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Vincent Lemire, historien, directeur du Centre de Recherche Français à Jérusalem et Frédéric Métézeau, correspondant de Radio France à Jérusalem, analysent le cycle de violences entre Israël et la Palestine.

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Transcription
00:00 Et donc ces attaques palestiniennes à Jérusalem, et puis des raids de l'armée israélienne en Cisjordanie occupée.
00:05 Une violence comme on n'en avait pas vue depuis longtemps.
00:08 On va tenter ce matin d'expliquer comment cette tension est remontée,
00:12 notamment depuis l'arrivée il y a un mois du nouveau gouvernement Netanyahou.
00:17 Nous sommes en ligne à Jérusalem avec le correspondant de Radio France.
00:20 Bonjour Frédéric Métézo.
00:22 - Oui, bonjour à tous.
00:23 - Et en studio à Paris, Vincent Lemire, bonjour.
00:25 - Bonjour.
00:26 - Vous êtes historien, directeur du Centre de Recherche Français à Jérusalem.
00:29 Cette ville que vous connaissez si bien pour y travailler depuis un quart de siècle, je crois.
00:33 - Oui, pratiquement.
00:34 - Et je recommande aussi votre monumentale "Histoire de Jérusalem" en bande dessinée.
00:40 Vous l'avez co-écrite, cette bande dessinée parue aux éditions Les Arènes.
00:44 Une BD qui retrace 4000 ans d'histoire de cette cité trois fois sainte.
00:50 Frédéric Métézo, l'attaque de vendredi, elle s'est déroulée à proximité d'une synagogue de Jérusalem Est,
00:57 dans un quartier ultra orthodoxe de Neve Yaakov.
01:01 C'est un quartier de colonisation juive et ce n'est pas anodin.
01:05 Ce matin, dans cette ville, quel est l'état d'esprit ?
01:09 - Écoutez, le dimanche, c'est le premier jour de la semaine en Israël,
01:13 puisque le week-end est décalé par rapport au week-end français.
01:15 Et en réalité, j'allais vous dire, tout est normal.
01:19 "Business as usual", comme on dit en mauvais français.
01:22 Les enfants vont à l'école, les gens vont au travail.
01:25 On entend les embouteillages et les klaxons parce que Jérusalem est une ville très embouteillée.
01:31 J'ai eu notre collègue Michel Paul qui m'a dit "les transports en commun sont bondés".
01:35 Donc, vous voyez, la vie suit son cours.
01:37 C'est ça qui est toujours assez notable en Israël.
01:39 C'est qu'il y a une espèce de...
01:42 Je ne sais pas si vous parlez de fatalité ou de fatalisme ou de résilience, mais la vie suit son cours.
01:48 Je dois quand même signaler, Eric, qu'il y a eu hier soir des tensions manifestes à Neve Yaakov,
01:53 donc devant les lieux de l'attentat.
01:55 La chaîne 13 avait délocalisé son journal de 20h devant les lieux de l'attentat.
02:00 Et à la fin du journal, à la fin de l'édition, des habitants du quartier ont vandalisé le plateau.
02:07 Ils s'en sont pris aux journalistes.
02:09 Ils ont dit "les gauchistes, dehors, rentrez chez vous".
02:12 Ça montre quand même qu'il y a des tensions qui sont fortes dans la société israélienne.
02:17 Vincent Lemire, la première attaque de vendredi était une réponse à des Palestiniens, à une attaque palestinienne.
02:24 Cette première attaque de vendredi était une réponse à un raid de l'armée israélienne la veille.
02:30 Plus au nord, à Génine, il y a au moins neuf morts.
02:34 Ce nouveau cycle de tensions, vous le jugez particulièrement préoccupant. Pourquoi ?
02:40 Parce qu'il est inédit.
02:43 Ce qu'il faut qu'on réussisse à faire ce matin, c'est de faire la part de ce qui est inédit et de ce qui vient de loin.
02:48 Qu'est-ce qui est inédit ? Alors qu'on parle toujours d'escalade, de la violence, le terme est même galvaudé.
02:52 Moi, je me mets à la place de nos auditeurs. Ils se disent "Tiens, un nouveau round de violence.
02:56 Oh, il va peut-être y avoir des roquettes, il va peut-être y avoir des opérations sur Gaza et puis ça va s'arrêter".
