• il y a 2 ans
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Anthony Smith est le responsable CGT “Inspection du travail”. Il a été longtemps dans le collimateur du gouvernement parce qu’en gros il faisait trop bien son travail. Il est désormais réhabilité par la justice mais toujours aussi engagé, notamment au sein de la CGT. Il est très attentif à l’argumentaire gouvernemental dans cette séquence, et notamment à ce qui peut apparaître sinon comme des fake news, du moins comme de la manipulation. On a voulu parler avec lui, par téléphone, de tout le feuilleton sur la retraite minimale à 1200 euros. Un feuilleton dans lequel le pouvoir s’est englué. Avant d’être contraint de rétropédaler grâce à la vigilance des organisations syndicales et de certains économistes.

Manifestement, ce n’est pas fini. Olivier Dussopt a un nouvel argument, évoqué sur France Inter. Répondant à un auditeur qui lui dit que son corps ne tient plus au travail, il répond de manière froide et technocratique en évoquant les dispositifs de pénibilité et de reconversion qui existeraient déjà. Du pur enfumage, si l’on en croit Anthony Smith. Qui revient sur le fameux “indices” retraites retoqué par une majorité des députés. Et sur la philosophie générale d’indices qui sont construits pour ne surtout pas fonctionner.

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Transcription
00:00 Aujourd'hui, on a eu envie de reparler du feuilleton "la retraite minimum à 1200 euros"
00:04 et de toutes les manipulations suffrées de l'exécutif dans un court entretien, je le disais,
00:08 un court entretien téléphonique avec Anthony Smith, inspecteur du travail engagé.
00:13 C'est l'heure de l'entretien d'actu.
00:14 [Générique]
00:21 Anthony Smith est un inspecteur du travail qui a été longtemps dans le collimateur du gouvernement
00:25 parce qu'en gros, il faisait bien, trop bien son travail.
00:27 Il est désormais réhabilité par la justice, mais toujours aussi engagé, notamment au sein de la CGT.
00:33 Il est très attentif à l'argumentaire gouvernemental dans cette séquence
00:38 et notamment à ce qui peut apparaître sinon comme des fake news, du moins comme de la manipulation.
00:42 On a voulu parler avec lui par téléphone de tout le feuilleton sur la retraite minimale à 1200 euros,
00:49 un feuilleton dans lequel le pouvoir s'est englué.
00:51 On regarde un petit magnéto.
00:53 Le président de la République avait pris l'engagement de porter le montant de la pension minimale
00:59 à 85% du SMIC pour une carrière complète, soit bientôt 1200 euros par mois.
01:05 Les femmes sont deux fois plus bénéficiaires de la retraite minimale à 1200 euros.
01:08 Au minimum de retraite à 1200 euros.
01:10 Retraite minimale à 1200 euros par mois.
01:12 Il n'y a pas de pension minimale à 1200 euros dans la réforme.
01:15 La seule mesure qu'il y a dans la réforme, c'est une revalorisation de certaines petites pensions
01:19 si vous n'avez pas de décote.
01:21 Et cette revalorisation est comprise entre 0 et 100 euros.
01:24 Et c'est plutôt 33 euros en moyenne pour les nouveaux retraités, 50 pour les retraités actuels.
01:28 Ça c'est une fake news.
01:30 On n'a jamais dit que nous allions donner 1200 euros à tout le monde.
01:35 Après avoir été mis face à leur contradiction pendant les questions au gouvernement à l'Assemblée hier,
01:40 le gouvernement et sa majorité rétropédale,
01:42 on ne parle plus de minimum, de retraite minimum, mais de revalorisation.
01:46 Et Olivier Dussopt a enfin dévoilé le nombre de personnes que cela toucherait,
01:51 chiffre qu'il dit avoir appris hier soir.
01:54 "C'est cette réforme pour les retraités actuels.
01:57 Nous avons 17 millions de retraités.
01:59 1,8 million de retraités vont voir leur pension revalorisée.
