L'Heure des Livres : Marie-Christine Barrault

  • l’année dernière
Anne Fulda reçoit Marie-Christine Barrault pour son livre «Si tu savais, c’est merveilleux» dans #HDLivres
Transcript
00:00 - Bonjour Marie-Christine Barrault. - Bonjour.
00:02 - Alors bon c'est bien parce qu'on n'a pas à vous présenter, tout le monde connaît la comédienne,
00:05 de théâtre évidemment, de cinéma, de télé aussi, et là vous venez d'écrire un très joli livre
00:10 qui s'appelle "Si tu savais, c'est merveilleux" qui est paru chez Stock.
00:14 Un livre lumineux, un peu à votre image, entre un livre de souvenirs et une leçon de vie.
00:21 Alors "Si tu savais, c'est merveilleux", ces mots, écrivez-vous, sont bien davantage qu'un testament,
00:26 ils sont devenus ma chair et mon sang, associés à la mort, ils éclairent ma vie.
00:30 Alors c'est Marcel, votre grand-mère paternelle, à qui vous devez ces mots, vous en parlez.
00:36 - Elle est morte en prononçant ces mots, "Si tu savais, c'est merveilleux".
00:40 Je n'étais pas là, elle est morte avant ma naissance, dans les bras de son fils,
00:44 qui se trouve un grand homme de théâtre, Jean-Louis Barrault, et ça m'a...
00:47 Quand j'étais plus jeune, je me disais "Oh c'est joli d'être morte comme ça",
00:50 et maintenant ça me questionne vraiment, je me dis pour arriver à dire ça en mourant,
00:55 c'est qu'on a bien rempli son contrat avec la vie.
00:58 - Et en fait, c'est un peu le fil de ce livre, c'est-à-dire que vous pensez que les morts,
01:03 d'une certaine façon, éclairent notre vie.
01:05 - Je pense vraiment que les morts, les gens qu'on a aimés et qui nous ont quittés,
01:10 et qui ont compté pour nous, ils nous tiennent la main, j'ai vraiment l'impression.
01:13 Alors la plus forte impression que j'ai eue, c'est quand j'ai perdu mon mari Roger Vadim,
01:17 avec qui j'avais une relation totalement fusionnelle, j'ai vraiment un sentiment,
01:23 je dis presque, c'est comme si j'avais une relation dans l'au-delà.
01:27 Ça pose dans la vie quand même, d'avoir quelqu'un dans l'au-delà,
01:30 tout d'un coup ça agrandit la vie.
01:33 Alors ça n'enlève pas le chagrin, ça n'enlève pas le manque, ça n'enlève pas tout ça,
01:37 mais c'est au-dessus, ça donne une espèce de force incroyable pour continuer.
01:42 - Alors est-ce que ça a quelque chose à voir avec la foi, parce que vous l'abordez,
01:46 vous dites que vous avez même envisagé après la mort de votre père,
01:48 d'entrer chez les Carmelites.
01:50 Est-ce que la foi a quelque chose à voir avec cela ?
01:54 - Moi, personnellement, je trouve que la foi, c'est plutôt une exigence supplémentaire.
01:58 Je ne trouve pas que ce soit un pansement, parce que je crois qu'effectivement,
02:03 c'est Diderot qui disait "moi si j'avais été croyant, j'aurais droit dans la trouille de mourir
02:07 et qu'on me demande des comptes là-haut".
02:09 Il y a une exigence par rapport à la foi, quelle qu'elle soit d'ailleurs,
02:13 de quelque religion que ce soit, je pense qu'au contraire,
02:16 c'est une exigence justement de pureté, d'avancée, de générosité, de charité, d'amour.
02:25 Tout ça, ça compte et ça rentre dans la balance.
02:28 Mais ça n'aide pas forcément.
02:30 Et puis je ne sais pas si vous êtes comme moi, on a assisté à beaucoup d'enterrements
02:34 où on entend quand même des balivernes prononcées par les prêtres
02:38 qui n'aident pas vraiment à continuer le chemin dans la joie et la bonne humeur.
02:44 Alors, foi ou pas, en tout cas vous convoquez dans ces pages
02:48 tous ces défunts que vous avez aimés et qui ont éclairé votre vie.
02:51 Bon alors évidemment on va en parler, on a parlé de votre père
02:55 qui disparaît quand vous avez 14 ans.