03:01 Qu'est-ce qu'il y a de nouveau ?
03:02 Ce qu'il y a de nouveau, c'est le nouveau de violence d'abord.
03:04 C'est le mode opératoire du côté des assaillants palestiniens.
03:08 Arme à feu, avec des morts. On n'est plus dans les attaques au couteau ou dans les voitures béliers.
03:14 Et un enfant de 13 ans qui a tiré, c'est nouveau ça aussi ?
03:17 Un enfant de 13 ans de si loin, c'est absolument... ça, c'est jamais vu.
03:24 Normalement, le gamin de 13 ans, il prend un couteau et il meurt.
03:27 Mais là, il a une arme à feu, il a un an de moins que la plus jeune victime de l'attaque de la veille.
03:35 Cheikh Natan, 14 ans.
03:40 Donc ça veut dire quoi tout ça en fait ?
03:41 Mais ça veut dire...
03:42 Sur l'âge des assaillants, donc très jeune, 21 ans, 13 ans.
03:45 Mais ça veut dire que ça commence à ressembler à un soulèvement.
03:48 Et soulèvement, en arabe, ça se dit intifada.
03:51 C'est-à-dire que si on compte le nombre de morts, 200 morts palestiniens au cours de l'année 2022,
03:57 c'est le plus lourd bilan depuis la fin de la deuxième intifada.
04:00 30 morts, 32 même maintenant, pour le mois de janvier, jusqu'au 25 janvier.
04:05 Donc on est à plus d'un mort par jour.
04:06 On imagine déjà que 2023 va être...
04:09 Et est-ce que vous attendez, est-ce que vous appréhendez la période du ramadan qui va coïncider cette année avec la Pâque juive,
04:16 ramadan 22 mars, Pâque juive 5 avril et la Pâque chrétienne le 10 avril ?
04:19 Vous appréhendez cette séquence ?
04:20 Évidemment, c'est ce que tout le monde attendait.
04:23 Tout le monde disait voilà, on a un gouvernement d'extrême droite, ramadan va arriver et on n'est encore qu'à deux mois du ramadan.
04:30 Et on a un ministre de la Sécurité nationale et non plus Sécurité intérieure qui s'appelle Itamar Bengvir,
04:36 qui a récupéré l'autorité, qui a étendu son périmètre de compétence sur la Cisjordanie.
04:41 Les forces de sécurité en Cisjordanie, depuis 1967, elles étaient sous l'autorité du ministre de la Défense,
04:47 parce qu'on était dans un territoire occupé, donc officiellement dans un contexte d'occupation, donc c'est l'armée.
04:52 Itamar Bengvir a obtenu de Netanyahou, au moment des négociations, vous vous souvenez,
04:57 d'avoir non seulement autorité sur la police nationale, donc à l'intérieur d'Israël,
05:00 mais aussi sur les forces de sécurité en Cisjordanie, ce qui évidemment ajoute au niveau de violence l'opération de Djenine,
05:08 avec effectivement une dizaine de morts, c'est du jamais vu, on n'a jamais vu.
05:13 Mais on ne la comprend pas d'ailleurs, ce point déclencheur de ce qui se passe depuis trois jours,
05:18 pourquoi en fait des soldats israéliens vont faire cette opération ?
05:23 Ils se sont aventurés aussi loin au cœur du camp de réfugiés de Djenine.
05:28 Qu'est-ce qui s'est passé là ? Ils avaient le droit de faire ça ?
05:30 Le droit, bien sûr que non, on est complètement en territoire palestinien,
05:35 mais ils n'avaient pas l'habitude non plus, ce n'est pas les règles d'engagement habituelles des forces de sécurité israéliennes.
05:40 C'est-à-dire qu'on a l'impression qu'on a des actions préventives de plus en plus violentes du côté israélien,
05:47 et ça ne pouvait pas rester sans réponse.
05:49 Et je l'ai dit, je ne le dis pas ce matin, je l'ai dit jeudi après l'opération de Djenine, il allait y avoir des répliques.
05:57 C'était sûr ?
05:57 C'est absolument certain. Et maintenant du côté du gouvernement israélien, il va y avoir des répliques,
06:03 parce que ce gouvernement est sous la pression de sa base, d'un électorat d'extrême droite.
