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Anne Fulda reçoit Florence Ben Sadoun pour son livre «Joan Mitchell – La fureur de peindre» dans #HDLivres

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Transcription
00:00 Bienvenue à l'heure des livres, Florence Bensadoun.
00:02 Vous êtes journaliste spécialisée dans le cinéma et là vous êtes sortie un petit peu de vos spécialités
00:08 puisque vous venez de publier un livre, "Johanne Michel, la fureur de peindre"
00:12 et c'est paru chez Flammarion.
00:14 Alors c'est un livre vraiment très intéressant sur cette grande dame de la peinture américaine,
00:19 de l'art abstrait américain, dont les tableaux sont à l'honneur à la fondation Louis Vuitton,
00:25 à côté de ceux de Monet jusqu'au 27 février.
00:28 Alors ce qui est amusant c'est que vous racontez qu'en fait c'est un coup de foudre entre vous deux,
00:33 c'est vous raconter la manière dont vous avez été presque tétanisée, prise d'amour,
00:37 lorsque vous voyez une toile de "Johanne Michel" en 2007 au MoMA, au Musée d'art moderne de New York.
00:42 Racontez-nous.
00:43 En fait il m'est arrivé quelque chose que je souhaite à tout le monde de vivre.
00:47 Je suis une visiteuse de musées comme beaucoup, je vais au MoMA,
00:51 je ne connais rien à l'abstraction, je connais la peinture mais de loin.
00:56 Et cette grande toile, je m'en approche, je m'en approche et cette toile m'appelle.
01:00 Il se passe quelque chose de physique qui est absolument inouï,
01:03 c'est plus je m'approche d'elle, plus je sens mon corps entier rentrer dans la trame,
01:08 rentrer dans la peinture abstraite et je nage dans la couleur.
01:12 Mais je crois que je suis malade, je crois que j'ai attrapé de la fièvre,
01:15 que c'est la climatisation new-yorkaise.
01:18 Et en fait, après avoir revisité le MoMA, je redescends et cette toile à nouveau me...
01:23 Me hape.
01:24 Me hape complètement.
01:26 Et à partir de cela, je regarde le cartel et je vois écrit "Joan Mitchell",
01:29 je ne sais pas du tout qui c'est.
01:31 Et je décide de partir à la recherche des espériments de Joan,
01:34 de savoir qui elle est.
01:36 Et la vie fait que j'ai rencontré...
01:38 J'ai beaucoup cherché, mais j'ai aussi des gens qui sont arrivés.
01:41 Par hasard et aussi parce que vous l'avez souhaité,
01:43 donc vous vous lancez finalement dans une enquête.
01:45 Une grande enquête qui a duré plus de 10 ans.
01:47 Oui, une grande enquête, c'est presque obsessionnel.
01:49 Vous rencontrez beaucoup de monde, des amis, des galeristes, des directeurs de musées.
01:54 Et puis, alors, vous nous faites le portrait d'une femme assez étonnante,
01:58 née à Chicago, avec un père qui aurait souhaité que ce soit une fille,
02:03 une mère qui était assez artiste aussi, qui avait la fibre artistique,
02:06 qui aimait les poèmes, la poésie, était sourde en partie.
02:10 Et très vite, chez elle, s'impose cette nécessité de peindre.
02:16 Et alors, ce qui est amusant, c'est qu'elle a un lien particulier avec la France.
02:19 Parce qu'elle commence à New York, puis après, elle vient vite en France.
02:25 Elle vient vite en France, elle vient en 59 en France.
02:28 Elle vient... En fait, cette femme, c'est un personnage quand même.
02:32 Non seulement sa peinture, elle est magistrale.
02:35 J'invite vraiment tous ceux qui n'ont pas encore vu cette exposition magnifique chez Vuitton,
02:39 parce qu'elle est unique et qu'il y a beaucoup d'œuvres.
02:42 C'est une femme qui a pris sa liberté, qui s'est sortie de sa famille.
