Anne Fulda reçoit Céline Laurens pour son livre «Sous un ciel de faïence» dans #HDLivres
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00:00 -Bienvenue à l'heure des livres, Céline Lawrence.
00:02 Alors, vous êtes jeune écrivaine,
00:05 vous avez été lauréate du prix Nîmier
00:07 pour votre premier livre, "Là où la caravane passe".
00:10 Vous venez de publier "Sous un ciel de faïence".
00:13 C'est paru chez Albain Michel.
00:14 C'est un roman vraiment savoureux,
00:16 c'est écrit d'une plume alerte, malicieuse,
00:19 ça se dévore.
00:21 Alors, le ciel de faïence, c'est le métro.
00:24 C'est le métro parisien,
00:26 plus précisément, pardon, "Salingue 6".
00:30 Alors, comment vous est venue l'idée
00:32 de faire en sorte que votre roman
00:36 se déroule dans ce lieu clos
00:38 et assez à part, en fait ?
00:40 -Quel métro !
00:41 -Quel métro !
00:43 -Eh bien, écoutez, j'aime bien écrire sur les éléments,
00:46 c'est un peu bachelardien.
00:48 Le premier livre se passait à Lourdes
00:50 durant l'Assomption, pendant le pèlerinage des Gitans.
00:53 Et moi, ce que j'aime bien,
00:55 c'est qu'on a confronté différentes personnalités,
00:58 différents mouvements de population,
01:00 différents individus qui ne se côtoient pas.
01:02 C'était le truchement de la ville de Lourdes.
01:05 Et pour ce nouveau livre,
01:06 le métro, c'est un reflet de nos sociétés.
01:09 Ça m'intéressait que quelque chose s'y déroule.
01:12 Je trouve que le métro est un endroit
01:14 auquel on rend assez peu hommage,
01:16 parce qu'on pense, évidemment, à Zazie dans le métro,
01:19 mais même au niveau des films,
01:21 il y a peu de films qui font du métro
01:23 un individu à part entière.
01:25 Je voulais vraiment redonner ces lettres de noblesse
01:27 à ce quotidien,
01:29 le quotidien de la plupart des Français
01:31 qui prennent les transports en commun,
01:33 qui est, au moment, potentiellement,
01:35 où les gens peuvent lire,
01:37 lorsqu'ils sont dans le métro,
01:38 une histoire qui s'y déroule.
01:40 Je vais vous lire la première phrase du livre.
01:43 "Si je vous dis que j'ai rencontré Madeleine
01:45 "à la station Madeleine,
01:47 "cela paraît un peu gros.
01:48 "Il n'en reste pas moins que c'est la stricte vérité."
01:51 Madeleine, c'est la personne, la femme,
01:54 qui, à l'heure, tombe amoureux.
01:55 Il la rencontre, évidemment, à la station Madeleine.
01:58 C'est un couple assez improbable
02:00 parce qu'ils viennent de milieux totalement différents.
02:03 C'est intéressant, pourquoi vous avez désiré, comme ça,
02:07 cette différence entre les deux,
02:11 qui, elle, vient d'un milieu bourgeois,
02:14 est un peu hypochondriaque,
02:16 lui, travaille dans le métro, est conducteur.
02:19 -Tout à fait. Ce qui est important,
02:21 c'est aussi, en règle générale,
02:23 que je connaissais la réussite.
02:25 Ce qui m'intéressait, c'était de donner la parole
02:29 à un personnage déjà féminin, important.
02:32 Je fais une petite apartée,
02:34 mais je trouve qu'en littérature,
02:36 hormis Ariane dans "Belle du Seigneur"
02:38 ou ce genre d'héroïne, ou chez Bohémé le rabat
02:41 avec Lénos dans "La maison" et sa femme,
02:43 il y a très peu de personnages féminins
02:45 avec de l'humour et qui brassent différents registres.
02:48 Ce qui était important, c'était d'avoir un personnage de femme
02:52 qui était social et qui, effectivement,
02:54 aille à l'encontre d'une certaine idée de la réussite sociale.
02:57 C'est quelqu'un, comme les autres protagonistes du livre,
03:00 qui va se poser les bonnes questions,
03:03 se demander ce qu'est le bonheur, ce que je désire,
03:05 et qui va décider de ne pas emprunter le chemin balisé
03:08 de la réussite habituelle, mais de ressaisir ces questions-là
03:12 et de se mettre un peu hors de la société
03:14 pour pouvoir mieux l'analyser.
03:16 -C'est un sacré personnage, en tout cas, très pleine de relief.
03:20 C'est pas la seule.
03:21 Il y a toute une série d'autres personnages
03:23 qui sont fantastiques, "The Do-Reaver",
03:26 il y a la punk à chiens qui n'a pas de chien,
03:29 il y a le chanteur, il y a...
03:31 Tous ces personnages, comment ils sont venus à vous ?
03:36 Comment ils sont...
03:38 Vous arrivez à leur donner corps comme ça, aussi bien ?
03:41 -Eh bien, écoutez, moi, je pense que...
03:43 J'affectionne particulièrement la littérature,
03:45 parce qu'elle, c'est un muscle qui se travaille,
03:49 et voilà, et par les lectures qui ont été les miennes,
03:52 j'apprécie les romanciers qui s'attardent
03:54 sur leur protagoniste, sur les personnages.
03:57 Donc j'aime des auteurs comme par exemple Dickens,
04:00 et donc, au fur et à mesure...
04:02 Moi, j'aime démarrer l'intrigue du livre
04:04 au moment où le lecteur est en affection
04:08 avec certains personnages.
04:10 Pour moi, le but, c'est de créer l'organisme du métro
04:13 comme un organisme à part entière,
04:15 et de développer les personnages
04:17 pour que le lecteur ait en tête le destin qui est le leur
04:20 et ce qu'ils peuvent être amenés à donner.
04:22 -Votre livre, c'est un peu un récit des habitants du monde d'en bas.
04:26 Est-ce que c'est pas une des meilleures places
04:29 pour observer le monde d'en haut ?
04:31 -Si, je pense, effectivement.
04:33 On a tendance à dire que j'écris sur les marginaux.
04:36 J'aime pas ce terme, je le trouve paternaliste,
04:38 mais il y a des personnages qui sont des clochards,
04:41 et être de la cloche, ça veut dire boîter.
04:44 C'est-à-dire qu'on se situe en dehors de la marge de la société
04:47 et des hiérarchies qui sont la sienne.
04:50 Ca me paraît important,
04:51 car ça permet d'avoir un regard décalé.
04:53 On a le nez dans le tapis, donc on se rend pas compte.
04:56 Le but, c'était de brosser les problématiques de nos sociétés,
05:00 mais de manière romancée,
05:02 avec des personnages qui se situent en marge
05:04 et qui nous permettent d'avoir une vision globale
05:07 de ce qu'on vit et d'apporter certaines solutions.
05:10 -C'est réussi. Je vous conseille, sous un ciel de faïence,
05:14 "La vie de Florence", parue chez Albain Michel.
05:16 -Merci.
05:18 ...
05:21 [Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org]