Mikko Franck dirige l'Orchestre philharmonique de Radio France La Valse, poème chorégraphique composé par Maurice Ravel en 1919 - 1920. Extrait du concert donné à l'Auditorium de Radio France le 21 décembre 2018.
Le jeune Ravel a peut-être rencontré Misia (diminutif polonais de Maria) dans la classe de Gabriel Fauré des 1897, lui dédiant dix ans plus tard sa mélodie « Le Cygne » des Histoires naturelles. Il écrivit en 1910 Ma mère l’Oye pour les neveux de Misia, enfants de son demi-frère Cypa Godebski. C’est elle qui présenta Ravel à Diaghilev, prélude à la commande de Daphnis et Chloé pour les Ballets russes. En février 1920, six mois avant de devenir officiellement et religieusement Misia Sert, elle les reçut tous deux avec d’autres artistes dans son appartement de l’Hôtel Meurice à Paris. En 1962, peu avant sa mort, Francis Poulenc écrivit un article sur les Ballets russes pour l’Histoire de la musique de la Pléiade, dans lequel on peut revivre cette scène historique :
« Qu’il me soit permis d’évoquer ici une bien étonnante fin d’après-midi chez Mme Sert, l’égérie de Diaghilev, plus connue sous le nom de Misia. Cette Misia tant célébrée et peinte par Mallarmé, Renoir, Lautrec, Vuillard, était une amie intime de Ravel. Ravel, venant de terminer La Valse, souhaitait la voir montée aux Ballets russes. Rendez-vous fut pris pour présenter, chez Misia, la partition à Diaghilev. Stravinsky assistait à l’audition et, tout jeune musicien, j’eus la permission de me cacher dans un coin du salon. Diaghilev arriva, flanqué de Massine et de son état-major habituel. Ravel, minutieux comme toujours, expliqua longuement quel était son dessein pour cette œuvre puis il joua La Valse à quatre mains [avec Marcelle Meyer]. Diaghilev écouta, le front soucieux, car tout de même, “Ravel c’était Ravel”, puis, la musique finie, il resta longtemps silencieux. Sachant que les sourds grognements, les jeux de monocle et de râtelier n’annonçaient rien de bon chez Diaghilev, je me faisais tout petit dans mon fauteuil, gêné d’assister à une telle scène. Sortant enfin du lourd silence qui pesait sur nous tous, Diaghilev dit avec beaucoup de respect mais aussi une implacable franchise : “Bravo, Ravel ! Bravo, c’est très beau, mais ce n’est pas un ballet. C’est le portrait d’un ballet. C’est trop court, trop résumé.” Le sort en était jeté. Misia, à qui La Valse était dédiée et dont Sert, son mari, devait faire la mise en scène, essaya vainement d’arranger les choses. Diaghilev resta inflexible. Étant donné qu’on n’est jamais parvenu à donner une chorégraphie à la hauteur de ce chef d’œuvre, cela prouve que Diaghilev, une fois de plus, avait raison ».
Le jeune Ravel a peut-être rencontré Misia (diminutif polonais de Maria) dans la classe de Gabriel Fauré des 1897, lui dédiant dix ans plus tard sa mélodie « Le Cygne » des Histoires naturelles. Il écrivit en 1910 Ma mère l’Oye pour les neveux de Misia, enfants de son demi-frère Cypa Godebski. C’est elle qui présenta Ravel à Diaghilev, prélude à la commande de Daphnis et Chloé pour les Ballets russes. En février 1920, six mois avant de devenir officiellement et religieusement Misia Sert, elle les reçut tous deux avec d’autres artistes dans son appartement de l’Hôtel Meurice à Paris. En 1962, peu avant sa mort, Francis Poulenc écrivit un article sur les Ballets russes pour l’Histoire de la musique de la Pléiade, dans lequel on peut revivre cette scène historique :
« Qu’il me soit permis d’évoquer ici une bien étonnante fin d’après-midi chez Mme Sert, l’égérie de Diaghilev, plus connue sous le nom de Misia. Cette Misia tant célébrée et peinte par Mallarmé, Renoir, Lautrec, Vuillard, était une amie intime de Ravel. Ravel, venant de terminer La Valse, souhaitait la voir montée aux Ballets russes. Rendez-vous fut pris pour présenter, chez Misia, la partition à Diaghilev. Stravinsky assistait à l’audition et, tout jeune musicien, j’eus la permission de me cacher dans un coin du salon. Diaghilev arriva, flanqué de Massine et de son état-major habituel. Ravel, minutieux comme toujours, expliqua longuement quel était son dessein pour cette œuvre puis il joua La Valse à quatre mains [avec Marcelle Meyer]. Diaghilev écouta, le front soucieux, car tout de même, “Ravel c’était Ravel”, puis, la musique finie, il resta longtemps silencieux. Sachant que les sourds grognements, les jeux de monocle et de râtelier n’annonçaient rien de bon chez Diaghilev, je me faisais tout petit dans mon fauteuil, gêné d’assister à une telle scène. Sortant enfin du lourd silence qui pesait sur nous tous, Diaghilev dit avec beaucoup de respect mais aussi une implacable franchise : “Bravo, Ravel ! Bravo, c’est très beau, mais ce n’est pas un ballet. C’est le portrait d’un ballet. C’est trop court, trop résumé.” Le sort en était jeté. Misia, à qui La Valse était dédiée et dont Sert, son mari, devait faire la mise en scène, essaya vainement d’arranger les choses. Diaghilev resta inflexible. Étant donné qu’on n’est jamais parvenu à donner une chorégraphie à la hauteur de ce chef d’œuvre, cela prouve que Diaghilev, une fois de plus, avait raison ».
Category
🎵
Musique