"Je suis un peu comme un médecin avec un patient" : Aldo est restaurateur de tableaux. Son job ? Passer parfois plusieurs centaines d'heures sur un tableau pour le rénover. Il raconte comment il a fait de sa passion, son métier.
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00:00 Je reçois des messages de gens qui me disent
00:02 « mais en fait on s'imagine que tous les tableaux sont sombres, éternes »
00:05 et non !
00:06 It's so satisfying !
00:09 Si tu pouvais ne faire que ça tout le temps,
00:12 je ferais ça tout le temps.
00:14 Quand un tableau arrive,
00:23 on va chercher à comprendre quels sont ses problèmes,
00:25 un peu comme un médecin face à un patient.
00:29 Nos interventions peuvent être de quelques heures,
00:32 mais elles peuvent être de quelques dizaines,
00:34 voire quelques centaines d'heures,
00:36 ça dépend de l'état du tableau.
00:38 Je vois qu'il y a eu beaucoup de rajouts,
00:41 de superpositions,
00:43 de peintures à l'huile,
00:45 de mastic.
00:46 Alors on va le regarder aux ultraviolets
00:48 pour confirmer ce que l'on vient de voir à l'œil nu,
00:51 et voir s'il y a d'autres choses qu'on n'a pas vues.
00:54 Alors là c'est spectaculaire.
00:57 Et donc là on a deux ou trois restaurations
01:00 qui sont superposées les unes aux autres.
01:02 Ça c'est pour nous le pire cas de figure,
01:06 au moins 100-150 heures de travail sur ce tableau.
01:09 Les cas désespérés non seulement ne me font pas peur,
01:12 mais je les adore !
01:13 Enfin je sais que c'est pour ça que je fais ce métier.
01:15 Là on va continuer à nettoyer ce tableau.
01:20 Ça c'est avant, après.
01:22 Donc d'abord on décrase,
01:25 on retourne le vernis.
01:27 Ça peut être de la nicotine,
01:32 ça peut être de la poussière.
01:34 Moi j'ai déjà vu des éclaboussures d'alcool sur les tableaux,
01:37 des traces de café.
01:39 En fait je reçois plein plein plein plein de messages.
01:43 Les gens trouvent ça souvent apaisant.
01:47 It's so satisfying !
01:49 Ils adorent quoi !
01:51 Ça devient addictif !
01:54 C'est un travail qui est tellement dans la concentration,
01:58 on en oublie presque qu'on existe.
02:02 On est absorbé complètement par notre geste.
02:07 Moi j'ai le sentiment de rentrer dans les molécules de la peinture.
02:12 Si je ne pouvais ne faire que ça tout le temps,
02:16 je ferais ça tout le temps !
02:18 Dans l'inconscient collectif,
02:20 la restauration d'un tableau,
02:22 c'est un peu des travaux manuels.
02:24 Et si on est habile de ses mains,
02:26 pourquoi pas faire la restauration d'un tableau.
02:28 Des cas comme l'octogénaire qui a fait la restauration dans une église
02:32 et qui a saccagé l'oeuvre.
02:35 On a des tas en fait.
02:37 Dans les églises françaises,
02:38 il y a des tas d'exemples où le maire confie la restauration
02:41 à quelqu'un du village pour ne pas dépenser d'argent.
02:43 Il fait faire des économies à la mairie
02:45 et où ça donne lieu à des catastrophes artistiques.
02:50 Et nous travaillons autant pour les particuliers
02:52 que pour des musées, des institutions.
02:55 Ça peut effectivement être très cher,
02:57 mais c'est très cher si on passe beaucoup de temps,
02:59 trois ou quatre heures,
03:00 sur un nettoyage de tableau qui peut être vraiment très très spectaculaire.
03:03 Multiplier par 70 euros par heure,
03:07 ça ne fait pas des sommes astronomiques non plus.
03:09 On acquiert une démarche qui est très scientifique.
03:13 Quand un tableau arrive,
03:17 on va l'observer d'abord avec nos yeux.
03:19 On peut l'observer sous les ultraviolets,
03:21 en lumière rasante,
03:23 avec une caméra infrarouge.
03:25 La caméra infrarouge nous permet d'aller derrière la peinture
03:33 et de voir le dessin préparatoire éventuel de l'artiste.
03:36 Mais on peut voir d'autres choses aussi.
03:38 On peut voir ce que l'on appelle des repentirs,
03:40 c'est-à-dire que l'artiste a changé d'avis en cours de route.
03:43 Quelquefois, on peut trouver un autre tableau en dessous.
03:46 Sous un bouquet de fleurs que j'ai restauré pour le musée National Mania à Dijon,
03:50 au départ, le peintre avait fait un crucifix, un Christ en croix,
03:54 et puis il a réutilisé le tableau et il a fait une nature morte par-dessus.
03:59 Les restaurateurs de tableaux ne sont pas des artistes,
04:02 c'est-à-dire dans le sens où nous ne sommes pas des créateurs.
04:05 On n'interprète pas.
04:07 Les restaurateurs, en fait, sont des passeurs.
04:09 Ça permet de transmettre aux générations futures les traces du passé.
04:13 C'est notre histoire, en fait.
04:16 Sous-titrage Société Radio-Canada