les jeunes,
03:48y compris les filles,
03:49filles et garçons, ça serait logique,
03:51ça coûterait environ 15 milliards d'euros par an,
03:53sans même compter les infrastructures,
03:55c'est-à-dire l'accueil par nos armées,
03:56l'hébergement d'un certain nombre de jeunes.
03:58Donc ce n'est pas ce que vous préconisez prioritairement ?
04:00On dit simplement que quand on dit ça,
04:01il faut savoir que ça coûte extrêmement cher,
04:03que c'est extrêmement compliqué à organiser,
04:05les armées le disent elles-mêmes,
04:06que probablement ça déstabiliserait aussi notre armée de métiers,
04:09qui est une armée professionnelle,
04:10qui n'est plus une armée d'appelés,
04:12comme on l'a connue depuis le passé.
04:13Depuis la décision de Jacques Chirac en 1995.
04:14Vous préconisez donc d'autres choix,
04:16notamment peut-être d'accroître le SNU,
04:18ce service national universel,
04:20mais toujours sur la base du volontariat ?
04:22Alors ce qu'on dit,
04:23c'est qu'il y a des options volontaires
04:24qu'on pourrait un peu doper en quelque sorte,
04:26pour faire appel à plus de jeunes,
04:27soit dans le service national universel,
04:29qui a été créé par le Président de la République en 2019.
04:32Ce n'est pas un grand succès pour l'instant.
04:33C'est 40 000 jeunes par an,
04:34ce n'est pas complètement négligeable.
04:35On pourrait imaginer,
04:36on fait cette hypothèse,
04:37qu'en communiquant davantage,
04:39en accueillant mieux,
04:40on pourrait passer peut-être jusqu'à 200 000 jeunes.
04:42Juste en communiquant mieux ?
04:43Et puis en développant les capacités d'accueil,
04:45en mobilisant l'éducation nationale, etc.
04:48On prend cette hypothèse,
04:48on pourrait aussi imaginer des services civiques.
04:51Ça, ça marche vraiment bien.
04:52Il y a à peu près presque 100 000 jeunes par an
04:54qui font un service civique.
04:56C'est un jeune sur 7, un jeune sur 8,
04:58donc c'est beaucoup.
04:58On pourrait imaginer que ce service civique,
05:00il soit plus important, mieux financé,
05:02parce qu'on voit qu'il y a quelques difficultés budgétaires en ce moment,
05:05voire obligatoire.
05:05Alors, vous allez jusqu'à cette hypothèse.
05:07Qu'il soit obligatoire,
05:08notamment pour les 15, 17 ans ou 18, 25 ans,
05:10il y a plusieurs hypothèses,
05:11ça changerait quoi ?
05:12Vraiment, tous les jeunes seraient contraints
05:14d'aller donner quelques mois pour ce service civique ?
05:17Oui, c'est une contrainte citoyenne, civique,
05:19qui est importante.
05:19Il y a des pays aussi qui réfléchissent,
05:21voire qui basculent dans un service civique obligatoire en Europe.
05:23C'est un débat qu'on voit partout.
05:25Pas seulement pour des questions de défense,
05:26là on est plutôt dans le civil, l'engagement civique,
05:29mais aussi pour des questions de cohésion.
05:30Parce que quand on parle de service,
05:31du service pour tous,
05:33c'est aussi l'idée d'avoir un moment commun
05:34ou un moment qu'on donne à la société
05:36quand on a 18, 20 ou 25 ans.
05:38Les Français n'aiment pas beaucoup les choses obligatoires,
05:40généralement.
05:41On pourrait réussir à convaincre les Français,
05:42les jeunes Français de s'engager.
05:43Les Français ont l'esprit civique,
05:44on le voit dans leur engagement associatif,
05:46on le voit dans tous ces dispositifs volontaires
05:47qui mobilisent quand même beaucoup de jeunes aujourd'hui.
05:50Et c'est une réflexion qui, je pense, est importante.
05:53Moi, ma conviction personnelle,
05:55c'est qu'avoir un service civique à caractère obligatoire,
05:59ce serait important.
06:00Et après, une fois qu'on dit obligatoire,
06:02il peut y avoir beaucoup de choix.
06:03On peut faire un engagement plutôt écologique,
06:05plutôt pour des personnes âgées,
06:06plutôt dans le domaine social.
06:08Il y a plein associatif,
06:09dans les collectivités locales,
06:10à l'étranger.
06:11Les Allemands réfléchissent aussi à la même chose.
06:13Pourquoi pas imaginer un système franco-allemand
06:16où il y a des engagements ailleurs en Europe aussi ?
06:18On comprend bien que vous penchez plutôt
06:19pour quelque chose d'obligatoire,
06:20d'assez universel.
06:21Oui, ce n'est pas moi qui vais le décider,
06:23mais on éclaire toutes ces options.
06:24Et puis, on dit aussi qu'il y a des options
06:26qu'on pourrait appeler hybrides,
06:27parce qu'on ne peut pas caricaturer
06:29ou simplifier ce débat,
06:30avec, par exemple, du civil
06:32et puis du militaire volontaire après.