02:03 Parmi ce 1,8 million de retraités, vous en avez de la moitié, c'est-à-dire 900 000,
02:08 qui auront une revalorisation comprise entre 70 et 100 euros.
02:12 Et comme ce sont les retraités actuels que nous avons une meilleure capacité à connaître leur situation,
02:17 vous en avez même 125 000 qui vont aller jusqu'au maximum des 100 euros de revalorisation.
02:21 Ça signifie, et ça peut paraître peu, en réalité c'est énorme,
02:26 ça signifie que nous avons au total 250 000 retraités supplémentaires dans notre pays,
02:30 qui vont franchir le cap des 85% du SMIC parmi les retraités actuels.
02:33 Et lorsqu'on regarde les futurs retraités, c'est un chiffre que j'ai donné à l'Assemblée Nationale,
02:38 chaque année vous avez 800 000 nouveaux retraités.
02:41 Sur ces 800 000 nouveaux retraités par an, 200 000 auront une pension complète,
02:44 une pension revalorisée, pardonnez-moi.
02:46 Sur ces 200 000 personnes qui auront une pension meilleure grâce à la réforme que sans la réforme,
02:51 un gros tiers aura une revalorisation supérieure là aussi à 70 euros.
02:56 Et quand on me dit "mais combien grâce à cette réforme vont passer le cap des 85% du SMIC ?"
03:02 On a une prévision, elle m'est arrivée hier soir,
03:05 40 000 personnes de plus chaque année passeront le cap des 85% du SMIC
03:10 grâce à cette seule réforme.
03:12 Bonjour, Anthony Smith, est-ce qu'on peut dire aujourd'hui
03:16 que sur France Inter, Olivier Dussopt est passé aux aveux,
03:19 a reconnu implicitement une série de manipulations sur le fameux
03:23 feuilleton des 1200 euros de retraite minimum ?
03:26 Alors je crois que tout ça est effectivement apparu au grand jour.
03:31 Je pense que le gouvernement lui-même change ses éléments de langage
03:35 et tente d'effacer ce qu'il a dit la veille.
03:38 On n'est plus sur tout le discours du minimum à 1200 euros,
03:42 mais en fait sur une revalorisation qui par ailleurs ne touche que 40 000 personnes
03:46 et qui quand elle est rapportée à l'inflation par exemple,
03:50 en fait est totalement résiduelle.
03:52 Donc c'est bien toute la punchline du discours gouvernemental des 1200 euros
03:57 qui s'est effondré hier et ce matin,
04:00 et personne n'est dupe en fait de ce mécanisme
04:04 qui est tout sauf une retraite minimum à 1200 euros
04:06 qui avait été clairement affichée par le gouvernement
04:10 comme un des éléments clés du langage devant faire passer la réforme des retraites.
04:16 Alors on se demande mais comment finalement cet élément de langage
04:19 a été déroulé autant de temps en toute impunité on peut dire ?
04:25 Bah écoutez parce que tout simplement c'est aussi dissimulé derrière
04:29 une certaine technicité du mécanisme de retraite
04:33 et que donc il était plus simple d'afficher un chiffre
04:36 et de tenter de le faire passer comme étant acquis
04:40 et comme étant une avancée sociale qu'aurait contenue la réforme.
04:43 Patatras, aujourd'hui les citoyens, les militants, les économistes
04:48 se saisissent en fait des documents, des dossiers.
04:51 On a aussi un travail parlementaire qui est immense dans l'opposition
04:55 et qui permet de démonter argument et article par article, amendement par amendement,
05:00 les éléments de fake news qui sont dissimulés à travers cette réforme.
05:05 Et il y en a d'autres, l'index senior qui est tombé hier
05:10 est par exemple un exemple assez fabuleux de même que la question de la pénibilité
05:14 sur laquelle on peut revenir si vous le voulez.
05:17 Mais justement à propos de l'index senior, l'exécutif aura beau jeu finalement de dire que
05:22 voilà c'est une sorte de conjonction des oppositions,
05:26 de conjonction de circonstances qui empêche de mettre en place
05:30 un index qui aurait été favorable aux travailleurs seniors.