06:07 Frédéric Méthézot a dit effectivement, les tensions hier soir à Neve Yaakov, c'était extrêmement impressionnant.
06:12 Mais y compris vendredi soir, juste après l'attentat,
06:15 Itamar Bengvir s'est précipité sur les lieux en racontant qu'il était sorti de son dîner de shabbat.
06:20 Il a été insulté, il a été hué par ses électeurs.
06:23 Alors ça c'est le ministre de la Sécurité Nationale ?
06:25 Voilà.
06:26 Avant qu'on aborde effectivement la question très politique de ce nouveau gouvernement,
06:30 une question encore, parce qu'on a dit voilà, les assaillants sont désormais très jeunes,
06:34 le mode opératoire ont complètement changé, voilà on vient fusiller.
06:38 Il y a un troisième élément qui est important, c'est que ça se passe à Jérusalem.
06:43 Et pas n'importe où à Jérusalem.
06:44 Oui, ça se passe à Jérusalem-Est,
06:48 donc dans la partie occupée de Jérusalem depuis 1967,
06:51 et ça se passe dans deux endroits extrêmement marquants.
06:55 Névé Yacov, c'est une colonie effectivement israélienne à Jérusalem-Est, au nord-est.
07:00 Névé Yacov c'est plus près de Ramallah que de la vieille ville de Jérusalem,
07:03 pour que les gens se rendent compte.
07:05 À Névé Yacov on est à un quart d'heure de Ramallah, dix minutes quoi.
07:08 C'est un quartier qui avait été fondé dans les années 1920 par des sionistes religieux américains,
07:13 qui a été évacué en 1948 et reconstruit dans les années 1970.
07:17 Ça fait partie de ce qu'on appelle les « ceintures de colonies »,
07:20 avec Guilot, Aroma, Pisgatzev, Ramoth, etc.
07:25 - Et donc ça veut dire quoi que ça se passe là ?
07:26 - Ça veut dire qu'évidemment c'était une cible désignée.
07:30 Ce qui me frappe aussi c'est que ces attaques n'ont pas lieu sur des terrasses,
07:34 contre des civils israéliens sur des terrasses à Tel Aviv.
07:38 On frappe à Jérusalem-Est.
07:40 Ou alors on frappe ces dernières semaines des soldats dans des « checkpoints ».
07:45 Donc on a vraiment des actions qui sont dirigées ostensiblement, explicitement contre l'occupation.
07:53 Et puis ça c'est Neve Yaakov.
07:55 Et Silouan, alors là pour le coup on est à quelques dizaines de mètres de la vieille ville de Jérusalem, juste au sud.
08:00 Et c'est un point de friction très très important à Jérusalem.
08:05 Il se trouve que dans la dernière page de mon histoire de Jérusalem en BD, je termine sur Silouan.
08:09 Parce que c'est un endroit où en fait des centaines de familles palestiniennes sont menacées d'expulsion,
08:14 parce qu'il y a des fouilles archéologiques souterraines et donc on détruit petit à petit leur maison.
08:20 Donc c'est de toute façon un lieu de friction.
08:22 C'est un lieu où les voitures israéliennes ne s'aventurent pas sans grillage sur les pare-brises, sur les vitres, etc.
08:27 - Mais on a déjà connu ça à une époque.
08:29 Alors peut-être pas précisément Jérusalem-Est, mais ces modes d'opératoire, cette intifada...
08:34 - Oui, mais c'était des attentats, souvenez-vous, c'était des attentats en Israël, à l'ouest,
08:39 dans des bus, dans des pizzerias, dans des terrasses de café, au Dolfinarium à Tel Aviv,
08:44 contre des populations civiles israéliennes.
08:45 - Donc qu'est-ce qui vous inquiète là ?
08:47 - Non, ce qui inquiète, c'est que ce sont d'abord des individus à priori isolés,
08:53 qui ne dépendent pas d'une structure.
08:56 - Vous parliez de soulèvement, c'est parce qu'il y a comme ça des personnes isolées qui peuvent commettre des actes.
09:03 - Exactement, des personnes isolées, on les avait depuis quelques années, mais c'était attaque au couteau,
09:06 c'était une intifada low-cost, si on peut dire.
