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Transcription
00:00Et alors j'ai la chance de recevoir ce matin pour la première fois une grande comédienne de théâtre, de cinéma, de télévision.
00:06Elle a joué pour les plus grands, Eric Romer, Roger Vadim, Woody Allen ou même Christophe Honoré.
00:11Elle excelle autant dans le drame que dans la comédie. Bonjour Marie-Christine Barraud.
00:15Bonjour.
00:15Et merci beaucoup d'être avec nous, c'est un honneur de vous recevoir ce matin.
00:18Je suis précédée de ma réputation.
00:20Ah bah oui, oui, oui, bien sûr.
00:22À mon âge, remarquez, il vaut mieux.
00:24Aujourd'hui, c'est la grande avocate et figure du féminisme, Gisèle Halimi, que vous incarnez dans une pièce où le public, je le disais tout à l'heure, est debout tous les soirs.
00:37Beaucoup de succès parce que vous racontez en fait sa vie à deux voix avec Inda Abdelhaoui.
00:42C'est adapté du livre d'entretien publié par Annie Cojan en 2020, l'année où elle nous a quittés, Gisèle Halimi.
00:49Donc ce sont vraiment les mots de Gisèle Halimi que vous portez sur scène.
00:53Il n'y a pas un mot qui ne soit pas de Gisèle Halimi.
00:56Et les sources sont le livre d'Annie Cojan qui est quand même une suite d'interviews, mais il y a aussi d'autres interviews directes à la télévision, à la radio.
01:05Et en fait, c'est cette oralité qui fait qu'on est vraiment avec elle, c'est vraiment elle qui...
01:09Nous sommes les deux voix, la voix divisée en deux de Gisèle Halimi.
01:14Depuis quasiment sa naissance jusqu'à la fin, jusqu'à son passage un peu météorique dans la vie politique.
01:23Elle m'a dit que ce n'était pas fait pour moi.
01:25Ce n'était pas fait pour elle.
01:25Et on connaît, c'est vrai, ses grands combats.
01:27On a en mémoire le procès de Bobigny, son combat pour faire légaliser l'IVG.
01:31Et c'est aussi Gisèle Halimi qui est à l'origine du loi.
01:34Une loi pour définir ce qu'est le viol avec ce procès d'Aix-en-Provence qui était loin d'être gagné.
01:40Parce qu'en fait, l'opinion publique, elle était contre Gisèle Halimi à l'époque.
01:45Sur beaucoup de plans, oui.
01:46Parce qu'elle était quand même très progressiste, très en avance.
01:50Alors les femmes la suivaient, mais les hommes avaient un peu peur.
01:54Mais en même temps, c'est un féminisme qui inclut les hommes.
01:57Elle le dit.
01:58Elle dit ce monde, cette philosophie qui réinvente des rapports hommes-femmes,
02:05enfin fondés sur la liberté.
02:08et la libération des femmes signifierait aussi celle des hommes,
02:13désormais soulagée des dictates de la virilité.
02:17Elle est vraiment pour un monde de paix entre les hommes et les femmes,
02:20pas un monde de guerre.
02:21Et vous jouez aussi, Marie-Christine Barraud, Gisèle Halimi,
02:24quand elle plaide avec cette phrase
02:26« Je suis une avocate qui a transgressé la loi »
02:29en parlant de son propre avortement clandestin.
02:32En fait, à chaque plaidoirie, c'est un peu comme si elle jouait sa vie.
02:35C'est ce qu'elle dit au début, elle dit que la règle pour les avocats,
02:40c'est de prendre de la distance, d'avoir du recul, de ne pas s'identifier.
02:45Elle dit « Pour moi, c'était impossible,
02:46parce que j'ai toujours l'impression que c'est moi-même que je défends. »
02:49Et ça, elle le dit et elle le fait.
02:51Parce que c'est vrai que le procès de Bobigny, elle l'a plaidé comme ça.
02:54C'est-à-dire qu'elle plaidait en tant que femme
02:56qui avait vécu ça dans sa propre chair.
02:59Ce qui était évidemment très dangereux,
03:01puisqu'à l'époque, l'avortement était interdé.
03:04Bien sûr.