06:34Vous faites donc des propositions
06:35en tant que haut-commissaire au plan.
06:36Vous avez peut-être une idée
06:37de ce qu'en pense Emmanuel Macron,
06:38que vous connaissez bien.
06:39Vous avez dû en parler avec lui.
06:41Vous sentez un intérêt ?
06:42Il est ouvert à ces questions-là ?
06:45Président, ça a beaucoup réfléchi
06:46à ces questions-là,
06:46puisque le SNU,
06:47le Service National Universel,
06:48c'était une de ses promesses
06:49dès son premier mandat
06:50et on l'a mis en place
06:51à partir de 2019.
06:52Mais il comprendrait
06:53qu'il va falloir changer
06:53et faire évoluer peut-être ce dispositif.
06:55Je ne le préjugerai pas,
06:55parce que je ne le sais pas
06:56et je ne le dirai pas de toute façon,
06:58mais des décisions qui relèvent
06:59du président et du gouvernement,
07:00nous, on a apporté un certain nombre
07:01de briques, en quelque sorte,
07:02pour construire le puzzle ou le mur
07:04et c'est le président qui décidera.
07:05Il doit s'exprimer mardi prochain
07:06à la télévision.
07:08Vous pensez qu'ils peuvent
07:08faire peut-être une annonce
07:09sur les référendums ?
07:10Ce serait quelque chose
07:11d'important aussi
07:11pour engager les Français
07:13et prendre des décisions
07:14sur des sujets importants ?
07:15Le président a déjà fait
07:16en quelque sorte des annonces
07:17sur ce sujet,
07:17puisqu'il a dit qu'il fallait
07:18des modes de consultation,
07:20d'association des Français
07:21qui soient plus fréquents
07:22et plus participatifs,
07:23en quelque sorte.
07:24Et préciser les thèmes.
07:25Et le thème,
07:26je pense qu'il les précidera bientôt.
07:27Ce n'est pas à moi de le dire.
07:28Mais il n'y a pas que le référendum,
07:30il y a par exemple
07:31la Convention citoyenne
07:32sur les temps scolaires,
07:33sur l'école,
07:34que le président a souhaité.
07:35Tout ce qui permet aux Français,
07:37au-delà des élections,
07:38de respirer démocratiquement,
07:40de s'exprimer,
07:41de participer,
07:41y compris par le référendum,
07:43c'est bon pour notre société.
07:44Clément Bonne,
07:44vous avez également
07:45ministre en charge des Transports.
07:46La grève à la SNCF
07:47qui assure que 90% des trains
07:49seront assurés ce week-end.
07:50Il y a des cadres
07:51qui ont été mobilisés
07:51par la SNCF
07:52pour tenter justement
07:53de pallier aux absences
07:54de certains grévistes.
07:55Est-ce que c'est une victoire
07:57pour la direction
07:57qui en quelque sorte
07:58a réussi à casser cette grève ?
08:00Je n'aime pas ces termes-là.
08:01Ce n'est pas les uns
08:02contre les autres.
08:02Il faut d'abord
08:03du dialogue social.
08:04J'ai été confronté
08:05à une grève sauvage
08:06ou surprise,
08:07malheureusement,
08:07aux vacances de Noël 2022.
08:09C'est à cette époque
08:09que j'avais demandé à la SNCF,
08:11je le revendique,
08:12de multiplier ces possibilités
08:14d'avoir des personnes formées,
08:16homologuées,
08:17parce qu'il faut évidemment
08:17un certain nombre
08:18d'habilitation de sécurité
08:19pour monter à bord d'un train,
08:20pour que quand il y a des grèves,
08:21il y ait moins d'impact.
08:22Ça n'empêche pas
08:23qu'il y ait des impacts.
08:24Je pense à des gens...
08:25C'est donc une bonne décision
08:26de la part de la direction.
08:26C'est une bonne chose,
08:27évidemment,
08:27parce que c'est un service public,
08:28la SNCF,
08:29et sa mission,
08:30c'est d'assurer
08:30qu'il y ait des trains
08:31pour les Français.
08:32Si on veut la transition écologique,
08:33il le faut aussi.
08:34Ça n'empêche pas
08:35qu'il y ait des revendications
08:35qu'on peut comprendre
08:36et un dialogue social
08:37qui doit se développer.
08:38En quelques secondes,
08:39on a parlé de Paris
08:39au début de cette interview,
08:40municipal 2026.
08:42Vous avez été élu de Paris.
08:43Vous jouerez un rôle
08:43dans cette municipale,
08:44quel qu'il soit ?
08:45Je l'ai dit,
08:46je l'assume complètement.
08:47Je jouerai un rôle,
08:48on verra lequel,
08:48mais l'engagement que j'ai,
08:50pas seulement pour le foot
08:51et dans les moments heureux,
08:52mais pour Paris,
08:53il est intact
08:54et il demeure.
08:55Clément Beaune,
08:56haut-commissaire au plan,
08:57était l'invité des 4 mai ce matin.
08:59Merci, bonne journée.