05:34 Alors est-ce qu'en quelques arguments, tu peux dire en quoi, disons,
05:41 cet index senior qui a été retoqué justement par les députés était dès le commencement
05:46 quelque chose d'inapplicable ou en tout cas de compliqué à appliquer ?
05:51 Oui tout à fait, on peut par analogie prendre l'exemple de l'index Egalité Femmes Hommes
05:56 qui existe depuis 2019.
05:58 Il existe depuis 2019, qui décide de l'index ?
06:01 Qui décide le nombre de points de l'index ?
06:03 C'est l'employeur lui-même qui va définir s'il a un bon index ou un mauvais index.
06:08 Et puis depuis 2019 sur l'index Egalité Femmes Hommes,
06:12 on a que 32 pénalités seulement de prise par le ministère du Travail.
06:17 Ça veut donc dire dans notre pays, s'il n'y a que 32 pénalités,
06:20 que l'égalité femmes hommes est quasiment réalisée.
06:23 Or aujourd'hui on a 22% d'écart de rémunération entre les femmes et les hommes.
06:27 Tout ça c'est de la poudre aux yeux, c'est-à-dire que l'index senior,
06:31 le patronat n'en veut pas et puis d'abord c'est à quel âge un senior là-dessus ?
06:34 Le gouvernement ne répond pas.
06:36 Et ensuite, quelles sont les sanctions ?
06:38 Qui va pouvoir les mettre en œuvre ?
06:39 Quel va être le montant et les entreprises qui sont concernées ?
06:43 En fait, le gouvernement a agité un kimic sur cette question de l'index senior
06:49 sans rentrer dans la mécanique de l'index.
06:51 Et lorsqu'on regarde techniquement, comme je l'ai démontré en 2-3 arguments
06:55 sur l'égalité femmes hommes,
06:57 on se rend compte que la mécanique de ces index
07:00 est une mécanique qui présuppose le fait que l'employeur
07:03 va appliquer de façon automatique des règles contraignantes pour lui.
07:08 Évidemment non, ce n'est pas ce qui va se passer.
07:10 Et cet index aurait été de la poudre aux yeux.
07:13 Et évidemment il est très bien qu'il n'ait pas été mis en œuvre.
07:18 Et par ailleurs, il reste en France, tu le sais,
07:20 moins de 1 800 inspecteurs et inspectrices du travail
07:23 pour appliquer l'ensemble de la réglementation du travail.
07:26 C'est dire si en fait dans la réalité cet index
07:29 aurait été très peu contrôlé et vérifié.
07:33 Alors en dehors de ces dossiers, il y en a également un nouveau peut-être,
07:37 le nouvel argument d'Olivier Dussopt évoqué aujourd'hui sur France Inter.
07:42 Répondant à un auditeur qui lui dit que son corps ne tient plus au travail,
07:46 il répond par les dispositifs de pénibilité et de reconversion qui existeraient déjà.
07:51 Il y a plusieurs aspects dans cette question.
07:53 Et notamment un des aspects les plus forts dépasse largement le cadre des retraites.
07:57 C'est la capacité que nous avons les uns les autres
08:00 à trouver du sens et du plaisir dans le travail que l'on occupe.
08:03 Et ça renvoie à des questions sur les conditions de travail
08:06 beaucoup plus larges que la réforme des retraites.
08:08 Ça renvoie à deux choses pour faire le lien avec le texte que je porte.
08:11 Le premier c'est les questions de pénibilité et les questions de reconversion.
08:14 Parce qu'il faut lier les deux.
08:15 Dans le cadre de la modernisation du compte professionnel de prévention,
08:18 le CEP, pour les métiers les plus pénibles,
08:21 nous créons la possibilité d'un congé de reconversion pour vraiment
08:24 pouvoir changer de métier et pouvoir se réorienter.
08:26 Et je pense que cette possibilité de reconversion doit être ouverte plus largement.
08:29 Parce que changer de métier,
08:31 pouvoir avoir un autre avenir permet aussi de durer plus longtemps.