02:47 Elle est une riche famille de Chicago, qui s'est éloignée de cette famille,
02:50 éloignée des États-Unis, tout en emmenant avec elle sa peinture abstraite américaine,
02:55 qui est née sur le sol américain.
02:57 Et elle est tombée folle amoureuse d'un autre peintre, qui est Jean-Paul Riopelle.
03:00 Et elle est venue vivre en France, pour vivre en France avec lui ici.
03:04 Pendant... Elle est arrivée en 59 et elle est morte à Paris en 92.
03:09 Vous écriviez d'ailleurs ce qui relie votre passion du cinéma.
03:12 Elle entrait dans une pièce comme Catherine Hepburn franchissait la porte d'un salon blanc.
03:16 Ce qui campe effectivement la personnalité incandescente de ce peintre.
03:22 Une fois en France, elle s'installe, et ce n'est pas neutre,
03:24 elle installe son atelier à Viteuil.
03:26 Oui.
03:27 Mais c'était un hasard de la vie.
03:30 Oui, en fait, ce n'est pas à long terme.
03:32 Aujourd'hui, on l'associe, d'autant que l'exposition est Monet-Mitchell,
03:35 ce qui était une très bonne idée, parce que les gens vont voir Monet.
03:38 Pour ceux qui ne savent pas ce qu'est Viteuil.
03:40 Voilà, ils découvrent Mitchell et Viteuil, ce petit village en face de Giverny,
03:43 sur une boucle de la Seine.
03:45 Elle cherchait une maison avec de l'eau, de la Seine.
03:48 C'est magnifique parce qu'elle habitait au-dessus du lac Michigan,
03:50 quand elle était petite.
03:51 Elle a besoin de voir la nature, elle a besoin de voir de l'eau.
03:54 Et elle, ce qu'elle peint, c'est-à-dire, elle regarde la nature,
03:58 elle ne peint jamais dehors, elle s'en imprègne,
04:00 elle s'enferme la nuit dans son atelier,
04:02 et elle nous restitue une sensation de la nature.
04:06 Et à Viteuil, là où avait habité Monet au siècle d'avant sa naissance,
04:11 dans une petite maison juste en bas de la Seine,
04:14 on les a toujours associées, et elle, elle s'en défend,
04:17 parce que ce n'est pas le peintre qu'elle chérit,
04:19 le peintre qu'elle chérit, c'est Van Gogh.
04:21 Et ses tournesols, les tournesols plus particulièrement.
04:24 Van Gogh, mais il y en a d'autres dont vous parlez, qui ont une influence.
04:27 Oui, il y a Matisse, il y a Van Gogh.
04:29 Il y a Matisse, il y a Cézanne,
04:32 c'est trois peintres français qu'elle a découvert petite fille à Chicago,
04:36 parce qu'il y a les plus beaux musées d'art à Chicago.
04:39 Alors elle a l'air comme possédée par sa passion,
04:43 mais après elle est touchée par la dépression aussi,
04:46 et la maladie, donc elle n'a pas une vie rose et paisible.
04:52 Non, pas comme son jardin qui était très fleurie.
04:54 Non, mais c'est une personnalité incroyable,
04:56 elle est fascinante, elle est effrayante aussi,
04:58 elle est très alcoolique, elle est colérique,
05:00 elle est très intelligente, elle est très drôle,
05:03 et elle a le don de percer chez les gens le petit défaut que vous avez.
05:07 Une sorte d'extravagantité.
05:09 C'est une femme tellement amoureuse, tellement passionnée,
05:12 et qui n'a vécu que pour être peintre.
05:15 Et ça c'est une femme d'une liberté absolue,
05:19 qui est morte en 92, à 66 ans.
05:22 Vraiment, je vous conseille de lire ce livre,
05:24 "La fureur de peindre", c'est très bien écrit,
05:27 on découvre vraiment une femme qui a un tempérament,
05:30 qui est passionnée, comme son auteur l'est par son sujet,
05:33 et ça fait du bien.
05:35 Merci beaucoup Flores Bencedon, et c'est paru chez Flammarion.
05:37 Merci Anne, merci.
05:40 [Musique]
05:44 [SILENCE]