02:57 Et puis il y a Vadim, Vadim mon amour, comme vous dites,
03:00 c'est un amour unique qui éclipse tous les autres ?
03:04 Ah oui, d'ailleurs la preuve c'est que quand même il est mort il y a 23 ans
03:08 et que je n'ai jamais imaginé de pouvoir mettre quelqu'un d'autre dans cette situation-là avec moi.
03:14 Oui parce que je ne pouvais même pas imaginer qu'on pouvait avoir une relation amoureuse avec quelqu'un
03:21 qui préserve la liberté, qui préserve la vie personnelle de chacun, de chacun des deux
03:28 et qui en même temps soit une espèce de fusion permanente,
03:30 de créativité permanente de la vie à deux.
03:33 Il fallait rencontrer quelqu'un comme lui pour vivre ça.
03:36 Et moi je n'y croyais pas, la conjugalité ça ne m'a...
03:38 ce n'est pas mon truc trop, même si j'ai été mariée deux fois.
03:41 Mais c'est vraiment... il n'y a qu'avec lui que ça m'a semblé possible.
03:46 Et donc le jour où j'ai compris qu'il allait me laisser toute seule sur le chemin,
03:50 il a fallu quand même que je fasse un énorme travail pour survivre.
03:54 Et puis encore une fois, c'est là que j'ai compris le plus à quel point on pouvait continuer.
04:00 Non pas continuer dans les souvenirs, je n'ai pas d'hôtel à la maison avec des photos et des petites fleurs et du machin.
04:05 Mais c'est qu'il y a une espèce de force qui m'a insufflée, vraiment de force.
04:10 Et puis je dis toujours, si par hasard il devait revenir aujourd'hui, il faudrait qu'il soit encore amoureux de moi.
04:15 Donc il faut que je sois la femme, que je reste la femme qu'il a aimée.
04:18 C'est très joli.
04:20 Vous vous évoquez aussi Daniel Toscan du Plantier avec qui vous avez eu deux enfants, votre premier mari,
04:25 que vous avez connu jeune, enfant.
04:28 Et puis aussi parmi les figures que tout le monde connaît, il y a, vous évoquez votre oncle,
04:33 Jean-Louis Barraud et sa femme Madeleine Renaud, qui, bien qu'étant de la partie, ne vous ont pas franchement encouragé.
04:39 Pas vraiment, non, pas vraiment.
04:41 Même une fois installée, c'est étonnant.
04:43 Non seulement ils ne m'ont pas encouragée, ils ont même essayé de me dissuader,
04:47 mais ce qui me fait le plus de peine quand même, c'est qu'ils ne sont jamais venus me voir,
04:52 ni jouer, ils n'ont jamais parlé d'un film dans lequel ils m'avaient vu,
04:56 ou même à la télévision, jamais, comme si je faisais un autre métier.
05:00 Et c'est pour ça que j'essaye de parler de ce moment où j'étais à côté de Jean-Louis Barraud, mort sur son lit.
05:07 Vraiment, j'aurais voulu qu'il me réponde, mais pourquoi ça s'est passé comme ça ? Pourquoi ?
05:12 C'est sûrement aussi de ma faute, quand il y a une histoire d'amour qui ne marche pas, c'est les deux.
05:17 Mais je pense que, je ne sais pas, j'ai...
05:19 Et en même temps, mon oncle, pour moi, c'était un héros.
05:21 C'est un homme tellement incroyable, d'une créativité incroyable,
05:26 qui a laissé un sillage dans le monde du théâtre.
05:29 Pas forcément que comme acteur, mais surtout comme chef de troupe,
05:33 comme vétéran scène, comme capacité à découvrir des grands auteurs de l'époque.
05:38 C'est une grande figure.
05:40 Et je me dis que moi, j'ai eu la petite nièce à côté, et je n'ai rien eu de tout ça.
05:43 Sauf que c'est le même sang qui est dans mes veines,
05:45 et je le ressens de plus en plus, cette exigence-là,
05:49 que quand on s'appelle Barraud, on ne peut pas faire n'importe quoi.
05:52 D'ailleurs, la preuve, lisez ce livre, si tu savais, c'est merveilleux.
05:55 Donc, c'est paru chez Stock. Merci beaucoup, Marie-Christine Barraud.
05:58 C'est vraiment un très joli livre qui n'est pas qu'un livre de souvenirs, justement.
06:02 Merci beaucoup.
06:03 Merci.
06:05 [Musique]
06:08 [SILENCE]

Recommandée