09:09 Attaque au couteau et voiture bélier.
09:11 Maintenant, ce sont des assaillants isolés, mais extrêmement bien armés.
09:14 - Frédéric Métezo, ça fait un mois que Benyamin Netanyahou est revenu à la tête d'une coalition formée d'ultra-orthodoxes
09:22 et de mouvements d'extrême droite.
09:23 Est-ce que l'arrivée de ce nouveau gouvernement a immédiatement relancé les tensions ?
09:29 - Alors non, elle n'a pas relancé les tensions, l'arrivée de ce gouvernement,
09:32 puisque déjà 2022 était une année très meurtrière.
09:36 Vincent Lemire l'a signalé, plus de 200 morts palestiniens, 26 morts israéliens.
09:41 On était dans les pires bilans depuis l'année 2006 ou 2007, c'est-à-dire les années d'intifada.
09:47 Donc non, l'arrivée de Benyamin Netanyahou, le retour de Benyamin Netanyahou avec ses alliés extrémistes n'a pas fait augmenter les bilans.
09:57 Après, c'est vrai que ça s'est accéléré, puisque on est là désormais à 37 morts depuis le 1er janvier.
10:04 Donc on est à plus d'un mort par jour.
10:06 En revanche, il est certain que l'arrivée de cette coalition au pouvoir, ça a été une série de provocations.
10:12 Par exemple, Itamar Benkvir qui va à l'esplanade des mosquées, le mont du Temple.
10:16 Et ça, on sait que c'est vraiment le cœur du cœur du conflit.
10:19 Et puis, il y a eu des annonces extrêmement fortes de la part de ce gouvernement et pas seulement contre les Palestiniens.
10:26 D'ailleurs, on sait que c'est un gouvernement qui veut étendre la colonisation,
10:32 qui veut morceler encore plus la Cisjordanie, qui ne veut pas d'un État palestinien.
10:36 Mais il y a aussi eu beaucoup d'annonces sur la réforme du système judiciaire, sur certaines libertés individuelles.
10:42 Il y a des propos homophobes qui sont tenus par ce gouvernement.
10:45 Donc, ce n'est pas tant sur la tension avec les Palestiniens que ce gouvernement est allé plus loin,
10:51 même si effectivement, les bilans ont augmenté, notamment à cause de l'intervention à Djenin jeudi.
10:57 Mais c'est aussi sur la fracturation de la société israélienne.
11:00 Et c'est peut-être ça qui change par rapport à l'intifada d'il y a 20 ans.
11:03 C'est que, il y a 20 ans, il y avait une droite, il y avait une gauche, très bien.
11:07 Mais il y avait une sorte d'union sacrée face au terrorisme.
11:11 Aujourd'hui, on a du terrorisme et on a des manifestations antigovernementales le samedi soir.
11:16 Frédéric, on en a un peu parlé de ce nouveau ministre de la Sécurité nationale, Aït Amar Ben Gvir,
11:22 figure montante de l'extrême droite israélienne.
11:26 Il disait hier soir qu'il voulait changer la loi sur les armes.
11:30 Il veut armer les civils israéliens ?
11:33 Oui, c'est exactement ce qu'il a dit.
11:35 Vous savez, c'est un discours qu'on entend aussi beaucoup aux Etats-Unis après une fusillade.
11:39 Ah, si seulement plus de gens avaient une arme, ils auraient pu neutraliser le terroriste plus tôt.
11:44 Donc oui, Aït Amar Ben Gvir, il veut faciliter l'obtention des ports d'armes.
11:50 Il veut lever certaines restrictions.
11:51 Il faut savoir qu'on est déjà dans un pays où il y a tout de même une culture des armes à feu,
11:55 parce que beaucoup, beaucoup de gens, filles et garçons, font leur service militaire.
12:00 Le port d'armes est très facile pour les colons israéliens en Cisjordanie occupée.
12:04 Et Aït Amar Ben Gvir, il veut aller encore plus loin.
12:07 Il a aussi annoncé hier qu'il voulait déposer une loi pour rétablir la peine de mort contre les terroristes.
12:12 Signalons tout de même que dans 99% des cas, les terroristes sont tués par arme à feu,
12:17 soit par un civil, soit par les forces de l'ordre sur les lieux de l'attentat.