08:34 Puis il y a un autre aspect,
08:35 parce que monsieur a 62 ans et je ne connais pas sa situation,
08:39 nous allons très largement faciliter
08:42 pour le secteur privé et ouvrir le droit au secteur public
08:45 à la retraite progressive, ce qui est une façon
08:47 de lever le pied, de décélérer en passant un temps partiel,
08:50 un temps partiel payé par l'employeur
08:52 et le reste du temps payé par la caisse de retraite,
08:54 tout en continuant à valider des trimestres,
08:55 c'est aussi une manière d'accompagner la fin de carrière.
08:57 - Et sur Twitter, tu remets en cause ce récit qui est un peu enchanté, on va dire.
09:03 - Oui, alors c'est plus qu'enchanté, c'est même totalement surréaliste.
09:07 Aujourd'hui, on a, et c'est la Dares,
09:10 c'est le service d'études statistiques du ministère du Travail,
09:12 qui nous dit que plus de 15 millions, 13 millions de salariés
09:16 sont soumis à au moins un facteur de pénibilité.
09:19 D'abord, ces facteurs de pénibilité, ils étaient 10,
09:22 et en 2017, Emmanuel Macron en a supprimé 4,
09:24 dont le port de charges lourdes, les vibrations mécaniques
09:28 auxquelles étaient exposés les salariés.
09:29 On aurait donc en France 13,5 millions de salariés exposés à au moins un facteur,
09:34 et tu sais combien on a de salariés qui, chaque année,
09:37 partent avec le dispositif du compte de pénibilité,
09:41 qui s'appelle le C2P, eh bien il y en a moins de 4 000.
09:44 Ça veut dire que 13,5 millions de salariés exposés,
09:47 4 000 qui bénéficient du dispositif,
09:50 c'est 0,03 % des salariés exposés.
09:54 C'est ça la réalité du dispositif de pénibilité.
09:57 Ça n'a jamais fonctionné.
09:58 C'était censé compenser le passage en 2010
10:01 de 60 ans à 62 ans de l'âge de la retraite.
10:04 La retraite, elle est restée à 62 ans.
10:06 Par contre, la pénibilité, personne ne l'a vu passer.
10:08 Et rêver un monde où le sens du travail serait redécouvert
10:13 sur une chaîne de production ou dans un atelier de confection,
10:16 où sont exploitées des travailleuses,
10:18 c'est tout simplement se moquer du monde.
10:20 Moi, je le pense sincèrement,
10:22 je le dis en tant que responsable syndical au ministère du Travail,
10:25 si M. Dussopt veut discuter de conditions de travail,
10:28 puisque c'est ce qu'il avance,
10:30 eh bien il fallait une loi sur les conditions de travail.
10:32 Il fallait une loi pour restaurer les CHSCT,
10:34 les comités d'hygiène dans les entreprises.
10:36 Il fallait une loi pour doubler les effectifs de l'inspection du travail.
10:39 Il fallait une loi pour reconnaître au tableau des maladies professionnelles
10:42 le burn-out et l'épuisement professionnel.
10:44 Il fallait une loi pour reconnaître les 50 à 80 000 maladies professionnelles annuelles,
10:49 pour combattre les 690 000 accidents du travail,
10:52 les près de 2 000 morts du travail au travail en France chaque année.
10:57 Dans notre pays, quand on ajoute les accidents de travail,
11:00 les accidents de trajet, les suicides au travail par exemple.
11:03 C'est ça, effectivement, qui serait l'urgence
11:05 pour commencer à redonner du sens au travail.
11:08 Et malheureusement, on en est très loin,
11:10 puisque la seule mesure qui est proposée,
11:12 c'est celle de la réforme des retraites,
11:13 avec notamment le passage de l'âge légal de la retraite à 64 ans,
11:17 et qu'on combat évidemment syndicalement.
11:19 – Merci beaucoup, Anthony, pour cette intervention
11:22 qui t'a valu, disons, beaucoup de difficultés, on le sait.
11:27 Alors merci beaucoup et bon courage pour la suite.
11:30 – Merci à vous, au revoir, le Média, merci.
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