03:05Alors qu'en plus, elle le dit elle-même,
03:07un bon avocat doit avoir du recul,
03:09mais elle n'y arrive pas elle-même.
03:11Elle n'y arrive pas.
03:12Et alors, ce qui est incroyable, quand on voit cette pièce,
03:14c'est de se dire que ces combats,
03:15en fait, ils ne sont pas encore tout à fait gagnés en 2025.
03:18C'est-à-dire qu'on aurait un peu de recul sur certaines choses.
03:21Je ne sais pas si vous vous rendez compte,
03:22dans les mentalités,
03:24et puis sur le plan international,
03:27il y a un incroyable recul.
03:29Tout est remis en question.
03:31C'est-à-dire que la bataille continue.
03:32Et alors, dans cette pièce, on découvre aussi,
03:35moi, c'est ce que j'ai trouvé le plus intéressant,
03:37c'est des pans de la vie de Gisèle Halimi,
03:39qu'on ne connaissait pas forcément,
03:41à commencer par son enfance en Tunisie.
03:43Et alors, dès l'âge de 8 ans,
03:45on l'obligeait à faire des tâches ménagères,
03:48à servir ses frères à table.
03:49Et elle, elle ne supportait pas ça.
03:52Et elle a fait une grève de la faim.
03:53Elle fait une grève de la faim quand même.
03:55Et elle a gagné.
03:56Elle a gagné.
03:57Ça a fonctionné.
03:57C'est-à-dire qu'on ne lui a plus jamais demandé
03:59de faire les tâches ménagères pour ses frères.
04:03Et je crois qu'elle avait en elle
04:05la graine, vraiment, de la révolte,
04:08de l'indignation et du combat.
04:11Elle est née avec,
04:12dans un milieu qui vraiment n'y portait pas.
04:15Elle avait une mère qui était la plus enfouie
04:18dans toutes les conventions,
04:20à la fois religieuses et sociales.
04:22Un père qui avait une toute petite situation,
04:25donc qui avait peur.
04:26Peur de la vie.
04:27Donc peur pour ses enfants.
04:29Et qui ne voyait de possibilités
04:31que par rapport à ses garçons,
04:33pas par rapport à ses filles.
04:34Or, les garçons n'ont pas été à la hauteur.
04:36Et c'est elle qui a redonné de l'honneur à la famille.
04:39Lui pensait que ça ne pouvait être que par les garçons.
04:42Et donc, elle a tout réinventé.
04:43Mais alors, moi, ce qui m'enchante,
04:46parce que ça, ça correspond quand même
04:47à tout ce que je ressens, à tout ce que je vis,
04:49c'est par les livres et par l'enseignement
04:51qu'elle s'en est sortie.
04:53Elle lisait.
04:54Elle dit qu'elle lisait des nuits entières.
04:56Elle avait une toute petite langue.
04:57C'est ça la clé, en fait.
04:58Et elle lisait.
04:59Et c'est la clé.
04:59Et vous savez que moi, je suis une grande lectrice
05:01et que je fais beaucoup, beaucoup de lectures publiques
05:04et que j'ai l'impression d'avoir une vision,
05:08d'essayer de réveiller dans les êtres humains
05:12ce goût de la lecture qui est le goût de la liberté,
05:15de la curiosité, de l'ouverture sur le monde.
05:17Et malheureusement, les gens qui ne lisent pas
05:19ne se rendent pas compte de ce qui va leur manquer.
05:22Et donc, je me bats pour ça.
05:23Elle est l'exemple même de quelqu'un
05:25qui s'est sauvé, qui a réinventé,
05:28qui a inventé, pas réinventé,
05:30inventé sa vie grâce à la lecture
05:32et à l'ouverture que ça lui a donnée sur le monde.
05:35Il faut lire, et ça on le dit souvent ici,
05:37il faut également aller au théâtre
05:39et voir notamment ce spectacle Gisèle Halimi,
05:42Une farouche liberté,
05:43avec Marie-Christine Barraud et Inda Abdelhahoui,
05:46mise en scène par Léna Pogam.
05:48C'est à voir à la Scala à Paris jusqu'au 31 mai
05:51et du 5 au 27 juillet, vous irez en Avignon.
05:54Absolument.
05:54Allez, dans un instant.

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