12:21 Vincent Lemire, on se pose quand même la question de Benyamin Netanyahou.
12:25 Est-ce qu'il détient vraiment toutes ses troupes ou est-ce qu'il se laisse déborder en ce moment ?
12:29 Quand on entend ce que dit Frédéric Méthézot.
12:31 Pendant la campagne, il a choisi de faire alliance pour des raisons électorales.
12:36 Il a surtout choisi de revenir au pouvoir.
12:39 Oui, il avait besoin de revenir au pouvoir parce qu'il a besoin d'une...
12:41 Donc il a fait l'alliance qu'il lui fallait pour le faire.
12:42 Soit il revenait au pouvoir, soit il partait en prison. C'était quand même assez simple.
12:46 Et il a uni en fait les extrêmes droites suprémacistes radicales.
12:52 Itamar Ben Gvir, c'est quelqu'un qui était interdit de se présenter à la Knesset il y a encore quelques années.
12:57 C'est quelqu'un qui avait sur son bureau la photo de Baruch Goldstein qui avait assassiné 29 Palestiniens à Hebron.
13:04 Il a eu une première vue où il était avocat et il a été l'avocat de Rahim Perlman,
13:09 qui était un colon juif israélien qui a assassiné le grand-père de l'assaillant de vendredi soir.
13:17 Kerry Halkman, qui porte son prénom et son nom,
13:20 c'est le petit-fils de l'autre Kerry Halkman qui est mort en 1998 sous les coups de couteau d'un colon israélien.
13:26 Et ce colon israélien, il a fait quelques semaines de prison et il a été libéré par Itamar Ben Gvir.
13:30 Donc il y a comme ça des boucles de violence dans ce qui se passe.
13:33 C'est pour ça qu'on est effectivement...
13:34 - Mais Ben Gvir, il est en train de devenir l'homme fort d'Israël ou pas ?
13:37 - Il est...
13:38 Quelle est son influence par exemple en Cisjordanie ? Une influence qu'on dit grandissante.
13:42 - Dans les colonies, c'est Yvedin.
13:43 Ben Gvir, c'est la star des jeunes colons des collines.
13:49 C'est un voyou, c'est un ancien voyou.
13:53 D'une certaine manière, c'est un clown, mais c'est leur clown.
13:56 Et ils l'ont élu.
13:57 Et il a désobéi à l'armée, il a désobéi à la police pendant des années.
14:01 Et aujourd'hui, il est ministre de la police et ministre des Forces armées en Cisjordanie.
14:04 Vous voyez ? Donc, d'une certaine manière aussi, il désinhibe toutes ces forces de sécurité.
14:10 - Frédéric Métézo, après l'attaque de vendredi, Benyamin Netanyahou a promis une riposte.
14:15 En trois mots, forte, rapide et précise.
14:19 Est-ce que ce sont les familles d'activistes palestiniens qui vont d'abord en faire les frais ?
14:25 - En tout cas, si on lit le relevé de conclusion du cabinet de sécurité réuni hier soir à Jérusalem, oui.
14:31 Le gouvernement a annoncé que plusieurs mesures allaient viser directement les familles de terroristes.
14:36 Par exemple, la fin des droits sociaux, comme l'assurance maladie ou les allocations familiales.
14:42 Et aussi la possibilité de retirer à ces familles, soit leur nationalité israélienne,
14:48 soit leur permis de résidence à Jérusalem-Est et donc de les expulser vers la Cisjordanie.
14:53 - Et même leur maison peut être détruite ?
14:56 - Alors ça, c'est déjà le cas. C'est même assez courant.
15:00 La maison d'un terroriste est presque toujours rasée.
15:04 Je parle de terroristes palestiniens parce que les Palestiniens vous disent souvent
15:09 "la maison de celui qui a assassiné Yitzhak Rabin n'a jamais été détruite".
15:13 Mais donc, oui, c'est déjà possible.
15:15 Et hier, le cabinet a dit qu'il pourrait aller plus vite pour détruire les maisons
15:19 ou alors pour les sceller, pour les mûrer.
15:22 - Et ça Frédéric, ces mesures, c'est ce qu'attendait sur place la population israélienne ?
15:26 Elle attend ce genre de mesures-là aussi fortes que ça ?
