L'autre 8-Mai : celui des massacres de Sétif, Guelma et Kherrata. L'Elysée voulait marquer le coup. Impossible vu les rapports actuels avec l'Algérie.
Retrouvez « L'édito politique de Patrick Cohen » sur France Inter et sur : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-edito-politique
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00:00L'édito politique Patrick Cohen, vous nous parlez de l'autre 8 mai 45.
00:04Qui fut jour de paix retrouvé en France et dans le monde et jour de massacre en Algérie.
00:09Des milliers de morts à Sétif, à Guelma et aux alentours dans une terrible répression anti-indépendantiste
00:15qui n'a fait que retarder la grande insurrection, la guerre d'indépendance qui éclate 9 ans plus tard en 1954.
00:21Ce 80e anniversaire aurait pu être une journée de recueillement et de réconciliation entre les deux pays.
00:27Gérald Darmanin, le ministre de la Justice, aurait pu incarner la partie française de cet autre 8 mai.
00:34Fin mars, sa prochaine visite en Algérie avait été actée dans un communiqué des deux présidents.
00:39Mais cela paraît déjà si loin.
00:41Aujourd'hui, tout est par terre.
00:43La relation avec Alger tombée au plus bas dissuade Paris d'un nouveau geste mémoriel unilatéral.
00:48Hier encore, alors que le président algérien Tebboune célébrait avec un jour d'avance son 8 mai,
00:53érigé en journée nationale de la mémoire.
00:55Boisdem Sansal passait son 172e jour en prison et Kamel Daoud était la cible d'un harcèlement judiciaire orchestré par Alger.
01:04L'écrivain pris Goncourt est maintenant visé par deux mandats d'arrêt internationaux.
01:08Constat désolé du ministre des Affaires étrangères Jean-Noël Barraud avant-hier.
01:12La situation est bloquée.
01:13Vous nous rappelez ce qui s'est passé ce 8 mai 1945 à Sétif ?
01:16Un grand défilé de la victoire comme partout ailleurs.
01:18L'Algérie française avec ses musulmans et ses pieds noirs a fortement contribué aux batailles pour la libération du pays.
01:24A partir de 1942, rappelons-le, Alger a été la capitale de la France libre.
01:29Mais à Sétif, le défilé vire à la manifestation pour une Algérie libre et indépendante,
01:34pour la libération des détenus politiques dont le plus célèbre Messaliadj est en prison à Brazzaville.
01:40Surgissent des slogans, des banderoles et des drapeaux.
01:43Et l'histoire algérienne retient comme première victime le nom de Bouzid Sahl, scout de 26 ans,
01:49abattu par un policier français après son refus de baisser le drapeau algérien qu'il brandissait
01:53et qui était formellement interdit par les autorités coloniales.
01:56Une émeute éclate, la haine se déchaîne, 102 Européens sont tués par des manifestants.
02:01En réponse, la répression française va durer 7 semaines jusqu'à la fin juin
02:06et tourner à l'éradication de tous les jeunes potentiellement porteurs du projet indépendantiste.
02:12Même l'aviation est mobilisée, les villages sont bombardés, les colons en milice participent au tuerie.
02:18Combien de victimes ? Entre 10 et 30 000 morts d'après les travaux d'historiens les plus récents.
02:2345 000 pour le régime algérien, en tout cas l'un des plus sanglants massacres coloniaux de notre histoire.
02:29En 2005, Nicolas Sarkozy avait envoyé à Sétif l'ambassadeur de France en Algérie
02:33pour évoquer une tragédie inexcusable.
02:36En 2015, François Hollande avait envoyé un secrétaire d'État
02:40pour le 70e anniversaire du massacre, pour le 80e.
02:44Il n'y aura donc ni ministre, ni ambassadeur,
02:46mais seulement une douzaine de parlementaires français, on en parlait hier.
02:50Et c'est un gâchis qui ne fait aucun gagnant
02:53parce qu'on ne voit pas bien l'intérêt du régime algérien
02:55à poursuivre cette glaciation sans fin
02:58comme une perpétuation des affrontements du passé.
03:01Patrick Cohen
03:01Sous-titrage Société Radio-Canada