15:30 - Alors en tout cas, dans la clientèle électorale d'Itamar Bengvir,
15:34 ceux qu'on a vus devant la synagogue de Neve Yaacov, oui, ils l'attendent.
15:39 Mais pour eux, c'est le minimum, minimorum.
15:41 Vous savez, désormais, il y a un slogan qu'on entend beaucoup sur les manifestations,
15:46 soit après un drame, soit après un attentat, comme on a vu vendredi soir,
15:50 ou même dans des manifestations politiques, c'est "mort aux terroristes"
15:54 et parfois même "mort aux Arabes".
15:56 On a entendu ça depuis des années et des années.
15:58 Donc la clientèle électorale d'Itamar Bengvir, elle attend vraiment des mesures ultra radicales.
16:04 - Alors les États-Unis sont toujours beaucoup intervenus dans cette région du monde,
16:09 Vincent Lemire, et ils ont d'ailleurs aussi un pouvoir très important.
16:13 Est-ce que cette fois, Washington peut faire quelque chose ? Et va faire quelque chose ?
16:16 - Oui.
16:17 Moi, je ne suis pas du tout de ceux qui ironisent sur la communauté internationale ou sur les États-Unis.
16:23 Je veux dire, Israël est un des seuls États au monde qui a été fondé par un vote de l'Assemblée générale de l'ONU.
16:29 Et ça, l'homme de la rue, le chauffeur de taxi israélien, le sait très bien,
16:32 qu'il soit de gauche, de droite, du centre.
16:35 Et le soutien des États-Unis est absolument vital pour Israël.
16:38 Et pareil, le chauffeur de taxi le sait.
16:40 - Mais les États-Unis ont une solution ou pas ? C'est ça maintenant, la question.
16:45 - Ils n'ont aucune solution à court et moyen terme.
16:48 La seule chose que peut faire Blinken, c'est essayer de calmer le jeu.
16:52 C'est essayer peut-être de faire revenir Mahmoud Abbas sur sa décision de rompre la coordination sécuritaire avec Israël.
16:58 Mais a priori, il n'y arrivera pas, parce que Mahmoud Abbas aussi, lui, est sous pression,
17:02 ne contrôle plus rien et donc a pris la seule décision qu'il pouvait prendre à peu près.
17:06 - Cela dit, les Américains n'ont pas l'intention de laisser filer ce qu'on appelle les accords d'Abraham,
17:10 signés entre Israël et les voisins régionaux, qui prônent une solution à deux États.
17:16 Ça, ce n'est pas remis en cause ?
17:18 - Non, mais les accords d'Abraham, en fait, voilà, on redécouvre que c'est un accord
17:22 entre le gouvernement israélien et des pouvoirs autocrates.
17:26 Et en fait, ça ne change rien pour la démocratie.
17:27 - Mais la solution à deux États, est-ce que c'est remis en cause, ça ?
17:31 - Mais il n'y a plus de solution à deux États.
17:33 De la mer au Jourdain, il y a une armée, une frontière, une monnaie.
17:37 Donc, il y a un État, binational de facto, parce que dans cet État, il y a deux nations.
17:41 Il y a 7 millions de Juifs israéliens et 7 millions de Palestiniens.
17:44 2 millions à Gaza, 3 millions en Cisjordanie, 2 millions en Israël.
17:48 Donc, aujourd'hui, de facto, il y a un État binational et il y a quelques diplomates
17:53 qui continuent de dire "solution à deux États", parce qu'effectivement, ils ne peuvent rien dire d'autre.
17:56 Mais il y a une solution binationale qui est en train de se mettre en place,
17:59 du fait de l'extrême droite israélienne, et qui convient bien d'ailleurs à certains militants palestiniens également.
18:05 - Eh bien, merci. Vincent Lemire, je recommande votre monumentale
18:09 "Histoire de Jérusalem en bande dessinée", parue aux éditions Les Arènes,
18:13 qui retrace donc les 4 000 ans d'histoire, 4 000 ans d'histoire de cette cité, je le disais, trois fois sainte.
18:19 Et un grand merci à Frédéric Métézo, correspondant de Radio France, au Proche-Orient.
18:24 Grand merci à tous les deux, et à bientôt. - Merci à vous.

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